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24/06/2020 | FRANCE | N°19-12095

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 juin 2020, 19-12095


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 342 F-D

Pourvoi n° Q 19-12.095

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020

La société Baryflor, société à responsabilité limit

ée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-12.095 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 342 F-D

Pourvoi n° Q 19-12.095

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020

La société Baryflor, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-12.095 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée ERDF,

2°/ à la société XL Insurance Company SE, société anonyme, dont le siège est [...] (Irlande), venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurance,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan complétées par les observations du 6 mars 2020, avocat de la société Baryflor, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société XL Insurance Company SE, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Enedis, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société XL Insurance Company SE en ce qu'elle reprend l'instance en qualité d'ayant droit de la société Axa Corporate Solutions Assurance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 décembre 2018), la société Baryflor, a, postérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les tarifs d'achat d'électricité, présenté une demande de raccordement au réseau de son installation de production photovoltaïque à la société ERDF, devenue la société Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité, en vue de la vente d'électricité à la société Electricité de France (la société EDF), dans le cadre de l'obligation d'achat de cette dernière.

3. La société ERDF, qui disposait d'un délai de trois mois, à compter de la date à laquelle la demande était complète, pour transmettre à chaque producteur une proposition technique et financière (PTF) de raccordement de l'installation considérée au réseau, n'a pas respecté ce délai, la société Baryflor n'ayant reçu la PTF que le 22 février 2010.

4. L'arrêté du 12 janvier 2010 a abrogé l'arrêté du 10 juillet 2006 et établi un nouveau tarif d'achat d'électricité, moins avantageux pour les producteurs.

5. L'arrêté du 16 mars 2010 a maintenu, à titre dérogatoire, le bénéfice du tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006 aux installations non mises en service avant le 15 janvier 2010 et pour lesquelles le producteur avait accepté la PTF et versé le premier acompte avant le 11 janvier 2010 ou avait déposé une demande de contrat d'achat à la société EDF avant le 1er novembre 2009.

6. Le 16 décembre 2010, la société Baryflor a mis en service sa centrale.

7. Reprochant à la société Enedis d'avoir manqué à son obligation d'instruire sa demande de raccordement dans les délais qui lui étaient impartis et de l'avoir ainsi mise dans l'impossibilité d'accepter la PTF avant le 11 janvier 2010, la société Baryflor l'a assignée en réparation de son préjudice sur la base de la différence de chiffres d'affaires du fait de la modification tarifaire intervenue.

8. La société Enedis a appelé en garantie son assureur, la société Axa Corporate Solutions.
Ces deux sociétés ont soutenu que le préjudice allégué n'était pas réparable dès lors que le tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010 constituait, au regard du droit de l'Union européenne, une aide d'État, illégale pour n'avoir pas été notifiée à la Commission européenne avant sa mise à exécution.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. La société Baryflor fait grief à l'arrêt de déclarer la société Enedis et la société Axa recevables et bien fondées à invoquer l'exception d'illégalité de l'arrêté tarifaire du 10 juillet 2006 au regard du droit de l'Union européenne, de dire que le préjudice invoqué par la société Baryflor n'est pas réparable et de rejeter sa demande d'indemnisation alors :

« 1°/ qu'une mesure ne peut être qualifiée d'aide d'État que s'il s'agit d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État, susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres, accordant un avantage sélectif à son bénéficiaire et faussant ou menaçant de fausser la concurrence ; qu'en ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l'avantage, la notion d'aide d'État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l'économie du système dans lequel elles s'inscrivent ; que l'appréciation de cette condition impose donc de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d'autres qui se trouvent, au regard de l'objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » ; que la détermination de l'ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l'objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que la réglementation en cause au principal accorde un avantage qui favorise de manière sélective un type de production, l'énergie d'origine photovoltaïque, au motif inopérant qu'il garantit aux producteurs de cette énergie la rentabilité de leur investissement, sans déterminer l'objectif, au regard duquel devait être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des producteurs d'électricité photovoltaïque et des autres producteurs d'électricité, du régime juridique dont elle a constaté l'existence, constitué par la loi n° 2000-1058 du 10 février 2000 édictant l'obligation d'achat et le dispositif de compensation des surcoûts, le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 définissant les catégories d'installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 qui prévoit que les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations bénéficiant de l'obligation d'achat sont fixées par arrêté ministériel, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la sélectivité de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a manqué à son office et privé sa décision de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

