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09/07/2020 | FRANCE | N°19-13140

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 juillet 2020, 19-13140


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 428 F-D

Pourvoi n° A 19-13.140

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

La société La Turra-la Ramoure, société à responsabi

lité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-13.140 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Chambéry ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juillet 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 428 F-D

Pourvoi n° A 19-13.140

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

La société La Turra-la Ramoure, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-13.140 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mont Rond, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Vacancéole, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société La Turra-la Ramoure, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Mont Rond, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 11 décembre 2018), la société civile immobilière Mont Rond (la SCI), promoteur de la résidence de tourisme La Turra, a assigné la société La Turra-la Ramoure, cessionnaire du fonds de commerce de la précédente société d'exploitation de la résidence de tourisme « la Turra », et la société Vacancéole, locataire gérante du fonds de commerce, en paiement d'une indemnité pour l'occupation du 1er décembre 2011 au 31 janvier 2015 de divers lots de copropriété, dont elle est restée propriétaire, exploités à usage de bar, salle de séminaires, réserve, salle d'accueil et de vestiaires, ainsi qu'en remboursement des charges de copropriété et taxes afférentes à ces lots.

Examen des moyens

Sur les deux premiers moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

3. La société La Turra-la Ramoure fait grief à l'arrêt de la condamner solidairement avec la société Vacancéole à rembourser, sur justificatifs, à la SCI les charges de copropriété, taxes et frais divers afférents au local d'accueil, alors « qu'en condamnant solidairement les sociétés La Turra-la Ramoure et Vacancéole à rembourser à la société Mont Rond les charges de copropriété, taxes et frais divers afférents au local d'accueil, sur justificatifs à compter du 1er décembre 2011, sans aucunement motiver cette condamnation, ni en préciser le fondement juridique la cour d'appel a méconnu les exigences de motivation, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

5. Après avoir retenu qu'une résidence de tourisme doit disposer d'un espace de réception et salon d'animation et qu'en conséquence, la SCI ne peut prétendre à percevoir une indemnité d'occupation dont le montant serait supérieur à celui des charges et taxes affectant le lot litigieux, la cour d'appel a condamné la société La Turra-la Ramoure à rembourser les charges de copropriété et les taxes et frais divers afférents au local d'accueil correspondant au lot n° 33 de la copropriété.

6. En statuant ainsi, par simple affirmation et sans donner aucun motif au soutien de sa décision, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition condamnant solidairement les sociétés La Turra-la Ramoure et Vacancéole à rembourser à la société Mont Rond les charges de copropriété, taxes et frais divers afférents au local d'accueil, sur justificatifs, à compter du 1er décembre 2011, l'arrêt rendu le 11 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry autrement composée ;

Condamne la société Mont Rond aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société La Turra-la Ramoure

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les sociétés LA TURRA LA RAMOURE et VACANCEOLE sont redevables envers la société MONT ROND d'une indemnité d'occupation au titre des lots n° 13, 18, 19, 95, 96 et 97, d'avoir fixé cette indemnité à la somme globale annuelle de 10.000 euros, qui sera exigible jusqu'à libération complète des lieux, et d'avoir condamné solidairement les sociétés LA TURRA LA RAMOURE et VACANCEOLE à payer à la société MONT ROND la somme de 46.666 euros au titre de l'indemnité d'occupation des locaux propriété de la société MONT ROND, autres que le local d'accueil, liquidée d'ores et déjà pour la période du 1er décembre 2011 au 31 juillet 2017 ;

Aux motifs que, « Selon le constat dressé le 12(02/2013 par Me N..., huissier de justice à Modane :

- le bar est en partie basse avec une pièce au niveau au-dessus, aménagée en petit salon, avec billard, canapés et fauteuils,
- la cave a été transformée en salle servant de pièces d'accueil et pour certaines manifestations en saison,
- une salle de fitness est contiguë au local technique,
- les deux places de parking du niveau 0 ont été transformées en vestiaire de la piscine,
- l'accueil de la résidence se fait au niveau 3.

