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08/07/2020 | FRANCE | N°18-20293

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 juillet 2020, 18-20293


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 605 F-D

Pourvoi n° E 18-20.293

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

M. A... U..., domicilié [...] , a for

mé le pourvoi n° E 18-20.293 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité socia...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 605 F-D

Pourvoi n° E 18-20.293

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

M. A... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° E 18-20.293 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Presta services, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. U..., de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Presta services, et après débats en l'audience publique du 27 mai 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller, Mme Grivel, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 mai 2018), M. U..., engagé à compter du 13 février 2012 par la société Presta services en qualité de technicien livreur installateur, a été licencié le 3 septembre 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il a ensuite saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes à titre d'indemnités et de rappels de salaires.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Énoncé du moyen

2. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de la journée du 25 octobre 2013 et des congés payés afférents, alors « que la rémunération mensuelle est indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois ; qu'en jugeant que la journée du 25 octobre 2013, travaillée en plus de l'horaire de travail, ne pourrait donner lieu à paiement au profit du salarié dont le temps de travail est mensualisé, la cour d'appel a violé l'article L.3242-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

3. Ayant retenu que le temps de travail du salarié était mensualisé et qu'aucune déduction de quelque nature que ce soit n'avait été opérée sur son salaire pour la journée du 25 octobre 2013, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas allégué par l'intéressé un dépassement de sa durée mensuelle de travail, a pu en déduire que cette demande était injustifiée.

4. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Énoncé du moyen

5. Le salarié fait grief l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour heures supplémentaires impayées et repos compensateurs non pris, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en affirmant que le salarié ne produisait pas d'éléments de nature à étayer sa demande quand celui-ci produisait au débat un tableau émanant de son employeur et détaillant les heures de travail effectuées au mois d'août 2013 et qu'il résultait par ailleurs des éléments de la procédure et des pièces visées par la cour que l'employeur était en possession de tableaux détaillant précisément les heures d'intervention et les horaires de fin de tournée, permettant un calcul précis des heures de travail effectuées par l'exposant, que condamné à fournir à ce dernier le récapitulatif mensuel des heures de travail effectuées, il s'était soustrait à cette condamnation, et enfin qu'il avait dans le cadre de l'instance judiciaire produit des documents falsifiés par suppression de la colonne mentionnant les heures de fin de tournée, ce qui résultait d'un procès-verbal de constat régulièrement produit aux débats et visé par elle, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour rejeter la demande du salarié en paiement d'une indemnité pour heures supplémentaires impayées et repos compensateurs non pris, l'arrêt, après avoir constaté que l'intéressé produisait une note de service fixant son heure de prise de service le matin et, pour le mois d'août 2013, un tableau résultat SAV août" sur lequel figurait pour chaque jour travaillé au cours du mois ses heures de fin de tournée, retient que les seules déductions tirées par le salarié des éléments qu'il cite, non corroborées par de plus amples données, ne sont pas de nature à étayer sa demande au titre des heures supplémentaires, en ce qu'ils ne s'analysent pas comme étant des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le salarié présentait à l'appui de sa demande, pour le mois d'août 2013, des éléments suffisamment précis afin de permettre à l'employeur d'y répondre, et que ce dernier, qui avait établi des tableaux mentionnant les horaires de fin de tournée du salarié, pour les autres périodes en litige, n'avait fourni aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par l'intéressé, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation de l'arrêt du chef relatif à la demande au titre des heures supplémentaires entraîne par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le deuxième moyen relatif à la demande du salarié en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. U... de ses demandes d'indemnité pour les heures supplémentaires et les repos compensateurs et d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 31 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Presta services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Presta services et la condamne à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. U...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs.

