LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er juillet 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10147 F-D
Pourvoi n° B 18-20.451
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUILLET 2020
La société [...], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 18-20.451 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur de la société Offre et demande agricole, société à responsabilité limitée,
2°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur de la société Agricote courtage, société à responsabilité limitée,
3°/ à la société Saxo banque France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société [...], de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la SCP [...] , en qualité de liquidateur des sociétés Offre et demande agricole et Agricote courtage, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Saxo banque France, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société [...] de la reprise de l'instance dirigée contre la SCP P... X..., prise en qualité de liquidateur des sociétés Offre et demande agricole et Agricote courtage.
2. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société [...]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'Earl [...] de ses demandes dirigées contre la société Saxo Banque ;
Aux motifs propres que « Sur la responsabilité de la société Saxo Banque : Il est constant que le contrat conclu par la société Saxo Banque, consistant en l'ouverture d'un compte permettant de réaliser des opérations portant sur divers instruments financiers, ne relève pas d'une activité de conseil en investissement, que cependant sa responsabilité n'est pas recherchée, en cause d'appel, au titre d'une violation d'une obligation propre à cette dernière activité et que la banque ne saurait persister à soutenir qu'elle n'a ni intérêt, ni qualité, au sens des articles 31 et 122 du code de procédure civile, pour défendre à la présente action au motif qu'elle était fondée initialement sur un manquement à une telle obligation, effectivement étrangère à sa qualité. En revanche, la société Saxo Banque, en ouvrant un compte permettant à l'Earl [...] d'accéder au marché des contrats à terme sur produits agricoles et en mettant à sa disposition, pour faciliter la réalisation des opérations, sa plate-forme de négociation en ligne, offre un service de réception, transmission et/ou exécution d'ordres pour le compte de tiers et a donc la qualité de prestataire de services d'investissement tel que défini par les articles L. 531-1, L. 321-1 et D. 321-1 du code monétaire et financier. Sont notamment applicables à ce type de prestataire de services d'investissements les dispositions de l'article L. 533-13 II du code monétaire et financier, en leur rédaction alors en vigueur, selon lesquelles "En vue de fournir un service autre que le conseil en investissement ou de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement demandent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d'investissement, pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit proposés aux clients ou demandés par ceux-ci leur conviennent. Lorsque les clients ne communiquent pas les informations nécessaires ou lorsque les prestataires estiment, sur la base des informations fournies, que le service ou l'instrument ne sont pas adaptés, les prestataires mettent en garde ces clients, préalablement à la fourniture du service dont il s'agit". Dans le cadre de la souscription de l'offre d'ouverture du compte susvisée, l'Earl [...] a été invitée à donner des informations relatives au montant de ses revenus moyens annuels bruts (réponse non fournie), à son niveau d'expérience en trading en ligne (réponse : expérimenté - 1 à 5 années), au capital d'investissement approximatif (réponse : 5 000 à 50 000 euros), au type d'instruments susceptibles d'être négociés (contrats à terme), aux opérations effectuées habituellement par mois (entre 0 et 5 opérations) et à l'objectif de l'ouverture du compte (réponse non fournie). Le client a été automatiquement classifié par la banque comme client non professionnel, en l'absence de manifestation de volonté contraire de la part de ce dernier, et un compte débutant, par opposition à un compte confirmé, a alors été ouvert au nom de l'Earl [...]. À la section 6 de ce document (reconnaissance des risques encourus) le client reconnaît : - être pleinement conscient des risques inhérents aux transactions sur les instruments à effet de levier et autres instruments financiers à terme, en particulier Futures, et notamment du risque de perte de l'ensemble de ses investissements réalisés auprès de la banque ; - avoir pris connaissance et compris l'ensemble des avertissements figurant sur le site Internet de la banque et avoir tout particulièrement pris connaissance et compris les avertissements concernant les risques inhérents aux transactions sur instruments à effet de levier et autres instruments financiers à terme ; - que Saxo Banque et Agricote Courtage l'ont informé, oralement ou par écrit, que les effets de levier représentaient un risque important et qu'ils devaient être utilisés de façon avisée ; - que Saxo Banque et Agricote Courtage l'ont incité, oralement ou par écrit, à s'entraîner sur la plate-forme de négociation de démonstration avant d'effectuer un dépôt sur un compte de négociation réel ; - Il est encore ajouté que par la présente convention, le client assume pleinement les risques inhérents à ou résultant des opérations sur les instruments et produits financiers proposés sur la plate-forme de négociation (notamment les opérations dites sur marge ou à effet de levier). A la section 8 (signature), le client déclare, par sa signature : - avoir lu, compris et accepté les conditions générales de Saxo Banque (y compris l'avertissement concernant les risques) et l'intégralité de leur contenu ; - avoir compris et accepté que les conditions générales et toutes autres conditions spécifiques s'appliquent à tous ses rapports avec Saxo Banque ; - avoir reçu, lu et compris la documentation d'information relative aux produits proposés dans les conditions générales. Les conditions générales comportent un chapitre intitulé « reconnaissance des risques » dont le préambule est rédigé comme suit : « Le client reconnaît que les opérations de négociation et d'investissement réalisées en vertu d'un contrat, que ces opérations soient réalisées avec ou sans effet de levier, présentent un caractère hautement spéculatif, sont susceptibles de comporter un très haut degré de risque et ne conviennent qu'à des personnes qui sont en mesure d'assumer un risque de perte supérieur au montant de leur dépôt de garantie, s'agissant en particulier des opérations sur