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31/03/2020 | FRANCE | N°19-81108

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 2020, 19-81108


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° D 19-81.108 F-D

N° 611

SM12
31 MARS 2020

DÉCHÉANCE
CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 MARS 2020

M. J... X... partie civile, et la société Thelem Assurance, partie intervenante ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Basti

a, chambre correctionnelle, en date du 17 octobre 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. Q... P... du chef de blessures inv...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° D 19-81.108 F-D

N° 611

SM12
31 MARS 2020

DÉCHÉANCE
CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 MARS 2020

M. J... X... partie civile, et la société Thelem Assurance, partie intervenante ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 17 octobre 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. Q... P... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Sur le rapport de M. Lavielle, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. J... X..., partie civile, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Commune de Ventiseri, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la CNRACL et de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Thelem, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 29 juin 2012, M. J... X..., alors adjoint technique territorial auprès de la commune de Ventiseri (Haute-Corse) qui roulait à bicyclette pour se rendre à son travail, a été percuté par un véhicule conduit par M. Q... P..., assuré par la société Thélem Assurances.

3. Par jugement en date du 6 février 2015, le tribunal correctionnel a condamné M. P... pour blessures involontaires aggravées et a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour liquidation du préjudice.

4. Suivant jugement en date du 8 août 2016, le tribunal correctionnel a, sur les intérêts civils, fixé le préjudice corporel de M. X... à la somme globale de 1 690 792,13 euros. M. P... a été condamné à lui payer cette somme, outre celle de 595 869,03 euros, montant du capital représentatif au 1er octobre 2015, des pensions et rentes versées à M. X... avec intérêts légaux, à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

5. MM. P... et X... ont relevé appel de ce jugement.

Déchéance du pourvoi formé par la société Thelem Assurance

6. La société Thelem Assurance s'est régulièrement pourvue en cassation contre l'arrêt du 17 octobre 2018. Elle n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son conseil, un mémoire exposant ses moyens de cassation.

7. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen du moyen présenté par M. X...

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne, de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, du principe de la réparation intégrale du préjudice, des articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, des articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale et des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté M.X... de ses demandes tendant à ce que la réparation de son entier préjudice soit fixé à une somme totale supérieure à la somme de 2 251 743, 03 euros et a débouté M. X... de ses demandes tendant à la condamnation de M. P... à lui payer diverses sommes, à titre de dommages et intérêts, en ce que ces sommes excédaient la somme de 1 542 079, 02 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de son prononcé, alors :

« 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé par les juges du fond dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge ; que les recours d'un tiers payeur au titre des frais médicaux et paramédicaux exposés avant la consolidation et au titre des frais médicaux et paramédicaux exposés après consolidation doivent s'exercer respectivement sur le poste « dépenses de santé actuelles » et sur le poste « dépenses de santé futures » ; qu'en énonçant, dès lors, pour débouter M. X... de ses demandes relatives à l'assistance d'une tierce personne pour la période du 15 juin 2013, date de retour à son domicile, au 31 août 2017, que l'indemnité due au titre de l'assistance d'une tierce personne pendant cette période s'élevait à la somme de 42 109, 40 euros et que cette somme avait été intégralement prise en charge par la commune de Ventiseri, quand la commune de Ventiseri exposait elle-même, dans ses conclusions d'appel, que la somme de 42 109, 40 euros qu'elle avait exposée correspondait à des soins infirmiers, et, donc, à des frais médicaux et paramédicaux et quand, en conséquence, cette somme ne pouvait être imputée sur le poste assistance d'une tierce personne, la cour d'appel a violé les stipulations, dispositions et principe susvisés ;

2°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé par les juges du fond dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en retenant, après avoir considéré, en reprenant les conclusions du docteur F..., que l'assistance d'une tierce personne après consolidation dont M. X... avait besoin était de 5 heures par jour tant que les aménagements de son domicile n'étaient pas terminés et de 4 heures 30 par jour quand les aménagements de son domicile seraient achevés et que le taux horaire d'un service prestataire d'aide à domicile s'élevait à la somme de 23 euros, que l'indemnité due à M. X... au titre de l'assistance d'une tierce personne pour la période du 15 juin 2013, date de retour à son domicile, au 31 août 2017, s'élevait à la somme de 42 109, 40 euros, quand l'application du nombre d'heures d'assistance d'une tierce personne dont M. X... avait besoin par jour et du taux horaire d'un service prestataire d'aide à domicile qu'elle retenait conduisait à une indemnité due à M. X... au titre de l'assistance d'une tierce personne pour la période du 15 juin 2013 au 31 août 2017 supérieure à la somme de 42 109, 40 euros, la cour d'appel a violé les stipulations, dispositions et principe susvisés ;

