LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 juin 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 550 F-D
Pourvoi n° U 19-18.263
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020
M. G... W..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 19-18.263 contre l'arrêt rendu le 24 avril 2019 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Groupama Loire-Bretagne, dont le siège est [...] ,
2°/ à M. P... H..., domicilié [...] ,
3°/ à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de Bretagne, dont le siège est [...] , venant aux droits et obligations de la caisse RSI Auvergne agissant pour le compte de la caisse RSI Bretagne,
4°/ au régime social des indépendants (RSI) Bretagne, dont le siège est [...] , venant aux droits de la caisse régionale des artisans et commerçants de Bretagne et de l'assurance vieillesse des artisans,
5°/ à l'organisme RSI Bretagne, dont le siège est [...] , venant aux droits de la caisse régionale des artisans et commerçants de Bretagne (CMRB) et de l'Assurance vieillesse des artisans (AVA),
6°/ à la mutuelle SMPIV, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. W..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Groupama Loire-Bretagne, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 avril 2019), le 22 avril 1997, M. W..., qui pilotait une motocyclette, a été blessé après avoir percuté un taureau qui divaguait sur la chaussée.
2. Par jugement du 29 septembre 1998, un tribunal de grande instance a déclaré M. H... responsable du préjudice subi par M. W... sur le fondement de l'article 1385 du code civil, alors applicable, a dit qu'il serait tenu de réparer les conséquences dommageables de cet accident, solidairement avec son assureur, la société caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne (la société Groupama Loire Bretagne), et a ordonné une expertise médicale. Le juge de la mise en état a ordonné par la suite de nouvelles expertises, notamment pour tenir compte de l'aggravation de son état alléguée par M. W....
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. M. W... fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de fixer son préjudice avant aggravation pour la tierce personne temporaire à la somme de 16 408 euros et de lui refuser ainsi toute assistance par une tierce personne après le 30 juillet « 2008 », date de la reprise de ses activités professionnelles alors « que le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne indemnise la perte d'autonomie de la victime restant atteinte, à la suite du fait dommageable, d'un déficit fonctionnel permanent la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne ; que ce poste recouvre tous les actes de la vie courante que la victime est empêchée de faire par suite de l'accident et ne se confond pas avec le déficit fonctionnel permanent, même si ce dernier est indispensable pour l'allocation d'une indemnité tierce personne ; que M. W... avait sollicité l'indemnisation de l'assistance tierce personne dont il avait eu besoin – assistance qui s'était prolongée au-delà de la reprise d'activité professionnelle en juillet 1998 en raison de la limitation fonctionnelle des deux poignets qui rendait M. W... incapable de porter des charges et de faire des mouvements forcés des poignets et qui se ressentait dans la vie quotidienne – ; que la cour a relevé que « l'expert avait constaté la nécessité d'une aide humaine jusqu'au mois de juillet 1998, date de reprise de ses activités professionnelles par M. W... et que la persistance des gênes fonctionnelles douloureuses des deux poignets revendiquée par M. W... au soutien de sa demande d'allocation d'indemnité tierce personne à vie sont prises en compte dans le déficit fonctionnel permanent, mais n'étaient pas de nature à rendre M. W... incapable d'accomplir seul, sans l'aide d'une tierce personne, certains actes essentiels de la vie, à savoir ceux permettant l'autonomie locomotive, l'alimentation et son élimination, ou tributaire d'une aide pour restaurer sa dignité ou suppléer sa perte d'autonomie » ; qu'elle en a déduit que le besoin d'assistance par une tierce personne était à retenir jusqu'au 30 juillet 1998 et selon le nombre d'heures non contesté retenu par le tribunal ; qu'en statuant de la sorte, quand le poste d'assistance tierce personne vise à réparer le besoin qu'éprouve une personne d'une aide humaine pour exécuter les actes de la vie courante quels qu'ils soient et non pas seulement pour marcher, exagérément restrictive, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1382 ancien du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
5. Ayant relevé que la persistance des gênes fonctionnelles douloureuses des deux poignets et du coude droit invoquées par M. W... au soutien de sa demande d'allocation d'une indemnité pour l'aide par une tierce personne n'était pas de nature à le rendre tributaire d'une aide pour restaurer sa dignité ou suppléer sa perte d'autonomie, la cour d'appel qui, en dépit d'une maladresse d'expression, n'a pas limité l'indemnisation de ce poste de préjudice à l'impossibilité d'accomplir certains seulement des actes de la vie courante, a souverainement estimé qu'aucune indemnisation n'était due à ce titre pour la période postérieure au 30 juillet 1998.
