LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juillet 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 613 F-D
Pourvoi n° G 19-12.572
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020
La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° G 19-12.572 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (14e chambre), dans le litige l'opposant à Mme C... A..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône, de Me Le Prado, avocat de Mme A..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 décembre 2018), Mme A..., infirmière libérale, a fait l'objet d'un contrôle d'activité par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse) à l'issue duquel elle a reçu notification d'un indu portant sur l'année 2010 ainsi que sur la période du 1er janvier au 31 juillet 2011.
2. L'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler l'ensemble de la procédure de recouvrement d'indu et de la débouter de sa demande reconventionnelle en paiement alors « que depuis sa modification par la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale qui exige qu'« Avant d'entrer en fonctions, les agents de l'organisme chargés du contrôle prêtent, devant le tribunal d'instance, serment de ne rien révéler des secrets de fabrication et en général des procédés et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission. Toute violation de serment est punie des peines fixées par l'article 226-13 du code pénal. », n'envisage plus le renouvellement périodique de ce serment ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Monsieur J... avait prêté serment devant le tribunal d'instance dès le 5 octobre 2009 et ce alors qu'il bénéficiait d'une autorisation provisoire du directeur général de la CNAMTS pour exercer les fonctions d'agent de contrôle ; que la cour d'appel aurait dû en conclure que lorsqu'il a rencontré Madame A..., le 29 septembre 2011, Monsieur J... avait bien la qualité d'agent assermenté et cela même s'il avait à nouveau prêté serment devant le même tribunal le 10 octobre 2011, à la suite de son agrément intervenu le 27 avril 2011 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 114-10, alinéa 1er, et L. 243-9 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, le second, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, applicables au litige, et l'arrêté du 30 juillet 2004 modifié fixant les conditions d'agrément des agents des organismes de sécurité sociale chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, visés aux articles L. 216-6 et L. 243-9 du code de la sécurité sociale :
4. Selon le premier de ces textes, les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens conseils peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.
4. Selon le deuxième, avant d'entrer en fonctions, les agents de l'organisme chargés du contrôle prêtent, devant le tribunal d'instance, serment de ne rien révéler des secrets de fabrication et en général des procédés et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission.
5. Il découle de ces dispositions que si les agents qui procèdent au contrôle de l'activité d'un professionnel de santé doivent être assermentés et agréés, les conditions de leur assermentation sont toutefois distinctes de celles qui régissent leur agrément.
6. Pour accueillir le recours formé par Mme A..., l'arrêt relève que le juge d'instance de Marseille a recueilli la prestation de serment de l'agent concerné, le 5 octobre 2009, au visa d'une autorisation provisoire du directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés donnée trois mois auparavant, le 2 juillet 2009, pour exercer des « fonctions provisoires » d'agent de contrôle, que selon un arrêté du 30 juillet 2004 modifié le 18 décembre 2006, il est fait une distinction entre autorisation provisoire et agrément, et que l'autorisation provisoire n'est valable que six mois, renouvelable une fois. La décision ajoute qu'en l'espèce, la première autorisation provisoire a été renouvelée avec effet au 1er juillet 2010, donc au bout d'un an, que l'agrément a été donné le 27 avril 2011 sur une demande d'agrément présentée le 11 avril 2011, et que l'agent a prêté serment, sur la base de cet agrément, six mois plus tard, le 10 octobre 2011, selon procès-verbal établi par le tribunal d'instance versé aux débats. L'arrêt retient que cette chronologie traduit soit une discontinuité dans les fonctions réelles de l'intéressé, soit le peu de sérieux de la gestion administrative des agents chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, visés aux articles L. 216-6 et L. 243-9 du code de la sécurité sociale. Il énonce qu'il n'en demeure pas moins qu'à la date de l'entretien avec Mme A..., si l'agent en cause bénéficiait bien d'un agrément depuis le 27 avril 2011, il n'avait pas encore prêté serment au visa de cet agrément, alors que cette assermentation est une condition essentielle de la validité des enquêtes faites par les agents de la caisse.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'agent concerné avait prêté serment le 5 octobre 2009, de sorte qu'il était régulièrement assermenté au moment du contrôle de la situation de Mme A..., la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Marseille du 16 mars 2016 en tant qu'il ordonne une jonction d'instances et déclare recevable en la forme les recours de Mme A..., l'arrêt rendu le 21 décembre 2018 entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties, sauf sur ce point, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme A... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme A... et la condamne à payer à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation de l'ensemble de la procédure de recouvrement de l'indu engagée par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône à l'encontre de Madame C... A... et de l'avoir déboutée de sa demande reconventionnelle de paiement de la somme de 51 688,76 euros au titre de l'indu correspondant à des prestations indument facturées par cette infirmière au cours de la période du 1er janvier 2010 au 1er juillet 2011 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Par lettre du 6 septembre 2011, la caisse a convoqué Madame A... à un entretien pour le 29 septembre 2011, dans le cadre d'un ‘contrôle d'activité' pour faire le point sur son exercice.
Cet entretien a été mené par M. J... qui a mentionné dans le procès-verbal d'audition qu'il était ‘agréé' par le directeur général de la Cnam, et ‘ayant prêté serment devant le juge d'instance, agissant conformément aux dispositions des articles L. 114-1 et L. 243-9 du code de la sécurité sociale.'
