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25/06/2020 | FRANCE | N°19-15153

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 juin 2020, 19-15153


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 juin 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 360 F-D

Pourvoi n° P 19-15.153

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020

1°/ Mme G... E... épouse D...,

2°/ M. B... D...,

domiciliÃ

©s tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° P 19-15.153 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre civile), dans ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 juin 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 360 F-D

Pourvoi n° P 19-15.153

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020

1°/ Mme G... E... épouse D...,

2°/ M. B... D...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° P 19-15.153 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Axa France IARD, prise en qualité d'assureur de M. JF L..., dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme D..., de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2018), M. et Mme D... ont confié à M. Y..., assuré auprès de la société Axa France IARD (la société AXA), l'aménagement des combles d'une maison après modification de la charpente et création d'un plancher et de trois fenêtres de toit.

2. Se plaignant de l'apparition d'infiltrations et de fissures à l'intérieur et à l'extérieur de l'immeuble, M. et Mme D... ont, après expertise, assigné M. Y... et la société Axa en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. et Mme D... font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Axa à garantie au montant du coût des travaux de reprise de l'ouvrage neuf, alors :

« 1°/ que l'obligation d'assurance liée à la réalisation d'un ouvrage s'étend aux constructions existantes techniquement indivisibles de l'ouvrage et incorporées à celui-ci ; qu'à cet égard, la réalisation d'un ouvrage qui fait peser un risque d'effondrement à l'ensemble constitué de l'ouvrage neuf et de la structure préexistante implique une incorporation de cette dernière à celui-là ; qu'en l'espèce, M. et Mme D... indiquaient que les travaux structurels réalisés à l'étage de leur maison d'habitation avaient provoqué un report de charges sur les murs du pavillon et un risque d'effondrement de l'ensemble constitué de la charpente et de ces murs ; qu'il en résultait que la garantie de la société Axa, intervenant comme assureur du constructeur, devait s'étendre aux désordres affectant les existants ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 243-1-1 du code des assurances ;

2°/ subsidiairement, que l'obligation d'assurance liée à la réalisation d'un ouvrage s'étend aux constructions existantes techniquement indivisibles de l'ouvrage et incorporées à celui-ci ; qu'en se bornant à relever en l'espèce que les travaux réalisés consistaient en une consolidation de la charpente située à l'étage de la maison pour en déduire une absence de d'incorporation du reste de la maison à cet ouvrage, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ces travaux n'avaient pas entraîné un report de charges sur les murs de la maison et un risque d'effondrement de cette dernière, ce qui était de nature à établir l'existence d'une incorporation de l'existant à l'ouvrage réalisé à l'étage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 243-1-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 243-1-1 II du code des assurances, la cour d'appel a exactement retenu que les dommages causés par répercussion à l'ouvrage existant ne relevaient de l'obligation d'assurance que si cet ouvrage était totalement incorporé à l'ouvrage neuf et en devenait techniquement indivisible.

5. Elle a relevé que la modification de la charpente avait consisté à rigidifier le triangle supérieur des fermettes par la suppression des contre-fiches et l'ajout à chacune d'elles des renforts d'arbalétriers et des entraits et la mise en place de jambettes et d'une sorte d'entrait retroussé.

6. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l'ouvrage existant ne s'était pas trouvé totalement incorporé à l'ouvrage neuf et ne lui était pas devenu techniquement indivisible, de sorte que la société Axa ne devait sa garantie que pour les travaux de reprise des désordres atteignant l'ouvrage neuf réalisé par son assuré.

