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24/06/2020 | FRANCE | N°18-10535

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 juin 2020, 18-10535


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 262 F-P+B

Pourvoi n° Y 18-10.535

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020

La société Feeder, société par actions simplifiée

, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Y 18-10.535 contre l'arrêt n° RG : 14/09098 rendu le 5 décembre 2017 par la cour d'appel de Montpe...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 262 F-P+B

Pourvoi n° Y 18-10.535

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020

La société Feeder, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Y 18-10.535 contre l'arrêt n° RG : 14/09098 rendu le 5 décembre 2017 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur général des douanes et droits indirects du Languedoc Roussillon, domicilié [...],

2°/ au receveur des douanes et droits indirects de Montpellier, domicilié [...],

3°/ au trésorier général des douanes et droits indirects, domicilié [...],

défendeurs à la cassation.

Le directeur général des douanes et droits indirects, le receveur des douanes et droits indirects de Montpellier et le trésorier général des douanes et droits indirects ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Feeder, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du directeur général des douanes et droits indirects, du receveur des douanes et droits indirects de Montpellier et du trésorier général des douanes et droits indirects, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Feeder que sur le pourvoi incident relevé par le directeur général des douanes et droits indirects, le receveur des douanes et droits indirects de Montpellier et le trésorier général des douanes et droits indirects ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 décembre 2017), que la société Feeder, spécialisée dans le commerce d'écrans informatiques, a importé des écrans à cristaux liquides pour les besoins de son activité ; qu‘à la suite de vérifications et d'un contrôle a posteriori, l'administration des douanes et droits indirects a contesté la position tarifaire sous laquelle ces écrans avaient été déclarés, en estimant que ceux-ci relevaient de la position 85.28 et lui a notifié divers procès-verbaux d'infractions pour fausses déclarations d'espèces ; que se conformant à l'interprétation de l'administration, la société Feeder a ensuite déclaré ses importations sous cette position tarifaire ; que par arrêt du 19 février 2009, la Cour de justice de l'Union européenne, saisie d'une question préjudicielle sur la position tarifaire 84.71, a dit que les moniteurs susceptibles de reproduire des signaux provenant non seulement d'une machine automatique de traitement de l'information, mais également d'autres sources ne pouvaient être exclus de cette position (CJUE, 19 février 2009, Kamino International Logistics, C 376/07) ; que par lettre du 21 octobre 2010, adressée à la recette principale des douanes de Nîmes, la société Feeder a demandé au directeur régional des douanes le remboursement des droits acquittés ; qu'après rejet de sa réclamation par celui-ci, la société Feeder l'a assigné en restitution de ces droits ; que durant l'instance, l'administration des douanes lui a remboursé les droits acquittés depuis le 21 octobre 2007 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société Feeder fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite sa demande de restitution des droits acquittés avant le 21 octobre 2007 alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions de l'article 354 du code des douanes, interprétées à la lumière du principe d'égalité des armes, impliquent que la notification d'un procès-verbal de douane interrompt la prescription tant en faveur de l'administration que des contribuables ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 354 du code des douanes, ensemble le principe d'égalité des armes et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°/ que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes, qui visent sans distinction l'ensemble des droits et taxes « recouvrés par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects » (DGDDI), ont vocation à s'appliquer aussi bien aux droits et taxes perçus en application de textes nationaux qu'à ceux perçus en application de textes communautaires ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 352 ter susvisé et le principe communautaire d'équivalence ;

3°/ que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes ont vocation à s'appliquer non seulement dans le cas où l'invalidité d'un texte a été révélée par une décision juridictionnelle, mais aussi dans celui où l'illégalité de la pratique des autorités douanières nationales résulte de l'interprétation d'un texte communautaire donnée par une décision préjudicielle de la Cour de justice ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 352 ter susvisé ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

