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17/09/2020 | FRANCE | N°19-11607

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 septembre 2020, 19-11607


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 septembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 566 F-D

Pourvoi n° J 19-11.607

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020

La société Promod, dont le siège est [...] , a formé le pourv

oi n° J 19-11.607 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme C...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 septembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 566 F-D

Pourvoi n° J 19-11.607

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020

La société Promod, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 19-11.607 contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme C... O..., domiciliée [...] ,

2°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble, [...] , dont le siège est [...] , représenté par son syndic la société Logessim-Sogetra, dont siège est [...] ,

3°/ à la société MATMUT, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société d'exploitation des établissements [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est société [...] [...],

5°/ à la société Allianz IARD, dont le siège est [...] ,

6°/ à la société Groupama, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits et obligations de la société Gan assurances,

7°/ à la société Zurich Insurance PLC, dont le siège est [...] , (Irlande), dont le principal établissement en France est sis [...] ,

8°/ à la société Gan assurances, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Promod, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme O... et de la société MATMUT, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] , de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société d'exploitation des établissements [...] et de la société Allianz IARD, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il y a lieu de donner acte à la société Promod du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Zurich insurance PLC.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 4 décembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 16 décembre 2017, pourvoi n° 16-24.305), la société Promod a constaté l'affaissement d'un faux plafond dans les locaux d'un magasin qu'elle exploite et dont elle est devenue propriétaire.

3. Elle a, après expertise, assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] (le syndicat des copropriétaires), son assureur, la société Groupama, Mme O..., propriétaire de l'appartement situé au-dessus du magasin, son assureur, la société MATMUT, la société [...], qui avait réalisé des travaux dans l'appartement de Mme O..., et son assureur, la société Allianz, en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa septième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première à sixième et huitième branches

Enoncé du moyen

5. La société Promod fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 22 861 euros le montant de la condamnation prononcée à son profit au titre du préjudice complémentaire, alors :

« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, dans son rapport d'expertise judiciaire du 8 mars 2006, l'expert M... avait rappelé qu'il avait notamment été désigné pour « donner mon avis sur les préjudices allégués et chiffrés par les parties », avant de conclure, sur le préjudice d'exploitation invoqué par la société Promod du fait de la fermeture du magasin depuis le sinistre : « l'expert donne un avis favorable sur le principe de calcul du préjudice sur le montant mensuel du chiffre d'affaires multiplié par le nombre de mois correspondant, depuis mars 2005 à la date de fin des travaux de reprise de structure » ; qu'en affirmant que la société Promod ne pouvait se prévaloir du rapport d'expertise judiciaire au soutien de sa demande d'indemnisation du préjudice d'exploitation consécutif à la fermeture du magasin, dans la mesure où l'expert judiciaire avait été missionné pour donner son avis sur les causes et l'étendue des désordres ainsi que les responsabilités encourues et ne s'était prononcé favorablement sur ce préjudice qu'après avoir été saisi tardivement d'un dire sur ce point, quand il résultait clairement du rapport que c'était en exécutant la mission pour laquelle il avait été commis que l'expert judiciaire avait conclu que le préjudice d'exploitation de la société Promod était établi en son principe, seul le montant restant à déterminer, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes, a violé l'article 1134, devenu 1192 du code civil ;