Madame A... a contesté La validité du contrôle, notamment en ce que l'entretien du 29 septembre 2011 avait été mené par M. J... qui n'était pas assermenté au jour de l'entretien, puisqu'il était avéré qu'il avait prêté serment devant le tribunal d'instance le 10 octobre 2011, donc après l'entretien.
La caisse a fourni une attestation de prestation de serment datée du 5 octobre 2009 en expliquant que cette prestation de serment était encore valable au jour de l'entretien.
La Cour constate que le juge d'instance de Marseille a recueilli la prestation de serment le 5 octobre 2009, au visa d'une autorisation provisoire du directeur général de la CNAMTS donné trois mois auparavant, le 2 juillet 2009 pour exercer des ‘fonctions provisoires' d'agent de contrôle.
Selon un arrêté du 30 juillet 2004 modifié le 18 décembre 2006, ‘le directeur de la caisse nationale, ou le ministre chargé de la sécurité sociale pour les agents de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, délivre aux agents une autorisation provisoire d'exercer leurs fonctions à réception du dossier complet de demande d'agrément. L'agrément pourra leur être accordé lorsque leur manière de servir et leurs aptitudes professionnelles auront été jugées satisfaisantes, dans le délai de six mois renouvelable une fois, à compter de la date de la demande d'agrément.'
Ce texte fait une distinction entre autorisation provisoire et agrément.
L'autorisation provisoire n'est valable que six mois renouvelable une fois.
La première autorisation provisoire a été renouvelée avec effet au 1er juillet 2010, donc au bout d'un an.
L'agrément a été donné le 27 avril 2011 sur une demande d'agrément présentée le 11 avril 2011.
Il a prêté serment, sur la base de cet agrément, six mois plus tard, le 10 octobre 2011, selon procès-verbal établi par le tribunal d'instance versé aux débats.
Cette chronologie traduit soit une discontinuité dans les fonctions réelles de l'intéressé, soit le peu de sérieux de la gestion administrative des agents chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, visés aux articles L 216-6 et L 243-9 du code de la sécurité sociale.
Il n'en demeure pas moins qu'à la date de l'entretien avec Madame A..., si M. J... bénéficiait bien d'un agrément depuis le 27 avril 2011, il n'avait pas encore prêté serment au visa de cet agrément.
Or, cette assermentation est une condition essentielle de la validité des enquêtes faites par les agents de cette caisse dans le cadre des articles L. 114-10 et L. 243-9 du code de la sécurité sociale.
En conséquence, l'audition doit être annulée et cette annulation entraîne l'annulation de tous les actes postérieurs. »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « La formation de jugement n'a pas eu connaissance d'autres conclusions sur le litige que celles renvoyant à la décision de la Commission de recours amiable (conclusions du 17 novembre 2014).
Or, les conclusions pour le compte de Madame C... A... s'articulent principalement autour de trois moyens visant à démontrer que ‘tant la convocation du 6 septembre 2011 que la notification de l'indu du 15 décembre 2011 et la mise en demeure du 30 juillet 2012 ont participé d'une procédure illégale.
En l'absence de toute trace de réplique et de toute pièce de la caisse de nature à contredire utilement le requérant, le tribunal ne peut que prononcer la nullité de la procédure de recouvrement et débouter la caisse primaire de sa demande reconventionnelle. »
ALORS D'UNE PART QUE depuis sa modification par la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale qui exige qu'« Avant d'entrer en fonctions, les agents de l'organisme chargés du contrôle prêtent, devant le tribunal d'instance, serment de ne rien révéler des secrets de fabrication et en général des procédés et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission. Toute violation de serment est punie des peines fixées par l'article 226-13 du code pénal. », n'envisage plus le renouvellement périodique de ce serment ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Monsieur J... avait prêté serment devant le tribunal d'instance dès le 5 octobre 2009 et ce alors qu'il bénéficiait d'une autorisation provisoire du directeur général de la CNAMTS pour exercer les fonctions d'agent de contrôle ; que la cour d'appel aurait dû en conclure que lorsqu'il a rencontré Madame A..., le 29 septembre 2011, Monsieur J... avait bien la qualité d'agent assermenté et cela même s'il avait à nouveau prêté serment devant le même tribunal le 10 octobre 2011, à la suite de son agrément intervenu le 27 avril 2011; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale.
ALORS D'AUTRE PART QU' en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation, la caisse recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel, à l'origine du paiement indu ; que la preuve de l'existence de cet indu étant libre, la CPCAM des Bouches-du-Rhône avait invité la cour d'appel à constater qu'elle établissait la réalité de l'indu même dans l'hypothèse où Monsieur J... n'aurait pas eu la qualité d'agent assermenté ou d'agent agréé lorsqu'il a rencontré Madame A... puisqu'en signant le document établi à l'issue de leur réunion, l'infirmière avait reconnu avoir facturé plus d'actes qu'elle ne pouvait en avoir effectué, compte tenu de l'amplitude de ses heures de travail ; qu'en ne recherchant pas si ce document, même s'il ne faisait plus foi jusqu'à preuve contraire du seul fait de sa signature par l'agent de la caisse, ne permettait tout de même pas à la CPCAM des Bouches-du-Rhône d'établir la réalité de l'indu dont elle réclamait le remboursement, la cour d'appel privé sa décision de base légale au regard des articles L 133-4 et R 133-9-1 du code de la sécurité sociale.