6. Le moyen n'est dés lors pas fondé.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé sur moyen
7. M. W... fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement et de fixer son préjudice avant aggravation pour la perte de gains professionnels actuels à la somme de 58 506 euros, alors « que les pertes de gains professionnels actuels correspondent aux pertes de revenus éprouvées par la victime jusqu'au jour de sa consolidation ; qu'elles sont indemnisées sur la base des revenus salariaux ou tirés de l'activité professionnelle libérale, commerciale ou artisanale et appréciées en valeur nette hors incidence fiscale ; que la cour d'appel n'a pourtant accordé à M. W..., au titre des pertes de gains professionnels actuels, que l'indemnisation du surcoût engendré par l'embauche d'un mécanicien pour le remplacer, après déduction des charges sociales et fiscales, soit la somme de 58 506 euros ; qu'en procédant à une telle déduction, que le tribunal n'avait pas faite, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
8. Pour fixer le préjudice avant aggravation au montant de 58 506 euros pour la perte de gains professionnels actuels, l'arrêt, après avoir relevé que M. W... avait repris son activité professionnelle au sein de la société en nom collectif dont il détenait 50 % du capital, mais cantonnée à la partie administrative alors qu'avant l'accident il assurait principalement les travaux de mécanique, énonce qu'il convient de retenir la somme de 58 506 euros correspondant à la perte de revenus liée à l'embauche d'un mécanicien pour remplacer la victime, après déduction des charges sociales et fiscales.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que ces charges, assumées pour pourvoir au remplacement de la victime, étaient en lien direct avec l'accident, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt attaqué fixant à la somme de 58 506 euros la perte de gains professionnels actuels entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions fixant les préjudices avant aggravation de M. W... au montant total de 158 466, 05 euros et condamnant solidairement M. H... et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, à payer à M. W... la somme de 167 726,90 euros ainsi que des dispositions relatives au recours de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de Bretagne en sa qualité de tiers payeur, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le préjudice avant aggravation de M. W... au montant de 58 506 euros pour la perte de gains professionnels actuels, fixe les préjudices avant aggravation de M. W... au montant total de 158 466, 05 euros, condamne solidairement M. H... et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, à payer à M. W... la somme de 167 726,90 euros, condamne solidairement M. H... et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, à payer à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de Bretagne la somme de 150 783,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2015 et la somme de 1 037 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, l'arrêt rendu le 24 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne M. H... et la société Groupama Loire Bretagne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Groupama Loire Bretagne et condamne in solidum M. H... et la société Groupama Loire Bretagne à payer à M. W... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt et signé par Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour M. W...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement et fixé le préjudice avant aggravation de M. W... pour la perte de gains professionnels actuels à la somme de 58 506 € ;
