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13/05/2020 | FRANCE | N°19-10448

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 mai 2020, 19-10448


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mai 2020

Cassation sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 276 FS-P+B

Pourvoi n° Z 19-10.448

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020

1°/ M. O... H... B... ,

2°/ Mme N... G... P..., épo

use H...,

domiciliés tous deux [...] (Espagne),

ont formé le pourvoi n° Z 19-10.448 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel de ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mai 2020

Cassation sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 276 FS-P+B

Pourvoi n° Z 19-10.448

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020

1°/ M. O... H... B... ,

2°/ Mme N... G... P..., épouse H...,

domiciliés tous deux [...] (Espagne),

ont formé le pourvoi n° Z 19-10.448 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 2), dans le litige les opposant à M. Q... G..., domicilié [...], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme H... B..., de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. G..., et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 septembre 2018), M... G... a donné procuration à son épouse de vendre en viager, à leur fille et son époux, M. H... B..., domiciliés en Espagne, un bien immobilier dont ils étaient propriétaires, situé dans ce pays.

2. Après le décès de ses parents, M. Q... G... a, par acte du 11 décembre 2014, assigné M. et Mme H... B... devant le tribunal de grande instance de Bayonne pour obtenir, à titre principal, l'annulation de la procuration pour cause d'insanité d'esprit de son auteur et, à titre subsidiaire, la requalification de la vente en libéralité.

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 1 et 3, point 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ensemble le principe de perpétuation de la compétence selon lequel l'acte introductif d'instance fixe la saisine du tribunal et détermine la compétence pendant la durée de l'instance :

4. Pour dire le juge français compétent, l'arrêt fait application des articles 14 et 15 du code civil à l'action de M. G..., qui tend à remettre en cause l'acte intitulé cession de biens moyennant rente.

5. En statuant ainsi, alors que la demande principale en annulation de la procuration donnée par M... G..., dont le consentement aurait été vicié pour cause d'insanité d'esprit, fixait la compétence dès l'introduction de l'instance et relevait du champ matériel du règlement n° 44/2001, applicable à la date d'introduction de la demande, et qu'une règle de compétence nationale ne pouvait être invoquée contre M. et Mme H... B... domiciliés dans un autre Etat membre de l'Union européenne, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

8. D'une part, selon l'article 2, point 1, du règlement n° 44/2001, sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

9. La demande principale en annulation d'une procuration dont le consentement de l'auteur aurait été vicié pour cause d'insanité d'esprit, de nature personnelle, ne relevant pas des compétences dérogatoires énoncées aux sections 2 à 7 du règlement et M. et Mme H... B... étant domiciliés en Espagne, ceux-ci devaient être attraits devant les juridictions espagnoles.

10. D'autre part, il résulte de l'article 81 du code de procédure civile que, lorsque le juge estime que l'affaire relève d'une juridiction étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir.

11. Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bayonne du 15 décembre 2016 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du litige, de l'infirmer en ce qu'il désigne la juridiction civile dont dépend la ville d'Alicante comme juridiction de renvoi, et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

INFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bayonne du 15 décembre 2016, mais seulement en ce qu'il désigne la juridiction civile dont dépend la ville d'Alicante comme juridiction de renvoi ;

RENVOIE les parties à mieux se pourvoir ;

Condamne M. G... aux dépens, comprenant ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme H... B...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué du 11 octobre 2018 d'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance de Bayonne compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H....

