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02/09/2020 | FRANCE | N°18-25031

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 septembre 2020, 18-25031


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 septembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 481 F-D

Pourvoi n° E 18-25.031

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme N... I..., épouse V....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 septembre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 SEPTEMBRE 2020

M. M... V..., domicilié [...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 septembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 481 F-D

Pourvoi n° E 18-25.031

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme N... I..., épouse V....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 septembre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 SEPTEMBRE 2020

M. M... V..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° E 18-25.031 contre l'arrêt rendu le 8 février 2018 par la cour d'appel de Besançon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme N... I..., épouse V..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. V..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme I..., après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 8 février 2018), un jugement a prononcé le divorce de M. V... et de Mme I....

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. M. V... fait grief à l'arrêt de constater que la demande aux fins d'irrecevabilité de la pièce n° 24 annoncée par lui est sans objet, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur l'absence au dossier d'une pièce invoquée par une partie, qui figurait au bordereau des pièces annexé à ses dernières conclusions et dont la communication n'avait pas été contestée, sans inviter les parties à s'en expliquer ; qu'en énonçant que la pièce n° 24 de M. V..., constituée par une notification de sa pension de retraite au 19 décembre 2017, n'avait finalement pas été produite, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de cette pièce, qui figurait au bordereau de communication de pièces produit par M. V..., et dont la communication n'avait pas été contestée dans sa matérialité, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. M. V... ne justifie d'aucun intérêt à la cassation du chef de dispositif qui constate que la demande de l'autre partie, aux fins d'irrecevabilité d'une des pièces qu'il indiquait produire, est sans objet.

4. Le moyen est donc irrecevable.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. M. V... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme I... une prestation compensatoire de 30 000 euros en capital, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant constaté que « le dossier remis à la cour par M. V... ne contient que vingt-trois pièces, sa pièce n° 24, constituée par une notification de sa pension de retraite, n'ayant finalement pas été produite », entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de ce chef de l'arrêt ;

2°/ que, selon l'article 270 du code civil, 2e alinéa, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; qu'il résulte de ce texte que le seul constat de la disparité des situations des époux est insuffisant à fonder le droit à prestation compensatoire, les juges devant nécessairement rechercher si la disparité constatée dans les conditions de vie respectives des époux résulte ou non de la rupture du mariage ; qu'en l'espèce, les époux, qui avaient déjà tous deux contracté une précédente union, se sont mariés en juillet 2007, M. V... étant alors âgé de 50 ans et son épouse de 44 ans, le mariage ayant ainsi « duré neuf ans, dont six ans de vie commune », ce dont il résultait qu'au regard de l'âge des époux au moment du mariage et de la brièveté de la vie commune, l'octroi d'une prestation compensatoire ne pouvait résulter de la seule disparité dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'en se bornant à énoncer que « M. V... dispose d'un patrimoine conséquent, et de revenus bien supérieurs à ceux qu'il reconnaît percevoir, d'où résulte une importante disparité entre époux à la rupture du mariage justifiant, malgré la relative brièveté du mariage, la compensation que le premier juge avait exactement fixée sous forme d'un capital de 30 000 € », sans constater que cette disparité résultait de la rupture du mariage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 270 du code civil ;

3°/ que les juges du fond doivent se placer à la date à laquelle le divorce prend force de chose jugée pour apprécier l'existence du droit de l'un des époux à bénéficier d'une prestation compensatoire et pour en fixer le montant ; qu'après avoir constaté, s'agissant des revenus du mari, « que les données produites les plus récentes font apparaître pour l'année 2016 un revenu professionnel de 19 212 €, soit 1 601 €, outre 4 604 € de revenus fonciers, soit au total 1 984 € par mois », la cour d'appel s'est fondée, pour juger qu'à la date du divorce M. V... doit être regardé comme disposant d'un revenu mensuel d'au moins 4 500 euros, sur la seule circonstance qu'il résultait d'un relevé de son compte bancaire personnel pour la période du 5 décembre 2013 au 5 février 2014, soit pour une période antérieure de plus de trois ans au prononcé du divorce, que celui-ci disposait « de revenus bien supérieurs à ceux qu'il reconnaît percevoir » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance impropre à justifier des revenus du mari au moment du divorce, a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;