AUX MOTIFS QUE « sur l'indemnisation avant aggravation : la perte de gains professionnels actuels : que M. W..., mécanicien, après avoir été salarié, s'est associé à M. M... en juillet 1994 pour créer la SNC [...] (BHM) dans laquelle ils possédaient chacun 50 % du capital ; que la société employait deux ouvriers tôliers et un ouvrier mécanicien ; que M. W... a repris en juillet 1998 son activité professionnelles mais cantonné à la partie administrative alors qu'avant son accident il assurait principalement les travaux de mécanique ; qu'afin de le remplacer, la société a dû embaucher un salarié mécanicien à compter du 1er juin 1997 ; qu'à l'expert-comptable, M. W... a indiqué que son associé a eu un comportement déviant pendant son absence et que les résultats ont baissé de façon significative ; qu'à compter du 21 juillet 1997, M. W... a reçu une pension d'invalidité de l'AVA Bretagne, caisse des artisans ; qu'en décembre 2003, M. M... a cédé ses parts de la SNC BHM à la SARL Garage des Olivettes créée par M. W... et M. B..., qui en étaient tous les deux les gérants ; qu'en novembre 2004, M. W... a vendu ses parts de la SARL Les Olivettes à M. B... ; qu'il est resté comme salarié de la SARL de janvier à juillet 2009 ; qu'en juillet 2009, il a quitté la société Garage des Olivettes ; qu'il a créé en mars 2010 la SARL TOP Dépannage dont il est le gérant ; que s'agissant de la perte de gains de M. W... pendant la période de 1997 à 2004, l'expert-comptable a fourni les éléments d'appréciation suivants :
- les surcoûts engagés par la SNC BHM du fait de l'accident de M. W..., pour assurer le remplacement au poste de mécanicien de M. W... sont de 174 646 € jusqu'en fin 2004,
- le coût pour la SNC correspondant aux embauches supplémentaires de personnel autres que les remplaçants de M. W... et qui ont impacté la rentabilité de la société peuvent être estimés à 231 952 € pour la période de 1997 à 2004 inclus ;
Mais qu'à ce titre, l'expert indique qu'il s'agit d'une estimation basée sur la baisse constatée de la rentabilité, mais qu'hormis les coûts de remplacement de M. W... il n'a pas reçu communication d'autres éléments permettant de relier cette baisse à l'accident de M. W... ;
- pour le chiffrage de la perte de revenus revenant à M. W..., personnellement :
après déduction de la somme de 406 598 € (174 646 € + 231 952 €) des charges sociales et fiscales le préjudice total de la SNC est de = 272 420 € donc le préjudice maximum de M. W... est de 136 210 € se décomposant en :
surcoût engagé pour le remplacer = 58 506 €
baisse de rentabilité de la société = 77 704 € ;
que pour la période de fin 2004 à 2008, l'expert a considéré que compte tenu de ses revenus comme gérant de la SARL Garage des Olivettes outre des pensions d'invalidité, comparés aux revenus antérieurs, M. W... n'a pas subi de perte de revenus de 2004 à décembre 2008 ; que le tribunal a, au titre du surcoût engagé pour remplacer M. G... W..., fait droit à sa demande en retenant une indemnisation à hauteur de 87 323 € (176 646 € : 2), sans déduction des charges, et au titre des embauches supplémentaires de personnel ayant impacté la rentabilité de la SNC BHM, alors que M. W... demandait la somme de 115 976 € le tribunal n'a retenu que la moitié de cette somme, soit 57 988 € en considérant que cette baisse de rentabilité peut s'expliquer par d'autres éléments que les séquelles de M. W... à la suite de l'accident du 22 avril 1997 qui ne peut être désigné comme responsable de la totalité des surcoûts de personnel qu'a connu la SNC BHM plusieurs années après la survenance de l'accident ; qu'en appel, M. W... maintient sa demande de la somme de 149 685,07 € au titre des pertes de gains professionnels avant sa consolidation de décembre 2008, soit le surcoût engagé pour le remplacer : 174 646 / 2 = 87 323 € et l'embauche supplémentaire ayant grevé la rentabilité de la SNC pour 115 976 € (231 952 € : 2) ; qu'il fait grief au tribunal d'avoir considéré qu'il y avait d'autre cause de la perte de rentabilité de la SNC que les suites de son accident ; que d'abord, il faut noter qu'au titre des pertes de gains professionnels actuels, M. W... ne demande donc que les sommes concernant ses pertes d'associé de la SNC BHM de 1997 à début 2004, et ne demande rien après cette période ; que M. H... et Groupama proposent une somme globale de 38 396 € pour les pertes de gains professionnels actuels et futurs sans distinction mais en soulignant pour les pertes de gains professionnels actuels que M. W... ne rapporte pas la preuve de leur lien avec l'accident en soulignant notamment que selon l'acte de cession de parts sociales entre M. M... et la