marge ». Il est également produit par la banque un document intitulé « déclaration d'indication des risques des opérations de négociation sur devises et sur dérivés » débutant par l'introduction suivante : « En considération des risques auxquels vous vous exposez, vous ne devez faire des opérations sur les produits susvisés que si vous comprenez la nature des contrats, le rapport juridique contractuel que vous êtes en train de conclure et la mesure de votre exposition au risque. Les opérations sur devises et sur dérivés ne conviennent pas à toute personne. Vous devez examiner avec attention s'il est approprié pour vous de conclure l'opération, à la lumière de votre expérience, de vos objectifs, de vos ressources financières et d'autres circonstances trouvant application ». ce document insiste, dans un paragraphe concernant les devises et dérivés, sur le degré élevé de risque que comportent ces opérations en lien avec un effet de levier dans les contrats comportant des fonds remis à titre de marge. La société Saxo Banque en déduit que cette documentation contractuelle a permis à l'Earl [...] d'avoir une information claire, précise et non trompeuse sur les risques inhérents aux instruments financiers sur lesquels elle avait décidé d'investir et qu'elle a donc respecté les principaux articles du règlement général de l'autorité des marchés financiers cités par l'appelante, à savoir 314-11 (information suffisante et compréhensible), 314-18, 314-33 et 314-34 (information sur la nature des produits et mises en garde sur les risques, description des risques). Cependant, l'article 314-49 du RGAMF, en sa rédaction alors applicable, dispose : « Afin de procéder à l'évaluation mentionnée au II de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier, le prestataire de services d'investissement vérifie si le client possède le niveau d'expérience ou de connaissances requis pour appréhender les risques inhérents à l'instrument financier ou au service d'investissement proposé ou demandé ». L'article 314-51 du RGAMF ajoute : « Les renseignements recueillis concernant la compétence et l'expérience du client en matière de services d'investissement incluent les informations suivantes, dans la mesure où elles sont pertinentes, notamment eu égard à la complexité et aux risques inhérents au type de services proposés : - le type de services, transactions et instruments financiers qui sont familiers au client ; - la nature, le volume et la fréquence des transactions sur les instruments financiers réalisées par le client ainsi que la période durant laquelle ces transactions ont eu lieu ; - le niveau de connaissance et la profession ou, si elle est pertinente, l'expérience professionnelle du lient ». Ces deux textes inclus dans une section relative à l'évaluation de l'adéquation et du caractère approprié du service à fournir instituent, pour le premier, des dispositions spécifiques aux services d'investissement autres que la gestion de portefeuille et le conseil en investissement et, pour le second, des dispositions communes à tous les services d'investissement financier et sont donc applicables au service offert par Saxo Banque et consistant en l'ouverture d'un compter permettant une négociation sur divers instruments financiers via une plate-forme de négociation. La jurisprudence déduit de l'ensemble de ces textes que le prestataire de services d'investissement doit, lors de l'ouverture du compte, procéder à l'évaluation de la compétence du client s'agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques encourus dans ces opérations, de manière à lui fournir une information adaptée en fonction de cette évaluation. À défaut d'avoir préalablement procédé à cette évaluation, à laquelle ne saurait se substituer l'auto-évaluation du client se disant investisseur expérimenté, au demeurant contredite par le choix d'un compte "débutant", le prestataire de services ne saurait prétendre avoir, par suite, fourni au client une information adaptée en fonction de cette évaluation, indépendamment de toutes les mises en garde auxquelles il a pu procéder en renvoyant aux conditions générales ou aux documents techniques fournis. Le prestataire de services d'investissement n'est cependant tenu à ces obligations qu'au profit de l'investisseur non averti et en présence d'instruments financiers hautement spéculatifs. Il n'est pas contesté, en l'espèce, que l'Earl [...] n'était pas un investisseur averti et que les contrats à terme souscrits sont des produits à caractère particulièrement spéculatif. L'Earl [...] fait valoir, avec pertinence, que le document d'évaluation rempli le 26 juin 2012 n'interroge le client ni sur le volume des transactions, ni sur la nature des instruments financiers sur lesquels elles portent, alors que la fréquence même, comprise entre 0 et 5 opérations par mois, sans autre précision relative à la nature des instruments, n'est pas susceptible d'informer utilement la banque sur le niveau de compétence et d'expérience du client, en particulier en matière de contrats à terme mentionnés expressément comme instrument financier susceptible d'être négocié sur la plate-forme. Ainsi que le soutient l'Earl [...], il est également permis de s'interroger sur le caractère approprié de la mise en garde contenue dans les conditions générales qui signalent le caractère hautement spéculatif et le très haut degré de risque de toute opération, même réalisée sans effet de levier ou portant sur des titres financiers (actions, obligations), ou encore dans la déclaration d' indication des risques qui met en garde contre l'effet de levier dans les opérations sur devises et dérivés dans les contrats comportant des fonds remis à titre de marge, sans énumérer de manière plus précise les opérations concernées par ce risque spécifique. En outre, l'Earl [...] soutient, à juste titre, que les documents remis par la banque ne traitent à aucun moment des risques spécifiques et inhérents aux instruments financiers sur produits agricoles, alors qu'il est constant que l'ouverture de ce compte, réalisée par l'intermédiaire de la société Agricote, n'avait d'autre objet que de sécuriser le prix de ses récoltes. Il doit donc être considéré que la société Saxo Banque a manqué, à tout le moins au moment de l'ouverture du compte, à ses obligations d'évaluation de la compétence du client et d'information adaptée en fonction de cette évaluation. Cependant, la société Saxo Banque soutient qu'un questionnaire, intitulé "test relatif au caractère approprié", a été soumis au client avant sa première connexion à la plate-forme de négociation, et donc avant le passage de son tout premier ordre, puis de manière réitérée avant le passage de tous les