2°/ qu'en ne caractérisant pas en quoi les producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque seraient dans une situation factuelle et juridique identique aux autres entreprises produisant de l'électricité compte tenu de l'objectif poursuivi par le régime juridique dans lequel s'inscrit l'arrêté du 10 juillet 2006, de sorte que l'allocation à leur profit d'un tarif avantageux constituerait une discrimination à l'égard de ces autres entreprises, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la sélectivité de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a derechef manqué à son office et privé sa décision de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

10. L'arrêt retient que l'arrêté du 10 janvier 2006 permettant aux producteurs
d'électricité d'origine photovoltaïque de bénéficier d'un tarif d'achat d'électricité par la société EDF particulièrement avantageux relativement au prix de revente aux consommateurs leur procure un avantage en leur garantissant la rentabilité de leur investissement, et favorise de manière sélective un type de production, soit l'énergie d'origine photovoltaïque. Il ajoute que le marché de l'électricité est libéralisé dans l'Union européenne, de sorte que cet avantage a une incidence sur la concurrence et affecte les échanges entre les Etats membres.

11. Ayant ainsi caractérisé l'existence d'un avantage au bénéfice des seuls producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque et, partant, l'avantage sélectif dont ils avaient profité, dans le cadre de référence du marché libéralisé de l'électricité au sein de l'Union européenne, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu son office, a légalement justifié sa décision.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. La société Baryflor fait le même grief à l'arrêt alors :

« 1°/ que la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit, dans son arrêt CELF du 12 février 2008 (C-199/06) que l'article 88, devenu 108, paragraphe 3, dernière phrase, du Traité doit être interprété en ce sens que le juge national n'est pas tenu d'ordonner la récupération d'une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission des Communautés européennes a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l'article 87, devenu 107, du Traité mais seulement d'ordonner au bénéficiaire de l'aide le paiement d'intérêts au titre de la période d'illégalité ; que ce n'est qu'en cas de déclaration d'incompatibilité que l'aide doit être intégralement récupérée, avec les intérêts ; que l'illégalité d'une aide d'État, pour absence de notification à la Commission européenne ne suffit donc pas à elle seule à rendre irréparable le préjudice constitué par la privation d'un telle aide, ce qui ne pourrait résulter que d'une déclaration d'incompatibilité par la Commission européenne ; qu'en l'espèce, en déduisant l'absence de préjudice réparable de la société Baryflor de l'absence de notification à la Commission de l'arrêté du 10 juillet 2006, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de Justice de l'Union Européenne, ensemble l'article 11 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ qu'un préjudice est toujours indemnisable, quand bien même il ne résulterait pas de la lésion d'un droit dont l'exécution aurait pu être réclamée, en l'absence de toute négligence fautive de la part de la victime ; que la société Baryflor, qui ne demande pas la conclusion d'un contrat d'achat d'électricité au tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006 mais la réparation d'un préjudice, n'étant en rien responsable de l'absence de notification de cet arrêté à la Commission européenne qui résulte de la seule négligence des autorités françaises, ne pouvait se voir opposer cette illégalité pour refuser d'indemniser le préjudice certain qu'elle subit du fait de l'impossibilité dans laquelle elle a été placée de bénéficier du tarif fixé par cet arrêté par la faute de la société ERDF ; qu'en affirmant toutefois que le préjudice subi par la société Baryflor n'est pas réparable parce que cet arrêté fixant ce tarif serait illégal faute de notification à la Commission, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

14. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) qu'une mesure d'aide au sens de l'article 107, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE, est illégale et qu'une décision de la Commission européenne déclarant une aide d'État non notifiée compatible avec le marché intérieur n'a pas pour conséquence de régulariser a posteriori les actes d'exécution, qui sont invalides du fait qu'ils ont été pris en méconnaissance de l'interdiction visée à l'article 108, paragraphe 3, du TFUE (CJCE, 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon contre République française, C-354/90 ; CJCE, 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich, C-368/04, point 41; CJUE, 23 janvier 2019, Presidenza del Consiglio dei Ministri contre Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA, C-387/17, point 59).