4°/ que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que M. V... était en retraite depuis le 1er septembre 2017 ; qu'il avait versé aux débats un relevé de carrière établi par le RSI à la date du 31 mars 2016, qui mentionnait au 2 mai 2016 un montant mensuel estimé à 480,86 euros pour la retraite de base et à 69,89 euros pour le régime vieillesse complémentaire obligatoire, ce dont il pouvait être déduit une baisse significative de ses revenus ; qu'en se bornant à retenir le montant des revenus de l'époux au moment du prononcé du divorce, sans prendre en compte la diminution de ceux-ci dans un avenir très prévisible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;

5°/ qu'en se bornant à énoncer, pour juger que M. V... dispose d'un patrimoine conséquent, que les trois courriels produits par Mme I..., qui faisaient seulement état de projets de vente et de location, permettaient d'établir la réalité d'un patrimoine immobilier détenu par M. V... en Croatie, sans préciser ni la location ni l'estimation des biens prétendument détenus par l'exposant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale des articles 270 et 271 du code civil ;

6°/ qu'en se fondant, pour apprécier le patrimoine du mari au moment du divorce, sur la circonstance inopérante, qu'il avait fait établir un devis d'assurance du 3 mars 2014, soit près de trois ans avant la date du divorce, « pour un bateau à moteur Bay liner Capri d'une puissance de 100 ch, d'une valeur de 15 000 € et battant pavillon croate », circonstance qui ne permettait pas d'établir la preuve qu'il possédait un tel bateau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil, le second moyen, dont la première branche est rendue inopérante par l'irrecevabilité du premier, ne tend qu'à remettre en discussion, devant la cour de cassation, l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a pris en considération le patrimoine estimé et prévisible des époux pour déduire une importante disparité et fixer la prestation compensatoire.

7. Il ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. V... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. V....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la demande aux fins d'irrecevabilité de la pièce n° 24 annoncée par Monsieur V... est sans objet ;

AUX MOTIFS QUE le dossier remis à la Cour par Monsieur V... ne contient que 23 pièces, sa pièce n° 24, constituée par une notification de sa pension de retraite, n'ayant finalement pas été produite ; que la demande aux fins d'écarter cette pièce est dès lors sans objet ;

ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur l'absence au dossier d'une pièce invoquée par une partie, qui figurait au bordereau des pièces annexé à ses dernières conclusions et dont la communication n'avait pas été contestée, sans inviter les parties à s'en expliquer ; qu'en énonçant que la pièce n° 24 de Monsieur V..., constituée par une notification de sa pension de retraite au 19 décembre 2017, n'avait finalement pas été produite, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de cette pièce, qui figurait au bordereau de communication de pièces produit par Monsieur V..., et dont la communication n'avait pas été contestée dans sa matérialité, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur V... à verser à Madame I... une prestation compensatoire de 30.000 euros en capital ;