ordres suivants, aux fins de mesurer son degré d'expérience et de connaissance et de lui apporter l'assistance adéquate, et que l'Earl [...] n'ayant pas répondu à ce questionnaire, il lui a été indiqué, sous la forme de messages pop-up reproduits systématiquement à chaque connexion et qu'elle n'a donc pas pu ne pas recevoir, que l'ensemble des produits accessibles sur cette plate-forme de négociation n'étaient pas appropriés à son profil. Ce test interroge chaque client sur son niveau de formation, son expérience (occupation de poste de plus d'un an nécessitant des connaissances en matière d' investissement financier), ses connaissances générales en termes d' investissement financier et de marchés financiers et, pour chacun des produits susceptibles d'être négociés sur la plate-forme, ses connaissances et son niveau d'expérience sur ce produit particulier, ainsi que le nombre de transactions réalisées au cours des douze derniers mois. Le message affiché avant toute connexion à la plate-forme de négociation mentionne : « Vous n'avez pas fourni d'informations nous permettant d'évaluer si vous possédez l'expérience et les connaissances nécessaires pour comprendre les risques liés aux transactions sur les instruments financiers suivants (suit la liste de l'ensemble des produits avec la mention, en face de chacun, du caractère non approprié). Nous vous invitons à fournir les réponses aux questions contenues dans le test du caractère approprié. Si toutefois vous décidez de ne pas passer ce test, vous devez être conscient que les opérations sur marge présentent, en raison notamment de leur effet de levier, un fort caractère spéculatif et peuvent vous exposer à des risques de pertes supérieures au montant investi. Ils nécessitent un bon niveau de connaissances et d'expérience en matière financière. Nous vous recommandons de lire notre avertissement sur les risques et vous invitons à contacter un de nos conseillers ou votre conseiller habituel pour vérifier que la réalisation d'opérations de change ou la réalisation d'investissement à partir des instruments financiers proposés sur la plate-forme est adaptée à votre situation et à vos objectifs financiers ». M. C... prétend qu'étant totalement néophyte en informatique, il était dans l'incapacité la plus totale de se connecter à son compte Internet Saxo Banque en rentrant des identifiant et mot de passe, de remplir informatiquement un questionnaire et de l'envoyer à la société Saxo Banque et de prendre connaissance de messages pop-up. Considérant par ailleurs que les listings produits par Saxo Banque et rédigés en anglais ne font pas l'objet d'une traduction assermentée et constituent des documents internes non probants, il conteste s'être connecté avec son ordinateur et être à l'origine des opérations passées. À cet égard, la cour ne peut que constater que M. C..., d'une part, a communiqué, au moment de la conclusion du contrat, son adresse électronique et déclaré avoir un niveau expérimenté pour le trading en ligne et, d'autre part, a alimenté son compte pour le faire fonctionner d'abord le 11 juillet 2012, jour de son ouverture, puis les 10 août, 7 décembre, 14 décembre et 17 décembre 2012 et enfin le 9 janvier 2013 pour un montant total de 140 000 euros, ce qu'il n'aurait pas fait s'il n'avait pas été à l'origine des opérations enregistrées sur ce compte dont l'accès n'était possible qu'au moyen d'un identifiant et d'un code personnels. La cour est par ailleurs en mesure de s'assurer que le contenu des listings est cohérent avec le relevé de compte et que sa traduction en français est correcte, de sorte que ces éléments sont suffisamment fiables et probants pour ne pas être écartés des débats. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'Earl [...], représentée par son gérant, a systématiquement ignoré les messages pop-up adressés par Saxo Banque avant chaque opération et que celle-ci, mise ainsi dans l'impossibilité d'évaluer la compétence et l'expérience du client, a tout aussi systématiquement informé le client du caractère inapproprié de l'opération envisagée. L'Earl [...] ne soutient pas que l'information adressée par la société Saxo Banque au travers de ces messages pop-up ne serait pas adaptée à des renseignements qu'elle s'est refusée systématiquement de fournir. Ainsi, en l'absence de toute réponse au questionnaire qui lui était soumis systématiquement avant toute connexion, l'Earl [...] ne saurait soutenir que Saxo Banque, en l'avisant du caractère inapproprié de toutes les opérations envisageables sur cette plate-forme, aurait manqué à son obligation d'information et de mise en garde, de sorte que le jugement doit être confirmé de ce chef » ;
Et aux motifs, à les supposer adoptés, que « sur les obligations professionnelles incombant à la société Saxo Banque : La société Saxo Banque, prestataire de services d'investissement, a mis à la disposition de l'Earl [...], lors de la souscription du contrat de négociation sa documentation d'information expliquant les risques afférents aux différents produits auxquels il est possible d'accéder sur la plate-forme de négociation, l'Earl [...] a par ailleurs expressément accepté et signé les Conditions Générales et le formulaire d'inscription faisant état des risques encourus (
) Au surplus, en vertu de l'article L. 533-13 II du Code Monétaire et Financier, en sa qualité de prestataire de services d'investissement fournissant le service d'exécution d'ordres pour le compte de tiers, la SAS Saxo Banque a pour mission de mettre en garde l'Earl [...] sur les risques qu'elle encourt. Cette mise en garde a été effectivement dispensée à l'égard de l'Earl [...] par le biais du formulaire d'inscription où le souscripteur a indiqué être un investisseur expérimenté ainsi que dans le cadre d'un questionnaire apparaissant lors de la première connexion à la plate-forme de négociation. Ledit questionnaire n'ayant pas été renseigné par l'Earl [...], la société Saxo Banque a émis à chaque nouvelle connexion de son client un avertissement l'informant que les produits accessibles sur la plate-forme de négociation ne lui étaient pas appropriés. Il y a lieu de constater que l'Earl [...] a délibérément fait le choix de passer outre ces avertissements, par conséquent, il convient de débouter l'Earl [...] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SAS Saxo Banque » ;
