LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 septembre 2020
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 467 F-D
Pourvoi n° P 18-26.143
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 SEPTEMBRE 2020
La société Ekora conseils audit expertise, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 18-26.143 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. M... Y..., domicilié [...] , pris en qualité de mandataire judiciaire de la société Ekora conseils audit expertise,
2°/ à la société AJ UP, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. C..., en qualité d'administrateur judiciaire de la société Ekora conseils audit expertise,
3°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhônes-Alpes, dont le siège est [...] ,
4°/ au conseil régional de l'ordre des experts-comptables Rhône-Alpes, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Ekora conseils audit expertise, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Rhônes-Alpes, après débats en l'audience publique du 16 juin 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 25 octobre 2018), la société Ekora conseils audit expertise (la société Ekora), exerçant une activité d'expert-comptable et commissaire aux comptes, a été mise en redressement judiciaire le 10 juillet 2018, sur assignation de l'URSSAF Rhône-Alpes, invoquant des cotisations impayées.
Examen du moyen unique
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa , du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. La société Ekora fait grief à l'arrêt d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à son égard alors « que la charge de la preuve de l'état de cessation des paiements incombe à celui qui demande l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en confirmant le jugement entrepris au motif que "dès lors, la société Ekora Conseils Audit Expertise ne justifie pas qu'elle est en mesure de faire face avec son actif disponible à son passif exigible et notamment au remboursement du solde de la créance de l'URSSAF, déduction faite de l'indemnité de procédure qui lui a été allouée par l'ordonnance du 13 août 2018", la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil et L. 631-1 du code de commerce ».
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 631-1 du code de commerce :
4. La charge de prouver que le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible incombe au créancier qui demande l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard.
5. Pour retenir l'état de cessation des paiements de la société Ekora, l'arrêt relève que l'URSSAF justifie d'une créance certaine, liquide et exigible s'élevant à 11 281,50 euros au 2 août 2018, tandis que la société Ekora ne produit pas de compte de résultat mais seulement une balance générale pour l'exercice au 31 décembre 2017 portant un autre nom que le sien, et qu'elle ne produit pas non plus de bilan ni de projet de bilan, ni aucune situation comptable, mais seulement un récapitulatif 2018 des encaissements, de sorte qu'elle ne justifie pas des résultats bénéficiaires qu'elle invoque pour les années 2015 à 2017, lesquels ne suffiraient pas, de plus, à caractériser à eux seuls la possibilité de solder la dette de l'URSSAF. Il retient encore que l'examen des pièces produites par la société débitrice révèle un compte bancaire très largement débiteur entre le 31 juillet 2017 et jusqu'au 31 mai 2018, ce qui a conduit à des rejets de prélèvements et à une absence de fonds lors de la saisie-attribution vainement pratiquée par l'URSSAF, que si un courriel de l'administrateur judiciaire a confirmé l'existence, au 30 mai 2018, d'une trésorerie de 14 400 euros le solde créditeur du compte de la société s'élève, au 31 août 2018, à 4 501,8 euros seulement et qu'il a enregistré ultérieurement un débit de 4 520,65 euros et un crédit de 32 euros. Il relève que la société Ekora a obtenu de son bailleur la possibilité de solder sa dette de loyer de façon échelonnée et qu'elle a procédé à des ordres de virement auprès des sociétés ASP et Orange. L'arrêt en déduit que la société débitrice ne justifie pas être en mesure de faire face avec son actif disponible à son passif exigible et notamment au remboursement du solde de la créance de l'URSSAF déduction faite de l'indemnité de procédure qui lui a été allouée par ordonnance du 13 aoû 2018.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte la pièce n° 5 figurant dans le dossier remis par le conseil de M. Y..., en qualité de mandataire judiciaire, et de la société AJ UP, en qualité d'administrateur judiciaire, de la société Ekora conseils audit expertise, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne l'URSSAF Rhône-Alpes aux dépens ;
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Ekora conseils audit expertise
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sarl Ekora Conseils Audit Expertise ;
AUX MOTIFS QUE « même si dans un mail du 30 août 2018, l'administrateur judiciaire a confirmé l'existence à cette date d'une trésorerie de 14 400 euros, force est de constater que le compte de la Sarl, qui présentait au 31 juillet 2018 un solde créditeur de 7 339,49 euros, a ensuite notamment enregistré au crédit le 6 août 2018 un virement de 10 000 euros, mais au débit le 23 août 2018 un virement de 9 800 euros, de sorte que le solde créditeur de ce compte au 31 août 2018 est de 4 501,83 euros seulement ;
Que, toujours selon la pièce 35, le compte de la Sarl a encore enregistré le 1er et le 29 septembre 2018 des débits pour 4 520,65 euros et seulement 32 euros de crédit ;
Que la société Ekora Conseils Audit Expertise indique avoir obtenu du bailleur de Goncelin (SCI TNA La Chandelière), suite à la restitution le 28 septembre 2018 du local loué, la possibilité de solder sa dette locative, d'un montant de 15 000 euros selon l'accord intervenu entre eux (pièce 19), par la remise de quatre chèques, à savoir le premier n° 121 en date du 28 septembre 2018 d'un montant de 3 900 euros et trois chèques d'un montant de 3 700 euros chacun n° 122, 123 et 124 aux 5 octobre, 5 novembre et 5 décembre 2018 ;
Que l'appelante a aussi établi des ordres de virements le 2 octobre 2018 d'un montant de 1 114 euros au profit de ASP et de 2 802 euros au profit de Orange (sa pièce 32) ;
Que, dès lors, la société Ekora Conseils Audit Expertise ne justifie pas qu'elle est en mesure de faire face avec son actif disponible à son passif exigible et notamment au remboursement du solde de la créance de l'URSSAF, déduction faite de l'indemnité de procédure qui lui a été allouée par l'ordonnance du 13 août 2018 » ;
1°/ ALORS QUE des motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ; qu'en énonçant que « le compte de la Sarl, qui présentait au 31 juillet 2018 un solde créditeur de 7 339,49 euros, a ensuite notamment enregistré au crédit le 6 août 2018 un virement de 10 000 euros, mais au débit le 23 août 2018 un virement de 9 800 euros, de sorte que le solde créditeur de ce compte au 31 août 2018 est de 4 501,83 euros seulement », cependant que les mouvements relatés aboutissaient à (7 339,40 + 10 000 - 9 800) un solde de 7 539,40 euros et non de « 4 501,83 euros seulement », la cour d'appel a entaché sa décision de motifs inintelligibles, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QU'EN OUTRE, en affirmant que « le solde créditeur de ce compte au 31 août 2018 est de 4 501,33 euros seulement », après avoir constaté que « dans un mail du 30 août 2018, l'administrateur judiciaire a confirmé l'existence à cette date d'une trésorerie de 14 400 euros », et sans relever aucun débit entre le 30 et le 31 août 2018, la cour d'appel a encore plus rendu sa motivation inintelligible, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE la charge de la preuve de l'état de cessation des paiements incombe à celui qui demande l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en confirmant le jugement entrepris au motif que « dès lors, la société Ekora Conseils Audit Expertise ne justifie pas qu'elle est en mesure de faire face avec son actif disponible à son passif exigible et notamment au remboursement du solde de la créance de l'URSSAF, déduction faite de l'indemnité de procédure qui lui a été allouée par l'ordonnance du 13 août 2018 », la cour d'appel a violé les articles 1353 du Code civil et L. 631-1 du Code de commerce.