LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 juin 2020
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 273 F-D
Pourvoi n° V 17-26.398
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020
1°/ Mme F... R..., épouse S...,
2°/ M. E... S...,
tous deux domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° V 17-26.398 contre l'arrêt rendu le 9 juin 2017 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [...] , société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. A... G..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Photoclim,
2°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société banque Solfea,
défenderesses à la cassation.
La société BNP Paribas Personal Finance a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Remeniéras, conseiller, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. et Mme S..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [...] , après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Remeniéras, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. et Mme S... que sur le pourvoi incident relevé par la société BNP Paribas personal finance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme S... (les emprunteurs) ont conclu avec la société Photoclim (le vendeur) un contrat de vente et d'installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque, comportant notamment des panneaux photovoltaïques et un onduleur, financé au moyen d'un prêt consenti par la société Banque Solfea aux droits de laquelle est venue la société BNP Paribas personal finance (la banque) ; que les emprunteurs ont assigné le vendeur en annulation du contrat principal et la banque en annulation du crédit affecté ainsi qu'en indemnisation de leur préjudice ; que la banque a reconventionnellement demandé la restitution du capital emprunté ; que la société Photoclim ayant été mise en liquidation judiciaire, la société [...] , désignée en qualité de liquidateur, a repris l'instance ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi principal :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi incident :
Vu l'article L. 121-23, 6°, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ;
Attendu que, pour prononcer la nullité du contrat de vente et constater la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté, l'arrêt retient que le bon de commande ne comporte qu'un prix global sans référence au prix unitaire, lequel constitue une caractéristique essentielle des marchandises ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du même pourvoi :
Vu l'article L. 123-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ;
Attendu que, pour prononcer la nullité du contrat de vente et constater la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté, l'arrêt retient encore que le bon de commande ne précise pas la marque des panneaux photovoltaïques et de l'onduleur ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater qu'en l'espèce la marque de ces éléments constituait, au sens du texte susvisé, une caractéristique essentielle du système de production d'électricité d'origine photovoltaïque commandé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article L. 311-31 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 3016-301 du 14 mars 2016, et l'article L. 311-32, devenu L. 312-55, du même code ;
Attendu que pour rejeter la demande des emprunteurs tendant à être dispensés de restituer le capital emprunté à la banque, l'arrêt retient qu'au vu de l'attestation de fin de travaux, qui constate leur exécution, la banque, qui n'était pas tenue de procéder à des vérifications supplémentaires, a pu se convaincre de l'exécution du contrat principal, de sorte qu'elle n'a commis aucune faute en remettant les fonds au vendeur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que commet une faute la banque qui s'abstient, avant de verser au vendeur les fonds empruntés, de vérifier la régularité du contrat principal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, en infirmant le jugement, il déclare recevable l'action en nullité de M. et Mme S... contre le liquidateur de la société Photoclim et la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Banque Solfea, et déclare irrecevable l'action en indemnisation de M. et Mme S... contre le liquidateur de la société Photoclim sur le fondement de l'article 1382 du code civil, l'arrêt rendu le 9 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
REJETTE la demande de mise hors de cause de la société [...] , ès qualités, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi à la solution du litige ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme S...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. et Mme S... de leur demande de dispense de restitution du capital prêté par la banque Solféa aux droits de laquelle vient la société Bnp Paribas ;
AUX MOTIFS QUE sur la nullité du bon de commande, les époux S... font grief au bon de commande de ne pas respecter plusieurs mentions obligatoires prévues par l'article L.121-23 ancien du code de la consommation ;
qu'il ressort en effet du bon de commande produit qu'il porte sur 12 panneaux photovoltaïques, un onduleur sans que la marque des panneaux, de l'onduleur ne soit précisée ;
qu'en outre, le bon de commande ne comporte qu'un prix global sans référence au prix unitaire de chacun des éléments de cette commande alors que le prix unitaire constitue une caractéristique essentielle des marchandises ;