15. La CJUE a précisé qu'il incombe aux juridictions nationales de sauvegarder les droits que les particuliers tirent de l'effet direct de l'article précité, en examinant si les projets tendant à instituer ou à modifier ces aides n'auraient pas dû être notifiés à la Commission européenne avant d'être mis à exécution, et de tirer toutes les conséquences de la méconnaissance par les autorités nationales de cette obligation de notification.

16. Ayant retenu que le mécanisme d‘obligation d'achat par la société EDF de l'électricité d'origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par l'arrêté du 10 juillet 2006 constitue une aide d'État, illégale en ce qu'elle n'avait pas été notifiée à la Commission, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la société Baryflor n'était pas fondée à invoquer un préjudice constitué de la perte de la chance de bénéficier d'un tarif procédant d'une aide d'Etat illégale, un tel préjudice n'étant pas réparable.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Baryflor aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Baryflor

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Enedis et la société Axa recevables et bien fondées à invoquer l'exception d'illégalité de l'arrêté tarifaire du 10 juillet 2006 au regard du droit de l'Union européenne, d'avoir dit que le préjudice invoqué par la société Baryflor n'est pas réparable et d'avoir débouté la société Baryflor de sa demande d'indemnisation.

Aux motifs que le préjudice invoqué par la société Baryflor est la perte de chiffre d'affaires résultant de la perte du bénéfice du tarif d'achat d'électricité par EDF fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006. La société Baryflor chiffre le montant de son préjudice en comparant, sur la durée du contrat d'achat d'électricité, soit 20 ans, le chiffre d'affaires qu'elle aurait pu obtenir en application du tarif et du coefficient d'indexation fixés par l'arrêté du 10 juillet 2006 et le chiffre d'affaires obtenu en application du tarif et du coefficient d'indexation fixés par l'arrêté du 12 janvier 2010. Selon Enedis et son assureur, l'arrêté du 10 juillet 2006 est entaché d'illégalité au regard des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) comme n'ayant fait l'objet d'aucune notification préalable à la Commission européenne alors que les tarifs d'achat constituent une aide d'État et cette illégalité rend non réparable le préjudice calculé par Baryflor sur le fondement de cet arrêté. La société Baryflor soutient que la Cour n'est pas valablement saisie de cette exception d'illégalité au motif que les intimées ne formulent aucune prétention en ce sens dans le dispositif de leurs conclusions.

(
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La société Baryflor, qui cite un arrêt rendu en ce sens le 17 octobre 2011 par le tribunal des Conflits, ne conteste pas que s'agissant d'apprécier la conformité d'un texte réglementaire interne au droit de l'UE, le juge judiciaire est compétent pour constater cette illégalité par voie d'exception.

La circonstance, invoquée par la société Baryflor que l'arrêté du 10 juillet 2006 est abrogé depuis le 15 janvier 2010 ne fait aucunement obstacle à l'examen de la légalité de cet arrêté qui, contrairement à ce que soutient l'appelante, continue à produire des effets juridiques dont elle sollicite d'ailleurs le bénéfice, la cour n'étant pas saisie d'une demande d'annulation de l'arrêté.

Aux termes de l'article 107§1 du TFUE, « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». L'article 108§3 du TFUE dispose que « la Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. »

Sur la question préjudicielle posée par la cour d'appel de Versailles par arrêt rendu le 20 septembre 2016, dans une affaire similaire, la CJUE a, par ordonnance du 15 mars 2017, rappelé que la qualification d'aide d'État au sens de l'article 107§1 du TFUE supposait la réunion de 4 conditions, à savoir qu'il existe une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État, que cette intervention soit susceptible d'affecter les échanges entre les Etats membres, qu'elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire, et qu'elle fausse ou menace de fausser la concurrence dans le marché intérieur. Elle a répondu que « l'article 107 paragraphe 1 du TFUE doit être interprété en ce sens qu'un mécanisme tel que celui instauré par la réglementation nationale en cause au principal, d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité doit être considéré comme une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État », précisant qu'il appartenait à la juridiction saisie de déterminer si la mesure en cause constituait une aide d'État en vérifiant si les trois autres conditions étaient remplies.

