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01/07/2020 | FRANCE | N°18-24644

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 juillet 2020, 18-24644


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 520 F-D

Pourvoi n° J 18-24.644

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

1°/ La société Beynost comme

rcial, société en nom collectif, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Beynost brico etamp; sports également dénommée Beynostb...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 520 F-D

Pourvoi n° J 18-24.644

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUILLET 2020

1°/ La société Beynost commercial, société en nom collectif, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Beynost brico etamp; sports également dénommée Beynostbrico,

2°/ la société Holdis, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° J 18-24.644 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige les opposant à Mme R... B..., épouse F..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

Mme F... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat des sociétés Beynost commercial et Holdis, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme F..., après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Depelley, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 431-7 et L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme F... a été engagée en qualité de vendeuse, le 1er octobre 2012, par la société Beynostbrico, devenue Beynost commercial, qui exploitait un magasin de bricolage dans un centre commercial ; que, le 26 juin 2014, la société Holdis, exploitante de l'hypermarché situé sur le même site, lui a fait part du transfert de son contrat de travail à son profit à compter du 1er juillet 2014 ; que la salariée a contesté l'applicabilité des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et, par voie de conséquence, le transfert de son contrat de travail ; que, le 4 juillet 2014, son contrat de travail a été suspendu du fait d'une rechute des suites d'un accident de travail et que cet arrêt de travail a été renouvelé jusqu'à la rupture des relations contractuelles ; que la société Holdis l'a licenciée, pour faute grave, le 22 juillet 2014, en raison de son refus de son nouveau poste de travail ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal des sociétés :

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de dire que les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas réunies et qu'il n'y avait donc pas eu de transfert du contrat de travail de Mme F... à la société Holdis, alors, selon le moyen :

1°/ que la réunion des conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail s'apprécie au jour où s'opère le transfert d'entreprise ; qu'en retenant, pour exclure l'application de ce texte à la cession du fonds de commerce de la société Beynostbrico à la société Holdis, que cette dernière se serait, après la cession, débarrassée des produits et stocks récupérés de la première et aurait ainsi exprimé sa volonté de ne pas continuer en son sein une activité autonome de magasin de bricolage-jardinage, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé ;

2°/ qu'en concluant de la vente des stocks et marchandises de la société Beynostbrico que la société Holdis aurait manifesté sa volonté de ne pas faire continuer en son sein une activité « autonome » de magasin de bricolage-jardinage, quand l'article L. 1224-1 du code du travail n'exige pas que l'activité poursuivie ou reprise par le cessionnaire le soit dans un cadre autonome, en étant exercée indépendamment des autres activités éventuelles de cette entreprise, de sorte que la société Holdis était en droit d'exploiter cette activité sous la forme de rayons spécialisés au sein de son magasin, la cour d'appel a encore violé le texte susvisé ;

3°/ qu'en retenant, pour écarter l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, qu'en vendant les stocks de la société Beynostbrico à prix réduits, la société Holdis n'aurait pas souhaité continuer en son sein l'activité de cette société, sans même rechercher si cette activité ne s'était pas en réalité poursuivie, non sous la forme d'un établissement indépendant, mais sous la forme de rayons consacrées à cette activité de bricolage-jardinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

4°/ qu'en retenant, pour conclure que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies et que la société Holdis n'aurait donc pas été l'employeur de Mme F..., que si elle avait réellement repris l'activité de bricolage et de jardinage de la société Beynostbrico, il était évident que la société repreneuse, qui disposait déjà de rayons correspondant à ces activités, aurait vu leur chiffre d'affaires augmenter dans des proportions très importantes ce qui n'aurait pas été le cas, la cour d'appel a statué par des constatations impropres à justifier sa décision et l'a privée en conséquence de base légale au regard de l'article susvisé ;