7. La cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. M. et Mme D... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à obtenir la garantie de la société Axa au titre de l'indemnisation des frais de relogement et de déménagement, alors :

« 1°/ que les conventions légalement formées font la loi des parties ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes relevé que la police d'assurance souscrite par l'entrepreneur garantissait tout dommage matériel, et excluait les dommages immatériels définis comme « tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption d'un service rendu par un bien ou de la perte d'un bénéfice » ; qu'en décidant sur cette base que les frais de déménagement constituaient un préjudice immatériel, quand ceux-ci ne résultaient pas de la privation de jouissance de la maison, mais avaient pour seul objet de permettre la réalisation des travaux de réfection, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation de l'article 1134 ancien du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que l'assurance obligatoire de responsabilité de l'entrepreneur garantit l'ensemble des dommages matériels ; que la réparation des dommages matériels comprend l'intégralité des sommes nécessaires à la réfection des ouvrages ; que par suite, dans le cas d'ouvrages habités ou exploités, le dommage matériel s'étend au coût du déménagement lorsque celui-ci s'impose pour la réalisation des travaux de réfection ; qu'en se fondant en l'espèce sur une disposition du contrat d'assurance souscrit par l'entrepreneur pour exclure tout droit à garantie des frais de déménagement rendus nécessaires pour la reprise des désordres affectant l'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a relevé que l'article 37.9 des conditions générales de la police définissait le préjudice matériel comme étant toute détérioration ou destruction d'une chose ou substance et que l'article 37.8 de ces conditions définissait le dommage immatériel comme étant tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption d'un service rendu par un bien ou de la perte d'un bénéfice.

10. La définition du dommage matériel donnée par la police n'est pas contraire aux clauses types applicables aux contrats d'assurance de responsabilité décennale, ceux-ci devant garantir, en application de l'annexe I à l'article A. 243-1 du code des assurances, le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué, ainsi que, en cas de remplacement des ouvrages, les travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaires.

11. La cour d'appel a retenu que les frais de déménagement et de relogement ne répondaient pas à la définition de l'article 37.9, mais constituaient un dommage immatériel consécutif en ce que la privation de jouissance de la maison de M. et Mme D... durant les travaux les obligeait à déménager et à se reloger, ce qui relevait des prévisions de l'article 37.8 du contrat.

12. Elle en a déduit à bon droit que la société Axa France IARD, dont le contrat ne garantissait que les dommages matériels, ne devait pas être condamnée à garantir son assuré des condamnations prononcées contre lui au titre des frais de relogement et de déménagement.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme D... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme D...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt partiellement infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a fixé le coût des travaux de reprise de l'ouvrage neuf à la somme de 167.360,43 euros ; a condamné la société AXA FRANCE IARD à garantir M. Y... des condamnations prononcées à son encontre seulement à ce titre ; et a jugé que cette somme de 167.360,43 euros sera actualisée conformément à l'évolution de l'indice BTO1 du coût de la construction entre le 15 juillet 2014 et le 7 octobre 2016, date du prononcé du jugement de première instance, et portera intérêts au taux légal à compter de ce jugement ;

