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09/09/2020 | FRANCE | N°19-16882

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 septembre 2020, 19-16882


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 440 F-D

Pourvoi n° T 19-16.882

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

Mme S... D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi

n° T 19-16.882 contre l'arrêt rendu le 14 février 2019 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. J... C....

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Cassation partielle

Mme BATUT, président

Arrêt n° 440 F-D

Pourvoi n° T 19-16.882

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

Mme S... D..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° T 19-16.882 contre l'arrêt rendu le 14 février 2019 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. J... C..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme D..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. C..., et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 14 février 2019), M. C... et Mme D... ont entretenu une relation amoureuse durant laquelle le premier a viré la somme de 109 162,38 euros sur un compte bancaire ouvert au nom de la seconde, et sur lequel il disposait d'une procuration. Après leur séparation, M. C..., invoquant l'existence d'un contrat de dépôt, a assigné Mme D... en restitution de cette somme.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme D... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. C..., alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, pour condamner Mme D... à payer à M. C... la somme de 109 162,38 euros, le moyen tiré de l'enrichissement sans cause, qui n'était invoqué, ni en demande ni en défense, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

3. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

4. Pour accueillir la demande de M. C..., après avoir écarté l'existence d'un contrat de dépôt, l'arrêt retient que la cause du virement qu'il a effectué n'est pas établie et que ce virement, l'ayant appauvri, a corrélativement enrichi sans cause Mme D.... Il en déduit qu'il y a lieu de requalifier les faits et d'appliquer les dispositions relatives à l'enrichissement sans cause.

5. En statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur le moyen relevé d'office et tiré de l'enrichissement sans cause, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la demande de M. C... recevable, l'arrêt rendu le 14 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz autrement composée ;

Condamne M. C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme D....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme D... à payer à M. C... la somme de 109 162,38 €, outre intérêts au taux légal à compter de la décision ;

AUX MOTIFS QU'Il incombe au demandeur se prévalant d'un contrat de dépôt de prouver ses prétentions conformément à l'article 1353, alinéa 1er du code civil, anciennement article 1315, alinéa 1er de ce code ; QUE sous réserve de l'aveu du dépositaire, le déposant doit prouver l'existence d'un dépôt, c'est-à-dire la remise d'une chose, le titre de la remise, à savoir que cette remise a été effectuée comme dépôt et non à un autre titre, et l'objet du dépôt ; QU'en outre, lorsque la valeur en litige excède 1 500 euros, le dépôt volontaire doit être prouvé par écrit en application de l'article 1341 du code civil, devenu l'article 1359 du même code ; QU'en l'espèce, M. C... ne produit aucun écrit de nature à prouver l'existence d'un contrat de dépôt ; QUE s'il se prévaut de l'impossibilité morale d'établir un tel écrit édictée par l'article 1348 ancien du code civil, il convient de constater, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal, que le seul fait que les parties aient été en relation de concubinage ne peut suffire à démontrer une telle impossibilité morale. La vie commune ne suffit pas, à elle seule, à constituer l'impossibilité morale de se procurer un écrit prouvant le fondement juridique de la remise des fonds ; QU'en l'espèce, eu égard à la brièveté de la relation des parties et à l'exécution du virement dès le début de cette relation, il n'est pas démontré par M. C... qu'il aurait été dans l'impossibilité morale de constituer un écrit, alors même que le virement portait sur la somme de 109 162,38 euros constituant l'intégralité de son épargne ; QU'en outre, contrairement à ce que soutient M. C..., l'ordre de virement ne peut être qualifié de commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 ancien du code civil, dès lors qu'il n'émane pas de Mme D... contre qui l'appelant forme sa demande ; l'avis de crédit du compte du destinataire est uniquement de nature à démontrer la réception des fonds mais ne peut davantage constituer un commencement de preuve par écrit émanant dudit destinataire des fonds quant à l'existence d'un contrat de dépôt. Enfin, les « circonstances particulières du dépôt des fonds sur le compte bancaire » et « son attitude en la cause » invoqués par l'appelant ne sont pas des éléments de preuve complémentaires extrinsèques susceptibles de compléter un quelconque commencement de preuve par écrit ; QUE dès lors, en l'absence de preuve écrite et de tout élément de nature à constituer un commencement de preuve par écrit ayant force probante, la qualification d'un contrat de dépôt ne peut être retenue. Il ne peut être fait droit à la demande de M. C... sur ce fondement ;

