LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 mai 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 305 F-D
Pourvoi n° N 19-16.210
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2020
M. W... V..., domicilié [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société T... TP, a formé le pourvoi n° N 19-16.210 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2019 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant au GAEC [...] , dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. V..., ès qualités, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat du GAEC [...] , après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 11 mars 2019), la société T..., aujourd'hui en liquidation judiciaire et représentée par M. V..., ayant effectué divers travaux d'aménagement d'un bâtiment agricole appartenant au GAEC [...], l'a assigné en paiement de facture.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. V..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation du GAEC [...] à payer à la société T... la somme de 62 336,75 euros HT, soit 77 920,94 euros TTC, alors :
« 1°/ que la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif qui ne peut se fractionner : qu'en considérant que les acomptes « de 3 000 euros chacun les 19 février et 19 mars 2010 et un acompte de 4 000 euros le 23 mars 2011 » n'avaient pas interrompu la prescription motifs pris « que pour interrompre valablement la prescription en cours, ces règlements doivent témoigner de la reconnaissance par le GAEC [...] de sa dette en totalité
», la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2240 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable à la cause ;
2°/ que la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif qui ne peut se fractionner ; qu'en jugeant que la prescription n'avait pas été interrompue après avoir pourtant constaté que des paiements partiels avaient été réalisés, ce dont il s'évinçait que la prescription avait été interrompue du fait de ces paiements partiels, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les dispositions de l'article 2240 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2240 du code civil :
3. Selon ce texte, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
4. Pour rejeter la demande de M. V..., ès qualités, et ne pas retenir que les acomptes versés par le GAEC [...], notamment le dernier du 23 mars 2011, avaient constitué un acte de reconnaissance interruptif de prescription faisant courir un nouveau délai de cinq ans, l'arrêt retient que, pour interrompre valablement la prescription en cours, ces règlements doivent témoigner de la reconnaissance par le débiteur de sa dette en totalité.
5. En statuant ainsi, alors que la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif qui ne peut se fractionner, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne le GAEC N... W... et L... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. V..., ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Me W... V..., ès qualités de liquidateur judiciaire, de sa demande tendant à voir condamner le GAEC [...] à payer la somme de 62.336,75 € HT, soit 77.920,94 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 12 mars 2012 ;
AUX MOTIFS QU'attendu que le GAEC [...] ne sollicite plus devant la cour le bénéfice des dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation, qui effectivement est inapplicable dans le cas présent puisque le litige concerne le règlement d'importants travaux réalisés par la SARL T... TP sur l'exploitation agricole professionnelle de l'appelant ; qu'attendu que la facture litigieuse est en date du 19 décembre 2008, l'expert judiciaire précisant dans son rapport que la précédente facture du 7 septembre 2008 « n'est qu'une situation intermédiaire » (p. 3) ; qu'attendu que selon l'article 2224 du code civil les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, en conséquence de quoi la facture du 19 décembre 2008 était en principe prescrite le 19 décembre 2013 ; qu'attendu que le 7 novembre 2013 la SARL T... TP a fait assigner le GAEC [...] devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aurillac, aux fins exclusivement de voir ordonner une expertise judiciaire en application de l'article 145 du code de procédure civile ; qu'or attendu qu'en vertu de l'article 2239 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, et le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ; qu'attendu que tel est bien le cas en l'espèce, la demande d'expertise fondée sur l'article 145 du code de procédure civile tendant précisément à conserver ou établir des preuves en vue d'un procès futur ; qu'attendu que l'ordonnance du juge des référés ayant mandaté M. M... O... en qualité d'expert est en date du 26 novembre 2013 ; qu'attendu que M. O... a remis son rapport le 11 juillet 2014 ; qu'attendu qu'en entre le 19 décembre 2008, date de la facture litigieuse, et le 7 novembre 2013, date de l'assignation devant le juge des référés ayant suspendu la prescription en cours, il s'est écoulé 4 ans, 10 mois et 19 jours, de sorte que la prescription de l'article 2224 du code civil n'était pas atteinte ; qu'attendu que dès lors, en application de l'article 2239 du code civil, le délai de prescription a recommencé à courir pour une durée de six mois à compter du dépôt du rapport de l'expert, soit le 11 juillet 2014, pour se terminer le 11 janvier 2015 ; qu'attendu par conséquent lorsque la SARL T... TP a assigné au fond le GAEC [...] devant le tribunal de grande instance d'Aurillac le 7 avril 2016, la prescription quinquennale était acquise ; qu'attendu que Me V... soutient cependant que les acomptes versés par le GAEC [...], notamment le dernier en date du 23 mars 2011, ont constitué un acte de reconnaissance interruptif de prescription qui a fait courir un nouveau délai de cinq ans ; qu'attendu qu'il résulte du dossier, notamment le récapitulatif de sa créance adressé à un huissier par la SARL T... TP le 10 janvier 2012, que le GAEC [...] lui a réglé deux acomptes de 3000 EUR chacun les 19 février et 19 mars 2010, et un acompte de 4000 EUR le 23 mars 2011 ; qu'attendu cependant que pour interrompre valablement la prescription en cours, ces règlements doivent témoigner de la reconnaissance par le GAEC [...] de sa dette en totalité, ce qui n'est nullement démontré, mais au contraire il résulte d'un courrier de l'huissier à la SARL T... TP en date du 27 mars 2012 que M. W... N... soulignait n'avoir signé aucun devis, et disait qu'il allait prendre contact directement avec la SARL T... TP ; qu'il ressort encore d'un courrier de M. J.-P. H..., expert, en date du 15 juin 2013, que le GAEC [...] « conteste depuis plusieurs années le montant de cette dette »; que l'on ne peut de ces seuls éléments déduire que le GAEC [...], nonobstant le règlement d'acomptes, se considérait comme débiteur de la totalité de la somme réclamée par l'entreprise de construction ; qu'attendu que dans ces conditions, la prescription quinquennale étant acquise au bénéfice du GAEC [...], le jugement doit être intégralement infirmé ; qu'attendu que 2000 EUR sont justes en application de l'article 700 du code de procédure civile, par fixation au passif de la SARL T... TP ; qu'attendu que les dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de référé et d'expertise, seront également fixés au passif de la SARL T... TP ;
1°) ALORS QUE la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif qui ne peut se fractionner : qu'en considérant que les acomptes « de 3000 EUR chacun les 19 février et 19 mars 2010 et un acompte de 4000 EUR le 23 mars 2011 » (arrêt p. 4) n'avaient pas interrompu la prescription motifs pris « que pour interrompre valablement la prescription en cours, ces règlements doivent témoigner de la reconnaissance par le GAEC [...] de sa dette en totalité .
. » (arrêt p 4), la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2240 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, applicable à la cause ;
2°) ALORS QUE la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif qui ne peut se fractionner ; qu'en jugeant que la prescription n'avait pas été interrompue après avoir pourtant constaté que des paiements partiels avaient été réalisés, ce dont il s'évinçait que la prescription avait été interrompue du fait de ces paiements partiels, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les dispositions de l'article 2240 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable à la cause.