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08/07/2020 | FRANCE | N°18-20961

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 juillet 2020, 18-20961


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 424 F-P+B

Pourvoi n° F 18-20.961

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2020

M. P... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 18-20.961 con

tre l'arrêt rendu le 8 juin 2018 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section II), et un pourvoi additionnel contre l'arrêt rendu le...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 424 F-P+B

Pourvoi n° F 18-20.961

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2020

M. P... R..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 18-20.961 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2018 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile, section II), et un pourvoi additionnel contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2014 par la même cour d'appel, dans le litige l'opposant à Mme B... Z..., prise en qualité de représentante légale de M..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui du pourvoi principal et du pourvoi additionnel, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. R..., de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme Z..., après débats en l'audience publique du 26 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Reims, 24 octobre 2014 et 8 juin 2018), M... Z... est né le [...] de Mme Z... sans filiation paternelle déclarée.

2. Par acte du 22 juin 2011, celle-ci, agissant en qualité de représentante légale du mineur, a assigné M. R... en recherche de paternité.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et sur le troisième moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. R... fait grief à l'arrêt du 24 octobre 2014 de déclarer recevable l'action en recherche de paternité, alors « que selon l'article 20-IV de l'ordonnance du 4 juillet 2005, seules les actions prévues par les articles 327 et 329 du code civil peuvent être exercées sans que puisse être opposée la forclusion tirée de la loi ancienne ; que l'ancien article 340-4 du code civil prévoyait que l'action en recherche de paternité naturelle ne pouvait être exercée par la mère que dans un délai de deux ans suivant la naissance de l'enfant ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que Mme Z... a attendu le 22 juin 2011, soit plus de huit ans après la naissance de son fils, le [...], pour agir en recherche de paternité contre M. R... sur le fondement de l'article 328 nouveau du code civil ; qu'en affirmant que la forclusion tirée de la loi ancienne n'est pas opposable à cette action, peu important que l'article 20-IV ne vise pas l'article 328 du code civil, la cour d'appel a violé les articles 20-IV de l'ordonnance du 4 juillet 2005, 328 nouveau du code civil et 340-4 ancien du même code. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles 327 et 328 du code civil, d'une part, que l'action en recherche de paternité est réservée à l'enfant, d'autre part, que pendant la minorité de celui-ci, le parent à l'égard duquel la filiation est établie a seul qualité pour exercer l'action en recherche de paternité. Il en résulte que l'article 20, IV, de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, qui prévoit, au titre des dispositions transitoires, que l'action prévue par l'article 327 du code civil peut être exercée sans que puisse être opposée la forclusion de deux ans tirée de la loi ancienne, dès lors qu'à la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, le 1er juillet 2006, la prescription de dix ans prévue par l'article 321 du même code n'est pas acquise, s'applique lorsque l'action est exercée par le représentant légal de l'enfant mineur sur le fondement de l'article 328 du code civil.

6. Après avoir énoncé à bon droit que l'article 20, IV, de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 est applicable à toutes les actions en recherche de paternité intentées postérieurement au 1er juillet 2006, qu'elles soient exercées par la mère pendant la minorité de l'enfant ou par l'enfant lui-même devenu majeur et relevé que l'action en recherche de paternité avait été engagée par la mère de l'enfant, en qualité de représentante légale de ce dernier, postérieurement à l'entrée en vigueur de ces dispositions et dans le délai de 10 ans requis par l'article 321 du code civil, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci était recevable.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur la deuxième et la troisième branches du deuxième moyen

Enoncé du moyen

8. M. R... fait grief à l'arrêt du 8 juin 2018 de le déclarer père de M..., alors :

« 1°/ que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; que constitue un motif légitime de refuser de se soumettre à l'expertise biologique judiciairement ordonnée, la circonstance que la question de la recevabilité de l'action intentée contre soi n'a pas été définitivement tranchée ; que, dans ses conclusions, M. R... faisait valoir que la recevabilité de l'action de Mme Z... n'étant pas purgée, il avait refusé de se soumettre à l'examen comparé des sangs ordonné par le juge ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que M. R... ne disposait d'aucun motif légitime pour s'opposer à la réalisation de l'expertise ADN et que son refus constituait un indice de ce qu'il avait connaissance de sa paternité, la cour d'appel a violé l'article 310-3 du code civil ;