C'est à tort que la société Baryflor soutient que ce n'est pas le tarif d'achat fixé par arrêté qui est susceptible de constituer une aide d'État mais le dispositif de compensation des surcoûts par la contribution mise à la charge des consommateurs finals d'électricité. En effet, l'arrêté ministériel fixant le tarif d'achat de l'électricité fait partie intégrante et indissociable du dispositif constituant une aide d'État. L'arrêté du 10 juillet 2006 est pris au visa et pour l'application de la loi n° 2000-08 du 10 février 2000 édictant l'obligation d'achat et le dispositif de compensation des surcoûts, du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 définissant les catégories d'installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 qui prévoit que les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations bénéficiant de l'obligation d'achat sont fixées par arrêtés ministériels. La question préjudicielle posée par la cour d'appel de Versailles était précisément relative à la légalité de l'arrêté tarifaire du 10 juillet 2006 et rédigée comme suit : « L'article 107, paragraphe 1, TFUE doit-il être interprété en ce sens que le mécanisme d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité tel que ce mécanisme résulte des arrêtés ministériels des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010, lus en combinaison avec la loi n° 2000-108, le décret n° 2000-1196 et le décret n° 2001-410 constitue une aide d'État ? » La réponse de la CJUE fait également expressément référence au tarif d'achat de l'électricité par EDF « à un prix supérieur à celui du marché » et qualifie le mécanisme en cause, à savoir les arrêtés ministériels des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010 lus en combinaison avec la loi du 10 février 2000 et les décrets des 6 6 décembre 2000 et 10 mai 2001, d'intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État.

La société Enedis et Axa soutiennent à juste titre que le dispositif mis en oeuvre par l'arrêté et modifié par l'arrêté du 10 juillet 2006 remplit ces trois autres conditions. Ce dispositif permet aux producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque de bénéficier d'un tarif d'achat d'électricité par EDF particulièrement avantageux de 60,176 centimes par kWh produit alors que le prix de revente au consommateur était à cette époque de 12 centimes. Il procure en conséquence un avantage aux bénéficiaires en leur garantissant la rentabilité de leur investissement, favorisant de manière sélective un type de production, à savoir l'énergie d'origine photovoltaïque. Dans un système d'économie de marché et compte tenu du caractère transfrontalier du marché de l'électricité et de sa libéralisation au niveau de l'Union européenne, cet avantage est susceptible d'avoir une incidence sur la concurrence et d'affecter les échanges entre les Etats membres. La conséquence de cette qualification d'aide d'État est que l'arrêté du 10 juillet 2006 devait être obligatoirement notifié à la Commission en application de l'article 108§3 du TFUE. Aux termes de l'ordonnance du 15 mars 2017 précitée, la CJUE a répondu à la question préjudicielle posée par la cour d'appel de Versailles que « l'article 108 paragraphe 3 TFUE doit être interprété en ce sens que en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d'une mesure nationale constituant une aide d'État au sens de l'article 107 paragraphe 1 TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure. L'arrêté du 10 juillet 2006, qui n'a jamais été notifié à la Commission, est donc entaché d'illégalité.

Cette illégalité fait obstacle à elle seule à une demande d'indemnisation au titre d'une perte de chiffre d'affaires calculée sur la base de l'arrêté litigieux, indépendamment de son éventuelle compatibilité ou incompatibilité avec le marché commun, qu'il n'appartient pas à la cour d'apprécier et qui relève du seul pouvoir d'appréciation de la Commission.

La société Baryflor ne peut sérieusement soutenir que sa demande d'indemnisation serait fondée non pas sur l'arrêté du 10 juillet 2006 mais sur l'arrêté du 16 mars 2010. Il ressort en effet de ses écritures que le préjudice qu'elle invoque est la perte du bénéfice du tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006.
L'arrêté du 16 mars 2010 ne comporte aucune disposition tarifaire : il définit les conditions dans lesquelles les installations peuvent bénéficier des dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006. En se prévalant de l'arrêté du 16 mars 2010 qui n'institue pas un régime autonome, l'appelante se prévaut nécessairement de l'arrêté du 10 juillet 2006 auquel il fait directement référence. Elle calcule ainsi son préjudice sur la base d'un tarif de 60,176 € assorti d'une indexation annuelle sur un coefficient K de 3,35% pour l'année 2, de 2,49 % sur l'année 3 et de 1,30 % pour l'année 4. Ces prix et coefficients ne figurent pas dans l'arrêté du 16 mars 2010 mais sont ceux définis par l'arrêté du 10 juillet 2006. C'est donc bien sur la base de l'arrêté illégal du 10 juillet 2006 que la société Baryflor détermine et évalue son préjudice.
Elle devra en conséquence être déboutée de sa demande d'indemnisation en l'absence de justification d'un préjudice réparable, le jugement déféré étant confirmé par substitution de motifs ;