AUX MOTIFS PROPRES Qu'aux termes de l'article 270 du Code civil : « Le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture » ; que l'article 271 précise : « La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa » ; qu'enfin, l'article 276 prévoit que « A titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 271 » ; que l'appelant ayant limité son recours à la prestation compensatoire, le divorce est définitif depuis le 3 avril 2017, date à laquelle l'intimée a déposé ses premières conclusions sans faire appel du divorce ; que le mariage a ainsi duré 9 ans, dont 6 ans de vie commune ; que le mari est âgé de 60 ans, la femme de 54 ans ; que, si la femme a produit de nombreuses ordonnances datant de l'année 2013 et un certificat du 25 juillet 2013 selon lequel son état de santé exigeait le départ du domicile conjugal, la santé actuelle des époux n'a pas été évoquée ; que l'épouse exerce la profession d'agent de service hospitalier ; qu'elle a déclaré pour l'année 2015 un revenu de 15.013 €, soit 1.251 € par mois ; qu'elle loue son logement, dont le loyer est partiellement payé avec une allocation de logement ; que le mari est en retraite depuis le 1er septembre 2017 ; qu'il indique depuis un revenu mensuel de 977 €, sans toutefois en justifier ; qu'à la date du divorce, il travaillait en qualité de courtier en assurance, dans le cadre de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Cabinet V..., pour un revenu allégué de 1.219 € ; que les données produites les plus récentes font apparaître pour l'année 2016 un revenu professionnel de 19.212 €, soit 1.601 €, outre 4.604 € de revenus fonciers, soit au total 1.984 € par mois ; que, toutefois, ces données n'apparaissent pas rendre compte complètement des revenus de Monsieur V... ; qu'il résulte en effet d'un relevé de son compte bancaire personnel pour la période du 5 décembre 2013 au 5 février 2014, qu'il percevait en sus de son salaire des remboursements de frais kilométriques pour des montants élevés, totalisant 6.900 € pour les seuls deux mois concernés ; que le même relevé montre un train de dépenses incompatible avec un revenu mensuel de 1.500 € : relevés mensuels de carte bancaire de 1.268 € à 1.560 €, retraits d'espèces de près de 400 € par mois, remboursement de crédits par mensualités de 551 €, virements mensuels à la SCI MICLAU de 900 à 1000 €, outre divers chèques pour des montants plus modestes, le tout révélant des dépenses personnelles d'environ 9.000 € pour les seuls mois de décembre 2013 et janvier 2014, soit environ 4.500 € par mois ; que cette pièce, produite par Madame I..., n'est contrebattue par aucune autre, alors qu'il aurait été aisé à Monsieur V... de produire des relevés de compte plus récents pour apporter une preuve contraire ; qu'il en résulte qu'à la date du divorce, Monsieur V... doit être regardé comme disposant d'un revenu mensuel d'au moins 4.500 € ; que les époux sont communs en bien ; qu'à la date des effets patrimoniaux du divorce entre eux est fixée au 13 janvier 2014, selon dispositions non critiquées du jugement de divorce ; que les époux sont associés chacun pour moitié de la SCI MICLAU, créée pendant le mariage en 2009 et propriétaire du domicile conjugal sis à CONFLANS SUR LANTERNE (70) ; que la comptabilité de cette société pour l'année 2014 montrait un actif évalué à 141.395 €, pour un solde d'emprunt à rembourser de 99.551 € ; qu'un projet de partage a été établi à la demande du mari par un notaire, selon lequel l'actif commun, réduit à la voiture du mari, évaluée à 17.500 € et aux parts de la SCI MICLAU, évaluées à 1.500 €, ne couvrirait pas le passif, constitué de l'emprunt automobile et des frais de partage, chacun des époux ne recevant qu'une part négative de - 561,78 € ; que ce projet ne peut être pris en compte comme reflétant les perspectives liquidatives, dès lors, d'une part, que rien ne permet de retenir que la valeur de la SCI MICLAU se réduit à celle de ses parts sociales, et dès lors, d'autre part, que sa comptabilité, de même que celle de la SCI CLAMM, fait apparaître des apports en compte courant effectués par le mari pendant le mariage, susceptibles d'avoir été réalisés avec ses revenus perçus pendant le mariage et d'avoir ainsi des conséquences liquidatives ; que la femme ne dispose pas de patrimoine propre ; qu'il n'est pas établi qu'elle possède encore l'indemnité de 27.279 € qu'elle a perçue le 30 avril 2010 après le décès de son précédent mari ; que le mari dispose en revanche de nombreux biens :
- Une maison d'habitation à LA PISSEURE (70), évaluée par un notaire entre 91.000 € et 99.000 € le 4 février 2004, puis à 160.000 € par le même notaire le 10 septembre 2009, ainsi que le local du cabinet d'assurance, pour une valeur non indiquée, par l'intermédiaire de la SCI CLAMM, selon les indications des parties non confirmées par les pièces comptables de cette société versées aux débats.
- Des parts dans la SCI CLAMM, dont il est gérant, et qui possède, selon les pièces comptables produites, un actif évalué en comptabilité à 139.455 €, constitué, d'une part, d'un bâtiment locatif et, d'autres part, d'un étang avec maison sur pilotis à [...] (70), acheté le 5 août 2011 au prix de 80.000 € à l'aide d'un apport de 9.660 € et d'un prêt de 100.000 € consenti le même jour par la société Banque CIC-EST, remboursable en 120 mensualités de 1.007,71 € ; que la SCI CLAMM percevait en 2014 les loyers de plusieurs locataires, ainsi que le démontre son relevé de compte bancaire du 5 février 2014 ;
qu'il résulte de sa comptabilité pour l'année 2015 qu'elle a encaissé 15.285 € de loyers et exposé 21.142 € de charges, soit un déficit de 5.858 € compensé par des apports en compte courant.
- Les parts de l'EURL Cabinet V... ; que Monsieur V... n'indique pas la valeur de cession de son cabinet, estimant qu'elle n'a pas à être prise en compte dans l'appréciation de son patrimoine, au motif qu'il entend en faire don à ses trois filles « pour leur faire une situation» ; qu'il résulte toutefois du texte précité que l'appréciation de la disparité entre époux nécessite de tenir compte du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, mais non de l'éventuelle volonté de l'un d'eux de se démunir de ce patrimoine ; qu'au surplus, il n'apparaît pas que son don ait été fait, ni même que les premières démarches aient été réalisées ; qu'en conséquence, la Cour inclura le cabinet d'assurance dans le patrimoine propre de Monsieur V..., pour une valeur tenant compte d'un actif brut évalué à 162.434 € et d'un chiffre d'affaire 137.317 €, selon la comptabilité de l'année 2015.
- Il n'est pas établi que Monsieur V... ait actuellement ouvert un nouveau cabinet de courtage en CROATIE, la personne lui ayant cherché une collaboratrice, selon mail explicite du 27 janvier 2014, ayant ensuite établi une attestation pour dire qu'elle s'était trompée et qu'en réalité ce projet ne s'était pas concrétisé ; que, de même, l'avocat croate consulté en avril 2015 au sujet de la création d'une société de représentation en assurance en CROATIE, a ensuite attesté n'avoir lui-même entrepris aucune démarche en ce sens et n'avoir pas connaissance de la création d'une filiale croate de la société Cabinet V... en CROATIE ; que la sérieuse intention de Monsieur V... de s'implanter en Europe de l'Est est toutefois confirmée par l'importance des sommes qu'y a consacrées l'EURL Cabinet V..., telles que révélée par sa comptabilité pour l'année 2015 : 35.562,92 € de frais de voyages et déplacement, 1.000 € de prospection en ROUMANIE et 10.338,21 € de prospection en CROATIE.
