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25/03/2020 | FRANCE | N°19-81799

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 mars 2020, 19-81799


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° E 19-81.799 F-D

N° 386

SM12
25 MARS 2020

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 MARS 2020

M. M... H... a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises du Gard, en date du 25 janvier 2019, qui, pour meurtre, l'a condamné à trente ans de récl

usion criminelle, et contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° E 19-81.799 F-D

N° 386

SM12
25 MARS 2020

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 MARS 2020

M. M... H... a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises du Gard, en date du 25 janvier 2019, qui, pour meurtre, l'a condamné à trente ans de réclusion criminelle, et contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. de Larosière de Champfeu, conseiller, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de M. M... H..., et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. J... V... a été tué d'une blessure par arme blanche, le 28 décembre 2013.

3. Par ordonnance du 9 novembre 2016, le juge d'instruction d'Avignon a ordonné la mise en accusation de M. H... devant la cour d'assises de Vaucluse pour le meurtre de J... V....

4. Par arrêt du 29 septembre 2017, la cour d'assises de Vaucluse a déclaré M. H... coupable de meurtre et l'a condamné à trente ans de réclusion criminelle. Par arrêt du 30 septembre 2017, la cour a prononcé sur les intérêts civils.

5. Ces décisions ont été frappées d'appel, à titre principal, par l'accusé, à titre incident par le ministère public et les parties civiles.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par l'accusé

6. M. H... ayant épuisé son droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt pénal par la déclaration de pourvoi faite en son nom, par son avocat, le 28 janvier 2019, le pourvoi qu'il a formé, le 30 janvier 2019, contre l'arrêt pénal et l'arrêt civil, par une déclaration faite au chef de l'établissement pénitentiaire où il est détenu, n'est pas recevable en tant que cette déclaration vise l'arrêt pénal.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. H... coupable d'avoir volontairement exercé des violences sur la personne de J... V... avec ces circonstances que ces violences ont entraîné la mort de celui-ci et que l'accusé avait l'intention de lui donner la mort, alors :

« 1°/ que devant la cour d'assises le débat doit être oral ; que la feuille de motivation énonce les principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises et qui ont été exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury préalablement aux votes sur les questions ; que la feuille de motivation peut se référer aux déclarations faites au cours de l'enquête ou de l'instruction par un témoin acquis aux débats soit lorsque celui-ci a été entendu oralement à l'audience de la cour d'assises soit lorsque, ce témoin étant défaillant, ses déclarations ont été lues à l'audience par le président, comme doit le constater le procès-verbal des débats ou, à défaut, la feuille de motivation elle-même ; qu'en visant dans la feuille de motivation parmi les éléments à charge ayant convaincu la cour et le jury de la culpabilité de M. H... le témoignage de Mme P... Y... ayant rapporté les déclarations de l'accusé recueillies immédiatement après les faits au sujet d'un coup de couteau porté à la gorge de J... V..., lorsqu'il ressort du procès-verbal des débats (p. 8) que Mme P... Y..., témoin acquis aux débats, n'a pas été entendue oralement à l'audience de la cour d'assises, le président ayant déclaré qu'il serait passé outre à son audition, et lorsqu'il ne résulte ni du procès-verbal des débats ni de la feuille de motivation que le témoignage de Mme Y... au cours de l'instruction a été lu à l'audience de la cour d'assises par le président, la cour d'assises a violé le principe de l'oralité des débats et les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 347 et 591 du code de procédure pénale ;

2°/ que devant la cour d'assises le débat doit être contradictoire ; qu'en visant dans la feuille de motivation parmi les éléments à charge ayant convaincu la cour et le jury de la culpabilité de M. H... le témoignage de Mme P... Y... ayant rapporté les déclarations de l'accusé recueillies immédiatement après les faits au sujet d'un coup de couteau porté à la gorge de J... V..., lorsqu'il ne ressort ni des énonciations du procès-verbal des débats ni de celles de la feuille de motivation que les déclarations faites au cours de l'information par Mme P... Y..., témoin acquis aux débats non entendu devant la cour d'assises à raison de sa défaillance, aient pu faire l'objet d'un débat contradictoire devant cette juridiction, la cour d'assises a violé le principe susvisé et les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 591 du code de procédure pénale ;

3°/ que le doute doit profiter à l'accusé ; que la feuille de motivation ne saurait à ce titre faire état d'éléments purement dubitatifs voire imaginaires ; qu'en se fondant dans sa feuille de motivation sur les témoignages de Mme Y..., tante de l'accusé, et de Mme E... C..., soeur de l'accusé et petite amie de la victime, et en affirmant que le coup aurait été porté avec une arme « extraite d'un véhicule à dessein » pour retenir que l'accusé avait délibérément porté un coup de couteau à la victime lorsque la compagne de l'accusé, Mme N... Q..., a infirmé les dires de Mme Y..., l'accusé ayant seulement fait état d'un « accident » lors de la conversation intervenue entre Mme Y..., Mme Q... et l'accusé le lendemain des faits (ordonnance de mise en accusation p. 9), que les déclarations de Mme E... C... établissaient uniquement l'hostilité de M. H... à la relation qu'elle entretenait avec la victime et lorsqu'enfin, aucune arme n'a jamais été retrouvée ni sur les lieux de l'agression (ordonnance de mise en accusation p. 4) ni au domicile de l'accusé ni à celui de sa mère (ordonnance de mise en accusation p. 7) et qu'aucun témoin n'a jamais vu M. H..., qui a reconnu s'être battu avec la victime mais jamais avoir porté un coup de couteau à celle-ci, ni sortir une arme de son véhicule ni porter un coup de couteau à la victime, la cour d'assises n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 221-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur les deux premières branches du moyen

8. Il résulte du procès-verbal des débats que Mme Y... n'a pas comparu devant la cour d'assises, devant laquelle elle était citée comme témoin, et qu'il a été passé outre à son audition, en l'absence d'opposition des parties. Il n'est pas fait référence, par le procès-verbal des débats, à une lecture, à l'audience de la cour d'assises, d'un procès-verbal de son audition, reçue lors de l'enquête ou de l'instruction.