2°/ que le droit à un procès équitable implique que le défendeur à une action en recherche de paternité puisse refuser de se soumettre à l'expertise biologique judiciairement ordonnée tant que la question de la recevabilité de l'action intentée contre lui n'a pas été définitivement tranchée, sans que le juge puisse déduire de ce refus la preuve de sa paternité ; que, dans ses conclusions, M. R... faisait valoir que la recevabilité de l'action de Mme Z... n'étant pas purgée, il avait refusé de se soumettre à l'examen comparé des sangs ordonné par le juge ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que M. R... ne disposait d'aucun motif légitime pour s'opposer à la réalisation de l'expertise ADN et que son refus constituait un indice de ce qu'il avait connaissance de sa paternité, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article 310-3 du code civil, l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder.

10. L'absence de décision irrévocable sur la recevabilité d'une action en recherche de paternité ne peut constituer un motif légitime, même au regard du droit au procès équitable, pour refuser de se soumettre à une expertise biologique ordonnée à l'occasion de cette action par le tribunal, s'agissant d'une mesure qui, destinée à lever les incertitudes d'un enfant sur ses origines, doit être exécutée avec célérité.

11. Après avoir, par motifs propres et adoptés, retenu que l'action était recevable et relevé que M. R... avait volontairement mis en échec l'expertise génétique ordonnée par le tribunal en faisant le choix de ne pas déférer aux convocations qui lui avaient été adressées, en vertu de la décision ordonnant l'expertise, laquelle était exécutoire, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que ce dernier ne disposait d'aucun motif légitime pour s'opposer à la réalisation de l'expertise génétique et qu'il se déduisait de son refus de s'y soumettre un indice supplémentaire de sa paternité.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. R... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. R... et le condamne à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. R...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 24 octobre 2014 d'AVOIR déclaré l'action en recherche de paternité formée par Mme B... Z... recevable ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 340-4 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 4 juillet 2005, l'action en recherche de paternité devait à peine de déchéance être exercée dans les deux années qui suivaient la naissance ou la majorité de l'enfant ; que les dispositions applicables à l'action de recherche de paternité résultant de l'ordonnance du 4 juillet 2005 sont les suivantes : article 321 du code civil : sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par 10 ans à compter du jour ou la personne a été privée de l'état qu'elle réclame. A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité ; article 327 du code civil : La paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée. L'action en recherche de paternité est réservée à l'enfant ; article 328 du code civil : Le parent à l'égard duquel la filiation est établie a pendant la minorité de l'enfant seul qualité pour exercer l'action en recherche de paternité ; article 329 du code civil : l'action en rétablissement des effets de la présomption de paternité est ouverte à chacun des époux durant la minorité de l'enfant et à l'enfant pendant les dix ans qui suivent sa majorité ; que M... est né le [...] ; que l'article 20-I de l'ordonnance du 4 juillet 2005 prévoit que sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, l'ordonnance est applicable aux enfants nés avant comme après son entrée en vigueur ; qu'aux termes de l'article 20-III les actions intentées avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance sont poursuivies et jugées conformément à la loi anciennes ; que les actions intentées postérieurement au 1er juillet 2006 relèvent donc des dispositions nouvelles ; que selon l'article 20-IV sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée les actions prévues aux articles 327 et 329 du code civil tels qu'ils résultent de la présente ordonnance peuvent être exercées sans que puisse être opposée la forclusion tirée de la loi ancienne lorsque à la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance la prescription prévue à l'article 321 tel qu'il résulte de la même ordonnance n'est pas acquise ; que l'action doit être exercée dans le délai d'entrée en vigueur de la présente loi sans que ce délai puisse être inférieur à un an ; que l'article 327 prévoit l'action en recherche de paternité et l'article 329 l'action en rétablissement de la présomption de paternité ; que l'article 20-IV est applicable à toutes les actions en recherche de paternité intentées postérieurement au 1er juillet 2006, qu'elles soient faites par la mère pendant la minorité de l'enfant ou par l'enfant lui-même devenu majeur puisque l'article 327 du code civil précise que l'action appartient à l'enfant et que l'article 328 ne concerne que la personne habilité à exercer cette action pour le compte du mineur ; qu'il importe donc peu que l'article 20-IV ne vise pas l'article 328 du code civil ; qu'en conséquence, les nouveaux délais de prescription prévus par l'ordonnance sont applicables ; qu'il résulte de ces textes que l'action de Mme B... Z... intentée postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005 est recevable ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M... est né le [...] sous l'empire de la loi du 8 janvier 1993 relative à la filiation ; que dans le cadre de cette législation, l'ancien article 340-4 du code civil ouvrait l'action en recherche de paternité naturelle pendant un délai de deux ans suivant la naissance de l'enfant, puis dans les deux années suivant sa majorité ; qu'il résulte de l'article 327 du code civile issu de l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation que l'action en recherche de paternité est désormais réservée à l'enfant, l'article 328 du même code confiant toutefois à la mère, seule qualité pour exercer cette action pendant la minorité de l'enfant ; que l'ordonnance du 4 juillet 2005, portant réforme de la filiation, a assoupli le régime de cette action ; qu'aux termes de l'article 321 du code civil, sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent désormais par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté ; que selon l'article 20-IV de l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les actions prévues par les articles 327 et 329 du code civil, tels qu'ils résultent de la présente ordonnance, peuvent être exercées, sans que puisse être opposée la forclusion tirée de la loi ancienne, lorsqu'à la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance (le 1er juillet 2006) la prescription prévue par l'article 321 du code civil, tel qu'il résulte de la même ordonnance, n'est pas acquise ; que l'action doit alors être exercée dans le délai restant à courir à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance, sans que ce délai puisse être inférieur à un an ; que si, en application du IV de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, les actions prévues par l'article 327 du code civil peuvent être exercées sans que puisse être opposée la forclusion tirée de la loi ancienne, c'est à la condition qu'à la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, le 1er juillet 2006, la prescription prévue par l'article 321 du même code ne soit pas acquise ; qu'il résulte clairement de l'article 20, I de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 que celle-ci est d'application immédiate, c'est-à-dire que le nouveau délai de prescription décennale doit s'appliquer et que les actions issues de cette réforme peuvent être exercées sans que puisse être opposée la forclusion tirée de la loi ancienne ; qu'en l'espèce, l'action ayant été engagée par B... Z... le 22 juin 2011, la prescription décennale prévue par l'article 321 du code civil ne se trouvait pas acquise en sorte que son action est recevable ; qu'en effet, l'enfant étant né le [...] , l'action ouverte à la mère en vertu de l'article 328 du code civil est recevable jusqu'au 21 novembre 2013 ;

