LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 mars 2020
Rejet
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 342 F-D
Pourvoi n° A 18-25.096
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MARS 2020
La société Allergan France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 18-25.096 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. R... Q..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Allergan France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Q..., après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, M. Liffran, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 20 septembre 2018), M. Q... a été engagé le 16 août 2000 par la société Allergan France (la société) en qualité de visiteur médical.
2. Le 1er janvier 2011, le salarié est devenu responsable régional hospitalier, son secteur commercial comprenait les départements 22, 29, 35, 44, 49, 50, 53 et 56.
3. La société a modifié à plusieurs reprises le secteur géographique du salarié qui a été limité aux départements 22, 29, 35, 44, 49, 56, puis fixé, le 22 juin 2015, aux départements 44, 49, 53 et 72.
4. Le salarié a refusé cette dernière modification de secteur géographique considérant que celle-ci constituait une modification de son contrat de travail.
5. Il a été licencié le 21 août 2015, pour refus de modification de son secteur géographique constituant un manquement à ses obligations contractuelles empêchant de maintenir le contrat de travail.
6. Le 22 octobre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement.
Examen des moyens
Sur les troisième et quatrième moyens
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer des sommes au titre de la privation de son droit à indemnisation pendant la période de reclassement, au titre de la privation de son droit à indemnité spéciale de licenciement, au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'indemnité pour privation de son droit à formation longue, alors :
« 1°/ qu'est valable la clause de mobilité qui définit initialement les départements auxquels le salarié est affecté et réserve à l'employeur la possibilité de l'affecter dans d'autres départements du territoire français ; qu'en l'espèce, l'article 3 de l'avenant du 22 décembre 2010 à effet au 1er janvier 2011 au contrat de travail conclu entre la société Allergan France et le salarié stipulait que ce dernier exercerait sa fonction dans les départements 22, 29, 35, 44, 49, 50, 53, 56 et précisait que cette affectation commerciale pouvait entre modifiée en fonction des nécessités de l'organisation ou des résultats enregistrés ; qu'en affirmant que si cette clause n'était pas irrégulière en ce qu'elle définissait précisément une zone géographique de mobilité, elle devait néanmoins être déclarée réputée non écrite en ce qu'elle réservait à l'employeur une possibilité de modifier unilatéralement le lieu d'activité du salarié, sans limitation géographique, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code du travail, alors applicable, ensemble l'article 3 de l'avenant du 22 décembre 2010 ;
2°/ qu'en application de l'article 31, 2°, b) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, constitue une modification du contrat de travail le changement de secteur géographique entraînant une modification de plus du tiers des professionnels de santé à rencontrer tels que répartis géographiquement selon les règles en vigueur dans l'entreprise sur le secteur antérieur ; que pour déterminer si la modification du secteur géographique d'un salarié constitue une modification de son contrat de travail, il y a lieu de déterminer la proportion conservée de professionnels de santé à rencontrer de l'ancien secteur sur le nouveau, afin d'en déduire la proportion de la modification envisagée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ancien secteur géographique de M. Q... comprenait cent dix-huit professionnels de santé, que son nouveau secteur impliquait la suppression de soixante-cinq professionnels de santé et l'adjonction de dix-huit nouveaux, c'est dire qu'il restait (118 – 65) cinquante-trois professionnels de santé de l'ancien secteur sur les (118 – 65 + 18) soixante et onze du nouveau secteur, soit un taux de (53/71x100) 74,65 %, de sorte que le changement sectoriel qui impliquait un taux de modification de (100-74,65) 25,35 % ne constituait qu'un simple changement des conditions de travail ; qu'en disant que le taux de 55,08 %, obtenu en divisant le nombre de professionnels non conservés sur le nouveau secteur par le nombre total de professionnels de l'ancien secteur (65/118) reflétait effectivement la proportion modifiée du secteur, pour en conclure que le changement de secteur constituait une modification du contrat de travail du salarié, la cour d'appel a violé l'article 31, 2°, b) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique et l'article L. 1235-1 du code du travail, alors applicable. »
Réponse de la Cour
9. D'une part, le moyen ne tend, en sa première branche, qu'à remettre en cause l'interprétation par la cour d'appel de la clause de mobilité figurant au contrat de travail.