2°/ que tout jugement doit être motivé, l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivalant à leur absence ; qu'en l'espèce, la société Promod faisait valoir qu'à la suite de la cassation, au visa de l'article 16 du code de procédure civile, de l'arrêt du 7 juillet 2016 ayant fait droit à sa demande d'indemnisation de son préjudice d'exploitation complémentaire de 162 128 euros en se fondant exclusivement sur le rapport d'expertise comptable non contradictoire du cabinet A... G... et associés du 7 juillet 2006, elle produisait « aux débats l'ensemble des pièces (pièces n° 19 à [48]) sur la base desquelles ont été établis le rapport DB et A (pièce n° 9) et l'attestation KPMG (pièce n° 10) » afin d'en corroborer la teneur par des éléments extrinsèques ; qu'en affirmant d'un côté que la société Promod ne pouvait ainsi renvoyer à des pièces insuffisamment désignées pour que ses adversaires puissent s'en expliquer, tout en constatant, d'un autre côté, que ces pièces correspondaient aux courriels et aux pièces comptables ayant servi à la société A... G... et associés pour établir, en juillet 2006, le rapport d'expertise non contradictoire détaillant le calcul de l'indemnité pertes d'exploitation pour la période de douze mois couverte par la garantie, ce dont il résultait que ces pièces étaient clairement identifiées et propres à corroborer la teneur de ce rapport d'expertise, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en se bornant à affirmer, pour dénier toute force probante aux documents comptables produits par la société Promod pour corroborer le rapport d'expertise non contradictoire du 7 juillet 2006, que les importantes interrogations et incertitudes formulées par l'expert de l'assureur le 10 janvier 2006 n'avaient pas été levées, sans rechercher si tel était encore le cas lors du dépôt du rapport dans lequel l'expert a donné un avis favorable, ce dont il résulte qu'il n'avait plus aucun doute sur les documents transmis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu, 1240 du code civil ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans analyser, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Promod faisaient valoir que l'existence d'un lien de causalité entre le sinistre et le préjudice d'exploitation invoqué se trouvait établi par le rapport du bureau de contrôle Socotec et par le rapport d'expertise judiciaire attestant de la fermeture du magasin en raison d'un « risque d'effondrement du plafond sur l'ensemble de la boutique » à compter du mois de mars 2005 jusqu'à la fin des travaux de confortement ; qu'à ce titre, elle produisait en outre aux débats, les factures des travaux de « confortement du plancher haut du rez-de-chaussée » et de « traitement curatif des bois » concernant les solives infestées de xylophages ayant causé l'affaissement du plancher dont il résultait clairement que les travaux de structure n'ont pas été achevés avant le mois de juin 2006 ; qu'en affirmant que le syndicat des copropriétaires faisait valoir à juste titre que les documents comptables produits par la société Promod n'établissaient en rien un lien de causalité entre les résultats présentés et le sinistre en cause sans examiner, même sommairement, les pièces du dossier dont il résultait clairement que le magasin de la société Promod avait été fermé pendant un an et trois mois à la suite du sinistre et que, par suite, les résultats d'exploitation antérieurs à ce sinistre devaient être pris en compte pour le calcul de l'indemnité due au titre de la perte d'exploitation dès lors qu'ils n'ont pu être réalisés durant cette période en l'absence de toute activité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en se bornant ensuite à énoncer, pour rejeter la demande d'indemnité au titre des pertes d'exploitation, que le syndicat des copropriétaires faisait valoir qu'il n'a commis aucune négligence quant à l'exécution des travaux de confortation et que le retard pris pour leur réalisation a pour cause la nécessité de maintenir les lieux en l'état afin de permettre le déroulement des opérations d'expertise, quand ces considérations étaient inopérantes dès lors qu'il avait été condamné in solidum à réparer les conséquences dommageables du sinistre par un chef de l'arrêt du 7 juillet 2016 devenu définitif, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

6°/ qu'en énonçant par ailleurs, pour rejeter la demande d'indemnité au titre des pertes d'exploitation, que le syndicat des copropriétaires faisait état d'une incertitude relative à la prise en compte des travaux de réaménagement que la société Promod avait d'ores et déjà décidé de réaliser, indépendamment de tout sinistre, sans se prononcer elle-même sur le bienfondé de cette allégation et sans dire en quoi la société Promod aurait succombé à la charge de la preuve, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