- Il se déduit en revanche des pièces produites par l'épouse que le mari, bien qu'il s'en défende, a acquis plusieurs biens locatifs au bord de la mer en CROATIE ; qu'il résulte d'abord d'un mail du 1er juillet 2013 qu'une agence immobilière croate adressait à Monsieur V... les photographies de trois maisons disponibles à la vente sur l'île de KRK, chacune composée de plusieurs appartements, disposant d'un jardin et ayant vue sur la mer ; qu'à la même période, un mail du 5 juillet 2013 révèle qu'une personne, à qui des amis avaient recommandé une maison qu'ils avaient eux-mêmes louée pendant l'été 2012, demandait le prix de sa location à Monsieur V..., lequel, en réponse, a demandé de préciser la période souhaitée et de l'appeler au téléphone ; qu'enfin, un mail a été envoyé le 6 mars 2014 à Monsieur V... par une personne cherchant un petit appartement à louer au bord de la mer en CROATIE ; que c'est vainement que cette personne à ensuite écrit qu'elle s'était uniquement adressée Monsieur V... pour qu'il se renseigne auprès de connaissances croates, le mail litigieux n'étant pas rédigé en ce sens ; que la conjonction de ces éléments établit la réalité d'un patrimoine immobilier détenu par Monsieur V... en CROATIE ; que, de plus, l'implantation de Monsieur V... est confirmée par l'adresse à MARISKA qu'il a fournie pour faire établir un devis d'assurance du 3 mars 2014 pour un bateau à moteur Bay liner Capri d'une puissance de 100 ch, d'une valeur de 15.000 € et battant pavillon croate ; que ce devis n'ait pas eu de suite est sans incidence sur le fait que Monsieur V... a fourni une adresse en CROATIE, ni que le fait qu'il y possède un bateau ;
Qu'enfin, Monsieur V... ne conteste pas s'être abstenu de payer spontanément à Madame I... la pension alimentaire mise à sa charge par le juge conciliateur ;
Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît, ainsi que la Cour l'avait déjà constaté dans son arrêt du 19 juin 2015, que Monsieur V... dispose d'un patrimoine conséquent, et de revenus bien supérieurs à ceux qu'il reconnaît percevoir, d'où résulte une importante disparité entre époux à la rupture du mariage justifiant, malgré la relative brièveté du mariage, la compensation que le premier juge avait exactement fixée sous forme d'un capital de 30.000 € ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE, par application de l'article 270 du Code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage créé dans les conditions de vie respectives des époux ; que, toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande ; que cette prestation est fixée selon l'article 271 du Code civil, en tenant compte des besoins de l'époux à qui elle est versée et des ressources de l'autre conjoint en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'en particulier, le juge doit prendre en considération l'âge et l'état de santé des époux, la durée du mariage, le temps déjà consacré ou qu'il faudra consacrer à l'éducation des enfants, la qualification et la situation professionnelle de chaque époux au regard du marché du travail, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pensions de retraite, leur patrimoine (tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial), les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants, et du temps qu'il faudra encore y consacrer, ou, pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ; qu'en application de l'article 270 du Code civil, la prestation compensatoire a un caractère forfaitaire, et elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ; qu'en l'espèce, Madame I... sollicite le versement d'une prestation compensatoire d'un montant de 80 000 € versé sous forme de capital ; que les époux V... I... sont mariés depuis le [...] et se sont séparés le 13 janvier 2014 ; la vie commune a donc duré 6 ans et demi ; que Madame I... est âgée de 53 ans ; qu'elle justifie percevoir de son emploi au sein du cabinet V... un salaire mensuel de 477 € net, outre 670 € net de son activité salariée au sein du Centre Hospitalier Interdépartemental, soit un revenu global de 1.147 € ; que Monsieur V... est âgé de 59 ans ; qu'il est agent d'assurance ; que, selon avis d'impôts, Monsieur V... a eu des revenus commerciaux imposables de 18.224 € en 2012, de 10.928 en 2013 et de 15.651 € en 2014 et selon déclaration 17.390 € en 2015 ; qu'il ne produit aucun élément sur ses revenus 2016 ; que l'EURL CABINET V..., société constituée pour l'exercice professionnel de Monsieur M... V... qui lui procure les revenus susvisés, était bénéficiaire au 31/12/2014 de 15.550 € et au 31/12/2015 de 17.552 € ; que le compte de résultat au 31/12/1.3 renseigne un chiffre d'affaire net de 111.652 euros et un produit d'exploitation de 114.717 euros sur l'exercice 2013, dont il convient de déduire un passif de 103.798 euros ; qu'en août 2017, Monsieur M... V... sera en retraite et il déclare qu'il ne percevra pour tout revenu la somme de 977,00 € ; que Monsieur V... est propriétaire en nom personnel d'une maison à LA PISSEURE évaluée à 160 000 € ; que la SCI CLAMM composée de l'appartement aux fins professionnelles de Monsieur M... V... et la maison sise à [...] présentait un actif immobilisé au 31/12/2014 de 139.455 € et un passif de 139.237 € ; que le compte de résultat fait mention de produits d'exploitation (loyers) de 11.645 € en 2014 et de 15.285 € en 2014 mais cette SCI était déficitaire au 31/12/2014 de 2.247 € et au 31/12/2015 de 9.093 € ; que la SCI MICLAU, dans laquelle Monsieur V... et Madame I... sont associés chacun à hauteur de 50 %, détient le logement familial composé d'une maison d'habitation sise à [...], présentait un actif immobilisé au 31/12/2014 de 141.346 € et un passif de 167. 787 € ; que cette SCI était déficitaire au 31/12/2014 de 4.165 € et au 31/12/2015 de 3.885 €, Monsieur V... assurant, pour le compte de cette société, le règlement des mensualités de 1 000 € de remboursement du prêt immobilier dont la SCI est emprunteuse ; que, selon Madame I..., Monsieur V... détient des biens immobiliers en CROATIE et aurait créé un cabinet de courtage dans ce pays ; que la création du cabinet de courtage n'est pas établie : selon attestation du cabinet d'expertise comptable KPMG du 8/12/2015, aucune commission de source Croate n'apparaît dans les comptes de l'EURL au 31/12/2014 ; qu'en revanche, des offres de location d'un appartement ou d'un studio ont été faites à Monsieur V... courant 2014, ce qui laisse évidemment supposer que celui-ci est effectivement propriétaire de biens immobiliers en CROATIE ; qu'enfin, il résulte du devis d'assurance de la société APRIL MARINE ASSURANCES que Monsieur V... est propriétaire d'un bateau d'une valeur de 15 000 € ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de constater que la rupture du lien matrimonial crée entre les époux une disparité dans leurs conditions de vie ; qu'aussi, pour compenser cette disparité, l'époux sera condamné à payer à l'épouse une prestation sous forme de capital de 30.000 euros.

