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03/06/2020 | FRANCE | N°17-31174

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juin 2020, 17-31174


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2020

Cassation sans renvoi

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 406 F-D

Pourvoi n° M 17-31.174

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUIN 2020

La Fondation de l'Armée du Salut,

association reconnue d'utilité publique, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 17-31.174 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2017 pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2020

Cassation sans renvoi

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 406 F-D

Pourvoi n° M 17-31.174

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUIN 2020

La Fondation de l'Armée du Salut, association reconnue d'utilité publique, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 17-31.174 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. S... B..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gilibert, conseiller, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la Fondation de l'Armée du Salut, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. B..., après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présentes Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Gilibert, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 octobre 2017), M. B... engagé le 18 juillet 1994 par la Fondation de l'Armée du Salut (la fondation) en qualité de chef de service éducatif, a saisi la juridiction prud'homale, le 25 novembre 2013, d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

2. Il a été licencié pour motif économique le 15 avril 2014.

3. Par jugement du 29 septembre 2016, le conseil de prud'hommes a sursis à statuer sur les demandes de M. B... dans l'attente de la décision d'un tribunal administratif.

4. Par ordonnance du 15 février 2017, le premier président de la cour d'appel a autorisé M. B... à interjeter appel immédiat du jugement de sursis à statuer.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'appel formé par le salarié et de statuer au fond par voie d'évocation alors « que l'intérêt à interjeter appel doit être actuel ; que la survenance de l'événement ayant justifié le sursis à statuer rend sans objet l'appel formé contre la décision de sursis à statuer et prive l'appelant d'intérêt à agir ; que l'arrêt attaqué constate que le conseil de prud'hommes avait sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal administratif qui a été rendu le 7 décembre 2016, ce dont il résulte qu'aussi bien à la date de son appel qu'à celle à laquelle la cour d'appel a statué, M. B... n'avait plus intérêt à contester la décision de sursis ; qu'en se prononçant par des motifs pris de l'existence de l'autorisation d'appel et de la séparation des pouvoirs, impropres à faire obstacle à l'irrecevabilité de l'appel de M. B..., la cour d'appel a violé les articles 31, 122, 380 et 568 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 122, 31 et 568 du code de procédure civile :

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que la recevabilité de l'appel d'une partie est subordonnée à l'existence d'un intérêt à agir, qui doit être né et actuel.

7. Pour déclarer recevable l'appel formé par le salarié, l'arrêt retient que le premier président a estimé souverainement qu'il existait des motifs graves et légitimes pour le salarié de faire appel immédiatement de la décision de sursis, et que le principe de séparation des pouvoirs interdit au juge administratif d'interférer sur les pouvoirs du juge civil.

8. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses constatations que la décision du tribunal administratif, qui constituait le terme du sursis à statuer fixé par la juridiction prud'homale, avait été rendue le 7 décembre 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 627 du code de procédure civile :

9. La cassation prononcée n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE l'appel irrecevable ;

Condamne M. B... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour Fondation de l'Armée du Salut

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'appel formé par M. B... contre le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 29 septembre 2016 et d'avoir statué au fond par voie d'évocation ;