ALORS QUE selon l'article 20-IV de l'ordonnance du 4 juillet 2005, seules les actions prévues par les articles 327 et 329 du code civil peuvent être exercées sans que puisse être opposée la forclusion tirée de la loi ancienne ; que l'ancien article 340-4 du code civil prévoyait que l'action en recherche de paternité naturelle ne pouvait être exercée par la mère que dans un délai de deux ans suivant la naissance de l'enfant ; qu'en l'espèce, il ressort de la procédure que Mme Z... a attendu le 22 juin 2011, soit plus de huit ans après la naissance de son fils, le [...], pour agir en recherche de paternité contre M. R... sur le fondement de l'article 328 nouveau du code civil ; qu'en affirmant que la forclusion tirée de la loi ancienne n'est pas opposable à cette action, peu important que l'article 20-IV ne vise pas l'article 328 du code civil, la cour d'appel a violé les articles 20-IV de l'ordonnance du 4 juillet 2005, 328 nouveau du code civil et 340-4 ancien du même code.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 8 juin 2018 d'AVOIR déclaré que P... R... né le [...] est le père biologique de M... Z... né le [...] à Paris 13e, de B... Z... et, en conséquence, d'AVOIR ordonné à l'état civil de retranscrire le dispositif de la présente décision en marge de l'acte de naissance du demandeur (n° 1073) dressé à la mairie de Paris 13e, d'AVOIR condamné M. R... à verser à M... Z..., représenté par sa mère, B... Z..., la somme de 4.000 € en réparation de son préjudice moral et d'AVOIR fixé à la somme de 300 € par mois la pension alimentaire mise à la charge de M. R... pour l'entretien et l'éducation de l'enfant et ce, à compter du 22 juin 2011 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'action en reconnaissance de paternité, B) sur le fond, aux termes de l'article 327 du code civil la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée, l'action en recherche de paternité est réservée à l'enfant ; que par application de l'article 328 du code civil le parent à l'égard duquel la filiation est établie a, pendant la minorité de l'enfant, seul qualité pour exercer l'action en recherche de maternité ou de paternité ; que l'article 310-3 du même code prévoit que la filiation se prouve pas tous moyens ; que par application de ce texte, l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; que M. P... R... soutient qu'il n'y avait aucun motif de recourir à une expertise dès lors que Mme B... Z... n'apportait aucun élément probant à l'appui de sa demande ; qu'il n'y a pas lieu d'examiner les éléments complémentaires produits à hauteur d'appel par Mme B... Z... dès lors qu'il convient de se placer dans la même situation que le premier juge pour évaluer la pertinence de l'argument de M. P... R... qui soutient que le magistrat n'était pas en droit, au vu des éléments alors produits, d'ordonner une expertise ; que Mme B... Z... a produit devant le premier juge les éléments suivants : - des photographies de M. P... R... avec M... alors âgé d'environ un an, expliquant qu'à cette époque l'appelant entretenait encore un lien avec l'enfant. Ces photographies sont relativement intimes puisqu'on y voit l'enfant prendre un bain avec M. P... R... ; que la cour observe que M. P... R... ne conteste pas véritablement qu'il s'agit bien là de lui avec cet enfant, et en tout état de cause, il ne verse pas de photographies de sa personne qui pourraient permettre à la cour de douter de l'identité de l'adulte et de l'enfant y figurant ; - des attestations de quatre témoins qui indiquent avoir été invités en 2004 à la fête d'anniversaire de M... lors de laquelle ils ont rencontré M. P.... R... qui leur a été présenté comme le père de cet enfant ; que ces éléments ne sont pas véritablement remis en cause en leur contenu par M. P... R... qui se borne à qualifier les attestations de «mensongère» sans autre explication , qu'ils constituaient d'ores et déjà une certaine présomption, à partir de laquelle le premier juge a pu légitimement ordonner une mesure d'expertise, étant précisé de surcroît que M. P... R... n'a jamais contesté avoir - entretenu une relation intime avec Madame Z... au moment de la conception de l'enfant ; que l'argument de M. P... R... selon lequel « le principe fondamental de l'inviolabilité du corps humain s 'oppose au prononcé d'une mesure de coercition en cas de refus de se soumettre à l'examen des sangs » n'est pas pertinent ; qu'à cet égard, si le seul refus de se soumettre à un examen comparatif des sangs ne peut, à lui seul, démontrer une quelconque paternité, il en va différent lorsque, comme en l'espèce, d'autre indices sérieux et concordants viennent conforter la présomption qui peut être tirée de ce refus ; qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que le premier juge a retenu qu'il existait une preuve suffisante de ce que M. P... R... était le père de M..., ce en quoi le jugement est confirmé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur la demande en déclaration de paternité, aux termes de l'article 327 du code civil, la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée ; que l'action en recherche de paternité est réservée à l'enfant ; que conformément à l'article 328 du même code le parent, même mineur, à l'égard duquel la filiation est établie a, pendant la minorité de l'enfant, seul qualité pour exercer l'action en recherche de maternité ou de paternité, qu'il résulte de l'article 310-3 du même code, que la filiation se prouve par tous moyens ; qu'or, en application de cette disposition, l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; qu'en l'espèce, si M. R... déclare que la demanderesse entretenait une relation suivie avec un autre homme au moment de la conception de l'enfant, il reconnaît avoir lui aussi eu une relation avec la mère de l'enfant à cette même période ; que par ailleurs, Mme R... verse aux débats une quinzaine de photographies montrant son jeune enfant jouant et prenant le bain avec un homme qu'elle décrit comme étant M. R...; qu'il résulte, en outre, des attestations versées, que lors de la. fête d'anniversaire des un an de M..., M. R... a été présenté aux amis de Mme Z... comme étant le père de l'enfant ; qu'enfin, il résulte des éléments du dossier, que M. R... a volontairement mis en échec l'expertise comparée ordonnée par le tribunal en faisant le choix de ne pas déférer aux convocations qui lui ont été adressées ; qu'or le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims n'étant pas suspensif, la décision ordonnant l'expertise était exécutoire et M. R... ne disposait ainsi d'aucun motif légitime de s'opposer à la réalisation de l'expertise ADN ; qu'il peut dès lors, être déduit de son refus de s'y soumettre un indice supplémentaire de ce qu'il a connaissance de sa paternité ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments la preuve suffisante de ce que M. R... est le père de M. Z... ; qu'en conséquence, M. P... R... est déclaré être le père biologique de M. M... Z... ;