SARL Garage des Olivettes il est fait état de l'état de santé de ce dernier ; qu'au vu des éléments du dossier et en particulier du rapport d'expertise comptable, il y a lieu, au titre des pertes de gains professionnels de M. W... de retenir la somme de 58 506 € correspondant à la perte de revenus liée à l'embauche d'un mécanicien pour le remplacer, seules pertes en lien direct avec l'accident, à la différence de la perte de rentabilité de la SNC BHM, qui résulte d'autres facteurs et alors que la société n'était créée seulement que depuis 1994 ; que pour la période 2004-2008, il n'est pas fait état par la victime de perte de gains, et ce poste de préjudice n'est constitué que du montant des pensions d'invalidité servies par la caisse AVA aux droits de laquelle vient le RSI Bretagne ; que selon les états de débours du RSI, il lui revient 2 378, 20 € au titre des indemnités journalières versées du 22 avril 1997 jusqu'au 20 juillet 1997, et, au titre des pensions d'invalidité servies du 21 juillet 1997 au 31 décembre 2018, la somme de 53 613,93 €, soit 55 992,13 € ; qu'après imputation de cette somme sur le poste de préjudice des pertes de gains professionnels actuels, il revient à M. W... de ce chef la somme de 2 513,87 € » ;
1°) ALORS QUE les pertes de gains professionnels actuels correspondent aux pertes de revenus éprouvées par la victime jusqu'au jour de sa consolidation ; qu'elles sont indemnisées sur la base des revenus salariaux ou tirés de l'activité professionnelle libérale, commerciale ou artisanale et appréciées en valeur nette hors incidence fiscale ; que la cour d'appel n'a pourtant accordé à M. W..., au titre des pertes de gains professionnels actuels, que l'indemnisation du surcoût engendré par l'embauche d'un mécanicien pour le remplacer, après déduction des charges sociales et fiscales, soit la somme de 58 506 € ; qu'en procédant à une telle déduction, que le tribunal n'avait pas faite, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
2°) ALORS QUE pour écarter l'indemnisation des surcoûts correspondant aux embauches supplémentaires de personnel autres que les remplaçants de M. W... au titre des pertes de gains professionnels actuels - surcoûts qui ont eu un impact sur la rentabilité de la société et que l'expert avait estimés à 231 952 €-, la cour a jugé que « seules les pertes de revenus liées à l'embauche d'un mécanicien pour remplacer M. W... étaient en lien direct avec l'accident à la différence de la perte de rentabilité de la SNC BHM, qui résulte d'autres facteurs » ; qu'en faisant état « d'autres facteurs » sans autre précision, pour expliquer la baisse de rentabilité de la société BHM, la cour n'a pas motivé sa décision, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE pour justifier la mise à l'écart du surcoût lié à l'embauche supplémentaire ayant grevé la rentabilité de la SNC BHM, la cour a relevé que la société n'avait été créée que depuis 1994, sous-entendant que l'existence de la société était relativement récente lors de la survenance de l'accident ; que l'accident était certes survenu en 1997 mais la consolidation n'avait, pour sa part, été acquise qu'en décembre 2008 ; qu'en statuant par un motif inopérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil et du principe de réparation intégrale du préjudice.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement et débouté M. W... de ses demandes d'indemnisation au titre des pertes de gains professionnels futurs ;
AUX MOTIFS QUE « sur l'indemnisation avant aggravation : la perte de gains professionnels futurs : que les pertes de gains professionnels futurs visent à indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage ; qu'en décembre 2008, M. W... a vendu ses parts de a SARL Garage des Olivettes à M. B... ; qu'il est resté comme salarié de cette société, de janvier 2009 à juillet 2009 ; qu'il a créé en mars 2010 la SARL TOP Dépannage dont il est gérant ; que l'expert a considéré que le résultat théorique de 1997 à 2003 sans accident aurait été de 29 834 €, cotisations déduites ; qu'il a constaté qu'à partir de 2010 les résultats de la société TOP Dépannage et le salaire de gérant de