5°/ que le salarié dont le contrat de travail est transféré à un nouvel employeur en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne peut prétendre qu'au maintien de sa qualification, de sa rémunération et de son ancienneté et non à son maintien dans un service strictement identique à celui dans lequel il travaillait avant le transfert ; que le changement de service du salarié ne signifie pas de facto que l'activité à laquelle il était affecté aurait disparu ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'un maintien de l'activité de l'entreprise Beynostbrico par la société Holdis, que cette dernière avait informé les salariés de la société cédante qu'ils n'auraient aucun droit acquis à continuer de travailler dans le secteur d'activité bricolage-jardinage, quand cette information ne permettait en rien de préjuger de la disparition de cette activité, la cour d'appel a une nouvelle fois statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée en conséquence de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que, suite à la cession du fonds de commerce du 30 juin 2014, la société Holdis avait repris les seuls stocks de la société Beynostbrico, dont elle s'était débarrassée en les bradant dès juillet 2014 et avait imposé aux salariés repris une totale permutabilité avec les autres salariés de l'hypermarché, même affectés à l'épicerie ou à la charcuterie, a pu en déduire que l'entité économique autonome avait perdu son identité à l'occasion de la cession ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal des sociétés :

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de déclarer nul le licenciement de la salariée et de les condamner à lui verser diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ que si, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, le salarié transféré doit conserver sa qualification, sa rémunération ainsi que son ancienneté, il ne peut en revanche prétendre au strict maintien de ses horaires ou du service dans lequel il travaille dès lors que ces changements ne constituent pas des modifications d'éléments essentiels de la relation contractuelle ; qu'ainsi ni la modification du service d'affectation, ni celle des horaires de travail ne constituent des modifications d'éléments du contrat de travail ; qu'en retenant, pour conclure au caractère injustifié du licenciement de Mme F..., que le transfert de son contrat s'accompagnait d'une modification des deux éléments de son contrat de travail que constituaient la possibilité d'être affectée dans n'importe lequel des rayons de l'hypermarché et la modification de ses horaires de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu que le moyen, inopérant en sa première branche, critique des motifs surabondants en sa seconde branche ; qu'il ne saurait dès lors être accueilli ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :

Vu les articles L. 1226-9, L. 1226-13 et L. 1235-3, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail ;