9. Malgré l'absence de toute référence au témoignage de Mme Y... au procès-verbal des débats, il résulte des énonciations de la feuille de motivation que, parmi les éléments ayant convaincu la cour d'assises statuant en appel de la culpabilité de M. H... et ayant été discutés lors des débats, figure la déposition de ce témoin.

10. En conséquence, il apparaît que les griefs manquent en fait, aucune atteinte n'ayant été portée aux principes de l'oralité des débats et de leur caractère contradictoire.

Sur la troisième branche du moyen

11. La feuille de motivation indique que, pour déclarer l'accusé coupable, la cour d'assises s'est fondée sur ses déclarations antérieures à l'audience de la cour d'assises statuant en appel et sur deux témoignages qu'elle cite.

12. En l'état de ces énonciations qui caractérisent les principaux éléments à charge qui ont l'ont convaincue de la culpabilité de l'accusé, la cour d'assises a justifié sa décision.

13. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur les deuxième et troisième moyens

Enoncé des moyens

14. Le deuxième moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. H... à une peine de trente années de réclusion criminelle, alors que le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu'à la majorité de huit voix lorsque la cour d'assises statue en appel ; que la mention de cette majorité doit figurer sur la feuille des questions ; qu'après avoir déclaré M. H... coupable de meurtre sur la personne de J... V..., la cour d'assises l'a condamné à trente ans de réclusion criminelle ; qu'en l'espèce la feuille des questions se borne à énoncer que la cour et le jury ont délibéré dans les conditions prévues par l'article 362 du code de procédure pénale et voté à la majorité requise par ce texte ; que cette seule référence à l'article 362 du code précité ne permet pas à la Cour de cassation de contrôler si la cour et le jury ont statué à la majorité absolue des votants ou, comme il leur appartenait de le faire en l'espèce, en raison de la peine prononcée, à la majorité qualifiée de huit voix au moins ; qu'en statuant ainsi, la cour d'assises n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 221-1 du code pénal, 362, 593 du code de procédure pénale.

15. Le troisième moyen fait grief à l'arrêt civil attaqué d'avoir reçu les constitutions des parties civiles, déclaré l'exposant entièrement responsable de leurs préjudices et condamné celui-ci à verser à Mme T... U... la somme de 40 000 euros, Mlle S... E... C... la somme de 20 000 euros, MM. R... et I... V... la somme de 25 000 euros, Mme D... U... la somme de 10 000 euros, Mme B... V..., M. X... V... et Mme K... U... la somme de 7 000 euros chacun, alors que la cassation de l'arrêt pénal entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt civil qui se trouvera alors dépourvu de toute base légale au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 221-1 du code pénal, 1240 du code civil, 2, 3, 371, 375, 591 et 593 du code de procédure pénale.

Réponse de la Cour

16. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 221-1 du code pénal et 362 du code de procédure pénale ;

17. Selon le premier de ces textes, le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle.

18. Selon le second, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé, par la cour d'assises statuant en appel, qu'à la majorité de huit voix au moins.

19. Cette majorité doit figurer sur la feuille de questions, afin que la Cour de cassation puisse exercer son contrôle sur la régularité de la décision.

20. Après avoir déclaré M. H... coupable de meurtre, la cour d'assises, statuant en appel, l'a condamné à trente ans de réclusion criminelle, soit le maximum de la peine privative de liberté prévue par la loi.

21. La feuille de questions se borne à énoncer que la cour et le jury ont délibéré sans désemparer sur l'application de la peine et voté ensemble conformément aux articles 362, 363 et 367 du code de procédure pénale dont toutes les prescriptions ont été observées et en application des articles 221-1, 221-8, 221-9, 221-9-1 et 221-11 du code pénal, la peine ayant été prononcée à la majorité prévue par ces textes.

22. Mais la seule citation des textes dont il a été fait application et l'indication que leurs prescriptions ont été observées ne permet pas à la Cour de cassation de s'assurer que la cour et le jury ont statué sur la peine à la majorité de huit voix au moins, comme il leur appartenait de le faire en prononçant le maximum de la peine privative de liberté encourue.

23. Il en résulte que la cassation est encourue. Elle sera limitée aux dispositions de l'arrêt concernant la peine prononcée, et interviendra avec renvoi à cet égard.

24. La cassation ne s'étendra pas aux dispositions de l'arrêt civil, qui trouvent leur fondement dans la déclaration de culpabilité, laquelle n'est pas remise en cause par la cassation prononcée.

25. Ainsi, le troisième moyen de cassation, qui se borne à réclamer la cassation de l'arrêt civil, par voie de conséquence de la cassation de l'arrêt pénal, ne peut être admis.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par M. H... contre l'arrêt pénal :

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

Sur le pourvoi formé par son avocat, le 28 janvier 2019, contre l'arrêt pénal, et sur le pourvoi formé par l'accusé contre l'arrêt civil :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises du Gard, en date du 25 janvier 2019, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, les dispositions de l'arrêt pénal concernant la culpabilité et toutes les dispositions de l'arrêt civil étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, sur la peine devant être appliquée à l'accusé,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de l'Hérault, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Gard et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq mars deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-81799
Date de la décision : 25/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'assises du Gard, 25 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 mar. 2020, pourvoi n°19-81799


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.81799
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