AUX MOTIFS QUE M. A... U... soutient avoir accompli des heures supplémentaires ce qui résulte de la note de service n°137 du 9 octobre 2013 précisant les heures de début de travail pour chaque salarié, de l'octroi de jours de RTT alors que l'horaire de travail est de 35 heures, des primes exceptionnelles versées de juillet à octobre 2012, en décembre 2012, avril, juillet et septembre 2013 ; que concernant le paiement des primes exceptionnelles, les développements qui précèdent ont permis de retenir que celles-ci correspondaient en réalité à la part variable de la rémunération du salarié et sont donc sans incidence directe sur le temps de travail ; que les RTT résultent du contrat de travail du salarié qui prévoit qu'au vu de la variabilité due à l'activité, l'entreprise accorde 6 jours de. RTT sur l'année pour compenser les éventuels dépassements d'heures ; qu'il soutient que l'employeur détient les ordres d'intervention sur lesquels figurent les heures d'intervention et que chaque mois était établi un tableau récapitulatif de l'activité du salarié ; qu'il n'est pas discuté par l'employeur la mise en place du tableau susvisé, lequel avait pour objet, selon l'attestation de Mme N... S..., cadre administratif, d'évaluer les compétences techniques des techniciens, mais non de comptabiliser leur temps de travail, allégation confirmée par Mme E... H..., secrétaire et déléguée du personnel ; que néanmoins, le salarié fait la démonstration que pour août 2013, le tableau établi au sein de l'entreprise comportait une colonne supplémentaire intitulée " fin de tournée" mentionnant l'horaire de fin de tournée des salariés concernés en versant un procès-verbal de constat d'huissier du 22 juin 2016 aux termes duquel Me K... Q... a accédé à la boîte mail du salarié et a constaté le contenu d'un courriel adressé par M. G... T..., responsable technique, le 2 septembre 2013 ayant pour objet" résultats SAV août" et donnant accès au tableau afférent à chacun des salariés concernés, lequel comporte une colonne mentionnant l'heure de fin de tournée ; que néanmoins, les seules déductions tirées par le salarié des éléments qu'il cite, non corroborées par de plus amples données, ne sont pas de nature à étayer sa demande au titre des heures supplémentaires, en ce qu'ils ne s'analysent pas comme étant des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur, de sorte que la cour infirmant le jugement entrepris, déboute M. A... U... des demandes à ce titre.

ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en affirmant que le salarié ne produisait pas d'éléments de nature à étayer sa demande quand celui-ci produisait au débat un tableau émanant de son employeur et détaillant les heures de travail effectuées au mois d'août 2013 et qu'il résultait par ailleurs des éléments de la procédure et des pièces visées par la cour que l'employeur était en possession de tableaux détaillant précisément les heures d'intervention et les horaires de fin de tournée, permettant un calcul précis des heures de travail effectuées par l'exposant, que condamné à fournir à ce dernier le récapitulatif mensuel des heures de travail effectuées, il s'était soustrait à cette condamnation, et enfin qu'il avait dans le cadre de l'instance judiciaire produit des documents falsifiés par suppression de la colonne mentionnant les heures de fin de tournée, ce qui résultait d'un procès-verbal de constat régulièrement produit aux débats et visé par elle, la cour d'appel a violé l'article L.3171-4 du contrat de travail.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS propres QUE le rejet de la demande au titre des heures supplémentaires induit le rejet de la demande pour travail dissimulé.

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QU'en l'espèce M. U... ne prouve pas que la société Presta Services a volontairement dissimulé du travail salarié.

1° ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, relatif notamment aux heures supplémentaires, emportera la censure par voie de conséquence du présent chef du dispositif en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile.

2° ALORS QU'en se bornant à affirmer péremptoirement que le salarié ne prouve pas la dissimulation volontaire sans préciser ni viser les éléments soumis par les parties à l'appui de leurs prétentions, la cour d'appel a, par motifs à les supposer adoptés, méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant au paiement d'un rappel de salaire au titre de la journée du 25 octobre 2013 et des congés payés y afférents.

AUX MOTIFS QUE M. A... U... soutient qu'il a travaillé le vendredi 25 octobre, ce qui n'était pas prévu dans son planning et sollicite paiement de cette journée ; que dans la mesure où le temps de travail de M. A... U... est mensualisé, qu'aucune déduction de quelque nature que ce soit n'a été opérée sur son salaire pour la journée du 25 octobre 2013, la demande de M. A... U... est infondée.

ALORS QUE la rémunération mensuelle est indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois ; qu'en jugeant que la journée du 25 octobre 2013, travaillée en plus de l'horaire de travail, ne pourrait donner lieu à paiement au profit du salarié dont le temps de travail est mensualisé, la cour d'appel a violé l'article L.3242-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-20293
Date de la décision : 08/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 31 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jui. 2020, pourvoi n°18-20293


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.20293
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