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10/06/2020 | FRANCE | N°18-21822

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 juin 2020, 18-21822


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juin 2020

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 313 F-D

Pourvoi n° S 18-21.822

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JUIN 2020

Mme H.

.. O..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° S 18-21.822 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2018 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juin 2020

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 313 F-D

Pourvoi n° S 18-21.822

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JUIN 2020

Mme H... O..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° S 18-21.822 contre l'arrêt rendu le 22 mai 2018 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Equinoxe, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme O..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Equinoxe, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 22 mai 2018), Mme O..., qui s'était rendue caution des engagements souscrits par la société [...], dont elle était l'unique associée, au titre d'un prêt consenti par la société Caisse d'épargne (la banque), a cédé ses parts à MM. J... et X... par un acte du 7 avril 2010, lequel avait été précédé d'une promesse de cession sous condition suspensive d'obtention de la mainlevée de son cautionnement bancaire et de substitution des cessionnaires à cet engagement.

2. Ayant été condamnée à payer à la banque, en sa qualité de caution, les sommes dues au titre du solde du prêt par la société [...], mise en liquidation judiciaire, Mme O... a assigné en responsabilité la société d'expertise-comptable Equinoxe, qui avait été chargée de la rédaction des actes et formalités de cession.

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. Mme O... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors « qu'après avoir retenu que le préjudice causé à Mme O... par la faute ayant consisté, pour l'expert-comptable, à ne pas l'informer d'une absence de transfert de la charge du cautionnement par elle précédemment souscrit, était la simple perte d'une chance de ne pas conclure la cession, la cour d'appel s'est bornée, pour exclure l'existence d'une telle perte de chance, à relever que Mme O... n'avait fourni aucun élément relatif à la situation financière de la société, permettant de mesurer l'incidence qu'aurait eu un refus de cession ; qu'en se fondant ainsi exclusivement sur une considération impropre à exclure à elle seule l'existence d'une perte de chance de ne pas conclure la cession, la décision de conclure ou non la cession n'étant pas dans la seule dépendance de la situation financière de la société au moment de la cession ou postérieurement à celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

5. Il résulte de ce texte que, sauf cause étrangère, le débiteur d'une obligation contractuelle est tenu de réparer, le cas échéant par le paiement de dommages-intérêts, le préjudice causé à son cocontractant en raison de l'inexécution fautive, ou réputée fautive, de cette obligation.

6. Pour rejeter les demandes de Mme O..., l'arrêt, après avoir retenu que son dommage résultant du manquement de la société Equinoxe à l'obligation de l'informer sur les conséquences d'une absence de transfert du cautionnement consistait en une perte de chance de ne pas céder ses parts, relève que Mme O... ne fournit aucun élément relativement à la situation financière de la société bénéficiant de son cautionnement, qui permettrait de mesurer l'incidence qu'aurait eu un refus de cession.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la probabilité de non-réalisation de la cession était nulle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme O... de ses demandes et la condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 22 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Equinoxe aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Equinoxe et la condamne à payer à Mme O... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix juin deux mille vingt et signé par Mme Darbois, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme O...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté madame O... de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE la société Équinoxe soutient avoir parfaitement informé des conséquences d'une absence de transfert du cautionnement madame O..., laquelle a néanmoins persisté dans sa volonté de signer l'acte de cession ; qu'elle considère aussi qu'aucun préjudice n'est démontré, alors que les cessionnaires ne pouvaient être contraints de décharger la caution dont un refus de poursuivre la cession n'aurait pas exclu avec certitude la mise en oeuvre du cautionnement ; que madame O... conteste avoir eu la pleine connaissance invoquée par Équinoxe ; que lui reprochant de n'avoir pas vérifié la mainlevée de l'engagement en vertu duquel a été prononcée la condamnation du 19 février 2015, elle se prévaut d'un dommage qui équivaut à cette dernière, n'ayant pu contraindre pour une reprise du cautionnement les cessionnaires dont la gestion semble avoir généré les difficultés financières ; que la société d'experts comptables et de commissaires aux comptes Équinoxe a préparé l'acte d'une promesse de cession de parts sociales signé le 26 novembre 2009 par messieurs J... et X..., stipulant notamment en condition suspensive pour la réalisation une main levée du cautionnement de la première des susnommés en ce qui concerne l'emprunt bancaire et sa substitution par les seconds à cet égard ; qu'Équinoxe a formalisé les actes de cession du 7 avril 2010 ; qu'Équinoxe ne justifie aucunement avoir informé madame O... des conséquences d'une absence de transfert du cautionnement ; qu'au sujet cependant d'une perte de chance pour avoir cédé les parts sans cette information, madame O... ne fournit aucun élément relativement à la situation financière de l'EURL bénéficiant de son cautionnement, et qui permettrait de mesurer l'incidence qu'aurait eu un refus de cession ; qu'il y a lieu dès lors de la débouter de ses demandes et d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel (arrêt, p 2) ;