Attendu que l'arrêt a limité le montant des dommages-intérêts alloués à la salariée en réparation du préjudice résultant de la nullité de son licenciement à une somme inférieure à six mois de salaires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal des sociétés ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite le montant des dommages-intérêts alloués à Mme F... en réparation du préjudice résultant de la nullité de son licenciement à la somme de 6 000 euros, l'arrêt rendu le 28 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne les sociétés Beynost commercial et Holdis aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Beynost commercial et Holdis et les condamne, in solidum, à payer à Mme F... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour les sociétés Beynost commercial et Holdis.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas réunies et qu'il n'y avait donc pas eu de transfert du contrat de travail de Mme F... à la société Holdis ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le transfert du contrat de travail de Mme F... à la société Holdis : aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ;
Que cet article, tel qu'interprété au regard de la directive communautaire n° 2001-23 du 12 mars 2001, s'applique lorsqu'il y a transfert d'une entité économique conservant son identité ; que constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique essentielle ou accessoire qui poursuit des intérêts propres ;
Que l'article L. 1224-1 du code du travail, texte d'ordre public qui s'impose aux salariés comme aux employeurs, est applicable lorsque sont transférés à la fois l'activité et les moyens organisés qui permettent de l'accomplir ;
Que si tel est le cas, le transfert des contrats de travail prévu par ce texte s'opère de plein droit ;
Qu'en l'espèce, la société Holdis soutient que le contrat de travail de Mme F... au sein de la société BeynostBrico a été, par application de cet article L. 1224-1 du code du travail, de plein droit transféré au sein de la société Holdis par suite de la cession à cette dernière le 1er juillet 2014 du fonds de commerce de magasin de bricolage de cette entreprise ;
Que Mme F... conteste l'applicabilité en l'espèce de ce texte, soutenant qu'en l'absence de transfert au sein de la société Holdis d'une entité économique poursuivant des intérêts propres, son contrat de travail n'a pu être transféré dans les conditions revendiquées par les sociétés intimées ;
Qu'au soutien de son argumentation, la société Holdis verse aux débats (sa pièce D) un acte daté du 30 juin 2014 portant cession par la SAS Beynost Brico etamp; Sports à la SAS Holdis de son fonds de commerce de vente d'articles de bricolage, jardinage, matériaux et outils, articles de sport, de pêche, de chasse, location et réparation à titre accessoire dudit matériel situé [...] ;
Que l'acquéreur avait en particulier pour obligation (article 5.1) de "poursuivre à compter de la date d'entrée en jouissance les contrats de travail attachés au fond dont la liste figure en annexe, conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, avec tous les droits et obligations y attachées, et de prendre en charge prorata temporis à compter de la date d'entrée en jouissance rémunération, droits à congés payés, 13ème mois, droits acquis autres primes et tous autres avantages accordés au salarié et à supporter les charges sociales y liées" ;
Que pour sa part, le vendeur s'engageait notamment (article 5. 2) "à payer tous les salaires, primes, congés légaux, indemnités et dommages-intérêts éventuels, charges fiscales et sociales dus jusqu'à la date d'entrée en jouissance" ;
Que pour contester la réalité du transfert en l'espèce d'une entité économique autonome entraînant un transfert des contrats de travail des salariés du magasin de bricolage, Mme F... fait essentiellement valoir qu'il n'y a pas eu de maintien de l'activité de l'entreprise BeynostBrico en suite de ce transfert :
- en l'absence de transmission des éléments nécessaires à cette activité (locaux suffisants, matériel spécifique et possibilité de vendre des produits dédiés aux magasins de bricolage) puisque l'enseigne et le droit au bail n'ont pas été transférés à la société Holdis mais conservés par la venderesse, de même que les machines spécifiques destinées à la découpe du bois et aux mélanges des peintures ;
- parce que les salariés transférés n'ont par ailleurs pas été affectés à une activité de bricolage mais répartis les différents rayons du magasin [...] (charcuterie, DPH, surgelés
) ;
Que pour maintenir son allégation d'un transfert en son sein d'une activité autonome correspondant à celle de la société BeynostBrico, la société Holdis verse aux débats (pièce F) un procès-verbal de constat d'huissier en date des 24 juin, 1er juillet, 2 juillet, 5 juillet, 15 juillet et 25 septembre 2014 établi par Maître W... dont il résulte qu'un certain nombre de produits qui se trouvaient exposés à la vente dans le magasin [...] le 24 juin 2014 ont été transférés et proposés à la vente dans les rayons de l'hypermarché [...] en juillet 2014, ce dont la société Holdis déduit que l'activité de l'entreprise BeynostBrico s'est poursuivie dans son hypermarché après son intégration dans les rayons bricolage et jardinage de ce magasin ;
Qu'il convient toutefois de relever que ces transferts de marchandises, incontestables, attestent simplement de la reprise des stocks du magasin BeynostBrico par la société Holdis conformément au contrat de cession de fonds de commerce ;
Que par contre, il est constant que l'hypermarché [...] disposait déjà avant cette cession de fonds de commerce de rayons jardinage, camping plein air et bricolage d'une certaine importance puisque leurs chiffres d'affaires respectifs sur l'exercice 2013-2014 étaient de 582 180 €, 604 462 € et 873 204 € ;
Qu'il est évident que si la société Holdis avait totalement intégré, comme elle le soutient, l'activité de la société BeynostBrico dans ses rayons à compter du 1er juillet 2014, les chiffres d'affaires de ces mêmes rayons au cours de l'exercice suivant n'auraient pas manqué de progresser dans des proportions très importantes, ce qui n'a pas été le cas puisque ces chiffres d'affaires n'ont été que de 636 766 €pour le jardinage, 494 404 € pour le camping plein air et 1 040 012 € pour le bricolage sur des évolutions respectivement de + 9,38 %, - 19,10 % et +10,78 % ;
Que bien plus, la simple lecture du procès-verbal de constat, précité, dressé par Maître W... permet au contraire de constater la décision prise par la société Holdis de ne pas laisser perdurer en son sein l'activité de la société BeynostBrico puisqu'il résulte de ce constat que les produits provenant du stock de ce magasin étaient pour la plupart présentés à la vente dans le cadre d'une opération promotionnelle permettant aux clients titulaires de la carte [...] d'obtenir une remise de 50 % de leur valeur en bons d'achat, alors même qu'on se trouvait à l'époque en pleine période de vente aisée de ces produits (par exemple des produits de jardinage : tondeuses à gazon, scarificateurs
dont il est incontestable qu'ils se vendent facilement au mois de juillet, en pleine période de la saison de jardinage) ;
Que cette pratique commerciale démontre la volonté de la direction de la société Holdis de se débarrasser rapidement de ces produits spécifiques en les bradant, et donc de ne pas faire continuer en son sein une activité autonome de magasin de bricolage-jardinage ;
Que par ailleurs, la société Holdis revendique elle-même avoir indiqué dans ses différents courriers adressés aux salariés de la société BeynostBrico qu'ils n'auraient aucun droit acquis à continuer de travailler dans le secteur d'activité bricolage-jardinage qui était le leur jusqu'alors, leur imposant au contraire une totale permutabilité avec les autres salariés de l'hypermarché [...], même affectés à l'épicerie ou à la charcuterie ;
Qu'il en résulte directement que contrairement à ce que soutient aujourd'hui la société Holdis, il n'y a pas eu en l'espèce, à l'occasion de cette cession à la société Holdis du fonds de commerce de la société BeynostBrico, de transfert d'une entité économique autonome qui a conservé son identité et dont l'activité, constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objet économique propre, a été poursuivie ou reprise ;
Que dès lors, les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 1224-1 du code du travail n'était pas en l'espèce réunies et c'est à juste titre que Mme F... soutient aujourd'hui que son contrat de travail n'a pas été à l'époque transféré de plein droit à la société Holdis ».