M. W... en moyenne de 25 033 € et qu'en ajoutant les pensions d'invalidité de l'ordre de 7 000 € par an, la comparaison avec un revenu théorique annuel antérieur de 30 000 €, démontrait l'absence de pertes de gains professionnels futurs ; que le tribunal a considéré que les pertes de gains professionnels futurs se limitent à la somme de 13 129 €, correspondant à l'année 2009 ; que le tribunal a pris en compte la créance du RSI correspondant aux pensions d'invalidité versées à M. W... entre le 1er janvier 2009 et le 31 mai 2015, dont le montant s'élevait à cette dernière date à la somme de 43 718,94 € ; que M. W... sollicite l'infirmation du jugement et demande la somme de 436 162,82 € au titre des pertes de gains professionnels futurs en soutenant qu'on doit se baser sur 39 000 € de revenus théoriques, et non sur 30 000 €, sans déduire les charges sociales et fiscales, qu'il produit ses avis d'imposition sur le revenu de 2010 à 2017 et qu'il perd 24 150 € de revenus par an jusqu'à 65 ans, puis des droits à la retraite ; mais que, d'une part, l'éventuelle perte de droits à la retraite est en principe indemnisée au titre de l'incidence professionnelle et non des pertes de gains professionnels futurs et de plus cette perte n'est en l'espèce pas établie ; d'autre part, la décision prise par M. W... de vendre ses parts dans la SARL Garage des Olivettes fin 2008, d'en être salarié six mois en 2019 puis de créer seul une société de dépannage automobile résulte du choix de M. W... d'un nouveau mode d'exercice de son activité professionnelle et n'est pas en lien direct avec l'accident du 22 avril 1997 ; qu'il ne résulte pas des éléments du dossier que M. W... a subi des pertes de gains en lien certain et non hypothétique avec l'accident et en conséquence il y a lieu de le débouter de toutes ses demandes au titre des pertes de gains professionnels futurs » ;
ALORS QUE les pertes de gains professionnels futurs correspondent aux pertes de revenus professionnels subies par la victime à compter de la date de consolidation ; que pour débouter M. W... de toutes ses demandes au titre des pertes de gains professionnels futurs, la cour d'appel a relevé que « la décision prise par M. W... de vendre ses parts dans la SARL Garage des Olivettes fin 2008, d'en être salarié six mois en 2019 puis de créer seul une société de dépannage automobile résulte du choix de M. W... d'un nouveau mode d'exercice de son activité professionnelle et n'est pas en lien direct avec l'accident du 22 avril 1997 » ; qu'en jugeant que la reconversion professionnelle de M. W... procédait d'un pur choix personnel de sa part quand elle avait ellemême constaté que la société BHM avait engagé un mécanicien pour remplacer M. W... après son accident et que celui-ci avait ensuite été cantonné à des tâches administratives au sein de la société, ce dont il résultait qu'il ne pouvait plus exercer sa profession de mécanicien et que son changement d'emploi était donc imputable à l'accident, la cour d'appel a violé les dispositions de l'ancien article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement et fixé le préjudice avant aggravation de M. W... pour la tierce personne temporaire à la somme de 16 408 € et d'avoir ainsi refusé à M. W... toute assistance par une tierce personne après le 30 juillet 2008, date de la reprise de ses activités professionnelles ;
AUX MOTIFS QUE « sur l'indemnisation avant aggravation : la tierce personne: que M. W... demande une somme globale pour le poste tierce personne temporaire et le poste tierce personne permanente puisqu'il demande la somme globale de 441 642, 33 € en ce compris une tierce personne à titre viager, en reprochant au tribunal de ne lui avoir accordé une indemnisation à ce titre que jusqu'en juillet 1998 ; qu'il conclut à la confirmation du jugement pour le nombre d'heures d'aide par jour jusqu'au 30 juillet 1998 mais il demande en plus ;
- du 03/07/1998 au 30/09/1999 : 1 heure par jour,
- du 02/10/1999 au 31/01/2000 : 2 heures par jour,
- à compter du 1er février 2000 et à titre viager 1 heure par jour en raison de la persistance des gênes fonctionnelles douloureuses des deux poignets et du coude droit interdisant de porter des charges ou mouvements forcés des poignets ;