AUX MOTIFS QUE « La garantie de la société Axa France IARD au titre des dommages affectant les parties existantes de l'ouvrage
Se fondant sur les dispositions de l'article L 243-1-1, II. du code des assurances, des articles 8 des conditions particulières et générales de la police et de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 14 septembre 2017 (3e civ., 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-23.020), la société Axa France IARD fait valoir que la police couvre exclusivement le coût de réparation des dommages affectant les travaux de l'assuré ; les dommages existants n'entrant pas dans l'objet du contrat souscrit par M. Y....
La société Axa France IARD fait valoir que les dommages objet de la procédure affectent non seulement les travaux réalisés par l'assuré, à savoir la déformation des deux pans de rampants et des plaques d'habillage sous rampants, mais aussi la partie existante du pavillon, soit la perte de I 'aplomb, les fissurations des murs porteurs, la mise en charge et la déformation des cloisons de l'étage.
Or, elle prétend que seuls les dommages matériels affectant les travaux réalisés par M. Y..., évalués à 167.360,43 euros toutes taxes comprises, doivent être pris en charge par elle, à l'exclusion des dommages affectant les existants.
La société Axa France IARD reproche dès lors au jugement de retenir, de manière infondée, que la limitation de garantie revient à vider de sa substance l'obligation de garantie pesant sur l'assureur ou d'atténuer de manière disproportionnée cette garantie.
Elle critique encore le jugement qui estime, de manière erronée, que les ouvrages existants "seraient indissociables des travaux de réhabilitation réalisés" statuant ainsi, également, par des motifs inopérants.
Elle rappelle les termes de l'article L 243-1-1. II. du code des assurances et soutient que l'exception qui y figure n'est pas en l'espèce applicable, les ouvrages existants avant les travaux n ' étant pas incorporés dans l'ouvrage neuf et n'en devenant pas techniquement indivisibles.
Elle relève que les arrêts cités par les intimés ne sont pas pertinents parce qu'ils sont soit antérieurs à I 'entrée en vigueur de I 'ordonnance du 8 juin 2005, soit ils ne sont pas transposables.
Elle relève que dans un arrêt très récent du 14 septembre 2017, précité, la Cour de cassation a en revanche confirmer que la garantie obligatoire s'applique, par exception, aux dommages affectant les ouvrages existants avant l'ouverture de chantier dès lors que l'ouvrage existant est totalement incorporé dans les travaux neufs et en devient techniquement indivisible.
Elle observe que les travaux d'aménagement des combles avec modification de la charpente réalisés par M. Y... n'incorporent manifestement pas I'ouvrage existant constitué par la maison de M. et Mme D... de sorte que la première condition posée pour admettre l'exception au principe de non-couverture des existants par la garantie obligatoire décennale n'est pas remplie.
Elle en déduit que le jugement a retenu à tort sa garantie et qu'il ne pourra qu'être infirmé.
M. et Mme D... rétorquent que la solution de reprise envisagée par I'expert judiciaire consiste à reconstruire complètement l'étage, qui n'est pas dissociable et qu'il n'est pas envisageable de reprendre seulement certaines parties de l'ouvrage.
Ils observent que l'estimation de M. I..., purement unilatérale, qui n'a jamais été soumise à l'expert judiciaire et qui compile une simple extraction de prix, sans correspondre à une solution de reprise sérieuse, doit être écartée par cette cour.
Ils se prévalent d'un arrêt rendu par la Cour de cassation qui pose le principe selon lequel le contrat d'assurance de responsabilité obligatoire doit garantir le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué et des ouvrages existants qui lui sont indissociables (3e civ., 5 juillet 2006, pourvoi n° 05-16.277, Bull. 2006, 111, n° 167).
Ils prétendent que c'est à tort que la société Axa France IARD se prévaut des effets de l'article L 243-1-1. II. du code des assurances pour exclure de sa garantie les dommages causés aux existants alors que l'ordonnance du 8 juin 2005 a pour seul objet de déterminer l'étendue de l'obligation d'assurance, non les dommages couverts.
Il convient de rappeler que la société Axa France IARD ne conteste pas l'évaluation faite par l'expert du coût des travaux réparatoires pour la reprise de la maison consécutivement aux travaux exécutés par M. Y..., mais soutient que sa garantie est limitée à la garantie des seuls travaux de reprise des désordres subis par l'ouvrage neuf réalisé par son assuré et que l'exception énoncée par l'article L 243-1-1. II. du code des assurances n'est pas applicable dès lors que les ouvrages existants avant l'ouverture du chantier ne sont pas incorporés dans l'ouvrage neuf exécuté par M. Y... et qu'ils ne deviennent pas techniquement indivisibles de celui-ci.
En d'autres termes, la question posée à la cour ne porte pas sur l'étendue et l'évaluation des travaux de reprise nécessaires, mais sur celle de la garantie de l'assureur responsabilité décennale obligatoire de sorte que les développements de M. et Mme D... sur l'insuffisance d'une indemnité d'assurance qui ne couvrirait que les dommages à l'ouvrage neuf pour réparer leur entier dommage sont inopérants.
Le Bureau central de tarification a imposé à la société Axa France IARD de délivrer à la société New Business une assurance destinée à couvrir sa responsabilité civile décennale à compter du 5 mai 2006 (pièce I des productions de l'appelante).
Selon l'article 8 des conditions particulières de la police d'assurance multi-garantie artisan de la construction (pièce 2), est garantie la responsabilité décennale pour les travaux de bâtiment lorsque l'assuré intervient en qualité de locateur d'ouvrage exclusivement.
Cette clause précise que ne sont pas accordées les garanties formulées, en particulier, aux articles 14 et 15 des conditions générales de la police.
Les articles 14 et 15 concernent respectivement la responsabilité pour dommages matériels aux existants par répercussion et la responsabilité pour dommages immatériels consécutifs.