7 °/ qu'en toute hypothèse, que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans analyser, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande d'indemnisation des frais et dépenses concernant les travaux de structure du plancher, la société Promod indiquait au bordereau de production qu'elle produisait, en pièces n° 8, des « justificatifs sur les travaux entrepris par Promod pour le compte de la copropriété », correspondant aux devis et factures attestant de sa prise en charge des frais d'architecte, des travaux de confortement du plancher haut du rez-de-chaussée et de traitement curatif du bois contre les xylophages qui étaient préconisés par l'expert judiciaire ; qu'en affirmant, pour rejeter sa demande d'indemnisation des frais et dépenses consécutives à ces travaux, que la société Promod ne justifiait de ce préjudice et n'en explicitait pas le montant, sans analyser, même sommairement, les factures et devis versés à ce titre au dossier par la société Promod dont il résulte clairement qu'ils ont pour objet la réparation des causes du sinistre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur des pièces non spécialement invoquées devant elle ni sur celles qu'elle décidait d'écarter, a retenu, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, sans dénaturer le rapport d'expertise ni se contredire, que la société Promod se montrait défaillante dans la justification du préjudice immatériel et dans la preuve du lieu de causalité entre le dommage et le préjudice constitué par les frais et dépenses exposés à la suite du sinistre.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société Promod fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme nouvelle sa demande d'expertise, alors « que les parties sont recevables à solliciter, pour la première fois à hauteur d'appel, une mesure d'instruction pour justifier du bien-fondé des prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge ; qu'en affirmant, pour déclarer irrecevable la demande d'expertise formée par la société Promod à hauteur d'appel, que cette demande était nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile dès lors qu'elle n'avait qu'une finalité probatoire, quand la mesure d'instruction sollicitée ne constituait pas une prétention nouvelle en ce qu'elle était destinée à établir le bien-fondé des prétentions formulées devant les premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 563 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Ayant soutenu que la demande d'expertise était recevable en appel dès lors qu'était survenu un fait nouveau et qu'elle tendait aux mêmes fins que la demande indemnitaire, la société Promod n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec la thèse qu'elle a développée devant les juges du fond.

10. Le moyen est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Promod aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Promod

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum le syndicat des copropriétaires situé [...] et son assureur, la société Gan Assurances, Mme O... et son assureur, la société Matmut, la société [...] et son assureur, la société Allianz Iard, à payer à la société Promod la seule somme de 22.861 € et d'avoir rejeté le surplus de la demande de la société Promod ;