1°) ALORS, A TITRE LIMINAIRE, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant constaté que « le dossier remis à la Cour par Monsieur V... ne contient que 23 pièces, sa pièce n° 24, constituée par une notification de sa pension de retraite, n'ayant finalement pas été produite », entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de ce chef de l'arrêt ;

2°) ALORS QUE, selon l'article 270 du Code civil, 2ème alinéa, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; qu'il résulte de ce texte que le seul constat de la disparité des situations des époux est insuffisant à fonder le droit à prestation compensatoire, les juges devant nécessairement rechercher si la disparité constatée dans les conditions de vie respectives des époux résulte ou non de la rupture du mariage ; qu'en l'espèce, les époux, qui avaient déjà tous deux contracté une précédente union, se sont mariés en juillet 2007, Monsieur V... étant alors âgé de 50 ans et son épouse de 44 ans, le mariage ayant ainsi « duré 9 ans, dont 6 ans de vie commune », ce dont il résultait qu'au regard de l'âge des époux au moment du mariage et de la brièveté de la vie commune, l'octroi d'une prestation compensatoire ne pouvait résulter de la seule disparité dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'en se bornant à énoncer que « Monsieur V... dispose d'un patrimoine conséquent, et de revenus bien supérieurs à ceux qu'il reconnaît percevoir, d'où résulte une importante disparité entre époux à la rupture du mariage justifiant, malgré la relative brièveté du mariage, la compensation que le premier juge avait exactement fixée sous forme d'un capital de 30.000 € », sans constater que cette disparité résultait de la rupture du mariage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 270 du Code civil ;