Alors 1°) que le prestataire de services d'investissement est tenu, préalablement à la conclusion d'un contrat avec son client, et quelle que soit la qualité de ce dernier, de s'enquérir de la situation financière de celui-ci, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs concernant les services demandés ; que la cour d'appel a constaté que la société Saxo Banque, qui avait conclu avec l'Earl [...] un contrat d'ouverture de compte permettant l'accès au marché des contrats à terme sur produits agricoles, via une plate-forme de négociation en ligne offrant un service de réception, transmission et/ou exécution d'ordres pour le compte de tiers, avait manqué à son obligation de vérifier la situation financière, l'expérience en matière d'investissement et les objectifs de sa cliente, lors de l'ouverture de ce compte (p. 20, 2ème §), mais a considéré que l'Earl [...] n'ayant pas ultérieurement renseigné le questionnaire proposé sur la plate-forme de négociation en ligne, et effectué des ordres de paiement sans avoir égard aux messages d'avertissement diffusés sur la plate-forme de négociation, indiquant que les opérations en cause étaient inadaptées à sa situation, la banque n'avait pas été en mesure d'évaluer les compétences et objectifs de sa cliente qui ne pouvait engager sa responsabilité à ce titre ; qu'en statuant de la sorte, quand les avertissements émis en cours de contrat par la société Saxo Banque, faute pour l'Earl [...] d'avoir renseigné un questionnaire électronique, ne pouvaient suppléer l'absence d'évaluation, lors de l'ouverture du compte, de la situation financière, de l'expérience et des objectifs de l'Earl [...], cette carence ayant conduit la banque à mettre à la disposition de sa cliente des produits dont elle n'avait pu s'assurer qu'ils étaient adaptés à sa situation, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause, désormais l'article 1231-1 du code civil depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016), ensemble l'article L. 533-13 II du code monétaire et financier alors applicable ;
Alors 2°) que le banquier prestataire de services d'investissement est tenu d'un devoir de mise en garde au titre des risques afférents aux opérations de nature spéculative proposées à son client ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le document d'évaluation établi par la société Saxo Banque n'interrogeait le client ni sur le volume des transactions, ni sur la nature des instruments financiers sur lesquels elles portaient, alors que la fréquence même, comprise entre 0 et 5 opérations par mois, sans autre précision relative à la nature des instruments, n'était pas susceptible d'informer utilement la banque sur le niveau de compétence et d'expérience du client, en particulier en matière de contrats à terme mentionnés expressément comme instrument financier susceptible d'être négocié sur la plate-forme ; qu'elle a également considéré que les documents remis par la banque « ne traitent à aucun moment des risques spécifiques et inhérents aux instruments financiers sur produits agricoles, alors qu'il est constant que l'ouverture de ce compte, réalisée par l'intermédiaire de la société Agricote, n'avait d'autre objet que de sécuriser le prix de ses récoltes » ; qu'en retenant néanmoins que l'Earl [...] ayant passé outre les avertissements émis sur la plate-forme de négociation mise à disposition par la société Saxo Banque, elle ne pouvait imputer à la société Saxo Banque un manquement à ses obligations, quand il résultait de ses propres constatations que l'Earl [...] n'avait pas été dûment alertée des risques inhérents aux opérations d'investissement en cause, la cour d'appel a violé l'article 1147 (devenu 1231-1) du code civil, ensemble l'article L. 533-13 II (alors applicable) du code monétaire et financier ;
Alors 3°) en tout état de cause, que les obligations de conseil du prestataire de services d'investissement, ainsi que de mise en garde en matière d'investissements de nature spéculative, doivent conduire ce prestataire à refuser l'exécution d'un investissement inadapté à la situation de son client, à son expérience et à ses objectifs ; que pour écarter toute responsabilité de la société Saxo Banque, la cour d'appel a retenu que faute pour l'Earl [...] d'avoir rempli un questionnaire intitulé « test relatif au caractère approprié » avant sa première connexion sur la plate-forme de négociation en ligne, cette dernière avait reçu, sous la forme de messages « pop-up » reproduits systématiquement à chaque connexion, un avertissement lui indiquant que les opérations projetées étaient inadaptées à sa situation, et considéré que l'Earl [...] ayant passé outre ces avertissements, ne pouvait reprocher à la société Saxo Banque un manquement à ses obligations à son égard ; qu'en statuant de la sorte, quand la mise à disposition par la société Saxo Banque de produits d'investissement dont elle n'avait pu s'assurer qu'ils étaient adaptés à la situation financière, à l'expérience et aux objectifs d'investissement de l'Earl [...] caractérisait un manquement de la banque à ses obligations professionnelles, la cour d'appel a violé l'article 1147 (devenu 1231-1) du code civil, ensemble l'article L. 533-13 II (alors applicable) du code monétaire et financier.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Q... C... de ses demandes dirigées contre la société Agricote Courtage ;
Aux motifs propres que « Sur la responsabilité de la société Agricote : La société Agricote, qui réalisait depuis plusieurs années des opérations de courtage physique au profit de l'Earl [...], lui a proposé, le 26 juin 2012, de souscrire à l'offre "AgricoTe futures" de la société Saxo Banque comprenant l'ouverture d'un compte de trading permettant d'accéder au marché des contrats à terme sur produits agricoles via une plate-forme de négociation. Parallèlement à la signature du contrat d'ouverture de compte avec la société Saxo Banque, l'Earl [...] a donné mandat à la société Agricote pour exécuter, en son nom et pour son compte, tout ordre transmis par celui-ci, aux fins de conclure, dénouer ou proroger toutes transactions pouvant être réalisées sur la plate-forme électronique de négociation. Selon l'article L. 531-1 du code monétaire financier, en sa rédaction alors applicable, les prestataires de services d'investissement sont les entreprises d'investissement et les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d'investissement au sens de l'article L. 321-1, lesquels comprennent notamment la réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers. Le RGAMF définit comme prestataire de services d'investissement tout prestataire qui, comme courtier, mandataire ou commissionnaire, effectue auprès d'un prestataire agréé des opérations de réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers. L'Earl [...] soutient, à juste titre, que la société Agricote Courtage, en ce qu'elle a reçu le mandat visé ci-dessus, fournit un service de réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers auprès d'un prestataire agréé