4°/ que, si l'action en répétition de l'indu exercée par la société n'était pas enfermée dans le cadre de l'article 352 ter, elle suivait le régime du droit commun, tel que prévu par le code civil, sans obéir au régime des simples actions en réclamation douanières ; qu'en n'appliquant pas le droit commun à la situation de l'espèce, après avoir pourtant constaté que le droit spécial de la répétition de l'indu douanier ne s'appliquerait pas, la cour d'appel a violé les règles et principes relatifs à la répétition de l'indu, ensemble le principe communautaire d'effectivité et l'article 267 du TFUE ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, énonce que l'action en restitution engagée par la société Feeder est soumise à l'article 236 du code des douanes communautaire ; qu'il retient ensuite que les procès-verbaux ne produisent d'effet que pour les seules déclarations douanières qu'ils relèvent, c'est-à-dire les seules déclarations douanières expressément visées et contrôlées, et que les procès-verbaux invoqués sont relatifs à d'autres opérations d'importation que celles concernées par la demande de restitution ; qu'il ajoute que les procès-verbaux qui sont ainsi établis ont pour objet l'exercice par l'administration de son droit de reprise et que le fait qu'il ne soient pas de nature à interrompre la prescription de l'action en restitution ne porte pas, en raison même de leur objet, atteinte au principe d'équilibre des droits des parties ; que de ces motifs, la cour d'appel a exactement déduit que la notification par l'administration des douanes des procès-verbaux qu'elle avait dressés n'interrompait pas la prescription de l'action en remboursement des droits de douane, sans pour autant dénier à la société Feeder le droit qu'elle avait d'invoquer des éléments manifestant sa volonté d'obtenir la restitution des droits de douane qu'elle estimait indus et d'interrompre ainsi le délai dans lequel elle devait agir pour demander cette restitution ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient que les droits de douane versés par la société Feeder l'ont été en raison de l'importation de matériels provenant d'un pays tiers à l'Union européenne et que l'action en restitution relève de l'application des dispositions de l'article 236 du code des douanes communautaire, alors en vigueur, et non de celles de l'article 352 ter du code des douanes, qui a seulement pour objet les taxes recouvrées par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects en application d'une législation nationale ; qu'il ajoute que les dispositions du code des douanes communautaire s'imposent du fait de la primauté du droit de l'Union ; que de ces seuls motifs, et abstraction faite du motif, surabondant, critiqué par la troisième branche, la cour d'appel a exactement déduit que la prescription opposée à la demande de la société Feeder était conforme au droit de l'Union ;

Attendu, en dernier lieu, qu'ayant retenu que l'action en répétition de l'indu douanier exercée par la société Feeder était soumise aux dispositions de l'article 236 du code des douanes communautaire, la cour d'appel en a exactement déduit que ces dernières dispositions constituaient une loi spéciale dérogeant aux principe et délai de la répétition de l'indu prévus par le code civil et leur a ainsi fait produire leur plein effet ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que le directeur général des douanes et droits indirects, le receveur des douanes de Montpellier et le trésorier général des douanes font grief à l'arrêt de condamner l'administration des douanes à verser à la société Feeder des intérêts au taux légal pour les droits trop versés depuis le 21 octobre 2007 pour un montant de 21 632 euros à compter du jour de leur paiement alors, selon le moyen,

1°/ que l'administration des douanes ne peut être tenue de payer des intérêts sur les sommes qu'elle a indûment reçues du jour de leur paiement que si elle est de mauvaise foi ; qu'en condamnant l'administration douanière à payer à la société Feeder des intérêts au taux légal sur les droits trop versés du 21 octobre 2007 à l'année 2008 à compter de leur paiement, sans rechercher si les services douaniers, qui n'ont eu connaissance de la position tarifaire devant être appliquée aux marchandises litigieuses, au plus tôt, qu'à la date de l'arrêt Kamino rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 19 février 2009, soit postérieurement au paiement des droits en cause, étaient de mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1378 du code civil ;

2°/ l'administration des douanes, lorsqu'elle est de bonne foi, ne peut être tenue de payer des intérêts sur les sommes qu'elle a indûment reçues que du jour de la sommation de payer qui lui en a demandé le remboursement ; qu'en condamnant l'administration douanière à payer à la société Feeder des intérêts au taux légal sur les droits trop versés du 21 octobre 2007 à l'année 2008 à compter de leur paiement, tout en relevant que l'administration des douanes était tenue au paiement des intérêts de droit à compter du jour de la demande en remboursement des droits de douane qu'elle a perçus par erreur en méconnaissance du droit communautaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'ancien article 1153 du code civil ;