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « 1) sur la détermination de la juridiction compétente pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H... ; Attendu que Monsieur Q... G... a assigné les époux H... à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE, en se prévalant notamment de l'article 14 du Code Civil, lequel consacre la compétence internationale des juridictions françaises, en instituant un privilège de juridiction fondé sur la nationalité française du demandeur à une action judiciaire ; Attendu qu'à cet égard, la Cour rappelle que la compétence française fondée sur les articles 14 et 15 du Code Civil présente un caractère subsidiaire par rapport à la compétence internationale ordinaire, de sorte que le privilège de juridiction fondé sur la nationalité française des parties ne pourra jouer qu'en l'absence de compétence spéciale attribuée à un tribunal par application du droit international privé français, ce qui implique dans un premier temps de déterminer la nature de l'action engagée par Monsieur Q... G... devant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE ; Attendu que de la lecture et de l'analyse de l'assignation délivrée à la requête de Monsieur Q... G..., il ressort que l'action ainsi engagée tend à remettre en cause l'acte intitulé " CESSION DE BIENS MOYENNANT RENTE " passé entre les époux M... G... / A... P... U... en leur qualité de cédants et les époux H... en leur qualité de cessionnaires, en ce que ladite action vise : - principalement, à obtenir l'annulation de la procuration dont il a été fait usage dans le cadre de ladite cession, et ce pour cause d'insanité d'esprit de son auteur M... G... - subsidiairement, à obtenir la requalification de l'acte dont s'agit en donation déguisée, et ce pour défaut de justification du paiement par les bénéficiaires de la contrepartie financière stipulée au profit des cédants ; Attendu qu'en raison de son objet tel que ci-dessus défini, l'action exercée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H... - ne peut s'apparenter à une action successorale au sens de l'article 45 du Code de Procédure Civile, et ce nonobstant le fait * que la demande subsidiaire du requérant puisse, en cas de succès, avoir des incidences d'ordre successoral quant à la protection de ses droits de successible * que l'intéressé ait manifesté l'intention dans le cadre du présent incident de compétence, de vouloir renoncer à sa demande aux fins d'annulation de la procuration donnée par son père M... G... le 6 août 2007 - est constitutive d'une action relevant de la matière mixte, dès lors qu'elle porte tout à la fois sur un droit réel et un droit personnel nés de la même opération juridique ; Que de ces observations, il s'évince : - que se trouve dépourvue d'intérêt la discussion juridique instaurée entre les parties quant à la nature mobilière ou immobilière de la succession concernée - que le privilège de juridiction fondé sur la nationalité française du demandeur ou du défendeur à une action judiciaire, a vocation à s'appliquer en l'espèce à condition que l'action de Monsieur Q... G... relève du champ d'application des articles 14 et 15 du Code Civil venus consacrer la compétence des juridictions françaises fondée sur la seule nationalité française des parties ; Attendu qu'à cet égard, la Cour rappelle que l'article 14 du Code Civil : - autorise le demandeur français à citer son adversaire devant les tribunaux français, et ce que ce dernier soit étranger ou de nationalité française - a une portée générale (à l'instar de l'article 15 dudit code) faisant qu'il s'applique à toutes les actions patrimoniales ou extrapatrimoniales, à l'exclusion toutefois des actions réelles immobilières et demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger * des demandes relatives à des voies d'exécution pratiquées hors de France ; Attendu qu'en l'espèce, la Cour considère que Monsieur Q... G... peut revendiquer le privilège de juridiction instauré par l'article 14 du Code Civil, et ce : - en ce qu'il justifie être de nationalité française - en ce que son action est dirigée à l'encontre de deux codéfendeurs, à savoir Madame N... E... G... P... de nationalité française, et l'époux de cette dernière Monsieur O... H... B... de nationalité espagnole - en ce que son action ne fait pas partie de celles échappant au champ d'application des articles 14 et 15 du Code Civil, dès lors * que l'assignation délivrée à la requête de Monsieur Q... G... ne contient aucune demande qui soit caractéristique d'une action réelle immobilière ou d'une demande en partage portant sur un immeuble situé à l'étranger, en dépit du fait que l'acte de cession litigieux ait porté sur un immeuble situé à ALICANTE * qu'elle a été précédemment qualifiée d'action mixte ; Qu'au vu de ces observations, il y a lieu : - de retenir la compétence internationale des juridictions françaises pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H... - de considérer qu'en application des articles 14 et du Code Civil, Monsieur Q... G... est justifié à revendiquer la compétence du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE, et ce * en ce qu'il se trouve domicilié à BIARRITZ, soit dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE * en ce que ce choix répond aux exigences d'une bonne administration de la justice ; Qu'en conséquence, il convient : - de déclarer le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H... - de réformer en ce sens la décision déférée » ;

ALORS en premier lieu QUE le privilège de juridiction permettant à un plaideur français d'attraire un étranger devant les juridictions françaises et au plaideur français ou étranger d'y attraire un français n'est pas applicable au cas des actions réelles immobilières et des demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger ; qu'en l'espèce, pour déclarer le tribunal de grande instance de Bayonne compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H..., la cour d'appel a estimé que l'assignation délivrée à la requête de M. Q... G... ne contient aucune demande qui soit caractéristique d'une action réelle immobilière ou d'une demande en partage portant sur un immeuble situé à l'étranger, en dépit du fait que l'acte de cession contesté ait porté sur un immeuble situé à Alicante ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le but poursuivi par le demandeur n'était pas de régler le sort d'un immeuble situé à l'étranger, en sorte que son action devait nécessairement s'analyser en une action réelle immobilière ou une demande en partage portant sur un immeuble situé à l'étranger, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 14 du code civil ;

ALORS en second lieu QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en déclarant le tribunal de grande instance de Bayonne compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Q... G... à l'encontre des époux H..., sans répondre aux conclusions de ces derniers qui soutenaient que le juge français ne pouvait être compétent en l'espèce dès lors qu'il n'a le pouvoir ni d'annuler l'acte public étranger ni de prendre les mesures requises de mention en marge de l'acte faux et d'injonction à l'officier public étranger dépositaire de l'acte litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMPETENCE - Compétence internationale des juridictions françaises - Appréciation - Moment - Détermination

UNION EUROPEENNE - Coopération judiciaire en matière civile - Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions - Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Principe de perpétuation de la compétence - Application

En application du principe de perpétuation de la compétence, l'acte introductif d'instance fixe la saisine du tribunal et détermine la compétence pendant la durée de l'instance. Dès lors, une demande principale en annulation d'une procuration de vendre en viager un bien immobilier, dirigée contre des défendeurs domiciliés dans un autre Etat membre, qui relève du champ matériel du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, fixe la compétence dès l'introduction de l'instance, nonobstant une demande subsidiaire tendant à la requalification de l'acte de cession subséquent


Références :

articles 1 et 3, point 2, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale

principe de perpétuation de la compétence

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 11 septembre 2018


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 1re, 13 mai. 2020, pourvoi n°19-10448, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 1
Date de la décision : 13/05/2020
Date de l'import : 21/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19-10448
Numéro NOR : JURITEXT000041914550 ?
Numéro d'affaire : 19-10448
Numéro de décision : 12000276
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-05-13;19.10448 ?
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