et qu'elle est donc tenue des obligations incombant aux prestataires de services d'investissement en vertu des articles L. 533-11 et suivants du code monétaire et financier. Cependant, l'Earl [...], qui disposait d'un accès direct pour passer elle-même les ordres sur la plate-forme de négociation, ne prétend ni n'établit que la société Agricote aurait fait usage de ce mandat pour conclure, dénouer ou proroger, en son nom ou pour son compte, quelque transaction que ce soit. En effet, elle se borne à soutenir, dans ses écritures, qu'elle est trop néophyte en informatique pour entrer sur une plate-forme de négociation, ce qui se révèle au demeurant totalement inexact pour les raisons ci-dessus indiquées, mais n'impute pas pour autant à la société Agricote les opérations passées sur son compte. Le courriel adressé le 4 décembre 2012 par la société Agricote à M. C..., en réponse à une demande relative aux besoins en fonds de son compte, dont l'authenticité ne peut être contestée au regard des informations précises qu'il comporte et du versement immédiat sur le compte de la somme recommandée par Agricote, montre de toute évidence que le compte était géré effectivement par son titulaire et non par le mandataire qui, sinon, ne lui aurait pas fait observer que sa position représentait "un risque extrêmement important", ni ne lui aurait rappelé que "les produits traités sont des contrats à terme, avec effet de levier, et présentant donc un risque de perte en capital supérieure ou égale au capital investi", ni enfin ne l'aurait averti qu'il devait, "avant de lancer une telle opération, s'assurer que le capital investi, s'il était perdu, ne mette pas en péril sa situation patrimoniale personnelle ou celle de l'entreprise". L'Earl [...] ne saurait donc faire grief à la société Agricote d'avoir manqué aux obligations d'évaluation et de mise en garde imposées par l'article L. 533-13 II du code monétaire et financier avant de procéder à des opérations de réception, transmission et exécution d'ordres pour le compte de tiers, alors que, de fait, elle ne s'est pas livrée à de telles opérations. L'Earl [...], qui ne prétend pas que l'opération d'ouverture du compte auprès de Saxo Banque ferait entrer la société Agricote dans la catégorie de prestataire de services d'investissement pour le motif qu'elle la lui a proposée en sa qualité de courtier, ne peut lui reprocher d'avoir manqué, à l'occasion de cette dernière opération, à l'obligation d'évaluation et d'information sur les risques encourus, telle que prévue par l'article L. 533-11 du code monétaire et financier. En l'absence de demande spécifique de l'Earl [...], il n'y a pas lieu d'examiner d'éventuels manquements à une obligation de mise en garde qui tiendrait à la qualité même de courtier de la société Agricote. En revanche, l'Earl [...] reproche à la société Agricote d'avoir, en cette qualité de courtier, violé son obligation de conseil (sic) en lui proposant, sans information adéquate, des investissements risqués, alors qu'elle savait parfaitement qu'elle souhaitait investir sur des marchés non spéculatifs afin de sécuriser le prix de ses récoltes. Cependant, il n'est nullement démontré que l'offre proposée par la société Agricote, en sa qualité de courtier, était inadaptée à son objectif de sécurisation du prix des récoltes, dès lors que le capital approximatif d'investissement envisagé était compris entre 5000 et 50 000 euros, à comparer avec le montant des revenus moyens annuels bruts compris entre 75 000 et 100 000 euros, tel que mentionné par l' [...] lors de la transformation, le 30 janvier 2013, du compte débutant en compte confirmé. Au demeurant, si l'Earl [...] s'est abstenue de mentionner l'objectif de l'ouverture du compte dans l'offre initiale du 26 juin 2012, elle a fait mention, dans l'offre du 30 janvier 2013, d'un objectif d'investissement avec un risque modéré et non de couverture du capital impliquant un risque faible, permettant ainsi de douter que son objectif initial était réellement et seulement de sécuriser ses récoltes. La société Agricote relevait d'ailleurs le caractère spéculatif des positions prises par l'Earl [...] dans son courriel du 4 décembre 2012, soulignant qu'elles n'avaient pas d'adossement physique pouvant éventuellement atténuer le risque financier. La demande de l'Earl [...] sur le terrain du manquement à un devoir de conseil en qualité de courtier n'est donc pas plus fondée que sur celui de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier » ;
Et aux motifs, à les supposer adoptés, que « Sur les obligations professionnelles incombant à la société Agricote : La société Agricote a agi en qualité d'intermédiaire entre l'Earl [...] et la SAS Saxo Banque, et a, par ailleurs, fourni à la demanderesse un service de réception et de transmission d'ordres sur instruments financiers ; elle est, en conséquence, assujettie à une obligation générale, incombant à tout intermédiaire financier, de mettre en garde le client non-averti sur les risques que comportent les opérations. Effectuées sur des contrats financiers à caractère spéculatif et ce préalablement à la transmission des ordres. Il ressort des pièces versées aux débats que lors de la souscription de l'offre proposée par la société Saxo Banque, L'Earl [...] a reconnu, pour en avoir été informée par la société Agricote, être pleinement consciente de la nature de ces opérations et notamment risques de perte de l'ensemble de ses investissements, au surplus, il est indéniable que l'Earl [...] était destinataire d'avertissements individualisés émis par la société Agricote. Eu égard à ces éléments, il est incontestable que la société Agricote a fait preuve de diligence dans le cadre de sa relation d'affaires avec l'Earl [...] et l'a avertie des risques inhérents aux Opérations spéculatives sur les marchés à. terme, en conséquence, il y a lieu de débouter l'Earl [...] de l'intégralité-de ses demandes et prétentions à l'encontre de la Sarl Agricote » ;
Alors que le prestataire de services d'investissement est tenu, préalablement à la conclusion d'un contrat avec son client, quelle que soit la qualité de ce dernier, de s'enquérir de la situation financière de celui-ci, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs concernant les services demandés ; que pour dire que l'Earl [...] ne pouvait imputer à la société Agricote un manquement à cette obligation, la cour d'appel s'est bornée à retenir que si un mandat avait été confiée à cette dernière pour exécuter des ordres pour le compte de l'Earl [...], c'était cette dernière qui avait elle-même effectué des investissements à caractère spéculatif sur la plate-forme de négociation mise à sa disposition par la société Saxo Banque ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à établir que la société Agricote avait effectivement exécuté, lors de la conclusion du mandat, son obligation de vérifier la situation, l'expérience et les objectifs de sa cliente afin d'être en mesure de lui proposer des services en adéquation avec ces éléments d'information qu'elles devait recueillir, la cour d'appel a violé l'article 1147 (1231-1) du code civil, ensemble l'article L. 533-11 du code monétaire et financier ;