L'article 8 des conditions générales de la police stipule que l'assureur s'engage à prendre en charge le coût de la réparation ou du remplacement (y compris celui des travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaires) de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué en qualité de locateur d' ouvrage lorsqu'il a subi un dommage (au sens de dommage de construction) engageant la responsabilité de l' assuré sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et 1792-2 du code civil à propos de travaux de bâtiment et dans les limites de cette responsabilité.
Il s'infère de ce qui précède que le contrat d'assurance conclu entre la société Axa France IARD et M. Y... ne couvre que les dommages matériels, au sens du contrat, subis par l'ouvrage neuf réalisé par ce dernier.
L'article L 243-1-1 du code des assurances, issu de l'ordonnance du 8 juin 2005, dispose (souligné par la cour) ainsi que :
I. - Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.
Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, saufsi l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance.
II. - Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf en deviennent techniquement indivisibles."
Cet article, issu de l'ordonnance no 2005-658 du 8 juin 2005, n'est applicable qu'aux marchés, contrats ou conventions conclus après sa publication ce qui est le cas en l'espèce, le marché ayant été signé le 11 juin 2011.
Le paragraphe 1 de l'article L 243-1-1 du code des assurances est divisé en deux alinéas, le premier énumère une liste d'ouvrages qui ne sont pas soumis à l'obligation d'assurance, le second dresse une liste d'ouvrages également exclus de cette obligation d'assurance "sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance".
Le second paragraphe concerne l'assurance des travaux sur l'existant et, contrairement au premier paragraphe, le texte ne reprend pas la même terminologie, à savoir, il ne dit pas que "les ouvrages existants avant l'ouverture du chantier ne sont pas soumis aux obligations d'assurance, édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf en deviennent techniquement indivisibles", mais que "ces obligations d 'assurance (par référence à celles édictées par les articles précités) ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles".
Il s'en déduit que l'article L 243-1-1. II. du code des assurances vise à définir le champ de la mise en oeuvre de ces polices obligatoires et répond donc à la question suivante "les dommages causés à l'existant par la réalisation d'un nouvel ouvrage sont-ils ou non couverts par le contrat d'assurance afférent à la réalisation du nouvel ouvrage ?" et y répond de la manière suivante : les dommages causés par répercussion à l'ouvrage existant sont couverts par le contrat d'assurance seulement si celui-ci est totalement incorporé à l'ouvrage neuf et en devient techniquement indivisible.
Cette lecture est confirmée par l'article A 243-1 du même code, qui dispose que "Tout contrat d'assurance souscrit en application du texte qui précède doit comporter, obligatoirement, les clauses figurant aux annexes I et II."
Cette annexe I, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 19 novembre 2009, énonce : "Nature de la garantie" (souligné par cette cour) : "Le contrat garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles, au sens du II de l'article L. 243-1-1 du présent code, lorsque la responsabilité de l'assuré est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos des travaux de construction et dans les limites de cette responsabilité."
Les clauses du contrat d'assurance souscrit par M. Y... auprès de la société Axa France IARD sont donc conformes aux dispositions légales susmentionnées.
Comme le soutient la société Axa France IARD, l'application de la garantie obligatoire à tous les préjudices matériels, conformément à l'exception prévue à l'alinéa 3 de l'article L. 243-1-1 du code des assurances qui vise les ouvrages existants, exige de démontrer l'incorporation des ouvrages existants à l'ouvrage neuf, ouvrages existants qui deviennent ainsi techniquement indivisibles de l'ouvrage neuf.
Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme D..., la limitation de garantie prévue par le contrat d'assurance souscrit entre la société Axa France IARD et la société MAF ne vide pas de sa substance l'obligation de garantie pesant sur la société d'assurance, ni ne l'atténue de manière disproportionnée, puisqu'elle laisse subsister la garantie des dommages subis par l'ouvrage neuf, permet la garantie des dommages aux existants sous certaines conditions, conformément aux prescriptions du législateur.
En I 'espèce, aux termes du marché confié par M. et Mme D... à M. Y..., ce dernier devait aménager un comble perdu sur 42 m² de plancher, en modifiant la charpente initiale qui occupait la totalité du volume du comble et en créant trois vélux.
Cette modification a consisté à rigidifier le triangle supérieur des fermettes dont les contre-fiches étaient supprimées en ajoutant à chacune des renforts d'arbalétriers, des renforts des entraits et entretoisés tous les 45 cm, la mise en place de jambettes au 1/3 inférieurs des arbas et la mise en place d'une sorte d'entrait retroussé, rigidifiant la partie supérieure du triangle au faîtage.
Il est ainsi manifeste que, du fait de ces travaux, l'ouvrage existant ne s'est pas trouvé totalement incorporé à l'ouvrage neuf et n'est pas devenu techniquement indivisible de celui-ci de sorte que c'est à tort que le jugement a condamné la société Axa France IARD à garantir M. Y... des condamnations prononcées à son encontre au titre des travaux réparant les existants et l'ouvrage neuf alors qu'elle ne devait sa garantir que pour les travaux réparatoires sur l'ouvrage neuf réalisé par son assuré.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Compte tenu des éléments versés aux débats, à savoir l'expertise judiciaire, les devis soumis à l'expert judiciaire, sa note complémentaire du 8 novembre 2014 relative au chiffrage des réparations, l'estimation de M. I..., contradictoirement débattue et contre laquelle M.et Mme D... ne produisent aucun élément probant la contredisant, en particulier un autre chiffrage des travaux, la cour dispose de suffisamment d'éléments pour fixer le coût de la réparation des ouvrages réalisés par M. Y..., couverts par la garantie d'assurance, à la somme de 167.360,43 euros » ;