Mais attendu que par un arrêt du 18 janvier 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « lorsque des droits à l'importation [...] sont remboursés au motif qu'ils ont été perçus en violation du droit de l'Union, ce qu'il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, il existe une obligation des États membres, découlant du droit de l'Union, de payer aux justiciables ayant droit au remboursement des intérêts y afférents, qui courent à compter de la date de paiement par ces justiciables des droits remboursés » (CJUE, 18 janvier 2017, O..., C-365/15) ; qu'en application de ce principe, l'administration des douanes qui, en violation du droit de l'Union, a perçu de la société Feeder des droits de douane correspondant à une position qui n'était pas celle qui aurait dû être appliquée, avait l'obligation de restituer à cette société les sommes versées assorties des intérêts ayant couru depuis la date de leur paiement ; que par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à la solution de l'arrêt du 17 janvier 2017 (CJUE, 17 janvier 2017,O..., C-365/15), il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Rejette les pourvois principal et incident ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.

MOYENS ANNEXÉS au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Feeder, demanderesse au pourvoi principal.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que la prescription était acquise pour les droits acquittés antérieurement au 21 octobre 2007 ;

Aux motifs propres que « contrairement à ce que soutient l'appelante, un procès-verbal ne produit d'effet que relativement aux faits qu'il relève, c'est-à-dire en matière douanière par rapport aux déclarations douanières expressément visées et contrôlées ; que c'est pourquoi ces procès-verbaux qui n'ont pas été établis à l'occasion des déclarations d'importation dont s'agit, ne sont donc pas de nature à interrompre la prescription ; que la société Feeder invoque alors l'application de plusieurs dispositions du code des douanes et du code civil, que toutefois, le remboursement des droits que sollicite la société Feeder est afférente à l'importation de matériel provenant d'un pays hors de la Communauté européenne, pour une période comprise de 2006 à 2010 ; que s'appliquent donc les dispositions du CDC qui était alors en vigueur ; (
) que le CDC ayant instauré un délai de prescription, du fait du principe de la suprématie du droit communautaire sur le droit interne, les dispositions du code des douanes relatives à la prescription, et celle du Code civil ne s'appliquent pas ; que la société Feeder invoque alors le principe d'équivalence de la protection juridictionnelle, de non discrimination juridictionnelle ou d'égalité de traitement, principe prétorien de la CJCE au motif que l'article 352 ter du code des douanes, s'il s'appliquait, permettrait de faire rétroagir le point de départ du délai de la prescription de la période répétible jusqu'au 1er janvier 2006 ; qu'en effet, la CJCE requiert que l'ensemble des règles de procédure nationales s'applique indifféremment au recours fondé sur la violation du droit de l'Union et aux recours similaires fondés sur la méconnaissance du droit interne ; que cependant en l'espèce, ce n'est pas le droit douanier français qui est mis en cause par la société Feeder comme étant moins protecteur, mais le droit communautaire lui-même ; qu'outre que le droit communautaire prime sur le droit interne national, et qu'il n'y a lieu à interprétation lorsque celui-ci est clair, l'article 352 ter du code des douanes ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce ; qu'en effet, si l'article 352 du code des douanes alors applicable prévoit que le délai pour former une demande en restitution de droits et taxes est de trois ans, l'article 352 ter dispose dans sa version alors en vigueur : « Lorsque le défaut de validité d'un texte fondant la perception d'une taxe recouvrée par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects a été révélé par une décision juridictionnelle, l'action en restitution mentionnée à l'article 352 ne peut porter, sans préjudice des dispositions de l'article 352 bis, que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle au cours de laquelle cette décision est intervenue » ; que la société Feeder explique que la période répétible remonterait au 1er janvier 2006 si ce texte s'appliquait ; que cependant, il a été rappelé ci-dessus les termes de l'arrêt Kamino, lequel est une décision interprétative suite à la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ; que, dès lors, cette décision n'invalide pas un quelconque texte législatif ; que, si l'administration des douanes française est tenue de tirer les conséquences de cet arrêt, le droit au remboursement de la société Feeder découle du droit communautaire lui-même et non de l'invalidation d'un texte ; que, dans le droit interne français, la prescription triennale serait identique à celle contenue dans le CDC ; que la société Feeder n'allègue pas, et a fortiori ne justifie pas, avoir été empêchée de déposer sa demande par suite d'un cas fortuit ou de force majeure ; qu'en conséquence, par application de l'article 236 du CDC, la prescription est acquise pour les droits acquittés antérieurement au 21 octobre 2007 ; que le jugement déféré sera confirmé sur ce point » (arrêt p. 8 à 10) ;