3°) ALORS QUE les juges du fond doivent se placer à la date à laquelle le divorce prend force de chose jugée pour apprécier l'existence du droit de l'un des époux à bénéficier d'une prestation compensatoire et pour en fixer le montant ; qu'après avoir constaté, s'agissant des revenus du mari, « que les données produites les plus récentes font apparaître pour l'année 2016 un revenu professionnel de 19.212 €, soit 1.601 €, outre 4.604 € de revenus fonciers, soit au total 1.984 € par mois », la Cour d'appel s'est fondée, pour juger qu'à la date du divorce Monsieur V... doit être regardé comme disposant d'un revenu mensuel d'au moins 4.500 euros, sur la seule circonstance qu'il résultait d'un relevé de son compte bancaire personnel pour la période du 5 décembre 2013 au 5 février 2014, soit pour une période antérieure de plus de 3 ans au prononcé du divorce, que celui-ci disposait « de revenus bien supérieurs à ceux qu'il reconnaît percevoir » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance impropre à justifier des revenus du mari au moment du divorce, a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du Code civil ;

4°) ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que Monsieur V... était en retraite depuis le 1er septembre 2017 ; qu'il avait versé aux débats un relevé de carrière établi par le RSI à la date du 31 mars 2016 (pièce n° 4), qui mentionnait au 2 mai 2016 un montant mensuel estimé à 480,86 euros pour la retraite de base et à 69,89 euros pour le régime vieillesse complémentaire obligatoire, ce dont il pouvait être déduit une baisse significative de ses revenus ; qu'en se bornant à retenir le montant des revenus de l'époux au moment du prononcé du divorce, sans prendre en compte la diminution de ceux-ci dans un avenir très prévisible, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du Code civil.

5°) ALORS Qu'en se bornant à énoncer, pour juger que Monsieur V... dispose d'un patrimoine conséquent, que les trois courriels produits par Madame I... (pièces adverses n° 10, 11 et 18), qui faisaient seulement état de projets de vente et de location, permettaient d'établir la réalité d'un patrimoine immobilier détenu par Monsieur V... en CROATIE, sans préciser ni la location ni l'estimation des biens prétendument détenus par l'exposant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale des articles 270 et 271 du Code civil ;

6°) ALORS Qu'en se fondant, pour apprécier le patrimoine du mari au moment du divorce, sur la circonstance inopérante, qu'il avait fait établir un devis d'assurance du 3 mars 2014, soit près de trois ans avant la date du divorce, « pour un bateau à moteur Bay liner Capri d'une puissance de 100 ch, d'une valeur de 15.000 € et battant pavillon croate », circonstance qui ne permettait pas d'établir la preuve qu'il possédait un tel bateau, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-25031
Date de la décision : 02/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 08 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 sep. 2020, pourvoi n°18-25031


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25031
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