10. D'autre part, selon l'article 31, 2°, de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, dans sa rédaction applicable au litige, constitue une modification essentielle du contrat de travail des salariés exerçant un métier de la promotion le changement de secteur géographique entraînant une modification de plus du tiers des professionnels de santé à rencontrer tels que répartis géographiquement selon les règles en vigueur dans l'entreprise sur le secteur antérieur.
11. La cour d'appel, qui a constaté que seuls cinquante trois des cent dix huit professionnels de santé à rencontrer faisant partie de l'ancien secteur du salarié avaient été conservés dans son nouveau secteur, en a exactement déduit l'existence d'une modification de plus du tiers des professionnels de santé à rencontrer, au sens de ce texte.
12. Il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
13. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes au titre de la privation de son droit à indemnisation pendant la période de reclassement, au titre de la privation de son droit à indemnité spéciale de licenciement, au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'indemnité pour privation de son droit à formation longue, alors « que seuls doivent être intégrés dans la base de calcul du salaire moyen, les éléments de rémunération correspondant à la période de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que les primes sur objectifs du 2e trimestre 2014 (3 910 euros) et du 1er semestre 2014 (19 159 euros) ne se rattachaient pas à la période d'août 2014 à juillet 2015 et n'avaient pas à être prises en compte dans le calcul du salaire moyen des douze derniers mois, de sorte que le salaire moyen mensuel du salarié n'était pas de 9 002 euros mais de 7 351,13 euros ; qu'en fixant le salaire moyen mensuel du salarié à la somme de 9 002 euros, pour lui allouer les sommes de 228 879,17 euros au titre de la privation du droit à indemnité spéciale de licenciement et de 54 052 euros au titre de la privation du droit à indemnisation, sans à aucun moment s'expliquer sur le fait que certaines primes versées en août 2014 ne correspondaient pas aux douze derniers mois précédant le licenciement de M. Q..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1234-4 du code du travail alors applicable, et de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
14. Il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt que les primes litigieuses auraient été intégrées dans l'assiette de calcul du salaire mensuel moyen du salarié. Le moyen qui ne tend, sous le couvert d'un défaut de base légale, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait soumis à son appréciation, n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Allergan France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile rejette la demande formée par la société Allergan France et la condamne à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Allergan France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Allergan France à payer à M. Q..., la somme de 70 000 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre de l'indemnité pour privation de son droit à formation longue, d'AVOIR confirmé pour le surplus le jugement entrepris, notamment en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. Q..., sans cause réelle et sérieuse et condamné la SAS Allergan France à payer à M. Q... les sommes de 54 052 € au titre de la privation de son droit à indemnisation pendant la période de reclassement, de 228 879,17 € au titre de la privation de son droit à indemnité spéciale de licenciement, de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, d'AVOIR, statuant à nouveau, condamné la société SAS Allergan France à payer à M. Q..., les sommes de 90 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 6 000 € au titre de l'indemnité pour privation de son droit à formation longue, d'AVOIR dit que ces sommes porteraient intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la décision du conseil de prud'hommes en date du 2 novembre 2016 pour les créances indemnitaires, d'AVOIR débouté la société SAS Allergan France de sa demande reconventionnelle au titre de l'obligation d'exclusivité, d'AVOIR débouté les parties du surplus de leurs demandes, d'AVOIR condamné la société SAS Allergan France à payer à M. Q..., la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société SAS Allergan France aux entiers dépens d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « I) Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif personnel
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement et à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou à l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La société fait valoir que le licenciement de Monsieur Q... est justifié car il a expressément refusé d'organiser des visites sur les nouveaux départements qui lui avaient été attribués par courrier en date du 22 juin 2015.
Le salarié soutient que le nouveau secteur géographique modifiait son contrat et que malgré ses demandes effectuées par courrier, la société ne s'est jamais expliquée avant le licenciement, sur ses calculs l'amenant à considérer qu'il n'y avait pas de modification du contrat de travail.