AUX MOTIFS QUE la Fondation fait valoir l'absence d'intérêt à agir du salarié puisque le premier juge a décidé de surseoir à statuer seulement dans l'attente de la décision devant être rendue par le tribunal administratif de Melun, saisi de la légalité de la décision de fermeture de l'établissement de Morfondé par le conseil général de Seine-et-Marne, alors que le tribunal administratif a vidé son délibéré le 7 décembre 2016 et que la procédure prud'homale peut reprendre son cours normal, l'intérêt à agir s'appréciant au jour où l'action est exercée et devant être né et actuel ; que M. B... rappelle que le premier président avait, d'une part, ordonné la réouverture des débats pour permettre la production du jugement rendu par le tribunal administratif, qui a pu être débattu contradictoirement et, d'autre part, fait injonction à l'employeur de préciser s'il y avait eu appel de la décision rendue, ce qui était le cas ; que le salarié relève que le sursis à statuer décidé en première instance était contestable au regard de son droit à être jugé dans un délai raisonnable, la procédure administrative étant loin d'être achevée, et qu'il n'était pas partie à cette instance, cette procédure n'ayant aucune incidence sur la procédure prud'homale en cours ; que la décision de sursis à statuer a été frappée d'appel et que la cour a estimé souverainement qu'il existait des motifs graves et légitimes pour le salarié de faire appel immédiatement, et enfin que le principe de séparation des pouvoirs interdit au juge administratif d'interférer sur les pouvoirs du juge civil ; que lorsque l'appel d'un jugement de sursis à statuer à été autorisé, la cour, lorsqu'elle examine l'affaire, a dès lors la faculté d'évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de leur donner une solution définitive, ce qui n'est pas contraire à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui comprend notamment l'exigence d'une durée raisonnable de la procédure ; que la Fondation Armée du Salut a elle-même mentionné la longueur des délais actuellement en vigueur devant la juridiction concernée ;