Et aux motifs adoptés qu'en l'espèce, ce n'est pas le droit de reprise qui est en cause, mais le droit à remboursement ; qu'en outre, la perception des droits dont le remboursement est demandé n'a pas donné lieu à procès-verbal, leur paiement ayant été spontané, en exécution de renseignements tarifaires contraignants (RTC) précédemment notifiés par l'administration ; que l'effet interruptif des procès-verbaux ne pourrait être invoqué que si ces procès-verbaux concernaient les droits dont le remboursement est demandé ; que, de même, l'égalité des armes s'apprécie dans une instance donnée, et non, de façon générale, dans le cadre de relations non contentieuses continues entre une administration et un redevable ; que la prescription a donc couru pour les droits acquittés spontanément en conformité avec l'interprétation du tarif faite par l'administration française, sans être interrompue valablement par une demande formelle de remboursement, en dépit de la décision rendue par la juridiction européenne ; que s'il peut être précisé qu'une décision a le caractère juridictionnel dès lors qu'elle émane d'une juridiction, peu important que le contenu de l'acte de saisine qui a donné lieu à cette décision en fasse une décision tranchant le fond d'un litige ou une décision préjudicielle rendue à la demande d'une autre juridiction, il reste que l'arrêt Kamino n'a pas invalidé un texte, mais simplement interprété le tarif, de sorte que l'article 352 ter précité ne trouve pas à s'appliquer ; qu'en outre, les termes « droits » et « taxes » ne sont pas équivalents et interchangeables, les taxes étant définies en droit français comme des prélèvements assortis pour les personnes qui les acquittent d'une contrepartie, contrairement à l'impôt, même si la taxe sur la valeur ajoutée est en réalité un impôt, alors que les droits de douane, qui visent les seuls biens importés, sont désormais perçus aux frontières de l'Union européenne ; que les taxes visées par le Code des douanes sont celles perçues par cette administration ; que, dès lors, l'article 352 ter est également inapplicable à la présente espèce ; qu'il convient donc de s'en tenir au principe qui résulte de l'article 352 du code des douanes national ; que c'est donc bien un délai de prescription de trois ans à compter du 21 octobre 2010, soit jusqu'au 21 octobre 2007, qui doit s'appliquer » (jugement p. 4 et 5) ;

1° Alors que les dispositions de l'article 354 du code des douanes, interprétées à la lumière du principe d'égalité des armes, impliquent que la notification d'un procès-verbal de douane interrompt la prescription tant en faveur de l'administration que des contribuables ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 354 du code des douanes, ensemble le principe d'égalité des armes et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2° Alors que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes, qui visent sans distinction l'ensemble des droits et taxes « recouvrés par les agents de la direction générale des douanes et des droits indirects » (DGDDI), ont vocation à s'appliquer aussi bien aux droits et taxes perçus en application de textes nationaux qu'à ceux perçus en application de textes communautaires ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 352 ter susvisé et le principe communautaire d'équivalence ;

3° Alors que les dispositions de l'article 352 ter du code des douanes ont vocation à s'appliquer non seulement dans le cas où l'invalidité d'un texte a été révélée par une décision juridictionnelle, mais aussi dans celui où l'illégalité de la pratique des autorités douanières nationales résulte de l'interprétation d'un texte communautaire donnée par une décision préjudicielle de la Cour de justice ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 352 ter susvisé ensemble l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

4° Alors enfin et en tout état de cause que, si l'action en répétition de l'indu exercée par la société n'était pas enfermée dans le cadre de l'article 352 ter, elle suivait le régime du droit commun, tel que prévu par le code civil, sans obéir au régime des simples actions en réclamation douanières ; qu'en n'appliquant pas le droit commun à la situation de l'espèce, après avoir pourtant constaté que le droit spécial de la répétition de l'indu douanier ne s'appliquerait pas, la cour d'appel a violé les règles et principes relatifs à la répétition de l'indu, ensemble le principe communautaire d'effectivité et l'article 267 du TFUE.
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le directeur général des douanes et droits indirects, le receveur des douanes et droits indirects de Montpellier et le trésorier général des douanes et droits indirects, demandeurs au pourvoi incident.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'AVOIR condamné l'administration des douanes à verser à la société Feeder des intérêts au taux légal pour les droits trop versés depuis le 21 octobre 2007 pour un montant de 21.632 euros à compter du jour de leur paiement ;

