LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juillet 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 456 F-D
Pourvoi n° H 19-18.183
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020
La société Electricité générale appliquée (EGA), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 19-18.183 contre l'arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société FCA Motor Village, anciennement société International métropolitan automitive promotion - INTERMAP France -, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Electricité générale appliquée, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société FCA Motor Village, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 avril 2019), la société International metropolitan automitive promotion (la société Intermap), aujourd'hui dénommée FCA Motor Village (la société FCA), a confié la construction d'un garage à la société Assistance construction bâtiment (la société ACB), laquelle a chargé la société Electricité générale appliquée (la société EGA) de travaux d'électricité.
2. Après la mise en redressement judiciaire de la société ACB, estimant qu'elle était intervenue en qualité de sous-traitante de cette dernière, la société EGA a assigné en paiement le maître de l'ouvrage, en application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société EGA fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation du maître de l'ouvrage à l'indemniser de son préjudice pour manquement à ses obligations légales à son égard en qualité de sous-traitant, alors :
« 1°/ que la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur charge une autre personne de l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'entreprise générale avait confié l'exécution du lot électricité à la société EGA, intervenue à ce titre sur le chantier, ce dont il ressortait que l'entreprise générale l'avait chargée de l'exécution d'une partie du contrat d'entreprise conclu avec le maître de l'ouvrage ; qu'en déclarant que la preuve de la qualité de sous-traitant de la société EGA n'était pas établie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales des ses propres constatations, en violation des articles 1er et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
2°/ que la sous-traitance n'est assujettie à aucune forme particulière ; qu'en retenant que le contrat conclu entre l'entreprise générale et la société EGA ne faisait pas état d'une relation de sous-traitance entre les parties, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition non prévue en violation des articles 1er et 2 de la loi du 31 décembre 1975 ;
3°/ que le sous-traitant n'est tenu à aucune diligence particulière à l'égard du maître de l'ouvrage ; qu'en relevant que la société EGA ne s'était jamais présentée au maître de l'ouvrage en qualité de sous-traitante de l'entreprise générale, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition non prévue en violation des articles 1er et 2 de la loi du 31 décembre 1975 ;
4°/ que le contrat conclu le 2 mai 2008 entre l'entreprise générale et la société EGA stipulait avoir pour « objet » de « préciser les termes et conditions » dans lesquels la première « charge(ait) » la seconde « d'exécuter les travaux d'électricité pour la construction d'une concession automobile Fiat Alfa Lancia à Lyon 9e », autrement dit pour l'exécution du marché principal conclu entre l'entreprise générale et le maître de l'ouvrage ; qu'en affirmant que ce contrat ne comportait aucune référence expresse audit marché, la cour d'appel en a dénaturé le contenu clair et précis, en violation de l'article 1134 ancien du code civil. »
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a retenu que, si l'intervention de la société EGA sur le chantier confié à la société ACB n'était pas contestable, le contrat intitulé « marché de travaux», conclu entre les sociétés ACB et EGA et produit aux débats, était suspect, qu'aucun élément du dossier ne permettait de vérifier l'indépendance de la société EGA vis-à-vis de la société ACB dans l'exécution des travaux et que rien ne prouvait que la société EGA dirigeait elle-même ses salariés sur le chantier.
