La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2020 | FRANCE | N°20-81739

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juillet 2020, 20-81739


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 20-81.739 FS-D

N° 1434

8 JUILLET 2020

SM12

RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 JUILLET 2020

M. K... B... a présenté, par mémoire spécial reçu le10 mars 2020, une question prioritaire de constitutionnalité formulée à l'occasion du pourvoi formé par lu

i contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 13 février 2020, qui, dans l'information sui...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 20-81.739 FS-D

N° 1434

8 JUILLET 2020

SM12

RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 JUILLET 2020

M. K... B... a présenté, par mémoire spécial reçu le10 mars 2020, une question prioritaire de constitutionnalité formulée à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 13 février 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de meurtre et tentatives de meurtre, aggravés, et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.

Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. K... B..., et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu Mme Slove, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, Mme Zientara-Logeay, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions des articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient pas, contrairement à la recommandation faite par la Cour européenne des droits de l'homme à la France dans son arrêt du 30 janvier 2020, que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention puisse, de manière effective, redresser la situation dont sont victimes les détenus dont les conditions d'incarcération constituent un traitement inhumain et dégradant afin d'empêcher la continuation de la violation alléguée devant lui, portent-elles atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, au principe constitutionnel nouveau qui en découle d'interdiction des traitements inhumains et dégradants ainsi qu'à la liberté individuelle, le droit au respect de la vie privée, le droit au recours effectif ? »

2. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

4. La question posée présente un caractère sérieux en ce sens que, d'une part, les dispositions législatives qui régissent la détention provisoire ne subordonnent pas le placement ou le maintien de cette détention à la possibilité de garantir que l'incarcération respecte la dignité de la personne détenue, et d'autre part, il n'existe pas de recours ni de faculté d'injonction reconnue à une juridiction, permettant de mettre un terme à toute atteinte à la dignité de la personne incarcérée, résultant des conditions de sa détention.

5. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du huit juillet deux mille vingt.


Sens de l'arrêt : Qpc incidente - renvoi au cc
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DETENTION PROVISOIRE - Atteinte à la dignité - Recours préventif - Office du juge - Vérification de la situation personnelle de la personne incarcérée - Contrôle - Portée

Il appartient au juge national, chargé d'appliquer la Convention, de tenir compte, sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires, de la décision de la Cour européenne des Droits de l'homme condamnant la France pour le défaut de recours préventif permettant de mettre fin à des conditions de détention indignes. Le juge judiciaire a l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. En tant que gardien de la liberté individuelle, il incombe à ce juge de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant. La description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention doit être suffisamment crédible, précise et actuelle, pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne. Il appartient alors à la chambre de l'instruction, dans le cas où le ministère public n'aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu'elle détient d'ordonner la mise en liberté de l'intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité


Références :

articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme

article préliminaire du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, 13 février 2020

S'agissant de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation des articles 3 et 13 de la Convention, à rapprocher : CEDH, 30 janvier 2020, J.M.B et autres c . France, n° 9671/15 et 31 autres.S'agissant de la jurisprudence de la chambre criminelle considérant que si une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions était susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique, elle ne pouvait constituer un obstacle légal au placement et au maintien en détention provisoire, en sens contraire :Crim., 18 septembre 2019, pourvoi n° 19-83950, Bull. crim. 2019 (rejet)


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 08 jui. 2020, pourvoi n°20-81739, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 08/07/2020
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20-81739
Numéro NOR : JURITEXT000042128043 ?
Numéro d'affaire : 20-81739
Numéro de décision : C2001434
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-07-08;20.81739 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award