ALORS QUE l'intérêt à interjeter appel doit être actuel ; que la survenance de l'événement ayant justifié le sursis à statuer rend sans objet l'appel formé contre la décision de sursis à statuer et prive l'appelant d'intérêt à agir ; que l'arrêt attaqué constate que le conseil de prud'hommes avait sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal administratif qui a été rendu le 7 novembre 2016, ce dont il résulte qu'aussi bien à la date de son appel qu'à celle à laquelle la cour d'appel a statué, M. B... n'avait plus intérêt à contester la décision de sursis ; qu'en se prononçant par des motifs pris de l'existence de l'autorisation d'appel et de la séparation des pouvoirs, impropres à faire obstacle à l'irrecevabilité de l'appel de M. B..., la cour d'appel a violé les articles 31, 122, 380 et 568 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant la Fondation Armée du Salut à M. B... aux torts exclusifs de la Fondation et d'avoir condamné celle-ci à payer à M. B... les sommes de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE la Fondation Armée du Salut a mis en oeuvre des mesures à la suite de la fermeture par arrêté du 26 septembre 2013 de l'établissement de Morfondé puis à celle du service de prévention spécialisée APS/Armée du Salut, ces mesures relevant tant de la procédure de licenciement collectif pour motif économique enregistrée par l'administration le 21 octobre 2013, que des démarches entreprises sur le plan des risques psychosociaux, le cabinet Psya intervenant sur le site entre fin septembre et mi-octobre 2013, et M. B... étant convoqué pour sa part le 30 octobre 2013 par le médecin du travail, enfin le CHSCT a été convoqué en vue d'être consulté sur les conséquences du projet de réorganisation du centre en décembre 2013 ; que ces mesures n'apparaissent pas totalement adaptées et suffisantes eu égard aux déclarations formulées devant le CHSCT le 30 octobre 2013 par le médecin du travail, car ce dernier s'inquiétait de la situation de santé physique et mentale des salariés qui le contactaient en nombre ; que le CCE a, le 14 octobre 2013, décidé du déclenchement de la procédure de droit d'alerte interne ; que dans son courrier du 8 novembre 2013 adressé au personnel, la Fondation a fait état de la situation de crise vécue par l'établissement le 6 novembre, ayant donné lieu à l'intervention des forces de l'ordre et des pompiers, le comportement de certains salariés lors de ces faits conduisant l'employeur à dispenser l'ensemble des salariés de venir travailler, sauf exception ; que dans le cadre du licenciement économique collectif, l'employeur s'est borné à faire circuler des listes de postes aux salariés privés d'emploi ; que c'est dans ce contexte, et alors que, le 21 octobre 2013, le médecin du travail avait décidé de l'inaptitude temporaire de M. B..., qui a été mis en arrêt de travail le 23 avec prolongation jusqu'au 12 décembre 2013, qu'une mise en garde lui a été notifiée le 25 octobre, pour des faits qui auraient été commis avant le 29 janvier 2013 et qui ont été formellement contestés par lui ; que cette mise en garde n'était donc pas opportune ; que la Fondation met en cause la propre attitude du salarié dont les défaillances, en sa qualité de chef de service en charge des unités Morane et Mermoz, et notamment son « déficit de compétences managériales », ont été mises en exergue par les rapports internes, alors que la fermeture de l'établissement a été décidée par le conseil général après que plusieurs mises en garde aient été adressées à la direction de l'établissement puis à la Fondation, à la suite du contrôle qualité d'avril 2013 complété du contrôle inopiné de mai 2013, qui avaient mis en évidence de très graves dysfonctionnements ayant induit « une situation de souffrance au travail importante pour de nombreux salariés, un climat de pression important résultant d'humiliations subies, de mises à l'écart, de pressions morales, de mesures de rétorsion pour professionnels qui s'opposent à M. V... directeur et à Mme F... chef de service », ces deux personnes faisant l'objet d'une injonction de retrait de même que deux éducateurs, sans qu'il soit fait mention de M. B... ; que dans ce contexte, les carences du salarié ne sont pas avérées ; que la grave situation du centre avait déjà été abordée dans des rapports internes rédigés par M. E... et l'EQR dès 2011 et transmis à la Fondation, qui n'a pas pris alors les mesures nécessaires et qui n'a répondu aux injonctions de son autorité de tutelle que tardivement ; que c'est encore tardivement que la Fondation a, dans ses observations en réponse au courrier du conseil général, le 6 août 2013, mis en cause son salarié, alors qu'il lui appartenait dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux de prendre toutes les mesures nécessitées par la situation de l'entreprise ; qu'enfin, la situation très confuse dans laquelle le centre s'est trouvé ainsi que l'état de santé du salarié ont pu justifier pour lui une saisine de la juridiction prud'homale reportée à novembre 2013 ; qu'il résulte de ces éléments que M. B... a subi les conséquences des dysfonctionnements constatés courant 2013 par le conseil général dans la gestion du centre, non pris en compte par le siège de l'entreprise en dépit des alertes résultant des audits établis en 2011 ; que le médecin du travail a clairement décidé pour le salarié son « retrait du milieu de travail » avant qu'il soit placé en arrêt de travail pendant près de 3 mois ; que le rapport du 28 février 2011 avait de manière explicite mis en garde la Fondation sur « la gravité de ce qui se passe au domaine de Morfondé et de l'impérieuse nécessité d'une reprise en main de l'établissement au plus vite », son rédacteur mentionnant qu'il n'avait pu interroger que le Directeur des programmes, les cadres internes, en ce compris le salarié, n'étant donc pas intervenus dans ce processus ; que la Fondation reconnaît que le rapport résultant du contrôle qualité mené par le conseil général faisait remonter l'essentiel des défaillances aux années 2010 à 2012, alors que l'entreprise avait été avisée de ces dysfonctionnements mais n'y avait pas apporté de remèdes ; que les manquements de l'employeur, qui sont suffisamment établis, justifient amplement la résiliation du contrat de travail à ses torts exclusifs ;

ALORS QUE seul un manquement, par l'employeur, à ses obligations nées du contrat de travail est de nature à fonder la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ; qu'en justifiant la résiliation du contrat de travail de M. B... par l'inadaptation, l'insuffisance et la tardiveté des mesures prises par la Fondation Armée du Salut pour remédier aux graves dysfonctionnements de l'établissement de Morfondé, sans relever d'infraction à une obligation résultant du contrat de travail individuel de M. B..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1217 et 1227 du code civil, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-31174
Date de la décision : 03/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2020, pourvoi n°17-31174


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Colin-Stoclet, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.31174
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