ALORS QUE l'obligation d'assurance liée à la réalisation d'un ouvrage s'étend aux constructions existantes techniquement indivisibles de l'ouvrage et incorporées à celui-ci ; qu'à cet égard, la réalisation d'un ouvrage qui fait peser un risque d'effondrement à l'ensemble constitué de l'ouvrage neuf et de la structure préexistante implique une incorporation de cette dernière à celui-là ; qu'en l'espèce, M. et Mme D... indiquaient que les travaux structurels réalisés à l'étage de leur maison d'habitation avaient provoqué un report de charges sur les murs du pavillon et un risque d'effondrement de l'ensemble constitué de la charpente et de ces murs ; qu'il en résultait que la garantie de la société AXA, intervenant comme assureur du constructeur, devait s'étendre aux désordres affectant les existants ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 243-1-1 du code des assurances ;

ALORS QUE, deuxièmement, et subsidiairement, l'obligation d'assurance liée à la réalisation d'un ouvrage s'étend aux constructions existantes techniquement indivisibles de l'ouvrage et incorporées à celui-ci ; qu'en se bornant à relever en l'espèce que les travaux réalisés consistaient en une consolidation de la charpente située à l'étage de la maison pour en déduire une absence d'incorporation du reste de la maison à cet ouvrage, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ces travaux n'avaient pas entraîné un report de charges sur les murs de la maison et un risque d'effondrement de cette dernière, ce qui était de nature à établir l'existence d'une incorporation de l'existant à l'ouvrage réalisé à l'étage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 243-1-1 du code des assurances.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt partiellement infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a rejeté la demande de M. et Mme D... visant à obtenir la garantie de la société AXA FRANCE IARD au titre de l'indemnisation des frais de relogement et de déménagement due par M. Y... ;