1/ ALORS QUE la réunion des conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail s'apprécie au jour où s'opère le transfert d'entreprise ; qu'en retenant, pour exclure l'application de ce texte à la cession du fonds de commerce de la société Beynostbrico à la société Holdis, que cette dernière se serait, après la cession, débarrassée des produits et stocks récupérés de la première et aurait ainsi exprimé sa volonté de ne pas continuer en son sein une activité autonome de magasin de bricolage-jardinage, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article susvisé ;

2/ ALORS QU'en concluant de la vente des stocks et marchandises de la société Beynostbrico que la société Holdis aurait manifesté sa volonté de ne pas faire continuer en son sein une activité « autonome » de magasin de bricolage-jardinage, quand l'article L. 1224-1 du code du travail n'exige pas que l'activité poursuivie ou reprise par le cessionnaire le soit dans un cadre autonome, en étant exercée indépendamment des autres activités éventuelles de cette entreprise, de sorte que la société Holdis était en droit d'exploiter cette activité sous la forme de rayons spécialisés au sein de son magasin, la cour d'appel a encore violé le texte susvisé ;

3/ ALORS (subsidiairement) QU'en retenant, pour écarter l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, qu'en vendant les stocks de la société Beynostbrico à prix réduits, la société Holdis n'aurait pas souhaité continuer en son sein l'activité de cette société, sans même rechercher si cette activité ne s'était pas en réalité poursuivie, non sous la forme d'un établissement indépendant, mais sous la forme de rayons consacrées à cette activité de bricolage-jardinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

4/ ALORS QU'en retenant, pour conclure que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies et que la société Holdis n'aurait donc pas été l'employeur de Mme F..., que si elle avait réellement repris l'activité de bricolage et de jardinage de la société Beynostbrico, il était évident que la société repreneuse, qui disposait déjà de rayons correspondant à ces activités, aurait vu leur chiffre d'affaires augmenter dans des proportions très importantes ce qui n'aurait pas été le cas, la cour d'appel a statué par des constatations impropres à justifier sa décision et l'a privée en conséquence de base légale au regard de l'article susvisé ;