Il résulte d'une attestation de propriété établie par Me I... notaire, que la société civile immobilière MONT ROND est propriétaire des lots n° 13 (bar), 18 (salle de séminaires), 19, (réserve), 33 (salle d'accueil), 95, 96 et 97, (parkings). Ils constituent donc des parties privatives et non des parties communes.

La société MONT ROND a vendu les appartements de l'immeuble comme étant affectés à l'exploitation d'une résidence de tourisme, de façon à permettre aux acquéreurs de bénéficier d'une défiscalisation de leur investissement. Dès lors, les équipements nécessaires pour que le bâtiment puisse relever de la qualification de résidence de tourisme 4 étoiles doivent nécessairement être mis à la disposition de l'exploitant, soit à titre gratuit dans le cadre d'un prêt à usage, soit à des conditions financières très favorables, permettant au propriétaire de percevoir des redevances couvrant les impôts et charges.

La liste de ces équipements est fixée dans l'annexe II de l'arrêté du 14/02/1986, étant relevé que, si par la suite, elle a été modifiée en raison de changements intervenus dans la réglementation, ces modifications n'ont pu être rétroactifs. Il en résulte qu'une résidence de tourisme doit disposer d'un espace de réception et salon d'animation. En conséquence, la société MONT ROND ne peut prétendre à percevoir une indemnité d'occupation dont le montant serait supérieur à celui des charges et taxes affectant le lot en question.

En revanche, le bar, la réserve, la salle de séminaires, ne font pas partie des équipements obligatoires pour que l'immeuble puisse être considéré comme une résidence de tourisme.

Néanmoins, il sera observé que la société MONT ROND les a mis gratuitement à disposition des exploitants précédents. Toutefois, si le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société preneuse, la société LA TURRA, a autorisé le transfert des baux conclus par les copropriétaires à un nouveau locataire, la société LA TURRA LA RAMOURE, il n'a pu s'agir que des locaux objet d'un contrat de bail, ainsi que du local d'accueil, mais non des autres lots propriété de la société MONT ROND, qui ne sont pas visés dans le contrat de bail.

Concernant les relations de la société MONT ROND avec ses acquéreurs, il est stipulé dans les contrats de vente, page 15, que « dans le cadre de l'exploitation en résidence de tourisme, l'exploitant pourra installer à ses frais, sur les parties communes liées à son exploitation, les aménagements nécessaires à sa gestion, Cette mise à disposition gratuite pourra être faite à ses frais et dans le respect des règles applicables à l'exploitation d'une résidence de tourisme ».

Cette clause ne fait qu'autoriser le preneur à utiliser les parties communes, dès lors que cet usage est de nature à faciliter l'exploitation de la résidence. Mais elle ne signifie pas que les lots privatifs que l'exploitant peut utiliser soient mis gracieusement à la disposition des copropriétaires. Certes, la société MONT ROND les a laissés gracieusement utiliser par deux exploitants successifs, la société COMPAGNIE DE DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE puis la société LA TURRA. Toutefois, ce prêt s'explique en réalité par les liens capitalistiques liant ces trois sociétés, qui font toutes parties d'un même groupe familial (famille E...), étant filiales de la société PM3C.

Dès lors, leur utilisation à des fins commerciales par le nouvel exploitant ne peut se faire à titre gratuit, les sociétés intimés devant ainsi régler à l'appelante une indemnité d'occupation. Le jugement déféré sera ainsi réformé de ce chef.

Concernant le montant de l'indemnité d'occupation, l'appelante produit deux attestations (le local d'accueil ne sera pas retenu comme devant faire l'objet d'une indemnité d'occupation). La première est celle de l'Agence Immobilière de Haute-Maurienne, évaluant le bar/salon/fitness/salle de séminaire de 264 m², à un prix de 580.800 euros, avec une valeur locative de 37.752 euros en vertu d'un taux de rendement de 6,5 %, les parkings étant évalués à 48.000 euros pour une valeur locative de 2.400 euros/an.

La seconde est celle de la société AURIEL, aboutissant à une valeur locative de 39.300 euros HT/an pour le bar/salon/fitness/séminaires, et 2.500 euros HT /an pour les parkings.