5. Elle a souverainement déduit de ces seuls motifs que la preuve d'un contrat d'entreprise entre la société ACB et la société EGA n'était pas rapportée et que la qualité de sous-traitant de la société EGA n'était pas établie.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Electricité générale appliquée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Electricité générale appliquée et la condamne à payer à la société FCA Motor Village la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Electricité générale appliquée.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un locateur (la société EGA, l'exposante) chargé par l'entreprise générale du lot électricité de sa demande tendant à voir condamner le maître de l'ouvrage (la société FCA Motor Village, anciennement Intermap) à l'indemniser de son préjudice pour avoir manqué à ses obligations légales à son égard en qualité de sous-traitant ;
AUX MOTIFS QUE, selon les dispositions de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975, seuls les sous-traitants déclarés en cette qualité par l'entrepreneur principal au maître de l'ouvrage et agréés par ce dernier pouvaient bénéficier du paiement direct prévu à l'article 3 de la même loi ; que cependant, aux termes de son article 14-1, le maître de l'ouvrage devait, s'il avait connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet les obligations définies aux articles 3 et 6 susvisés, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ses obligations ; que le maître de l'ouvrage ayant eu connaissance de la présence d'un sous-traitant pouvait voir sa responsabilité quasi délictuelle engagée à l'égard du sous-traitant s'il ne respectait pas ces obligations mises à sa charge ; que l'action en paiement poursuivie par la société EGA à l'encontre de la société FCA Motor Village s'inscrivait dans le cadre d'une demande indemnitaire justifiée par l'engagement de cette responsabilité quasi délictuelle ; qu'en l'espèce, si l'intervention de la société EGA sur le chantier confié à l'entreprise générale ACB n'était pas contestable et si l'expert avait mis en évidence que cette dernière restait lui devoir la somme de 143 902,82 euros HT - dont à déduire 3 000 euros au titre de la réparation des désordres, il convenait de relever que : - le contrat de construction conclu entre la société FCA Motor Village (anciennement Intermap) et l'entreprise générale le 29 novembre 2007 ne mentionnait pas le recours à la sous-traitance ; - le contrat intitulé « marché de travaux » daté du 2 mai 2008, établi entre les sociétés ACB et EGA, produit au dossier par cette dernière en pièces n°s 2 et 40, ne faisait état à aucun moment d'une relation de sous-traitance entre les parties, se rapportant expressément au marché conclu entre l'entreprise générale et le maître de l'ouvrage ; - aucun élément du dossier ne permettait de vérifier l'indépendance de la société EGA vis-à-vis de la société ACB dans l'exécution des travaux et notamment la direction par elle-même de ses salariés sur le chantier ; - la société EGA ne s'était jamais présentée au maître de l'ouvrage en qualité de sous-traitant de la société ACB à qui elle avait adressé régulièrement ses factures pour paiement avant sa mise en redressement judiciaire ; - il ressortait du rapport d'expertise que les liens commerciaux entre les sociétés ACB et EGA avaient concerné de multiples opérations autres que celles du chantier de construction litigieux dont la société Intermap était le maître de l'ouvrage, la part des paiements affectés audit chantier restant difficile à identifier ; qu'en l'absence de preuve de la qualité de sous-traitant de la société EGA, la seule connaissance par le maître de l'ouvrage de son intervention sur le chantier ne permettait nullement de conclure qu'elle avait connaissance de l'intervention de cette dernière en qualité de sous-traitante de l'entreprise générale ; que sa responsabilité quasi délictuelle ne pouvait être engagée sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 vis-à-vis de la société EGA, laquelle devait en conséquence être déboutée de sa demande en indemnisation (arrêt attaqué, p. 4, 3ème al. et s., et p. 5, 1er à 4ème al.) ;
ALORS QUE la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur charge une autre personne de l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'entreprise générale avait confié l'exécution du lot électricité à l'exposante, intervenue à ce titre sur le chantier, ce dont il ressortait que l'entreprise générale l'avait chargée de l'exécution d'une partie du contrat d'entreprise conclu avec le maître de l'ouvrage ; qu'en déclarant que la preuve de la qualité de sous-traitant de l'exposante n'était pas établie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales des ses propres constatations, en violation des articles 1er et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;
ALORS QUE, en outre, la sous-traitance n'est assujettie à aucune forme particulière ; qu'en retenant que le contrat conclu entre l'entreprise générale et l'exposante ne faisait pas état d'une relation de sous-traitance entre les parties, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition non prévue en violation des articles 1er et 2 de la loi du 31 décembre 1975 ;
ALORS QUE, au surplus, le sous-traitant n'est tenu à aucune diligence particulière à l'égard du maître de l'ouvrage ; qu'en relevant que l'exposante ne s'était jamais présentée au maître de l'ouvrage en qualité de sous-traitante de l'entreprise générale, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition non prévue en violation des articles 1er et 2 de la loi du 31 décembre 1975 ;
ALORS QUE, enfin, le contrat conclu le 2 mai 2008 entre l'entreprise générale et l'exposante stipulait avoir pour « objet » de « préciser les termes et conditions » dans lesquels la première « charge(ait) » la seconde « d'exécuter les travaux de ELECTRICITE pour la construction d'une concession automobile FIAT ALFA LANCIA A LYON 9ème », autrement dit pour l'exécution du marché principal conclu entre l'entreprise générale et le maître de l'ouvrage ; qu'en affirmant que ce contrat ne comportait aucune référence expresse audit marché, la cour d'appel en a dénaturé le contenu clair et précis, en violation de l'article 1134 ancien du code civil.