1) ALORS QUE les juges sont tenus de ne pas dénaturer les conclusions qui les saisissent ; que, dans ses écritures, M. R... faisait valoir que s'il avait entretenu avec Mme Z... une relation épisodique, pour autant, il n'était pas démontré que des relations intimes aient existé entre les parties durant la période de conception de l'enfant (p. 6, § 5 et in fine et p .7, § 1) ; qu'en affirmant par motifs propres et adoptés, pour déclarer que M. R... était le père biologique du fils de Mme Z..., que l'intéressé « n'a[vait] jamais contesté avoir entretenu une relation intime avec Mme Z... au moment de la conception de l'enfant » (jugement, p. 3, § 6 ; arrêt, p. 5, § 10), la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions de M. R..., a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; que constitue un motif légitime de refuser de se soumettre à l'expertise biologique judiciairement ordonnée, la circonstance que la question de la recevabilité de l'action intentée contre soi n'a pas été définitivement tranchée ; que, dans ses conclusions (p. 5, § 5-6), M. R... faisait valoir que la recevabilité de l'action de Mme Z... n'étant pas purgée, il avait refusé de se soumettre à l'examen comparé des sangs ordonné par le juge ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que M. R... ne disposait d'aucun motif légitime pour s'opposer à la réalisation de l'expertise ADN et que son refus constituait un indice de ce qu'il avait connaissance de sa paternité (jugement, p. 3, § 6), la cour d'appel a violé l'article 310-3 du code civil ;