Alors que pour dire qu'il n'était pas démontré que l'offre proposée par la société Agricote Courtage n'était pas inadaptée à la situation de l'Earl [...], la cour d'appel a retenu que le capital approximatif d'investissement envisagé était compris entre 5000 et 50 000 euros, à comparer avec le montant des revenus moyens annuels bruts compris entre 75 000 et 100 000 euros, tel que mentionné par l'Earl [...] lors de la transformation, le 30 janvier 2013, du compte débutant en compte confirmé, et a également relevé que si l'Earl [...] s'est abstenue de mentionner l'objectif de l'ouverture du compte dans l'offre initiale du 26 juin 2012, elle a fait mention, dans l'offre du 30 janvier 2013, d'un objectif d'investissement avec un risque modéré et non de couverture du capital impliquant un risque faible, permettant ainsi de douter que son objectif initial était réellement et seulement de sécuriser ses récoltes ; qu'en statuant par ces motifs, impropres à établir l'adéquation entre les services proposés par la société Agricote et la situation de l'Earl [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 (1231-1) du code civil, ensemble l'article L. 533-11 du code monétaire et financier.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de l'Earl [...] dirigées contre la société Offre et Demande Agricole ;
Aux motifs propres que « Sur la responsabilité d'ODA : Le 30 janvier 2013, l'Earl Legfranc a conclu avec la société Offre et Demande Agricole un contrat de gestion conseillée dont l'objet était, face à la volatilité des prix agricoles, d'accompagner le bénéficiaire dans la gestion de son risque de prix et l'optimisation de ses positions en lui fournissant de l'information de marché, des recommandations stratégiques et un accompagnement dans ses prises de décision, de manière à optimiser la stratégie de commercialisation de l'entreprise en réduisant l'exposition au risque de fluctuation des cours. À cette fin, ODA fournit une information de marché papier ou électronique, assure un accompagnement par la définition d'un cadre de gestion initial et la mise à disposition du client d'un conseiller et réalise un compte-rendu de chaque réunion téléphonique et un suivi de la position du bénéficiaire au fur et à mesure de l'élaboration de la stratégie, ainsi qu'un bilan en fin de campagne. La société ODA, exerçant à titre habituel une activité de conseil en investissement, relève de la catégorie des conseillers en investissement financier au sens de l'article L. 541-1 du code monétaire et financier dans sa rédaction alors applicable. Conformément aux prescriptions de l'article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, ce professionnel doit, notamment, se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de ses clients, proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et objectifs, s'enquérir auprès de ses clients de leurs connaissances et de leur expérience en matière d' investissement ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d' investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation et leur communiquer les informations utiles à leur prise de décision. Sont également applicables les dispositions de l'article L. 533-13 I du code monétaire et financier ainsi rédigées : « En vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement s'enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d' investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés au gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation ». En outre, la jurisprudence impose au prestataire de services d'investissement de mettre en garde son client, dès l'origine des relations contractuelles, contre les risques encourus dans les opérations spéculatives envisagées par celui-ci, hors le cas où il en a connaissance. L'Earl [...] soutient qu'elle n'aurait pas dû se voir proposer la signature d'un tel contrat car elle ne remplissait pas les pré-requis exigés par ODA elle-même pour bénéficier de ce service, à savoir trois années d'expérience de gestion de la commercialisation, une production de 1000 tonnes au moins de céréales et oléagineux et une formation aux techniques des marchés à terme, ce que ne pouvait ignorer ODA au regard des renseignements fournis lors de la souscription du contrat. Cependant, en premier lieu, la production de 1000 tonnes, non atteinte par l'Earl [...], constitue seulement un minimum pour amortir le coût du service et non une condition qui, si elle n'est pas remplie, permet de penser que les instruments financiers proposés ne sont pas adaptés à la situation du client. En second lieu, le gérant de l'Earl [...] a effectué, au mois de septembre 2012, une action de formation d'une durée de trois jours intitulée "Initiation à la gestion du risque des prix agricoles" et dont l'objectif était de découvrir les principes de gestion du risque de prix et apprécier l'univers des outils de gestion du risque. Il n'est pas établi par l'Earl [...] que cette formation, d'une durée de 20 heures, assurée par ODA elle-même, ne soit pas suffisante pour constituer l'un des pré-requis fixés par ODA pour signer un contrat de gestion conseillée. En troisième lieu, l'expérience en matière de gestion de commercialisation n'est pas autrement définie dans le document produit par l'Earl [...] et ne peut sérieusement l'être au regard du témoignage d'un ancien salarié du groupe en litige prud'homal avec son employeur, alors qu'ODA soutient, de son côté que cette expérience doit s'entendre de la commercialisation de sa propre production et non de celle des marchés à terme, faute de quoi le contrat ne pourrait jamais être destiné aux entreprises ayant le plus fort besoin d'accompagnement sur ces marchés à risque. En tout état de cause, ces pré-requis ne sont pas entrés dans le champ contractuel et n'ont lieu d'être pris en compte que s'ils sont de nature à affecter les obligations mises à la charge du conseiller en investissement par la loi ou la jurisprudence. C'est également en vain que I' [...] soutient que l'offre d'ODA n'était ni adaptée ni proportionnée à ses besoins et objectifs. En effet, la transformation du compte débutant en compte confirmé, intervenue le même jour que la signature du contrat de