1. ALORS QU'une mesure ne peut être qualifiée d'aide d'État que s'il s'agit d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État, susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres, accordant un avantage sélectif à son bénéficiaire et faussant ou menaçant de fausser la concurrence ; qu'en ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l'avantage, la notion d'aide d'État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l'économie du système dans lequel elles s'inscrivent ; que l'appréciation de cette condition impose donc de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d'autres qui se trouvent, au regard de l'objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » ; que la détermination de l'ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l'objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer que la réglementation en cause au principal accorde un avantage qui favorise de manière sélective un type de production, l'énergie d'origine photovoltaïque, au motif inopérant qu'il garantit aux producteurs de cette énergie la rentabilité de leur investissement, sans déterminer l'objectif, au regard duquel devait être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des producteurs d'électricité photovoltaïque et des autres producteurs d'électricité, du régime juridique dont elle a constaté l'existence, constitué par la loi n° 2000-1058 du 10 février 2000 édictant l'obligation d'achat et le dispositif de compensation des surcoûts, le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 définissant les catégories d'installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 qui prévoit que les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations bénéficiant de l'obligation d'achat sont fixées par arrêté ministériel, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la sélectivité de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a manqué à son office et privé sa décision de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

2. ALORS QU'en ne caractérisant pas en quoi les producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque seraient dans une situation factuelle et juridique identique aux autres entreprises produisant de l'électricité compte tenu de l'objectif poursuivi par le régime juridique dans lequel s'inscrit l'arrêté du 10 juillet 2006, de sorte que l'allocation à leur profit d'un tarif avantageux constituerait une discrimination à l'égard de ces autres entreprises, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la sélectivité de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a derechef manqué à son office et privé sa décision de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société Enedis et la société Axa recevables et bien fondées à invoquer l'exception d'illégalité de l'arrêté tarifaire du 10 juillet 2006 au regard du droit de l'Union européenne, d'avoir dit que le préjudice invoqué par la société Baryflor n'est pas réparable et d'avoir débouté la société Baryflor de sa demande d'indemnisation.

Aux motifs que le préjudice invoqué par la société Baryflor est la perte de chiffre d'affaires résultant de la perte du bénéfice du tarif d'achat d'électricité par EDF fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006. La société Baryflor chiffre le montant de son préjudice en comparant, sur la durée du contrat d'achat d'électricité, soit 20 ans, le chiffre d'affaires qu'elle aurait pu obtenir en application du tarif et du coefficient d'indexation fixés par l'arrêté du 10 juillet 2006 et le chiffre d'affaires obtenu en application du tarif et du coefficient d'indexation fixés par l'arrêté du 12 janvier 2010. Selon Enedis et son assureur, l'arrêté du 10 juillet 2006 est entaché d'illégalité au regard des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) comme n'ayant fait l'objet d'aucune notification préalable à la Commission européenne alors que les tarifs d'achat constituent une aide d'État et cette illégalité rend non réparable le préjudice calculé par Baryflor sur le fondement de cet arrêté. La société Baryflor soutient que la Cour n'est pas valablement saisie de cette exception d'illégalité au motif que les intimées ne formulent aucune prétention en ce sens dans le dispositif de leurs conclusions.

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La société Baryflor, qui cite un arrêt rendu en ce sens le 17 octobre 2011 par le tribunal des Conflits, ne conteste pas que s'agissant d'apprécier la conformité d'un texte réglementaire interne au droit de l'UE, le juge judiciaire est compétent pour constater cette illégalité par voie d'exception.