3) ALORS QUE le droit à un procès équitable implique que le défendeur à une action en recherche de paternité puisse refuser de se soumettre à l'expertise biologique judiciairement ordonnée tant que la question de la recevabilité de l'action intentée contre lui n'a pas été définitivement tranchée, sans que le juge puisse déduire de ce refus la preuve de sa paternité ; que, dans ses conclusions (p. 5, § 5-6), M. R... faisait valoir que la recevabilité de l'action de Mme Z... n'étant pas purgée, il avait refusé de se soumettre à l'examen comparé des sangs ordonné par le juge ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que M. R... ne disposait d'aucun motif légitime pour s'opposer à la réalisation de l'expertise ADN et que son refus constituait un indice de ce qu'il avait connaissance de sa paternité (jugement, p. 3, § 6), la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 8 juin 2018 d'AVOIR condamné M. R... à verser à M... Z..., représenté par sa mère, B... Z..., la somme de 4.000 € en réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande en dommages et intérêts, pour condamner M. P... R... au paiement d'une indemnité de 4.000 euros au profit du mineur en application de l'article 1382 du code civil, le premier juge a retenu : - qu'il résultait des éléments versés aux débats que Monsieur R... avait connaissance de la naissance de l'enfant alors qu'il avait eu une relation intime avec la mère au moment de la conception, qu'il se déduit de son choix délibéré de ne pas se soumettre à l'expertise ADN un indice de ce qu'il avait connaissance de sa paternité et qu'il a ainsi cherché à se soustraire à ses obligations de père ; - que cet indice est corroboré par les attestations et photographies le présentant comme se comportant en père de l'enfant ;- qu'en ne reconnaissant pas son fils et en s'opposant à la recherche de paternité il a commis une faute génératrice d'un préjudice moral pour M... consistant dans l'incertitude relative à sa filiation, ainsi que le fait de grandir sans père ; que pour s'opposer à cette demande en dommages et intérêts M. P... R... se borne à indiquer : - que Mme B... Z... ne justifie pas d'un quelconque préjudice de l'enfant alors qu'elle n'a effectué aucune procédure pendant 8 ans, et qu'est « facile » de lui reprocher des lenteurs procédurales alors qu'il n'a fait qu'user de ses droits en matière de recours ; - qu'elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui réparé par l'octroi d'une pension alimentaire ; que sur ce second point la cour observe que le préjudice moral allégué est celui du mineur et non pas celui de sa mère, et qu'il est assurément distinct du préjudice financier lié à l'entretien courant de l'enfant qui est assuré par le paiement d'une contribution alimentaire mensuelle ; que M. P... R... ne répond pas sur le fond du préjudice allégué du mineur ; qu'or, Mme B... Z... rappelle à juste titre que l'attitude de M. P... R... crée une situation d'insécurité psychologique chez l'adolescent, qui se sent rejeté ; qu'au surplus, la cour relève qu'il résulte de l'attestation de la soeur de l'appelante que M... « sait très bien » qui est son père, de sorte que ce contexte procédural persistant depuis de nombreuses années rejailli nécessairement défavorablement sur lui ; que les motifs du premier juge doivent donc être approuvés en ce que le comportement fautif de M. P... R... à l'égard du mineur est caractérisé, son préjudice moral non sérieusement contestable pouvant être légitimement compensé par l'octroi de la somme de 4.000 euros arrêtée par le premier juge ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur la demande de dommages et intérêts, en vertu de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; qu'il résulte des éléments versés aux débats que M. R... avait connaissance de ce que M... était né, alors qu'il avait eu une relation intime avec la mère au moment de la conception ; qu'il se déduit, en outre, de son choix délibéré de ne pas se soumettre à l'expertise ADN un indice de ce qu'il avait connaissance de sa paternité et qu'il a ainsi cherché à se soustraire à ses obligations de père ; qu'or, cet indice est corroboré par les attestations et photographies versées, le présentant comme se comportant en père de l'enfant ; qu'il se déduit, ainsi, des éléments versés aux débats que M. R..., en ne reconnaissant pas son fils et en s'opposant à l'action en recherche de paternité formée par la mère, a commis une faute génératrice d'un préjudice moral pour M. M... Z... ; qu'en effet, le préjudice moral subi par l'enfant consiste dans l'incertitude relative à sa filiation, ainsi que le fait de grandir sans père, et il est distinct du préjudice économique subi par la mère, qui a contribué seule à son éducation et son entretien ; que par conséquent, il y a lieu de condamner M. R... à verser à M. M... Z... la somme de 4.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