gestion conseillée, était nécessairement connue de la société ODA, parce que cette transformation est précisément en rapport avec la signature du contrat de gestion conseillée, sans qu'il y ait pour autant indivisibilité entre ces deux contrats souscrits entre personnes distinctes et dont l'objet était différent. La société ODA a donc pu s'appuyer sur les informations données à cette occasion pour apprécier la situation financière de l'Earl [...] (revenus annuels bruts compris entre 75 000 et 100 000 euros), ses objectifs d'investissement (capital d'investissement compris entre 50 000 et 500 000 euros ; instruments souhaités : contrats à terme et devises au comptant ; objectif d'investissement avec un risque modéré) et ses connaissances ainsi que son expérience (mention de 10 à 50 opérations par mois). La société ODA savait par ailleurs, pour l'avoir elle-même mise en oeuvre, que le gérant de l'Earl [...] avait effectué, au mois de septembre 2012, l'action de formation évoquée ci-dessus. Enfin, le nombre d'écritures figurant sur le relevé de compte de négociation pour la période du 11 juillet 2012 au 31 janvier 2013 (aux alentours de 130), toutes relatives à des contrats à terme (Futures), corrobore l'information donnée par le client lors de la transformation du compte de négociation quant à son expérience. L'Earl [...] tente d'éluder la réalité de ces informations en persistant à soutenir qu'il était incapable de passer quelque ordre que ce soit sur de tels marchés et que c'était ODA qui avait passé elle-même ces ordres. Cependant, sans qu'il soit ici nécessaire de revenir sur les dénégations inexactes déjà opposées à la société Agricote, il sera simplement observé qu'ODA n'était pas investie d'une mission de gestion de portefeuille et qu'elle ne disposait d'aucun mandat qui lui aurait permis de transmettre des ordres pour le compte de tiers. Ces informations démontrent donc bien que la conclusion du contrat de gestion conseillée n'a eu ni pour but ni pour effet d'inciter l'Earl [...] à aller sur les marchés à terme de produits agricoles, mais qu'elle avait seulement pour objet de l'accompagner dans la maîtrise de ces marchés sur lesquels elle avait déjà passé de nombreuses opérations. En outre, il est démontré par l'examen du relevé de compte (pièce n° 23) qu'à la date du 31 janvier 2013, alors que les positions déjà prises par l'Earl [...] n'étaient pas toutes dénouées et que les sommes investies atteignaient 140 000 euros, en contradiction avec l'objectif d'investissement annoncé lors de l'ouverture du compte en juin 2012 (5 000 à 50 000 euros), le solde de ce compte était de 109 922,50 euros et affichait donc déjà une perte minimale de plus de 30 000 euros, dont ODA ne saurait, en toute hypothèse, être tenue pour responsable. Cet élément démontre, en second lieu, que l''Earl C... avait fait le choix, par son gérant, de prendre sur ces marchés des positions relativement offensives qui excédaient les simples besoins de stabilisation des prix de son exploitation. Il établit, en troisième lieu, que les premiers investissements réalisés puis les premières positions prises par l'Earl [...], en dépit des avertissements donnés par Saxo Banque et la société Agricote, ont été presque autant de décisions malheureuses qui justifiaient l'accompagnement dans le cadre d'un contrat de gestion conseillée. Enfin, il doit être relevé que le contrat précise que les opérations dites d'arbitrage ou d'aller/retour graphique ont pour objectif d'apporter un bénéfice supplémentaire et non principal, qu'elles ne sont pas sans risques et qu'il est conseillé de les appliquer sur 15 % au maximum du volume produit/acheté/transformé. Ainsi, l'Earl [...] n'établit pas que l'offre ODA n'était ni adaptée ni proportionnée à ses besoins et objectifs et que celle-ci devrait être tenue pour responsable de tout ou partie des pertes subies, a fortiori avant son intervention. Enfin, L'Earl [...] ne démontre pas, par des exemples concrets, que les informations de marché fournies par ODA auraient été inexactes, que ses recommandations stratégiques auraient été malheureuses et qu'ainsi elle n'aurait pas bénéficié d'un accompagnement adéquat dans ses prises de décision. ODA n'a donc manqué ni à ses obligations légales, ni aux obligations auxquelles elle s'était engagée en vertu du contrat, de sorte que le jugement sera également confirmé de ce chef » ;
Et aux motifs, à les supposer adoptés, que « Sur les obligations professionnelles incombant à la société Offre et Demande Agricole : En sa qualité de conseiller en investissement financier, la société Offre et Demande Agricole est tenue au respect des dispositions de l'article L. 541-8-1 du code monétaire et financier. La société Offre et Demande Agricole s'est ainsi assurée, avant de recommander la réalisation d'opérations sur contrat à terme sur marchandises, qu'elles étaient adaptées à la situation de l'Earl [...] au regard de ses connaissances et de son expérience en matière d'investissement, de sa situation et de ses objectifs d'investissements. Il est patent que la société Offre et Demande Agricole a fourni à l'Earl [...] toutes informations utiles à sa prise de décision, et a dans le cadre de la gestion conseillée, communiqué toutes explications nécessaires à la compréhension de chacune des recommandations qu'elle adressait à l'Earl [...]. Eu égard aux documents versés aux débats, il est incontestable que les décisions d'investissement prises par l'Earl [...] étaient contraires aux recommandations fournies par son conseiller en investissement financier, il ne peut qu'être constaté que l'Earl [...] a fait le choix d'adopter des positions particulièrement spéculatives, sans tenir compte des avertissements, et en s'écartant délibérément des recommandations qui lui étaient adressées, en conséquence, il convient de débouter l'Earl [...] de l'intégralité de ses demandes et prétentions à l'égard de la société Offre et Demande Agricole » ;