QUE cependant, l'existence du virement de la somme de 109 162,3 euros du compte de M. C... à celui de Mme D..., tel qu'il résulte de la lecture combinée de l'ordre de virement produit en pièce n° 1 par l'appelant et des avis de débit et crédit produits en pièces n° 7 et 8 par l'appelant, est effectivement établie ; QUE Mme D... reconnaît en outre avoir reçu cette somme sur son compte. L'intimée soutient toutefois que cette somme correspondrait à un don, effectué en contrepartie des sacrifices qu'elle aurait effectués dans le cadre de sa relation avec M. C... ; QUE le virement effectué par le titulaire d'un compte bancaire au profit d'un autre compte ouvert au nom d'un tiers et sur lequel il dispose d'une procuration ne peut constituer la dépossession irrévocable ni la tradition réelle nécessaire à la validité d'un don manuel, le donneur d'ordre restant libre de retirer seul les sommes créditées sur le compte litigieux ; QU'en l'espèce, Mme D... ne conteste pas avoir donné une procuration à M. C... sur son compte bancaire [...], sur lequel ont été virés les fonds litigieux. Il est avéré qu'elle a révoqué cette procuration ultérieurement, ainsi que M. C... en a été informé par courrier de la BNP PARIBAS du 24 février 2012. Aucune limitation de l'étendue des pouvoirs qui avaient été confiés à M. C... sur ce compte bancaire n'est établie ; QUE dès lors, le virement de la somme de 109 162,38 euros sur le compte bancaire de Mme D... sur lequel M. C... détenait, à la date du virement, une procuration, ne peut établir la tradition réelle assurée par une dépossession définitive et irrévocable de celui-ci. Il est à cet égard inopérant que M. C... n'ait procédé à aucun prélèvement de la somme virée jusqu'à révocation de la procuration, l'absence d'utilisation des pouvoirs confiés au mandataire ne caractérisant pas une dépossession définitive et irrévocable ; QUE Mme D... ne rapporte par ailleurs pas la preuve qui lui incombe de l'intention libérale qui aurait animée M. C..., la seule relation de concubinage liant les parties à l'époque du virement et les « sacrifices» que l'intimée aurait effectués au profit de son ancien concubin n'étant pas démontrés. S'il est avéré qu'une rupture conventionnelle est survenue entre Mme D... et son ancien employeur, la SA FREYDIS E. LECLERC, à effet du 7 mai 2011, l'intimée ne démontre pas que cette rupture conventionnelle aurait l'origine alléguée, à savoir une demande de M. C... de venir gérer ses commerces ; QUE l'existence d'un don manuel n'est donc pas davantage établie ;

QU'en application de l'article 12 du code de procédure civile, il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables et donner aux fait qui lui sont soumis la qualification juridique qu'ils comportent. Le juge n'est pas tenu de soumettre la requalification des faits à la discussion des parties, lorsqu'il se borne à donner leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, sans introduire dans le débat aucun élément de fait ou de droit sur lesquels les parties n'auraient pas été à même de s'expliquer contradictoirement ; qu'il est constant et non contesté par les parties que M. C... a effectué en juillet 2011 un virement de 109 162,38 € sur le compte personnel de Mme D... [...] ; QUE l'existence d'un contrat de dépôt relatif à ce virement n'a pas été établie. Mme D... n'a, quant à elle, pas démontré l'existence d'une intention libérale ni d'une quelconque autre cause de ce virement ; QU'il résulte donc de ce qui précède que la cause du virement unique du montant de 109 162,38 euros sur son compte personnel n'est pas établie. Il s'ensuit que ce virement a enrichi Mme D... sans cause, appauvrissant corrélativement M. C... de la même somme ; QUE les parties ayant été à même de s'expliquer contradictoirement tant sur l'existence du virement litigieux, non contestée, qui constitue l'appauvrissement de M. C..., d'une part, et l'enrichissement égal de la bénéficiaire, Mme D..., d'autre part, que sur sa cause, non établie, il y a lieu de faire application des dispositions relatives à l'enrichissement sans cause ; QUE le jugement déféré doit par conséquent être intégralement infirmé. Mme D... sera condamnée à rembourser à M. C... la somme de 109 162,38 euros ;

ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, pour condamner Mme D... à payer à M. C... la somme de 109 162,38 €, le moyen tiré de l'enrichissement sans cause, qui n'était invoqué, ni en demande, ni en défense, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-16882
Date de la décision : 09/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 14 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 sep. 2020, pourvoi n°19-16882


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.16882
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