AUX MOTIFS QUE, pour demander la condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires, de l'entrepreneur et de Mme O... ainsi que de leurs assureurs respectifs au paiement de la somme, d'une part, de 56.323 € et, d'autre part, de celle de 219.151 €, toutes deux assorties d'intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2005, la société Promod reproche au tribunal qui n'a retenu que la responsabilité de Mme O... et de l'entrepreneur d'avoir considéré, en méconnaissance de l'existence d'un lien de causalité, que les travaux litigieux ne concernaient qu'une partie des plafonds (soit : 28 % de la surface totale), alors que son effondrement est directement à l'origine de la fermeture de la totalité de la surface commerciale du fait de la dangerosité des lieux qui en est résulté ; qu'elle précise que, partiellement indemnisée, elle est fondée à poursuivre le paiement de la somme totale de 219.151 € se décomposant en la somme de 22.861 € au titre de la franchise contractuelle, de 162.128 € au titre du préjudice immatériel non pris en charge par son assureur et de 34.162 € au titre des frais et dépenses exposés ; qu'elle oppose aux intimés qui, de leur côté, lui opposent l'absence de caractère contradictoire des pièces qu'elle fournit ainsi que la décision de la Cour de cassation qui a retenu te moyen le fait que l'expert judiciaire commis a émis un avis favorable sur le principe et le calcul de tous ses préjudices ; qu'elle entend étayer sa demande en versant l'ensemble des pièces sur la base desquelles ont été établis le rapport DBetA et l'attestation de la société KPMG, renvoyant la cour à l'examen des "pièces n° 19 à" (sic) ; que, ceci exposé, si la demande en paiement de la somme de 219.151 € a été présentée depuis la première instance, celle portant sur la somme de 56.323 € contenue dans le dispositif des dernières conclusions de la société Promod, sans précision quant à ce qu'elle recouvre, et qui n'a pas fait l'objet d'une réclamation antérieure ne fait pas non plus l'objet de développements dans les motifs des dernières conclusions de la société Promod ; que cette demande méconnaît les prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile selon lequel les conclusions d'appel "doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation" ; qu'aux termes de ce même article, "la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens ait soutien de cette prétention que s'ils sont invoqués dans la discussion " et que tel n'est pas le cas en l'espèce, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer sur ce chef de demande ; que, s'agissant par ailleurs de la demande en paiement de la somme de 219.151 € sur laquelle la Cour de cassation a exercé sa censure au visa de l'article 16 du code de procédure civile, que la société Promod ne peut réclamer paiement de la somme de 162.128 € au titre de son préjudice immatériel en s'appuyant sur les conclusions du rapport d'expertise judiciaire contradictoire établi par Mme V... M..., architecte missionné pour donner son avis sur les causes et l'étendue des désordres ainsi que des responsabilités encourues ; qu'il en ressort, en effet, que cet architecte n'a donné qu'un avis favorable sur le principe du "préjudice de jouissance" mais, tardivement saisie d'un dire en fin de mission, Mme M... précise que "concernant le calcul du chiffre d'affaires du magasin, l'expert ne peut donner d'avis, ce résultat se manifestant par un bilan comptable, bilan dont la spécialité de l'expert n'est pas compétente pour la vérification" (pièce 5 Promod - page 9/13) ; qu'en outre, la société [...] ainsi que son assureur opposent à la société Promod, sans être contredits, la circonstance qu'ils ont sollicité en temps utile l'adjonction d'un sapiteur mais n'ont pas été suivis par la société Promod ; que cette dernière ne peut non plus, comme elle le fait, renvoyer la cour à l'examen des "pièces n° 19 à", insuffisamment désignées pour que ses adversaires puissent utilement s'en expliquer et sans aucune analyse, lesquelles pièces correspondant, qui plus est, pour la plupart à l'échange de correspondances et de documents comptables qui ont servi à M. U... X..., préposé de la société A... G... et Associés, pour établir, en juillet 2006, un détail du calcul de l'indemnité pertes d'exploitation sur la base du contrat d'assurance (stipulant une période de 12 mois) pour un total de 497.377 € HT, déduction faite de la franchise contractuelle (pièce 43) ; qu'à cet égard, il peut être relevé que par mail envoyé le 10 janvier 2006 (pièce Promod n° 28), M. U... X... soulignait déjà les interrogations et incertitudes importantes quant aux documents qui lui avaient été communiqués et que les réponses qui lui ont été apportées sont restées insuffisantes puisqu'il réitérait ses demandes par courriel du 6 mars 2006 (pièce Promod n° 36) ; que le syndicat des copropriétaires fait à juste titre valoir que le tableau de compte d'exploitation et les comptes de résultat que produit la société Promod ne lui permettent pas de justifier du préjudice dont elle poursuit la réparation et, surtout, n'établissent en rien un lien de causalité entre les résultats présentés et le sinistre en cause ; qu'il fait en outre valoir qu'il n'a commis aucune négligence quant à l'exécution des travaux de confortation et que le retard pris pour leur réalisation, a pour cause la nécessité de maintenir les lieux en l'état afin de permettre le déroulement des opérations d'expertise ; qu'il fait encore état de l'incertitude relative à la prise en compte des travaux de réaménagement que la société Promod avait d'ores et déjà décidé de réaliser, indépendamment de tout sinistre ; qu'il y a donc lieu de considérer que la société Promod se montre défaillante dans la justification du préjudice complémentaire dont elle poursuit la réparation à hauteur de la somme de 162.128 € et qu'elle ne met pas ses adversaires à même de lui opposer des moyens de défense pas plus qu'elle ne met la cour en mesure d'en apprécier la pertinence ; qu'elle sera, par conséquent, déboutée de sa réclamation à ce titre ; (
) que, s'agissant enfin des frais et dépenses exposés à la suite du sinistre pour un montant de 34.162 €, force est de considérer que la société Promod n'explicite pas ce montant dans ses conclusions pas plus qu'elle ne justifie, en dépit de la contestation de ses adversaires, que le préjudice dont elle fait état ait pour cause le dommage ; que, sur cet autre point, elle se montre défaillante dans l'administration de la preuve et ne permet pas à la cour de faire droit à sa demande ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Promod ne peut prétendre qu'au paiement de la somme de 22.861 € dont la charge sera répartie comme il est dit dans l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bourges en des dispositions non censurées par la Cour de cassation ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, dans son rapport d'expertise judiciaire du 8 mars 2006, l'expert M... avait rappelé qu'il avait notamment été désigné pour « donner mon avis sur les préjudices allégués et chiffrés par les parties » (p. 3), avant de conclure, sur le préjudice d'exploitation invoqué par la société Promod du fait de la fermeture du magasin depuis le sinistre : « l'expert donne un avis favorable sur le principe de calcul du préjudice sur le montant mensuel du chiffre d'affaires multiplié par le nombre de mois correspondant, depuis mars 2005 à la date de fin des travaux de reprise de structure » (p. 11 in fine) ; qu'en affirmant que la société Promod ne pouvait se prévaloir du rapport d'expertise judiciaire au soutien de sa demande d'indemnisation du préjudice d'exploitation consécutif à la fermeture du magasin, dans la mesure où l'expert judiciaire avait été missionné pour donner son avis sur les causes et l'étendue des désordres ainsi que les responsabilités encourues et ne s'était prononcé favorablement sur ce préjudice qu'après avoir été saisi tardivement d'un dire sur ce point, quand il résultait clairement du rapport que c'était en exécutant la mission pour laquelle il avait été commis que l'expert judiciaire avait conclu que le préjudice d'exploitation de la société Promod était établi en son principe, seul le montant restant à déterminer, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes, a violé l'article 1134, devenu 1192 du code civil ;