5/ ALORS QUE le salarié dont le contrat de travail est transféré à un nouvel employeur en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne peut prétendre qu'au maintien de sa qualification, de sa rémunération et de son ancienneté et non à son maintien dans un service strictement identique à celui dans lequel il travaillait avant le transfert ; que le changement de service du salarié ne signifie pas de facto que l'activité à laquelle il était affecté aurait disparu ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'un maintien de l'activité de l'entreprise Beynostbrico par la société Holdis, que cette dernière avait informé les salariés de la société cédante qu'ils n'auraient aucun droit acquis à continuer de travailler dans le secteur d'activité bricolage-jardinage, quand cette information ne permettait en rien de préjuger de la disparition de cette activité, la cour d'appel a une nouvelle fois statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée en conséquence de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré nul le licenciement de Mme F..., qui ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, et d'avoir en conséquence condamné in solidum les sociétés Holdis et Beynost commercial à lui verser les sommes de 1 520,07 € à titre d'indemnité de préavis, de 152,01 € au titre des congés payés afférents, de 447,70 € à titre d'indemnité légale de licenciement, de 1 110,82 € au titre du rappel de salaire pour mise à pied conservatoire, de 111,08 € au titre des congés payés afférents, de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « nonobstant l'inapplicabilité en l'espèce des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, il résulte des conclusions des parties que celles-ci sont aujourd'hui toutes d'accord pour considérer que le contrat de travail de Mme F... a été rompu par la lettre de licenciement que la société Holdis a adressée à l'intéressée le 22 juillet 2014 ;
Que par application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse ;
Que selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié ;
Que par ailleurs, il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ;
Que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ;
Que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve qui doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L. 1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige ;

Qu'en l'espèce, la lettre de licenciement pour faute grave adressé le 22 juillet 2014 par la société Holdis à Mme F... est expressément motivée par le refus de ce salarié du transfert de son contrat de travail et de prendre son poste au sein de la société Holdis, en dépit des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Que comme mentionné ci-dessus, cet article n'était aucunement applicable de plein droit en l'espèce, si bien que la décision de le mettre en oeuvre prise par la société BeynostBrico et le repreneur de son fonds de commerce, la SAS Holdis, ne pouvait être imposée à Mme F... et supposait son accord ;
Qu'en l'espèce, la cour ne peut que constater l'attitude fautive de la société Holdis qui a répondu aux légitimes interrogations et demandes de renseignements des salariés de BeynostBrico, dont Mme F..., par la seule affirmation aussi péremptoire qu'erronée du fait que leurs contrats de travail avaient été transférés de plein droit et qu'ils n'avaient pas de choix en la matière ;
Que de surcroît, ce transfert s'accompagnait en l'occurrence d'une modification à tout le moins de deux éléments essentiels du contrat de travail puisqu'il emportait notamment pour Mme F... :
- d'une part la possibilité d'être affectée dans n'importe lequel des rayons de l'hypermarché [...] , alors que ce salarié avait fait le choix d'intégrer une grande surface spécialisée uniquement dans le bricolage et le jardinage ;
- et d'autre part une modification importante de ses horaires et l'obligeaient à ce titre à travailler plus tôt le matin et surtout à travailler fréquemment le dimanche, le privant ainsi de son droit au repos dominical, ce que ne conteste d'ailleurs pas la société Holdis ;
Qu'il en résulte que le licenciement ainsi prononcé à l'encontre de Mme F... ne repose ni sur une faute grave du salarié, ni sur une cause réelle et sérieuse ;
Que l'appelante fait de surcroît à juste titre valoir qu'à la date où la procédure de licenciement a été diligentée, son contrat de travail était suspendu, puisqu'elle avait été placée en arrêt maladie à compter du 4 juillet 2014 (pièce 3 de la salariée), arrêt prolongé par le médecin le 19 juillet 2014, jusqu'au 16 août 2014 (pièce 15 de la salariée) ;
Qu'or, il résulte des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail, qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail, l'employeur ne peut, à peine de nullité du licenciement, rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ;
Qu'or, en l'espèce, l'employeur ne justifie ni d'une faute grave de Mme F..., ni d'une impossibilité de maintenir son contrat de travail, si bien que ce licenciement notifié le 22 juillet 2014 à la salariée doit être déclaré nul et produire à ce titre les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'au jour de la rupture de son contrat de travail, Mme F... avait dans l'entreprise BeynostBrico une ancienneté d'un an et neuf mois (soit 1,75 ans) ;
Que son salaire mensuel moyen doit être calculé sur la base de ses 3 derniers mois d'activité (avril à juin 2014) et s'établit donc à la somme de 1 279,15 €, étant précisé que l'intéressée était encore en avril 2014 à temps partiel thérapeutique et qu'elle percevait en dernier lieu (en juin 2014), un salaire de 1 669,38 € bruts ;
Qu'il résulte des pièces du dossier, et en particulier des clauses de l'acte de cession du fonds de commerce précité, que la société Holdis et la société BeynostBrico, qui appartiennent au même groupe d'entreprises, se sont entendues pour tenter d'imposer aux salariés de la société BeynostBrico, dont Mme F..., un transfert de leur contrat de travail par application de l'article L. 1224-1 du code du travail alors que les conditions d'application de ce texte n'étaient pas réunies ;
Que cette tentative était manifestement motivée par le souhait de ce groupe d'entreprises d'éviter les conséquences financières liées à la cessation pure et simple d'activité de la société BeynostBrico, et en particulier au licenciement économique qui aurait pu intervenir dans ce contexte ;
Que par voie de conséquence, Mme F... est parfaitement fondée à réclamer aujourd'hui la condamnation in solidum de la société Holdis et de la société Beynost commercial, qui vient aux droits de la société BeynostBrico, à lui payer les sommes suivantes auxquelles elle a droit en suite de la rupture abusive de son contrat de travail (
) ».