que les omissions précitées ne permettent aucune vérification, comparaison quant à la qualité, la fiabilité, le coût du matériel durant le délai de rétractation ;
que ces éléments justifient le prononcé de la nullité du contrat ;
que de ce fait, il n'y a pas lieu pour la cour de se prononcer sur le bien fondé des différents moyens formés à titre subsidiaire par l'appelant ;
- Sur la confirmation de la nullité relative du contrat de vente :
que la banque fait valoir que la nullité relative du contrat est couverte dès lors que le bon de commande reprend expressément l'article L. 121-23 du code de la consommation, que le client a accepté la livraison, laissé faire l'installateur, signé l'attestation de fin de travaux, réglé le crédit ;
que la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation qui ont pour finalité la protection de l'acquéreur démarché est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut être renoncé par une exécution volontaire de l'engagement irrégulier mais en connaissance du vice l'affectant et avec l'intention de le réparer ;
que la nullité peut être couverte dès lors qu'il résulte d'aces postérieurs à la conclusion du contrat une volonté même tacite de confirmer l'acte ;
qu'en se contentant pour admettre la confirmation tacite du contrat de démarchage entaché d'une nullité relative de constater que les époux S... l'ont exécuté, la banque ne caractérise pas la réalisation de la double condition de la confirmation tacite du contrat ;
- Sur la nullité du contrat de crédit
qu'aux termes de l'article L. 311-32 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010 entrée en vigueur le 1er mai 2011, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat principal en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé ;
que cette annulation du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de vente emporte pour l'emprunteur l'obligation de rembourser au prêteur le capital emprunté pour financer l'acquisition des biens ;
qu'en conséquence, la cour n'examinera pas la conformité du contrat de crédit aux dispositions prévues par l'article L. 311-8 du code de la consommation ;
- Sur la faute de la banque
que les époux S... font valoir que la banque a fait preuve de légèreté en délivrant les fonds sur la base d'une facture manifestement irrégulière dans la mesure où n'apparaissent pas le numéro de Siret, le capital de la société, où l'adresse n'est pas celle du siège social, où la marque, le type, les montant HT des marchandises ne sont pas indiqués ;
qu'ils relèvent que les panneaux ont été posés le 11 juin 2012 avant accord de la commune, accord donné le 29 juin 2012 ; qu'ils reprochent à la banque d'avoir délivré les fonds sans s'être assurée de l'existence préalable de l'autorisation administrative ; qu'ils indiquent que l'attestation de fin de travaux omet le raccordement qui est partie intégrante du contrat ; qu'ils font valoir que l'installateur a l'obligation de procéder à une déclaration d'achèvement des travaux, qu'en l'absence de celle-ci, la banque ne peut prétendre que les travaux sont terminés ; que l'attestation devait être signée de l'emprunteur et du co-emprunteur, n'est signée que de M. S... ; que l'attestation de fin de travaux signée par l'un des emprunteurs est selon eux inopposable au co-emprunteur indivisible ;
qu'il ressort des pièces produites et notamment du courrier du 27 août 2012 (pièce 19 de la banque) que Photoclim a transmis aux époux S... un dossier Erdf incluant le contrat, un devis prévoyant un chèque de 1 730,10 euros à faire à l'ordre d'Erdf, une proposition de raccordement ;
qu'il était précisé aux époux S... qu'ils devaient remplir et signer la déclaration de fin de travaux, la demande de mise en service, envoyer le tout à Erdf ;
que la cour relève que les époux S... ne justifient pas avoir accompli ces démarches si bien qu'un doute existe sur les raisons qui n'ont pas permis l'achèvement des travaux commencés ;
que l'attestation de fin des travaux critiquée par les époux S... vise expressément le dossier n° P12624581 ayant fait l'objet d'un contrat de crédit émis le 22 mai 2012 ;
que l'attestation vise les travaux à l'exclusion du raccordement (qui n'était pas inclus dans le contrat) et les autorisations administratives étant observé que l'autorisation a été donnée le 8 août 2012 ;
qu'il ressort de l'attestation qu'elle doit être signée de l'emprunteur ou du co-emprunteur, non des deux ; qu'en l'espèce, elle a été signée par M. S... ;
qu'il convient enfin de relever que le montant et la date de la facture sont cohérents avec l'attestation de fin de travaux, que l'adresse qui figure sur la facture est la même que celle qui figure sur l'attestation de fin de travaux et sur le contrat de crédit affecté ;
que la cour ne peut la comparer à celle qui figure sur le bon de commande dans la mesure où la photocopie produite est illisible ;
que les éléments précités permettent donc d'affirmer que la banque pouvait valablement considérer sans avoir à se livrer à de plus amples vérifications que les travaux commandés avaient été réalisés ;
que faute de démontrer une faute commise par la banque dans la délivrance des fonds, l'emprunteur sera débouté de sa demande tendant à être dispensé de restituer le capital emprunté ;