2°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé, l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivalant à leur absence ; qu'en l'espèce, la société Promod faisait valoir qu'à la suite de la cassation, au visa de l'article 16 du code de procédure civile, de l'arrêt du 7 juillet 2016 ayant fait droit à sa demande d'indemnisation de son préjudice d'exploitation complémentaire de 162.128 € en se fondant exclusivement sur le rapport d'expertise comptable non contradictoire du cabinet A... G... et associés du 7 juillet 2006, elle produisait « aux débats l'ensemble des pièces (pièces n° 19 à [48]) sur la base desquelles ont été établis le rapport DB et A (pièce n° 9) et l'attestation KPMG (pièce n° 10) » (concl. p. 16 §1 et s.) afin d'en corroborer la teneur par des éléments extrinsèques ; qu'en affirmant d'un côté que la société Promod ne pouvait ainsi renvoyer à des pièces insuffisamment désignées pour que ses adversaires puissent s'en expliquer, tout en constatant, d'un autre côté, que ces pièces correspondaient aux courriels et aux pièces comptables ayant servi à la société A... G... et associés pour établir, en juillet 2006, le rapport d'expertise non contradictoire détaillant le calcul de l'indemnité pertes d'exploitation pour la période de douze mois couverte par la garantie, ce dont il résultait que ces pièces étaient clairement identifiées et propres à corroborer la teneur de ce rapport d'expertise, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour dénier toute force probante aux documents comptables produits par la société Promod pour corroborer le rapport d'expertise non contradictoire du 7 juillet 2006, que les importantes interrogations et incertitudes formulées par l'expert de l'assureur le 10 janvier 2006 n'avaient pas été levées, sans rechercher si tel était encore le cas lors du dépôt du rapport dans lequel l'expert a donné un avis favorable, ce dont il résulte qu'il n'avait plus aucun doute sur les documents transmis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu, 1240 du code civil ;