Alors 1°) que le conseiller en investissements financiers est tenu, dès l'origine des relations contractuelles avec son client, de le mettre en garde contre les risques encourus dans les opérations spéculatives envisagées par celui-ci, hors le cas où il en a connaissance ; qu'en l'espèce, l'Earl [...] faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 43 à 45) qu'elle ne remplissait pas les « pré-requis » mentionnés sur le site internet de la société Offre et Demande Agricole pour bénéficier de son service Oda Gestion Conseillée, tenant à un volume de production minimal de 1.000 tonnes, une expérience d'au moins trois ans en matière de gestion de commercialisation, et au suivi d'une formation aux techniques des marchés à terme ; que pour rejeter le moyen invoqué par l'exposante qui reprochait à la société Offre et Demande Agricole de lui avoir fait conclure un contrat de gestion conseillée alors qu'elle ne remplissait pas ces prérequis, notamment eu égard à son volume de production et à son absence de connaissance des marchés à terme, la cour d'appel a retenu, d'une part, que la production de 1.000 tonnes, non atteinte par l'Earl [...], constituait seulement un minimum pour amortir le coût du service et non une condition qui, si elle n'était pas remplie, permettait de penser que les instruments financiers proposés ne sont pas adaptés à la situation du client, et d'autre part, que le gérant de l'Earl [...] avait effectué, au mois de septembre 2012, une action de formation d'une durée de trois jours intitulée « Initiation à la gestion du risque des prix agricoles » et dont l'objectif était de découvrir les principes de gestion du risque de prix et apprécier l'univers des outils de gestion du risque ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à établir que le contrat de gestion conseillée proposé à l'Earl [...] était adapté à la situation de cette dernière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 (devenu 1103) et 1147 (devenu 1231-1) du code civil ;
Alors 2°) que l'Earl [...] faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 43-44) que la société Offre et Demande Agricole indiquait sur son site internet que son service Oda Gestion Conseillée était un conseil « performant, indépendant et personnalisé », destiné aux chefs d'entreprise qui remplissaient « les pré-requis suivants », à savoir disposer d'au moins trois années d'expérience de gestion de commercialisation, produire au minimum 1.000 tonnes de céréales et oléagineux pour amortir le coût du service, et avoir suivi une formation au fonctionnement des marchés à terme ; qu'elle versait aux débats un constat d'huissier retranscrivant les propos tenus dans une vidéo d'aide à la vente, par le Directeur Général de la société Offre et Demande Agricole, qui confirmait que le respect de ces pré-requis était nécessaire pour que le client puisse utilement bénéficier des prestations de conseil proposées par cette société ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces éléments ne permettaient pas d'établir le caractère obligatoire de ces prérequis pour qu'un client puisse utilement tirer profit des prestations de conseil proposées par la société Offre et Demande Agricole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 (devenu 1103) et 1147 (devenu 1231-1) du code civil ;
Alors 3°) que l'adéquation des conseils prodigués par un conseil en investissement à la situation et aux objectifs de son client ne saurait résulter des investissements réalisés par ce dernier mais doit être appréciée au regard de la teneur des éléments d'information portés à la connaissance de son client par le professionnel ; que pour dire que l'offre de la société Offre et Demande Agricole n'était pas inadaptée aux besoins et aux objectifs de l'Earl [...], la cour d'appel a retenu que les sommes investies par cette dernière atteignaient 140.000 € en contradiction avec l'objectif d'investissement annoncé lors de l'ouverture du compte en juin 2012 (5 000 à 50 000 euros), et que le solde de ce compte était de 109 922,50 euros et affichait donc déjà une perte minimale de plus de 30 000 euros, cet élément démontrant selon la cour d'appel l'Earl [...] avait fait le choix, par son gérant, de prendre sur ces marchés des positions relativement offensives qui excédaient les simples besoins de stabilisation des prix de son exploitation, et enfin que les premiers investissements réalisés puis les premières positions prises par l'Earl [...], en dépit des avertissements donnés par Saxo Banque et la société Agricote, avaient été presque autant de décisions malheureuses qui justifiaient l'accompagnement dans le cadre d'un contrat de gestion conseillée ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à établir que la société Offre et Courtage Agricole avait effectivement rempli son devoir de conseil à l'égard de l'Earl [...], la cour d'appel a violé l'article 1147 (devenu 1231-1) du code civil ;
Alors 4°) encore qu'il appartient au conseil en investissement financier, tenu d'une obligation d'information sur les caractéristiques des placements qu'il propose, et d'un devoir de conseil quant à leur adéquation à la situation et aux objectifs de son client, de prouver qu'il s'est acquitté de ces obligations ; qu'en retenant, pour rejeter l'action en responsabilité contre la société Offre et Demande Agricole, que l'EARL [...] « ne démontr[ait] pas, par des exemples concrets, que les informations de marché fournies par ODA auraient été inexactes, que ses recommandations stratégiques auraient été malheureuses et qu'ainsi elle n'aurait pas bénéficié d'un accompagnement adéquat dans ses prises de décision », quand il incombait à la société Offre et Demande Agricole, en sa qualité de conseiller en investissement financier, de rapporter la preuve qu'elle avait fourni à l'Earl [...] des informations et conseils pertinents et adaptés à la situation de son client, la cour d'appel a violé l'article 1147 (devenu 1231-1) du code civil, ensemble l'article 1315 du même code ;
Alors 5°) enfin que les décisions de justice doivent être motivées en fait et en droit ; qu'en se bornant à affirmer, par motifs supposément adoptés des premiers, que la société Offre et Demande Agricole s'était « assurée, avant de recommander la réalisation d'opérations sur contrat à terme sur marchandises, qu'elles étaient adaptées à la situation de l'Earl [...] au regard de ses connaissances et de son expérience en matière d'investissement, de sa situation et de ses objectifs d'investissements », qu'il était « patent que la société Offre et Demande Agricole a fourni à l'Earl [...] toutes informations utiles à sa prise de décision, et a dans le cadre de la gestion conseillée, communiqué toutes explications nécessaires à la compréhension de chacune des recommandations qu'elle adressait à l'Earl [...] » et qu' « eu égard aux documents versés aux débats, il est incontestable que les décisions d'investissement prises par l'Earl [...] étaient contraires aux recommandations fournies par son conseiller en investissement financier, il ne peut qu'être constaté que l'Earl [...] a fait le choix d'adopter des positions particulièrement spéculatives, sans tenir compte des avertissements, et en s'écartant délibérément des recommandations qui lui étaient adressées », sans analyser les pièces du dossier sur lesquels elle fondait sa décision ni donner la moindre assise factuelle à ces affirmations, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.