Concernant le bar, ses fenêtres donnent sur la voie publique, il est doté de tous les équipements propres à cette activité, et peut ainsi tout à fait permettre une activité commerciale classique. Toutefois, même s'il est accessible depuis l'extérieur, il n'a jamais eu véritablement de clientèle extérieure, faute d'enseigne visible de loin ou d'une terrasse extérieure. Son salon supérieur ne présente qu'un intérêt commercial bien moindre, car peu accessible et utilisable en réalité que par les seuls résidents.

Quant à la salle de réception, elle est aveugle et ne peut donc être utilisée qu'à des moment particuliers, comme des pots d'accueil, mais non en permanence. La salle de fitness quant à elle dispose d'une ouverture sur l'extérieur, niais son aménagement est très sommaire. Enfin, des places de parkings, aveugles ont été transformées en vestiaire pour la piscine.

Il en résulte que seule la pièce principale du bar a une valeur significative à l'inverse des autres pièces.

Dans ces conditions, la surface de ces locaux, de 262 m² doit être largement pondérée, et ne sera retenue que pour 150 m², pour une valeur au mètre carré, compte tenu des faibles aménagements, de la situation d'intégration dans une résidence, où la clientèle extérieure n'est pas incitée à venir, qui sera retenue à hauteur de 2.000 euros le mètre carré. Par ailleurs, le taux de rendement retenu par les évaluateurs, de 5 à 6 % l'an du capital investi, est surévalué, s'agissant d'une station ne fonctionnant réellement que l'hiver, soit 4 mois par an. Il ne sera appliqué qu'un taux de 4 %. Enfin, en l'absence de bail, il convient d'appliquer un abattement pour précarité de 20 %.

L'indemnité d'occupation sera fixée de la manière suivante : (150 m² x 2.000 € x 4 % x 80 %), soit 9.600 euros par an, outre les places de parking.
La Cour trouve dans le dossier les éléments suffisants pour fixer l'indemnité d'occupation totale à la somme de 10.000 euros par an, soit au 01/12/2011 au 31/07/2017, la somme de 46.666 euros.

Les sommes allouées à l'appelante sont dues par l'exploitant de la résidence, titulaire au bail commercial, c'est à dire la société LA TURRA LA RAMOURE, ainsi que par son locataire gérant, la société VACANCEOLE, qui occupe en pratique les lieux litigieux.

Ces deux sociétés seront ainsi condamnées solidairement à payer les sommes allouées à la société MONT ROND » ;

Alors que tout jugement doit être motivé et le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motif ; qu'en l'espèce, la société LA TURRA LA RAMOURE faisait régulièrement valoir dans ses écritures d'appel que la société MONT ROND s'était contractuellement engagée, notamment aux termes de différents contrats de vente qu'elle avait conclus avec les acquéreurs d'appartements, à mettre à disposition à titre gratuit de l'exploitant de la résidence l'ensemble homogène de lots de service que constituaient la salle d'accueil, le bar, la réserve, la salle de fitness et la salle de séminaire (conclusions, p. 8 et s.) ; qu'en se bornant à juger qu'hormis la salle d'accueil, l'utilisation des autres lots ne pouvait se faire à titre gratuit, sans répondre à ce moyen opérant soutenu par la société LA TURRA LA RAMOURE, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné l'expulsion de la société LA TURRA LA RAMOURE ;

Aux motifs que, « les sociétés LA TURRA LA RAMOURE et VACANCEOLE occupant les locaux propriété de la société MONT ROND (honnis le local d'accueil) sans droit ni titre, alors que la société LA TURRA LA RAMOURE a fait l'objet d'une mise en demeure d'avoir à libérer les lieux délivrée par le conseil de la société MONT ROND le 04/10/2013, son expulsion sera ordonnée » ;

Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en censurant l'arrêt du chef du dispositif ayant déclaré les sociétés LA TURRA LA RAMOURE et VACANCEOLE redevables envers la société MONT ROND d'une indemnité d'occupation au titre des lots n° 13, 18, 19, 95, 96 et 97, la Cour de cassation censura, nécessairement, le chef du dispositif de l'arrêt ayant ordonné l'expulsion de la société LA TURRA LA RAMOURE, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement les sociétés LA TURRA LA RAMOURE et VACANCEOLE à rembourser à la société MONT ROND les charges de copropriété, taxes et frais divers afférents au local d'accueil, sur justificatifs à compter du 1er décembre 2011 ;

Aux motifs que, « Selon le constat dressé le 12(02/2013 par Me N..., huissier de justice à Modane :

- le bar est en partie basse avec une pièce au niveau au-dessus, aménagée en petit salon, avec billard, canapés et fauteuils,
- la cave a été transformée en salle servant de pièces d'accueil et pour certaines manifestations en saison,
- une salle de fitness est contiguë au local technique,
- les deux places de parking du niveau 0 ont été transformées en vestiaire de la piscine,
- l'accueil de la résidence se fait au niveau 3.

Il résulte d'une attestation de propriété établie par Me I... notaire, que la société civile immobilière MONT ROND est propriétaire des lots n° 13 (bar), 18 (salle de séminaires), 19, (réserve), 33 (salle d'accueil), 95, 96 et 97, (parkings). Ils constituent donc des parties privatives et non des parties communes.

La société MONT ROND a vendu les appartements de l'immeuble comme étant affectés à l'exploitation d'une résidence de tourisme, de façon à permettre aux acquéreurs de bénéficier d'une défiscalisation de leur investissement. Dès lors, les équipements nécessaires pour que le bâtiment puisse relever de la qualification de résidence de tourisme 4 étoiles doivent nécessairement être mis à la disposition de l'exploitant, soit à titre gratuit dans le cadre d'un prêt à usage, soit à des conditions financières très favorables, permettant au propriétaire de percevoir des redevances couvrant les impôts et charges.

La liste de ces équipements est fixée dans l'annexe II de l'arrêté du 14/02/1986, étant relevé que, si par la suite, elle a été modifiée en raison de changements intervenus dans la réglementation, ces modifications n'ont pu être rétroactifs. Il en résulte qu'une résidence de tourisme doit disposer d'un espace de réception et salon d'animation. En conséquence, la société MONT ROND ne peut prétendre à percevoir une indemnité d'occupation dont le montant serait supérieur à celui des charges et taxes affectant le lot en question.

En revanche, le bar, la réserve, la salle de séminaires, ne font pas partie des équipements obligatoires pour que l'immeuble puisse être considéré comme une résidence de tourisme.

Néanmoins, il sera observé que la société MONT ROND les a mis gratuitement à disposition des exploitants précédents. Toutefois, si le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société preneuse, la société LA TURRA, a autorisé le transfert des baux conclus par les copropriétaires à un nouveau locataire, la société LA TURRA LA RAMOURE, il n'a pu s'agir que des locaux objet d'un contrat de bail, ainsi que du local d'accueil, mais non des autres lots propriété de la société MONT ROND, qui ne sont pas visés dans le contrat de bail.

Concernant les relations de la société MONT ROND avec ses acquéreurs, il est stipulé dans les contrats de vente, page 15, que « dans le cadre de l'exploitation en résidence de tourisme, l'exploitant pourra installer à ses frais, sur les parties communes liées à son exploitation, les aménagements nécessaires à sa gestion, Cette mise à disposition gratuite pourra être faite à ses frais et dans le respect des règles applicables à l'exploitation d'une résidence de tourisme ».

Cette clause ne fait qu'autoriser le preneur à utiliser les parties communes, dès lors que cet usage est de nature à faciliter l'exploitation de la résidence. Mais elle ne signifie pas que les lots privatifs que l'exploitant peut utiliser soient mis gracieusement à la disposition des copropriétaires. Certes, la société MONT ROND les a laissés gracieusement utiliser par deux exploitants successifs, la société COMPAGNIE DE DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE puis la société LA TURRA. Toutefois, ce prêt s'explique en réalité par les liens capitalistiques liant ces trois sociétés, qui font toutes parties d'un même groupe familial (famille E...), étant filiales de la société PM3C.