1°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les époux S... avaient fait valoir que la banque Solféa avait commis une faute en débloquant les fonds au profit de la société Photoclim au vu d'une simple copie scannée dépourvue de toute fiabilité et de toute valeur probatoire de l'attestation de fin de travaux ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ces conclusions péremptoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le banquier qui a consenti un crédit affecté à la livraison d'un bien et/ou à une prestation soumise aux dispositions du code de la consommation ne peut exiger le remboursement du capital emprunté lorsque le contrat de vente et/ou de prestation est affecté d'une cause de nullité et qu'il n'a pas procédé aux vérifications nécessaires qui lui incombaient et qui lui aurait permis de la déceler ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le bon de commande pour lequel le prêt a été accordé est entaché d'irrégularités au regard des dispositions du code de la consommation ce qui entraîne la nullité de la vente avec prestations ; qu'en déboutant néanmoins les époux S... de leur demande tendant à être dispensés de restituer le capital prêté suite à l'annulation du prêt litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien du code civil et les articles L. 311-31 et L. 311-32 anciens du code de la consommation ;
3°) ALORS QUE le banquier dispensateur de crédit est tenu d'un devoir d'information et de conseil et de mise en garde des emprunteurs ; que les époux S... soutenaient que la banque Solféa connaissait parfaitement les conditions économiques et financières désastreuses de l'investissement dans la centrale photovoltaïque dès lors qu'elle ne pouvait être amortie dans le meilleur des cas qu'au bout de près de 38 ans, soit plus que sa durée de vie ,ce qui engageait la responsabilité de cette banque envers les emprunteurs justifiant que le capital emprunté ne lui soit pas restitué ; qu'en s'abstenant totalement de rechercher, comme elle y était invitée, si la banque Solféa n'avait pas manqué à ses obligations d'information et de mise en garde des emprunteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil.
Moyen produit, au pourvoi incident, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas Personal Finance
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du bon de commande conclu le 10 mai 2012 entre M. et Mme S... et la société Photoclim, et d'AVOIR constaté la nullité du contrat de crédit conclu le 10 mai 2012 entre M. et Mme S... et la Banque Solféa ;
AUX MOTIFS QUE « sur la nullité du bon de commande : Les époux S... font grief au bon de commande de ne pas respecter plusieurs mentions obligatoires prévues par l'article L.121-23 ancien du code de la consommation. Il ressort en effet du bon de commande produit qu'il porte sur 12 panneaux photovoltaïques, un onduleur sans que la marque des panneaux, de l'onduleur ne soit précisée. En outre, le bon de commande ne comporte qu'un prix global sans référence au prix unitaire de chacun des éléments de cette commande alors que le prix unitaire constitue une caractéristique essentielle des marchandises. Les omissions précitées ne permettent aucune vérification, comparaison quant à la qualité, la fiabilité, le coût du matériel durant le délai de rétractation. Ces éléments justifient le prononcé de la nullité du contrat » ;
1°) ALORS QUE les prix unitaires ne figurent pas parmi les mentions impératives du contrat conclu par démarchage à domicile, qui ne doit mentionner que le prix global à payer ; que pour annuler le contrat de vente conclu entre les époux S... et la société Photoclim, la cour d'appel a retenu que le bon de commande du 10 mai 2012 ne comportait qu'un prix global sans référence au prix unitaire de chacun des éléments de la commande, et que le prix unitaire constituait soi-disant une caractéristique essentielle des marchandises vendues ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une exigence qu'il ne comporte pas, a violé l'article L.121-23 du code de la consommation en sa rédaction applicable à la cause ;
2°) ALORS QUE la marque des marchandises vendues ne figure pas non plus parmi les mentions impératives du contrat conclu par démarchage à domicile, qui ne doit comporter que la désignation de la nature et des caractéristiques des biens ; que pour annuler le contrat de vente conclu entre les époux S... et la société Photoclim, la cour d'appel a retenu que le bon de commande ne mentionnait la marque ni des panneaux solaires, ni de l'onduleur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a derechef ajouté au texte une exigence qu'il ne comporte pas, a violé l'article L.121-23 du code de la consommation en sa rédaction applicable à la cause ;
3°) ALORS QUE le bon établi entre les époux S... et la société Photoclim le 10 mai 2012 précisait que la commande portait sur « douze panneaux photovoltaïques haut rendement de type allemand certifiés NF EN 61215 Classe II » ainsi qu'un « Onduleur Schneider Electrique Haute performance ou équivalent » (production n°1 : bon de commande du 10 mai 2012) ; qu'en énonçant au contraire que la marque de l'onduleur et des panneaux n'était pas précisée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du bon de commande du 10 mai 2012 et partant, violé l'article 1134 en sa rédaction applicable à la cause.