3°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé par les juges du fond dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge ; qu'en déduisant, dès lors, pour limiter la condamnation de M. P... au profit de M. X... au titre de l'assistance d'une tierce personne, des sommes qu'elle a retenues comme dues à M. X... au titre de l'assistance d'une tierce personne pour la période du 15 juin 2013, date de retour à son domicile, au 31 août 2017, pour la période du 1er septembre 2017 au 1er janvier 2018, pour la période du 1er janvier 2018 à la date de son arrêt et pour la période postérieure à son arrêt, la somme globale de 298 659, 13 euros au titre de la créance de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, quand la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales exposait elle-même, dans ses conclusions d'appel et dans la créance qu'elle produisait devant la cour d'appel de Bastia, que, le 14 décembre 2017, le montant des arrérages échus au titre de l'assistance d'une tierce personne s'élevait à la somme de 44 477, 02 euros et celui des arrérages à échoir au titre de l'assistance d'une tierce personne s'élevait à la somme de 254 182, 11 euros et quand, dès lors, la somme de 44 477, 02 euros devait être déduite des sommes dues à M. X... au titre de la période antérieure au 14 décembre 2017 et celle de 254 182, 11 euros devait être déduite des sommes dues à M. X... au titre de la période postérieure au 14 décembre 2017, la cour d'appel a violé les stipulations, dispositions et principe susvisés. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa première branche

10. Pour infirmer partiellement le jugement, l'arrêt attaqué retient au titre de l'indemnisation du poste tierce personne du préjudice patrimonial qu'il sera fait droit à une indemnisation sur la base d'un service prestataire d'aide à domicile de cinq heures par jour tant que les aménagements du domicile ne sont pas terminés et ultérieurement de 4 h 30 par jour, au taux horaire de 23 euros.

11. En se prononçant ainsi, la cour a souverainement apprécié que ces prestations ne correspondaient pas à des frais médicaux mais à l'assistance d'une tierce personne.

12. Dès lors ce grief doit être écarté.

Mais sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branche

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

13. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

14. Pour fixer le montant de l'indemnisation due au titre du poste tierce personne du préjudice patrimonial, l'arrêt énonce qu'il y a lieu d'évaluer comme suit les indemnités due au titre de la tierce personne :

Du 15 juin 2013 (date de retour au domicile) jusqu'au 31 août 2017 : 42 109,40 euros, intégralement pris en charge par la commune de Ventiseri.
Du 1er septembre 2017 au 1er janvier 2018 : 4 h 30 x 23 euros x 122 jours = 12 627 euros.
A compter du 1er janvier 2018 jusqu'à l'arrêt à intervenir : 4 h 30 x 23 euros x 290 jours = 30 015 euros.

La capitalisation, sur la base de l'euro de rente à l'âge de M . X..., 53 ans, soit 25,506, s'établit ainsi à la somme de : 37 777,50 euros x 25,506 = 963 552,91 euros.

Soit une somme totale de 12 627 euros + 30 015 euros + 963 552,91 euros = 1 006 194,91 euros (dont il convient de déduire la créance de la CNRACL-CDC à ce titre de 298 659,136), l'indemnité restant due à M . X... étant donc de 707 535,78 euros, le solde revenant aux tiers-payeurs.

15. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. X... qui entendait voir fixer cette somme (pour la période 15 juin 2013 au 24 mai 2014, date de la consolidation) à 48 300 euros, ni à celles de la CNRACL de la voir arrêtée à 44 477,02 euros pour les arrérages échus, la cour a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

16. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par la société Thelem Assurance :

CONSTATE la déchéance du pourvoi ;

Sur le pourvoi formé par M. X... :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé, en date du 17 octobre 2018, mais en ses seules dispositions ayant fixé les sommes dues à M. X... au titre de l'assistance d'une tierce personne et au recours des tiers payeurs de ce chef, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-81108
Date de la décision : 31/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 17 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 2020, pourvoi n°19-81108


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.81108
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