AUX MOTIFS QU'en ce qui concerne les intérêts moratoires, l'article 241 du code des douanes communautaire énonce : « le remboursement par les autorités douanières de montants de droits à l'importation ou de droits à l'exportation ainsi que des intérêts de crédit ou de retard éventuellement perçus à l'occasion de leur paiement, ne donne pas lieu au paiement d'intérêts par ces autorités. Toutefois, un intérêt est payé lorsque : - une décision donnant suite à une demande de remboursement n'est pas exécutée dans un délai de trois mois à partir de l'adoption de ladite décision, - les dispositions nationales le prévoient » ; qu'en premier lieu, certes, la décision de remboursement de l'administration des douanes de la somme de 21.632 euros à la société Feeder est en date du 30 avril 2014 et a été mise en paiement le 4 juillet 2014, soit dans le délai de 3 mois ; mais qu'en second lieu, si aucune disposition du code des douanes ne prévoit le paiement d'intérêts moratoires, la société Feeder sollicite l'application des dispositions de l'article 1378 du code civil qui dispose que, s'il y a eu une mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer tant le capital que les intérêts ou les fruits du jour du payement ; que la répétition de l'indu étant une institution commune au droit privé et au droit public interne, l'administration des douanes est tenue au paiement des intérêts de droit à compter du jour de la demande en remboursement des droits de douane qu'elle a perçus par erreur en méconnaissance du droit communautaire ; que la condamnation à rembourser de l'administration des douanes sera donc assortie d'intérêts au taux légal à compter de leur paiement pour les droits trop versés depuis le 21 octobre 2007 ;

1°) ALORS QUE l'administration des douanes ne peut être tenue de payer des intérêts sur les sommes qu'elle a indûment reçues du jour de leur paiement que si elle est de mauvaise foi ; qu'en condamnant l'administration douanière à payer à la société Feeder des intérêts au taux légal sur les droits trop versés du 21 octobre 2007 à l'année 2008 à compter de leur paiement, sans rechercher si les services douaniers, qui n'ont eu connaissance de la position tarifaire devant être appliquée aux marchandises litigieuses, au plus tôt, qu'à la date de l'arrêt Kamino rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 19 février 2009, soit postérieurement au paiement des droits en cause, étaient de mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1378 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'administration des douanes, lorsqu'elle est de bonne foi, ne peut être tenue de payer des intérêts sur les sommes qu'elle a indûment reçues que du jour de la sommation de payer qui lui en a demandé le remboursement ; qu'en condamnant l'administration douanière à payer à la société Feeder des intérêts au taux légal sur les droits trop versés du 21 octobre 2007 à l'année 2008 à compter de leur paiement, tout en relevant que l'administration des douanes était tenue au paiement des intérêts de droit à compter du jour de la demande en remboursement des droits de douane qu'elle a perçus par erreur en méconnaissance du droit communautaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'ancien article 1153 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-10535
Date de la décision : 24/06/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DOUANES - Droits - Remboursement de droits indûment acquittés - Droits perçus en violation du droit de l'Union - Intérêts - Point de départ

UNION EUROPEENNE - Douanes - Droits - Remboursement de droits indûment acquittés - Intérêts - Point de départ

Par un arrêt du 18 janvier 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « lorsque des droits à l'importation [...] sont remboursés au motif qu'ils ont été perçus en violation du droit de l'Union, ce qu'il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, il existe une obligation des Etats membres, découlant du droit de l'Union, de payer aux justiciables ayant droit au remboursement des intérêts y afférents, qui courent à compter de la date de paiement par ces justiciables des droits remboursés » (CJUE, arrêt du 18 janvier 2017, Wortmann, C-365/15). En application de ce principe, l'administration des douanes qui, en violation du droit de l'Union, a perçu des droits de douane correspondant à une position qui n'était pas celle qui aurait dû être appliquée, a l'obligation de restituer à cette société les sommes versées assorties des intérêts ayant couru depuis la date de leur paiement


Références :

Sur le numéro 1 : article 236 du code des douanes communautaire

article 352 ter du code des douanes

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 décembre 2017

N2 Sur le remboursement des droits à l'importation perçus en violation du droit de l'Union, cf. :CJUE, arrêt du 18 janvier 2017, Wortmann, C-365/15


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 jui. 2020, pourvoi n°18-10535, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.10535
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