AUX MOTIFS QUE « La garantie de la société Axa France IARD pour les condamnations prononcées à l'encontre de M Y... au titre des frais de déménagement et de relogement
La société Axa France Iard conteste devoir garantir son assuré des condamnations prononcées contre lui au titre des frais de relogement et de déménagement aux motifs qu'ils constituent des préjudices matériels consécutifs couverts par le contrat d'assurance alors que les frais litigieux ne répondent pas à la notion de dommage matériel définie par l'article 37.9 des conditions générales. Elle soutient que ces frais sont des préjudices immatériels comme le précise l'article 37.8 du contrat.
M. et Mme D... demandent la confirmation du jugement de ce chef et font valoir que ces frais constituent des préjudices matériels consécutifs couverts par l'assurance obligatoire s'agissant de postes annexes indispensables à la reprise matérielle des ouvrages dès lors que les travaux de réfection exigent que les locaux soient vides.
Il résulte des stipulations susmentionnées du contrat d'assurance litigieux qu'il ne garantit que les dommages matériels.
Constitue un dommage matériel, au sens de l'article 37.9 des conditions générales de la police, "toute détérioration ou destruction d'une chose ou substance, toute atteinte physique subie par un animal".
L'article 37.8 des conditions générales définit le dommage immatériel comme "tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption d 'un service rendu par un bien ou de la perte d'un bénéfice".
En l'espèce, contrairement à ce que retient le tribunal, les frais de déménagement et de relogement ne répondent pas à la définition de l'article 37.9 des conditions générales précitées, mais constituent un dommage immatériel consécutif en ce que la privation de jouissance de la maison de M. et Mme D... durant les travaux les oblige à déménager et à se reloger, ce qui relève clairement des prévisions de l'article 37.8 du contrat.

C'est donc à tort que la société Axa France IARD a été condamnée à garantir son assuré, M. L..., des condamnations prononcées contre lui au titre des frais de relogement et de déménagement. » ;

ALORS QUE, premièrement, les conventions légalement formées font la loi des parties ; qu'en l'espèce, les juges ont eux-mêmes relevé que la police d'assurance souscrite par l'entrepreneur garantissait tout dommage matériel, et excluait les dommages immatériels définis comme « tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption d'un service rendu par un bien ou de la perte d'un bénéfice » ; qu'en décidant sur cette base que les frais de déménagement constituaient un préjudice immatériel, quand ceux-ci ne résultaient pas de la privation de jouissance de la maison, mais avaient pour seul objet de permettre la réalisation des travaux de réfection, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en violation de l'article 1134 ancien du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, et subsidiairement, l'assurance obligatoire de responsabilité de l'entrepreneur garantit l'ensemble des dommages matériels ; que la réparation des dommages matériels comprend l'intégralité des sommes nécessaires à la réfection des ouvrages ; que par suite, dans le cas d'ouvrages habités ou exploités, le dommage matériel s'étend au coût du déménagement lorsque celui-ci s'impose pour la réalisation des travaux de réfection ; qu'en se fondant en l'espèce sur une disposition du contrat d'assurance souscrit par l'entrepreneur pour exclure tout droit à garantie des frais de déménagement rendus nécessaires pour la reprise des désordres affectant l'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles L. 241-1 et A 243-1 du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-15153
Date de la décision : 25/06/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 jui. 2020, pourvoi n°19-15153


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15153
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