La circonstance, invoquée par la société Baryflor que l'arrêté du 10 juillet 2006 est abrogé depuis le 15 janvier 2010 ne fait aucunement obstacle à l'examen de la légalité de cet arrêté qui, contrairement à ce que soutient l'appelante, continue à produire des effets juridiques dont elle sollicite d'ailleurs le bénéfice, la cour n'étant pas saisie d'une demande d'annulation de l'arrêté.

Aux termes de l'article 107§1 du TFUE, « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». L'article 108§3 du TFUE dispose que « la Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. »

Sur la question préjudicielle posée par la cour d'appel de Versailles par arrêt rendu le 20 septembre 2016, dans une affaire similaire, la CJUE a, par ordonnance du 15 mars 2017, rappelé que la qualification d'aide d'État au sens de l'article 107§1 du TFUE supposait la réunion de 4 conditions, à savoir qu'il existe une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État, que cette intervention soit susceptible d'affecter les échanges entre les Etats membres, qu'elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire, et qu'elle fausse ou menace de fausser la concurrence dans le marché intérieur. Elle a répondu que « l'article 107 paragraphe 1 du TFUE doit être interprété en ce sens qu'un mécanisme tel que celui instauré par la réglementation nationale en cause au principal, d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité doit être considéré comme une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État », précisant qu'il appartenait à la juridiction saisie de déterminer si la mesure en cause constituait une aide d'État en vérifiant si les trois autres conditions étaient remplies.

C'est à tort que la société Baryflor soutient que ce n'est pas le tarif d'achat fixé par arrêté qui est susceptible de constituer une aide d'État mais le dispositif de compensation des surcoûts par la contribution mise à la charge des consommateurs finals d'électricité. En effet, l'arrêté ministériel fixant le tarif d'achat de l'électricité fait partie intégrante et indissociable du dispositif constituant une aide d'État. L'arrêté du 10 juillet 2006 est pris au visa et pour l'application de la loi n° 2000-08 du 10 février 2000 édictant l'obligation d'achat et le dispositif de compensation des surcoûts, du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 définissant les catégories d'installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 qui prévoit que les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations bénéficiant de l'obligation d'achat sont fixées par arrêtés ministériels. La question préjudicielle posée par la cour d'appel de Versailles était précisément relative à la légalité de l'arrêté tarifaire du 10 juillet 2006 et rédigée comme suit : « L'article 107, paragraphe 1, TFUE doit-il être interprété en ce sens que le mécanisme d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité tel que ce mécanisme résulte des arrêtés ministériels des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010, lus en combinaison avec la loi n° 2000-108, le décret n° 2000-1196 et le décret n° 2001-410 constitue une aide d'État ? » La réponse de la CJUE fait également expressément référence au tarif d'achat de l'électricité par EDF « à un prix supérieur à celui du marché » et qualifie le mécanisme en cause, à savoir les arrêtés ministériels des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010 lus en combinaison avec la loi du 10 février 2000 et les décrets des 6 décembre 2000 et 10 mai 2001, d'intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État.

La société Enedis et Axa soutiennent à juste titre que le dispositif mis en oeuvre par l'arrêté et modifié par l'arrêté du 10 juillet 2006 remplit ces trois autres conditions. Ce dispositif permet aux producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque de bénéficier d'un tarif d'achat d'électricité par EDF particulièrement avantageux de 60,176 centimes par kWh produit alors que le prix de revente au consommateur était à cette époque de 12 centimes. Il procure en conséquence un avantage aux bénéficiaires en leur garantissant la rentabilité de leur investissement, favorisant de manière sélective un type de production, à savoir l'énergie d'origine photovoltaïque. Dans un système d'économie de marché et compte tenu du caractère transfrontalier du marché de l'électricité et de sa libéralisation au niveau de l'Union européenne, cet avantage est susceptible d'avoir une incidence sur la concurrence et d'affecter les échanges entre les Etats membres. La conséquence de cette qualification d'aide d'État est que l'arrêté du 10 juillet 2006 devait être obligatoirement notifié à la Commission en application de l'article 108§3 du TFUE. Aux termes de l'ordonnance du 15 mars 2017 précitée, la CJUE a répondu à la question préjudicielle posée par la cour d'appel de Versailles que « l'article 108 paragraphe 3 TFUE doit être interprété en ce sens que en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d'une mesure nationale constituant une aide d'État au sens de l'article 107 paragraphe 1 TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure. L'arrêté du 10 juillet 2006, qui n'a jamais été notifié à la Commission, est donc entaché d'illégalité.