1) ALORS QUE la défense à une action en justice, par des moyens de droit et l'exercice de voies de recours, ne peut constituer un abus de droit, sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier ; qu'en l'espèce, pour retenir que M. R... avait commis une faute génératrice d'un préjudice moral pour M..., la cour d'appel s'est bornée à relever que l'intéressé n'avait pas reconnu son fils, alors qu'il avait connaissance de sa paternité, et qu'il s'était opposé à l'action en recherche de paternité engagée par Mme Z... ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'abus commis par M. R... dans l'exercice de son droit, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2) ALORS QUE pour apprécier le caractère abusif de l'exercice d'un droit par son titulaire, le juge doit prendre en considération l'ensemble des circonstances de faits dans lequel s'inscrit l'exercice du droit incriminé ; qu'en se bornant à relever, en l'espèce, qu'en ne reconnaissant pas son fils et en s'opposant à l'action en recherche de paternité engagée par Mme Z..., M. R... avait commis une faute génératrice d'un préjudice moral pour M..., sans s'expliquer sur les atermoiements procéduraux de Mme Z... qui s'est volontairement désistée de sa première action en recherche de paternité et a attendu le 22 juin 2011, soit plus de huit ans après la naissance de son fils, pour agir en recherche de paternité contre M. R..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-20961
Date de la décision : 08/07/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 08 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 jui. 2020, pourvoi n°18-20961, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.20961
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