En l'espèce, la lettre de licenciement datée du 21 août 2015 indique :
'Passé le délai légal de réflexion, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement, et ce, pour les motifs abordés lors de l'entretien susvisé, et repris ci-après.
Salarié de la société Allergan depuis le 16 août 2000, vous occupez actuellement la fonction de responsable régional hospitalier rétine pour la division ophtalmologie d'allergan France.
A ce titre, vous avez la mission de développer sur ce secteur les ventes de nos produits auprès des prescripteurs par l'information thérapeutique en ville et à l'hôpital. Vous êtes rattaché au directeur de zone Grand Ouest de la division ophtalmologie d'Allergan France.
La société intervenant dans un secteur hautement concurrentiel il est fréquent que nous ayons à redéfinir les secteurs d'intervention de nos collaborateurs chargés de la promotion de nos produits.
Vous avez été ainsi informé, par courrier du 23 juin 2015 de la modification des limites géographiques de secteur.
Votre secteur comprenait alors les départements 22-29-35-44-49-56 et nous vous informions que votre nouveau secteur serait composé des départements 44-49-53-72.
Par lettre recommandée reçue par nos services le 25 juin 2015, vous nous avez fait part de votre refus de ce nouveau secteur car selon vous, ce changement impliquait, au regard de l'article 31 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, 'une modification de plus du tiers des professionnels de santé à rencontrer et constituait donc une modification de votre contrat de travail.'
Vous nous indiquiez alors refuser notre proposition et souhaiter intégrer le PSE Endurance 1 et bénéficier des mesures d'accompagnement qui sont prévues.
Au vu de votre refus qui n'a pas manqué de nous surprendre, en raison du caractère erroné de votre raisonnement, nous avons souhaité vous laisser le temps d'éventuellement revenir sur votre décision.
Ainsi, par courrier RAR du 26 juin 2016, nous vous avons confirmé la modification de votre secteur, tout en différant à titre exceptionnel la date de prise d'effet de votre nouvelle sectorisation au 7 juillet 2015, et ce afin de vous permettre de reconsidérer votre position.
Or, malheureusement, tel n'a pas été le cas.
Par courrier du 21 juillet 2015, constatant que vous n'effectuiez aucune visite sur vos nouveaux départements (53 et72) nous avons été contraint de vous mettre en demeure d'organiser des visites sur ces départements et de gérer votre nouveau secteur de façon normale et dans sa globalité.
Cette mise en demeure n'a pas été suivie d'effet et vous nous avez confirmé par l'intermédiaire de votre conseil que vous refusiez votre nouvelle sectorisation.
Or, comme nous vous l'avons expliqué, ce refus est parfaitement abusif dans la mesure où cette nouvelle sectorisation ne constitue pas une modification de votre contrat de travail au sens de l'article 31 de notre convention collective. En effet contrairement à ce que vous affirmez, il n'y a pas de modification de plus du tiers de professionnels de santé à rencontrer puisque cette nouvelle sectorisation implique le maintien de 73 % des professionnels de santé que vous avez à rencontrer.
Les observations que vous avez formulé à l'occasion de l'entretien du 18 août susvisé ne s'avèrent pas recevables et ne nous permettent pas de modifier notre appréciation de la situation.
En conséquence, votre refus réitéré d'appliquer votre nouvelle sectorisation constitue un manquement à vos obligations contractuelles et nous place dans l'impossibilité de maintenir votre contrat de travail.
Nous sommes donc contraints de vous notifier par la présente votre licenciement.
La date de première présentation de ce courrier fixera le point de départ du préavis conventionnel de trois mois dont nous vous dispensons de l'exécution et qui vous sera payé aux échéances habituelles de paie.'
Il convient d'analyser dans un premier temps la validité de la clause de mobilité avant d'analyser la nature contractuelle ou non de la réduction du secteur géographique.