1° ALORS QUE l'expert-comptable, en sa qualité de rédacteur, pour le compte d'autrui, d'un acte de cession de droits sociaux, est tenu d'informer le cédant de la persistance après la cession de son engagement de caution, si tel est le cas ; que lorsqu'il a reçu mission de rédiger un acte de promesse de cession de parts sociales stipulant une condition suspensive de transfert au cessionnaire de la charge du cautionnement souscrit par le cédant à l'égard de dettes sociales, l'expert-comptable est tenu d'informer le cédant, le cas échéant, de l'absence de transfert du cautionnement, et non pas seulement des conséquences de l'absence d'un tel transfert ; que l'arrêt a constaté que la société Equinoxe, expert-comptable, avait rédigé l'acte de promesse de cession de parts sociales conclu le 26 novembre 2009 entre madame O..., cédante, et messieurs J... et X..., cessionnaires, et stipulant des conditions suspensives relatives au transfert aux cessionnaires de la charge du cautionnement souscrit par la cédante à l'égard d'une dette sociale, avant de formaliser les actes de cession en date du 7 avril 2010 ; qu'en se bornant néanmoins à retenir que l'expert-comptable ne justifiait aucunement avoir informé la cédante des conséquences d'une absence de transfert de la charge du cautionnement, sans s'expliquer, comme elle y était pourtant invitée (cf. les dernières écritures d'appel de madame O..., p. 6, al. 2 à 6), sur le défaut d'information donnée à madame O... sur l'absence même du transfert de la sûreté, qu'elle croyait être intervenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil ;

2° ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la cour d'appel a retenu que le préjudice causé à madame O... par la faute ayant consisté, pour l'expert-comptable, à ne pas l'informer d'une absence de transfert de la charge du cautionnement par elle précédemment souscrit, était la simple perte d'une chance de ne pas conclure la cession des titres sociaux, et non un préjudice plein et entier tenant au fait d'être resté caution nonobstant cette cession ; qu'en se déterminant ainsi, c'est-à-dire en faisant l'hypothèse qu'informée des conséquences d'une absence de transfert de la sûreté, madame O... aurait pu envisager de poursuivre l'opération et de conclure l'acte définitif de cession en cet état, cependant que l'arrêt avait constaté que la promesse de cession souscrite antérieurement l'avait été sous la condition suspensive d'un transfert au cessionnaire de la charge du cautionnement, constatation dont il résultait que madame O... avait par avance exprimé une absence de consentement à une conclusion définitive de la cession en l'absence de transfert de la sûreté et qu'elle avait ainsi signé l'acte de cession dans la croyance erronée de ce que le transfert de la sûreté avait eu lieu et de ce qu'elle n'était plus caution, la cour d'appel, qui aurait dû retenir l'existence d'un préjudice plein et entier et non d'une simple perte de chance, a violé l'article 1147 ancien du code civil ;

3° ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE ENCORE, QU'après avoir retenu que le préjudice causé à madame O... par la faute ayant consisté, pour l'expert-comptable, à ne pas l'informer d'une absence de transfert de la charge du cautionnement par elle précédemment souscrit, était la simple perte d'une chance de ne pas conclure la cession, la cour d'appel s'est bornée, pour exclure l'existence d'une telle perte de chance, à relever que madame O... n'avait fourni aucun élément relatif à la situation financière de la société, permettant de mesurer l'incidence qu'aurait eu un refus de cession ; qu'en se fondant ainsi exclusivement sur une considération impropre à exclure à elle seule l'existence d'une perte de chance de ne pas conclure la cession, la décision de conclure ou non la cession n'étant pas dans la seule dépendance de la situation financière de la société au moment de la cession ou postérieurement à celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-21822
Date de la décision : 10/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 22 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jui. 2020, pourvoi n°18-21822


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21822
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