4°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans analyser, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Promod faisaient valoir que l'existence d'un lien de causalité entre le sinistre et le préjudice d'exploitation invoqué se trouvait établi par le rapport du bureau de contrôle Socotec (pièce n° 13) et par le rapport d'expertise judiciaire (pièce n° 5) attestant de la fermeture du magasin en raison d'un « risque d'effondrement du plafond sur l'ensemble de la boutique » (pièce n° 13, p. 2) à compter du mois de mars 2005 jusqu'à la fin des travaux de confortement (concl. p. 15) ; qu'à ce titre, elle produisait en outre aux débats, les factures des travaux de « confortement du plancher haut du rez-de-chaussée » et de « traitement curatif des bois » concernant les solives infestées de xylophages ayant causé l'affaissement du plancher (pièces n° 8) dont il résultait clairement que les travaux de structure n'ont pas été achevés avant le mois de juin 2006 ; qu'en affirmant que le syndicat des copropriétaires faisait valoir à juste titre que les documents comptables produits par la société Promod n'établissaient en rien un lien de causalité entre les résultats présentés et le sinistre en cause sans examiner, même sommairement, les pièces du dossier dont il résultait clairement que le magasin de la société Promod avait été fermé pendant un an et trois mois à la suite du sinistre et que, par suite, les résultats d'exploitation antérieurs à ce sinistre devaient être pris en compte pour le calcul de l'indemnité due au titre de la perte d'exploitation dès lors qu'ils n'ont pu être réalisés durant cette période en l'absence de toute activité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU'en se bornant ensuite à énoncer, pour rejeter la demande d'indemnité au titre des pertes d'exploitation, que le syndicat des copropriétaires faisait valoir qu'il n'a commis aucune négligence quant à l'exécution des travaux de confortation et que le retard pris pour leur réalisation a pour cause la nécessité de maintenir les lieux en l'état afin de permettre le déroulement des opérations d'expertise, quand ces considérations étaient inopérantes dès lors qu'il avait été condamné in solidum à réparer les conséquences dommageables du sinistre par un chef de l'arrêt du 7 juillet 2016 devenu définitif, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

6°) ALORS QU'en énonçant par ailleurs, pour rejeter la demande d'indemnité au titre des pertes d'exploitation, que le syndicat des copropriétaires faisait état d'une incertitude relative à la prise en compte des travaux de réaménagement que la société Promod avait d'ores et déjà décidé de réaliser, indépendamment de tout sinistre, sans se prononcer elle-même sur le bien fondé de cette allégation et sans dire en quoi la société Promod aurait succombé à la charge de la preuve, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

7°) ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le syndicat des copropriétaires avait expressément reconnu que, d'une part, la société Promod avait effectivement pris en charge les frais de réparation des causes du sinistre et, d'autre part, qu'elle produisait aux débats les factures en attestant (concl. p. 14 §2 et 3), faits qui n'étaient pas contestés par les autres parties ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande d'indemnisation des dépenses et frais consécutifs à ces travaux, que la société Promod ne justifiait pas, en dépit des contestation de ses adversaires, que le préjudice dont elle faisait ainsi état ait pour cause le sinistre, quand le syndicat des copropriétaires a clairement dit le contraire, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

8°) ALORS, en toute hypothèse, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans analyser, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande d'indemnisation des frais et dépenses concernant les travaux de structure du plancher, la société Promod indiquait au bordereau de production qu'elle produisait, en pièces n° 8, des « justificatifs sur les travaux entrepris par Promod pour le compte de la copropriété », correspondant aux devis et factures attestant de sa prise en charge des frais d'architecte, des travaux de confortement du plancher haut du rez-de-chaussée et de traitement curatif du bois contre les xylophages (pièces n° 8) qui étaient préconisés par l'expert judiciaire (pièce n° 5 p. 1) ; qu'en affirmant, pour rejeter sa demande d'indemnisation des frais et dépenses consécutives à ces travaux, que la société Promod ne justifiait de ce préjudice et n'en explicitait pas le montant, sans analyser, même sommairement, les factures et devis versés à ce titre au dossier par la société Promod dont il résulte clairement qu'ils ont pour objet la réparation des causes du sinistre, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme nouvelle la demande d'expertise de la société Promod ;