A- Sur la nullité de la clause de mobilité du contrat de travail
En droit, la clause de mobilité insérée au contrat de travail doit être parfaitement délimitée pour être valable, sans que l'employeur puisse en étendre unilatéralement la portée.
Le salarié soutient que la clause de mobilité insérée au contrat de travail ne prévoit aucune limitation géographique et par conséquent, ne peut lui être opposable.
L'employeur fait valoir que la clause de mobilité est parfaitement définie, puisque les départements dans lesquels le salarié exerçait son activité sont limitativement énumérés.
Le contrat de travail du salarié prévoit en son article 6 une clause de mobilité modifiée par avenant du 1er janvier 2011, ainsi rédigée:
'M. R... Q... est engagé initialement pour travailler sur le secteur couvrant les départements suivants 22, 29, 35, 44, 49, 50, 53, 56.
Il est toutefois convenu que cette affectation commerciale pourra être modifiée en fonction notamment des nécessités de l'organisation convenue ou des résultats enregistrés sans que cela constitue une modification de son contrat de travail.
Le refus d'accepter la modification de votre secteur constituerait une inexécution fautive du contrat.'
Le premier alinéa définit de façon précise la zone géographique d'application de la clause.
Néanmoins, le deuxième alinéa donne la faculté à l'employeur de la modifier unilatéralement, et ce, sans aucune limitation géographique.
Cette clause ne répond donc pas aux critères de précision requis, dans ses alinéas 2 et 3, qui doivent être réputés non écrits.
En conséquence, il y a lieu de circonscrire la mobilité du salarié au secteur géographique, tel que défini par la convention collective, en son article 31.
B- Sur le caractère contractuel ou non de la réduction du secteur géographique
En droit, il convient de distinguer la modification du contrat de travail, du simple changement des conditions de travail.
En procédant à un changement des conditions de travail, l'employeur ne fait qu'exercer son pouvoir de direction. Le salarié doit donc se soumettre. S'il ne le fait pas, il commet une faute pouvant entraîner son licenciement.
A l'inverse, lorsque les parties ont fait d'un élément déterminé une condition de leur engagement en le contractualisant, la modification de cet élément ne peut intervenir que d'un commun accord. La modification du contrat de travail ne pouvant être unilatérale, l'employeur qui souhaite modifier un élément substantiel du contrat de travail, doit donc en faire la proposition au salarié.
Lorsque le salarié refuse la modification, l'employeur doit, soit renoncer à la modification envisagée, soit engager la procédure de licenciement, pour le motif qui l'a incité à modifier le contrat du salarié.
Le salarié ne peut être tenu d'exécuter le contrat de travail aux conditions unilatéralement modifiées par l'employeur.
En l'espèce, la société soutient qu'il n'y a pas eu de modification de plus du tiers des professionnels de santé à rencontrer car le calcul doit se référer aux professionnels de santé du nouveau secteur et non de l'ancien secteur et que l'email de l'inspectrice du travail, le 2 février 2015, n'est pas probant et ne vaut qu'avis.
Le salarié soutient à l'inverse, en se fondant sur l'inspection du travail, les organisations syndicales de salariés et la jurisprudence qui adoptent ce raisonnement, que le calcul doit se baser en rapports au nombre de professionnels de l'ancien secteur.
L'employeur a imposé la réduction de son secteur au salarié, le 22 juin 2015, par lettre recommandée, en divisant par deux le nombre de ses départements tout en rajoutant ceux de la Sarthe et de la Mayenne.
Par courrier du 24 juin 2015, le salarié faisait valoir son refus sur le fondement de l'article 31 de la convention collective de l'industrie pharmaceutique, car cette réduction modifiait son contrat de travail.
Cet article stipule 'qu'en ce qui concerne le secteur géographique, constitue une modification essentielle du contrat de travail des salariés exerçant un métier de la promotion dans les conditions fixées à l'article 1er de l'avenant 2 de la présente convention collective le changement de secteur géographique entraînant une modification de plus du tiers des professionnels de santé à rencontrer tels que répartis géographiquement selon les règles en vigueur dans l'entreprise sur le secteur antérieur ;'
Il ressort de cet article qu'en cas de suppression de plus d'un tiers des professionnels à rencontrer, il y a lieu de modifier le contrat de travail.