1/ ALORS QUE ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2/ ALORS (subsidiairement) QUE si, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, le salarié transféré doit conserver sa qualification, sa rémunération ainsi que son ancienneté, il ne peut en revanche prétendre au strict maintien de ses horaires ou du service dans lequel il travaille dès lors que ces changements ne constituent pas des modifications d'éléments essentiels de la relation contractuelle ; qu'ainsi ni la modification du service d'affectation, ni celle des horaires de travail ne constituent des modifications d'éléments du contrat de travail ; qu'en retenant, pour conclure au caractère injustifié du licenciement de Mme F..., que le transfert de son contrat s'accompagnait d'une modification des deux éléments de son contrat de travail que constituaient la possibilité d'être affectée dans n'importe lequel des rayons de l'hypermarché et la modification de ses horaires de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail

Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme F....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à 6 000 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul mis à la charge des sociétés Holdis et Beynost commercial ;

AUX MOTIFS QUE "
Au jour de la rupture de son contrat de travail, R... F... avait dans l'entreprise Beynostbrico une ancienneté d'un an et neuf mois (soit 1,75 ans) ;

QUE son salaire mensuel moyen doit être calculé sur la base de ses 3 derniers mois d'activité (avril à juin 2014) et s'établit donc à la somme de 1279,15 euros, étant précisé que l'intéressée était encore en avril 2014 à temps partiel thérapeutique et qu'elle percevait en dernier lieu (en juin 2014), un salaire de 1669,38 euros bruts ;

QU'il résulte des pièces du dossier, et en particulier des clauses de l'acte de cession du fonds de commerce précité, que la société Holdis et la société Beynost Brico et sports également dénommée Beynostbrico, qui appartiennent au même groupe d'entreprises, se sont entendues pour tenter d'imposer aux salariés de la société Beynostbrico, dont R... F..., un transfert de leur contrat de travail par application de l'article L. 1224-1 du code du travail alors que les conditions d'application de ce texte n'étaient pas réunies ;

QUE cette tentative était manifestement motivée par le souhait de ce groupe d'entreprises d'éviter les conséquences financières liées à la cessation pure et simple d'activité de la société Beynostbrico, et en particulier au licenciement économique qui aurait pu intervenir dans ce contexte ;

QUE par voie de conséquence, R... F... est parfaitement fondée à réclamer aujourd'hui la condamnation in solidum de la société Holdis et de la société Beynost commercial, qui vient aux droits de la société Beynostbrico etamp; sports, précédemment dénommée Beynostbrico, à lui payer les sommes suivantes auxquelles elle a droit en suite de la rupture abusive de son contrat de travail (
) ;

QU'aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L. 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi ;

QUE compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances très particulières de la rupture, du montant de la rémunération versée à R... F... (1 669,38 euros), de son âge au jour de son licenciement (26 ans), de son ancienneté à cette même date (1,75 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, une somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

QUE les sociétés Holdis et Beynostbrico seront donc condamnées in solidum à payer cette somme à R... F..." ;

ALORS QUE le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaires ; qu'en limitant à 6 000 €, somme inférieure, selon ses propres constatations, à six mois de salaires, le montant des dommages et intérêts alloués à Mme F..., victime d'un licenciement nul, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-9, L. 1226-13 et L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-24644
Date de la décision : 01/07/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 28 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 jui. 2020, pourvoi n°18-24644


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24644
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