Cette illégalité fait obstacle à elle seule à une demande d'indemnisation au titre d'une perte de chiffre d'affaires calculée sur la base de l'arrêté litigieux, indépendamment de son éventuelle compatibilité ou incompatibilité avec le marché commun, qu'il n'appartient pas à la cour d'apprécier et qui relève du seul pouvoir d'appréciation de la Commission.

La société Baryflor ne peut sérieusement soutenir que sa demande d'indemnisation serait fondée non pas sur l'arrêté du 10 juillet 2006 mais sur l'arrêté du 16 mars 2010. Il ressort en effet de ses écritures que le préjudice qu'elle invoque est la perte du bénéfice du tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006.
L'arrêté du 16 mars 2010 ne comporte aucune disposition tarifaire : il définit les conditions dans lesquelles les installations peuvent bénéficier des dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006. En se prévalant de l'arrêté du 16 mars 2010 qui n'institue pas un régime autonome, l'appelante se prévaut nécessairement de l'arrêté du 10 juillet 2006 auquel il fait directement référence. Elle calcule ainsi son préjudice sur la base d'un tarif de 60,176 € assorti d'une indexation annuelle sur un coefficient K de 3,35 % pour l'année 2, de 2,49 % sur l'année 3 et de 1,30 % pour l'année 4. Ces prix et coefficients ne figurent pas dans l'arrêté du 16 mars 2010 mais sont ceux définis par l'arrêté du 10 juillet 2006. C'est donc bien sur la base de l'arrêté illégal du 10 juillet 2006 que la société Baryflor détermine et évalue son préjudice.
Elle devra en conséquence être déboutée de sa demande d'indemnisation en l'absence de justification d'un préjudice réparable, le jugement déféré étant confirmé par substitution de motifs ;

1. ALORS QUE la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit, dans son arrêt CELF du 12 février 2008 (C-199/06) que l'article 88, devenu 108, paragraphe 3, dernière phrase, du Traité doit être interprété en ce sens que le juge national n'est pas tenu d'ordonner la récupération d'une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission des Communautés européennes a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l'article 87, devenu 107, du Traité mais seulement d'ordonner au bénéficiaire de l'aide le paiement d'intérêts au titre de la période d'illégalité ; que ce n'est qu'en cas de déclaration d'incompatibilité que l'aide doit être intégralement récupérée, avec les intérêts ; que l'illégalité d'une aide d'État, pour absence de notification à la Commission européenne ne suffit donc pas à elle seule à rendre irréparable le préjudice constitué par la privation d'un telle aide, ce qui ne pourrait résulter que d'une déclaration d'incompatibilité par la Commission européenne ; qu'en l'espèce, en déduisant l'absence de préjudice réparable de la société Baryflor de l'absence de notification à la Commission de l'arrêté du 10 juillet 2006, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de Justice de l'Union Européenne, ensemble l'article 11 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2. ALORS QU'un préjudice est toujours indemnisable, quand bien même il ne résulterait pas de la lésion d'un droit dont l'exécution aurait pu être réclamée, en l'absence de toute négligence fautive de la part de la victime ; que la société Baryflor, qui ne demande pas la conclusion d'un contrat d'achat d'électricité au tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006 mais la réparation d'un préjudice, n'étant en rien responsable de l'absence de notification de cet arrêté à la Commission européenne qui résulte de la seule négligence des autorités françaises, ne pouvait se voir opposer cette illégalité pour refuser d'indemniser le préjudice certain qu'elle subit du fait de l'impossibilité dans laquelle elle a été placée de bénéficier du tarif fixé par cet arrêté par la faute de la société Erdf ; qu'en affirmant toutefois que le préjudice subi par la société Baryflor n'est pas réparable parce que cet arrêté fixant ce tarif serait illégal faute de notification à la Commission, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-12095
Date de la décision : 24/06/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 06 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 jui. 2020, pourvoi n°19-12095


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.12095
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