qu'il demande pour le tout un taux horaire de 23,40 € ; que M. H... et Groupama concluent à la confirmation du jugement pour le calcul du nombre d'heures de la date de l'accident à la reprise d'activité au 30 juillet 2008 mais ils sollicitent de la cour de retenir un taux horaire de 12 €, soit une somme totale de 12 306 € ; que l'expert a constaté la nécessité d'une aide humaine jusqu'au mois de juillet 1998, date de reprise de son activité professionnelle par M. W... ; que la persistance des gênes fonctionnelles douloureuses des deux poignets et du coude droit lui interdisant de porter des charges ou d'effectuer des mouvements forcés des poignets revendiquées par M. W... au soutien de sa demande d'allocation d'une indemnité pour l'aide par une tierce personne à vie, sont prises en compte dans le déficit fonctionnel permanent mais ne sont pas de nature à rendre M. W... incapable d'accomplir seul, sans l'aide d'une tierce personne certains actes essentiels de la vie courante à savoir ceux permettant l'autonomie locomotive, l'alimentation et son élimination, ou tributaire d'une aide pour restaurer sa dignité ou suppléer sa perte d'autonomie ; que le besoin d'assistance par une tierce personne est donc à retenir jusqu'au 30 juillet 1998, et selon le nombre d'heures non contesté retenu par le tribunal ; mais qu'il y a lieu de retenir un taux horaire de 16 €, et de fixer l'indemnité tierce personne à 16 408 €, soit :
- du 06.05.1997 au 30.06.1997 : 56 jours x 5 h x 16 € = 4 480 €,
- du 01.07.1997 au 27.09.1997 : 89 jours x 4 h x 16 € = 5 696 €,
- du 28.09.1197 au 13.11.1997 : 47 jours x 1 h 30 x 16 € = 1 128 €,
- du 14.11.1997 au 13.12.1997 : 30 jours x 3 h x 16 € = 1 440 €,
- du 14.12.1997 au 30.07.1998 : 229 jours x 1 h x 16 € = 3 664 € » ;
ALORS QUE le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne indemnise la perte d'autonomie de la victime restant atteinte, à la suite du fait dommageable, d'un déficit fonctionnel permanent la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne ; que ce poste recouvre tous les actes de la vie courante que la victime est empêchée de faire par suite de l'accident et ne se confond pas avec le déficit fonctionnel permanent, même si ce dernier est indispensable pour l'allocation d'une indemnité tierce personne ; que M. W... avait sollicité l'indemnisation de l'assistance tierce personne dont il avait eu besoin – assistance qui s'était prolongée au-delà de la reprise d'activité professionnelle en juillet 1998 en raison de la limitation fonctionnelle des deux poignets qui rendait M. W... incapable de porter des charges et de faire des mouvements forcés des poignets et qui se ressentait dans la vie quotidienne – ; que la cour a relevé que « l'expert avait constaté la nécessité d'une aide humaine jusqu'au mois de juillet 1998, date de reprise de ses activités professionnelles par M. W... et que la persistance des gênes fonctionnelles douloureuses des deux poignets revendiquée par M. W... au soutien de sa demande d'allocation d'indemnité tierce personne à vie sont prises en compte dans le déficit fonctionnel permanent, mais n'étaient pas de nature à rendre M. W... incapable d'accomplir seul, sans l'aide d'une tierce personne, certains actes essentiels de la vie, à savoir ceux permettant l'autonomie locomotive, l'alimentation et son élimination, ou tributaire d'une aide pour restaurer sa dignité ou suppléer sa perte d'autonomie » ; qu'elle en a déduit que le besoin d'assistance par une tierce personne était à retenir jusqu'au 30 juillet 1998 et selon le nombre d'heures non contesté retenu par le tribunal ; qu'en statuant de la sorte, quand le poste d'assistance tierce personne vise à réparer le besoin qu'éprouve une personne d'une aide humaine pour exécuter les actes de la vie courante quels qu'ils soient et non pas seulement pour marcher, s'alimenter et éliminer comme elle l'a retenu en se fondant sur une définition exagérément restrictive, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1382 ancien du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice.
Le greffier de chambre