AUX MOTIFS QU'évoquant l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état qui a jugé qu'était irrecevable comme nouvelle sa demande tendant à obtenir le prononcé d'une mesure d'instruction aux fins de fournir tous éléments permettant de déterminer son préjudice immatériel, la société Promod reprend cette demande dans l'hypothèse où la cour jugerait qu'il est insuffisamment étayé, comme le font valoir ses adversaires ; que, sans préciser son fondement juridique, elle soutient que l'arrêt rendu par la Cour de cassation, formulant une exigence nouvelle, est assimilable à un fait nouveau qui "impacte" son action indemnitaire, estimant que "le procès vit, les faits et les intérêts peuvent évoluer et il est indispensable que la (présente) cour en tienne compte" ; que doit primer, selon elle, un principe d'efficacité et de justice et la cour de renvoi ne peut statuer dans des conditions similaires à celles de la cour d'appel de Bourges, sauf à s'exposer à un nouveau pourvoi appelé à prospérer ; qu'elle ajoute que sa demande tend aux mêmes fins que sa demande indemnitaire ; que, ceci étant exposé, il est constant que la notion d'évolution du litige est étrangère à la recevabilité des demandes nouvelles formées en appel contre une personne qui était déjà partie devant le tribunal, ainsi que cela résulte de la doctrine de la Cour de cassation (notamment Cass civ 3e, 10 janvier 2001, pourvoi n° 99-11374) comme il ne peut être contesté que nul ne peut se prévaloir d'un droit acquis à une jurisprudence figée (Cass civ 1er, 09 octobre 2001, n° pourvoi: 00-14564), étant au surplus ajouté que le principe selon lequel le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise établie de manière non contradictoire a été posé par un arrêt rendu par la chambre mixte de la Cour de cassation dès le 28 septembre 2012 ; que la société Promod ne peut donc se prévaloir d'une exception au principe de prohibition des demandes nouvelles en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; que la demanderesse à la saisine ne peut davantage soutenir que cette demande, dont il n'est pas contesté qu'elle est présentée pour la première fois, au terme de plus de dix années de procédure, devant la présente cour tend aux mêmes fins que la demande indemnitaire soumise aux premiers juges et laisser entendre qu'en application de l'article 565 du même code, elle ne peut être tenue pour nouvelle dès lors que celle-ci n'a qu'une finalité probatoire se présentant, qui plus est, comme destinée à pallier une carence dans l'administration de la preuve ; qu'il sera, par conséquent, fait droit à l'exception de nouveauté soulevée par les défendeurs à la saisine qui se prévalent, en particulier, de la doctrine de la Cour de cassation relative à la nouveauté d'une demande d'expertise (Cass civ.3e, 16 juin 2016, pourvoi n° 15-1644) ;

ALORS QUE les parties sont recevables à solliciter, pour la première fois à hauteur d'appel, une mesure d'instruction pour justifier du bien-fondé des prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge ; qu'en affirmant, pour déclarer irrecevable la demande d'expertise formée par la société Promod à hauteur d'appel, que cette demande était nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile dès lors qu'elle n'avait qu'une finalité probatoire, quand la mesure d'instruction sollicitée ne constituait pas une prétention nouvelle en ce qu'elle était destinée à établir le bien-fondé des prétentions formulées devant les premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 563 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-11607
Date de la décision : 17/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 04 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 sep. 2020, pourvoi n°19-11607


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Didier et Pinet, SCP Marc Lévis, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11607
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