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22/04/2020 | FRANCE | N°19-84978

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 avril 2020, 19-84978


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 19-84.978 F-D

N° 563

SM12
22 AVRIL 2020

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 AVRIL 2020

M. W... U... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 4 juin 2019, qui, pour agressions sexuelles aggr

avées, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, à une interdiction professi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 19-84.978 F-D

N° 563

SM12
22 AVRIL 2020

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 AVRIL 2020

M. W... U... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 4 juin 2019, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, à une interdiction professionnelle définitive et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. W... U..., et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. W... U..., exerçant la profession de médecin, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Laval pour des faits qualifiés d'agressions sexuelles aggravées, commis sur plusieurs patientes.

3. Le tribunal correctionnel, par jugement du 26 octobre 2017 l'a déclaré coupable et l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé une interdiction d'exercer une activité médicale entraînant un contact physique avec les patients. Il a statué sur les intérêts civils.

4. M. U... et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. W... U... à la peine d'un emprisonnement délictuel de trois ans, avec sursis partiel pour une durée de deux ans avec mise à l'épreuve dans les conditions prévues par les articles 132-43 et 132-44 du code pénal, à la peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer une activité médicale entraînant un contact physique avec les patients et d'avoir constaté l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, alors :

« 1°/ que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; qu'en prononçant la condamnation à la peine d'un an d'emprisonnement sans sursis à l'encontre du prévenu en se contentant de considérer qu' « une peine d'emprisonnement comportant une partie ferme apparaît comme étant la seule réponse pénale adaptée », sans que de tels motifs suffisent à considérer que les juges se sont expliqués sur le caractère inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel n'a pas respecté l'exigence légale de motivation précitée, en violation des articles 130-1, 132-1, 132-19 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que s'il décide de ne pas aménager la peine d'emprisonnement sans sursis, le juge doit motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du prévenu ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur l'impossibilité de prononcer un aménagement de peine, en méconnaissance des articles 130-1, 132-1, 132-29 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en tout état de cause, en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit en justifier la nécessité au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en condamnant M. W... U... à la peine de deux ans d'emprisonnement assortis du sursis avec mise à l'épreuve, sans s'expliquer sur sa situation personnelle, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 132-1 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ qu'enfin, le juge qui prononce une peine doit en déterminer la nature, le quantum et le régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en l'espèce, en condamnant M. W... U... à une interdiction définitive d'exercer sa profession de médecin en contact physique avec les patients en ne motivant le prononcé de cette peine complémentaire qu'en référence aux seules circonstances de l'infraction sans tenir compte de sa personnalité ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié ce chef de décision au regard des articles 130-1, 132-1, 132-19, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 132-19 du code pénal :

7. Il résulte de ce texte que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère inadéquat de toute autre sanction. Si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge qui décide de ne pas l'aménager doit, en outre, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce et de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu.

8. Pour condamner le prévenu à la peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, l'arrêt attaqué relève que le casier judiciaire de M. U... ne porte mention d'aucune condamnation, qu'il est divorcé et a deux enfants de 17 et 20 ans issus de cette union. Il retient qu'il vit en concubinage avec sa nouvelle compagne depuis 5 ans.

9. Les juges ajoutent que M. U... exerçait, au moment des faits, la profession de médecin généraliste depuis la fin de ses études en 1995 et percevait dans ce cadre un salaire mensuel moyen de 7 000 euros.

10. Ils exposent les conclusions des experts psychiatre et psychologue désignés dans le cadre de l'information judiciaire.

11. Ils concluent que, compte tenu de la gravité et de la nature des faits, de l'existence de trois victimes ainsi que du positionnement de M. U... quant aux faits tout au long de la procédure, une peine d'emprisonnement comportant une partie ferme apparaît comme étant la seule réponse pénale adaptée.

12. Ils ajoutent que, compte tenu du fait que les infractions ont été commises sur plusieurs patientes, dans le cadre de l'exercice de sa profession, il convient d'interdire à M U... d'exercer celle de médecin généraliste afin de limiter le risque de récidive mais de limiter cette interdiction aux fonctions nécessitant un contact direct avec les patients.

13. En se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la possibilité d'aménagement de la partie ferme de la peine d'emprisonnement prononcée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 4 juin 2019, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux avril deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-84978
Date de la décision : 22/04/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 04 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 avr. 2020, pourvoi n°19-84978


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.84978
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