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08/07/2020 | FRANCE | N°19-10625

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juillet 2020, 19-10625


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 568 F-D

Pourvoi n° S 19-10.625

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

M. B... E..., domicilié [...]

, a formé le pourvoi n° S 19-10.625 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2018 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), da...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 568 F-D

Pourvoi n° S 19-10.625

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

M. B... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° S 19-10.625 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2018 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Manix fluide, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. E..., de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Manix fluide, après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gilibert, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 juin 2018), M. E..., engagé le 19 mai 2008 par la société Manix fluide en qualité d'opérateur, a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue d'une visite de reprise du 26 juin 2015 visant un danger immédiat.

2. Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 19 août 2015 puis a saisi la juridiction prud'homale le 28 août 2015 de demandes relatives tant à la rupture qu'à l'exécution de son contrat de travail.

3. Le 17 septembre 2015, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission et de rejeter ses demandes au titre de la rupture alors « qu'il appartient à l'employeur de justifier de l'impossibilité de reclassement ; qu'en l'espèce, en estimant que le non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement invoqué par le salarié était une allégation non étayée par le moindre élément et que l'employeur n'avait pas à justifier de ses recherches à ce stade, de sorte qu'aucune faute n'était à retenir à son encontre de ce chef, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 1226-2, L. 1226-4 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil et les articles L. 1226-2 et L. 1231-1 du code du travail :

5. Selon le premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

6. Aux termes du second, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

7. Il résulte du troisième de ces textes que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

8. Pour dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission et débouter le salarié de ses demandes au titre de la rupture, l'arrêt, après avoir estimé que le non-paiement du salaire au jour de la prise d'acte n'était pas constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat, retient que le défaut d'une recherche de reclassement imputé à la société Manix fluide par le salarié n'est qu'une allégation non étayée par le moindre élément. Il précise, qu'à ce stade, l'employeur n'a pas à justifier ses recherches à l'inverse de l'hypothèse d'un licenciement pour impossibilité de reclassement et qu'aucune faute n'est à retenir à l'encontre de l'employeur de ce chef.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié invoquait au soutien de sa prise d'acte un défaut de recherche de reclassement de la part de l'employeur et qu'il appartenait à ce dernier de justifier des démarches entreprises en vue du reclassement du salarié ou de l'impossibilité de le reclasser, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Manix fluide à payer à M. E... la somme de 1 077,19 euros au titre de la prime d'ancienneté, l'arrêt rendu le 19 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ;

Condamne la société Manix fluide aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Manix fluide et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. E...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du salarié produisait les effets d'une démission et d'AVOIR rejeté ses demandes tendant à voir juger que la prise d'acte s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir les indemnités subséquentes.

AUX MOTIFS QUE la société Manix Fluide avait l'obligation de reprendre le paiement du salaire de M. E... à compter du 26 juillet 2015 ; Au jour de la prise d'acte, soit le 19 août 2015, seul le salaire du 26 au 30 août était exigible ; Il doit néanmoins être précisé que M. E... produit les arrêts de travail pour la période du 15 mai au 26 juin et pour celle allant du 29 juin au 18 août 2015 ; Ainsi, le salaire dû ne concernait que la période allant du 26 au 28 juin ; Le non-paiement de ce salaire au jour de la prise d'acte n'est pas constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat ; Quant au défaut d'une recherche de reclassement imputé à la société Manix Fluide par M. E..., elle n'est qu'une allégation non étayée par le moindre élément, étant précisé qu'à ce stade l'employeur n'a pas à justifier ses recherches à l'inverse de l'hypothèse d'un licenciement pour impossibilité de reclassement ; Aucune faute n'est alors à retenir à l'encontre de l'employeur de ce chef ; Si M. E... justifie sa prise d'acte par l'absence de revenu, il élude les indemnités journalières perçues sur les périodes précitées ; L'argument est donc fallacieux et reste sans incidence sur l'insuffisance de gravité de la faute de l'employeur ; Il en résulte que la prise d'acte de M. E... produit les effets d'une démission sans qu'il y ait lieu de suivre plus avant les parties dans leur argumentation inopérante ou d'abordé le bien-fondé du licenciement dépourvu d'objet du fait de la rupture antérieure du contrat (arrêt attaqué pp. 2-3).

1° ALORS tout d'abord QUE lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; qu'aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié ; que le manquement de l'employeur à son obligation de reprise du paiement du salaire justifie la prise d'acte du salarié et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir constaté qu'au jour de la prise d'acte, le 19 août 2015, l'employeur aurait dû reprendre le paiement du salaire depuis le 26 juillet 2015, a estimé que ce manquement de l'employeur n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat de travail pour la raison que le salarié produisait des arrêts de travail pour la période en cause et percevait des indemnités journalières de la sécurité sociale, de sorte qu'il ne pouvait justifier sa prise d'acte par l'absence de revenus ; qu'en statuant ainsi, quand l'employeur devait verser au salarié son salaire en totalité dès l'expiration du délai d'un mois, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-4 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

2° ALORS encore QUE les motifs inintelligibles équivalent à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour dire que la prise d'acte du salarié s'analysait en une démission, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait l'obligation de reprendre le paiement du salaire de l'exposant à compter du 26 juillet 2015, qu'au jour de la prise d'acte, soit le 19 août 2015, seul le salaire du 26 au 30 août était exigible, que l'exposant produisait des arrêts de travail pour la période du 15 mai au 26 juin et pour celle allant du 29 juin au 18 août 2015 et qu'ainsi le salaire dû ne concernait que la période allant du 26 au 28 juin ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs ne permettant pas de déterminer la période pendant laquelle l'employeur s'est abstenu à tort de verser les salaires dus, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

3° ALORS en outre QU'à l'issue du délai d'un mois prévu à l'article L. 1226-4 du code du travail, l'employeur demeure tenu de respecter son obligation de reclassement du salarié déclaré inapte ; que le non-respect par l'employeur de cette obligation justifie la prise d'acte du salarié ; qu'en déboutant l'exposant de sa demande pour la raison que l'employeur n'avait pas à justifier de ses recherches de reclassement et qu'aucune faute n'était à retenir à son encontre de ce chef, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-4 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

4° ALORS enfin QU'il appartient à l'employeur de justifier de l'impossibilité de reclassement ; qu'en l'espèce, en estimant que le non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement invoqué par le salarié était une allégation non étayée par le moindre élément et que l'employeur n'avait pas à justifier de ses recherches à ce stade, de sorte qu'aucune faute n'était à retenir à son encontre de ce chef, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 1226-2, L. 1226-4 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-10625
Date de la décision : 08/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 19 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2020, pourvoi n°19-10625


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10625
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