Dès lors, leur utilisation à des fins commerciales par le nouvel exploitant ne peut se faire à titre gratuit, les sociétés intimés devant ainsi régler à l'appelante une indemnité d'occupation. Le jugement déféré sera ainsi réformé de ce chef.

Concernant le montant de l'indemnité d'occupation, l'appelante produit deux attestations (le local d'accueil ne sera pas retenu comme devant faire l'objet d'une indemnité d'occupation). La première est celle de l'Agence Immobilière de Haute-Maurienne, évaluant le bar/salon/fitness/salle de séminaire de 264 m², à un prix de 580.800 euros, avec une valeur locative de 37.752 euros en vertu d'un taux de rendement de 6,5 %, les parkings étant évalués à 48.000 euros pour une valeur locative de 2.400 euros/an.

La seconde est celle de la société AURIEL, aboutissant à une valeur locative de 39.300 euros HT/an pour le bar/salon/fitness/séminaires, et 2.500 euros HT /an pour les parkings.

Concernant le bar, ses fenêtres donnent sur la voie publique, il est doté de tous les équipements propres à cette activité, et peut ainsi tout à fait permettre une activité commerciale classique. Toutefois, même s'il est accessible depuis l'extérieur, il n'a jamais eu véritablement de clientèle extérieure, faute d'enseigne visible de loin ou d'une terrasse extérieure. Son salon supérieur ne présente qu'un intérêt commercial bien moindre, car peu accessible et utilisable en réalité que par les seuls résidents.

Quant à la salle de réception, elle est aveugle et ne peut donc être utilisée qu'à des moment particuliers, comme des pots d'accueil, mais non en permanence. La salle de fitness quant à elle dispose d'une ouverture sur l'extérieur, niais son aménagement est très sommaire. Enfin, des places de parkings, aveugles ont été transformées en vestiaire pour la piscine.

Il en résulte que seule la pièce principale du bar a une valeur significative à l'inverse des autres pièces.

Dans ces conditions, la surface de ces locaux, de 262 m² doit être largement pondérée, et ne sera retenue que pour 150 m², pour une valeur au mètre carré, compte tenu des faibles aménagements, de la situation d'intégration dans une résidence, où la clientèle extérieure n'est pas incitée à venir, qui sera retenue à hauteur de 2.000 euros le mètre carré. Par ailleurs, le taux de rendement retenu par les évaluateurs, de 5 à 6 % l'an du capital investi, est surévalué, s'agissant d'une station ne fonctionnant réellement que l'hiver, soit 4 mois par an. Il ne sera appliqué qu'un taux de 4 %. Enfin, en l'absence de bail, il convient d'appliquer un abattement pour précarité de 20 %.

L'indemnité d'occupation sera fixée de la manière suivante : (150 m² x 2.000 € x 4 % x 80 %), soit 9.600 euros par an, outre les places de parking. La Cour trouve dans le dossier les éléments suffisants pour fixer l'indemnité d'occupation totale à la somme de 10.000 euros par an, soit au 01/12/2011 au 31/07/2017, la somme de 46.666 euros.

Les sommes allouées à l'appelante sont dues par l'exploitant de la résidence, titulaire au bail commercial, c'est à dire la société LA TURRA LA RAMOURE, ainsi que par son locataire gérant, la société VACANCEOLE, qui occupe en pratique les lieux litigieux.

Ces deux sociétés seront ainsi condamnées solidairement à payer les sommes allouées à la société MONT ROND » ;

Alors qu'en condamnant solidairement les sociétés LA TURRA LA AMOURE et VACANCEOLE à rembourser à la société MONT ROND les charges de copropriété, taxes et frais divers afférents au local d'accueil, sur justificatifs à compter du 1er décembre 2011, sans aucunement motiver cette condamnation, ni en préciser le fondement juridique la cour d'appel a méconnu les exigences de motivation, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-13140
Date de la décision : 09/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 11 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 jui. 2020, pourvoi n°19-13140


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13140
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