L'inspectrice du travail, Mme V... J... écrivait le 2 février 2015 à la société un courriel ainsi rédigé:
'La Convention ne précise pas le terme de modification, mais elle n'y apporte pas de restriction.
Or, une modification peut-être constituée par un ajout, une suppression ou une substitution.
aussi, en l'absence de précision, le paragraphe précité de la Convention peut s'entendre aussi bien de l'ajout de professionnels de santé, de leur substitution par de nouveaux professionnels ou de la suppression des professionnels de santé par rapport à l'ancien secteur.
Par ailleurs, la convention ne précise pas que la modification de plus d'un tiers des professionnels du secteur antérieur doit porter sur la partie de l'ancien secteur conservée par le salarié dans sa nouvelle sectorisation.
A défaut de précision dans ce sens, ou d'exclusion, l'article de la convention doit être entendu dans un sens large. Ainsi la modification de plus d'un tiers des professionnels du secteur antérieur porte sur une comparaison entre le secteur antérieur dans sa totalité et le nouveau secteur.'
Le nouveau secteur comprend 71 professionnels, tandis que l'ancien en comprend 118.
Ces chiffres ne sont pas contestés par l'employeur.
Il s'avère que sur les 71 professionnels du nouveau secteur, tous ne faisaient pas partie de l'ancien. Parmi eux, 18 nouveaux professionnels font en effet partie des nouveaux départements de la Mayenne (53) et de la Sarthe (72) imposés au salarié.
Cela a pour conséquence d'aggraver la modification, puisque la substitution qui s'opère au sein de ces 71 professionnels doit être considérée, selon l'inspectrice du travail, comme une modification au sens de l'article 31 de la convention collective.
Au final, seuls 53 professionnels sont donc conservés sur le nouveau secteur par rapport à l'ancien (71-18). Ce chiffre est étayé par le salarié grâce à sa pièce n°24.
L'employeur avance, sans le justifier le nombre 52. Il y a donc lieu de se baser sur le nombre de 53 professionnels conservés et 65 non conservés.
A partir de ce point, les calculs des parties divergent.
L'employeur calcule 'un taux de conservation' en divisant le nombre de professionnels conservés par le nombre de professionnels du nouveau secteur, soit 53/71*100 = 74,6%.
Puis il prend la proportion inverse pour obtenir le taux de modification, soit 100-74,6=25,4%.
Ce calcul ne donne comme information que le taux des anciens professionnels conservés, sur le nouveau secteur à un instant T et non le taux représentant l'évolution entre l'ancien et le nouveau secteur.
L'employeur explique ce raisonnement en se basant sur une note de l'organisation patronale 'Les Entreprises du Médicament', produite dans le cadre d'un litige avec les organisations syndicales devant la commission nationale interprétation, à propos de l'article 31 dont il est question dans le présent arrêt.
En définitive, ces taux ne reflètent pas l'évolution entre l'ancien et le nouveau secteur, a contrario de celui fourni par le salarié et retenu par l'inspection du travail, seul de nature à permettre une véritable comparaison de l'évolution des secteurs.
Celui-ci divise le nombre de professionnels non conservés sur le nouveau secteur par le nombre total de professionnels de l'ancien secteur, ce qui revient au calcul suivant: 65/118 = 55,08 %.
Ce taux reflète effectivement la proportion modifiée du secteur : 55,08% des professionnels de l'ancien secteur ne sont pas susceptibles d'être visités sur le nouveau.
Le taux est en l'espèce supérieur à celui indiqué par la convention collective de 33,33 % (un tiers) et implique dès lors une modification du contrat de travail.
S'agissant d'une modification de contrat refusée par le salarié, l'employeur n'avait que le choix de continuer la relation de travail sur la base de l'ancien secteur ou de licencier le salarié pour une cause réelle et sérieuse qui ne pouvait en aucun cas être le seul refus de la modification.
Or l'employeur a licencié le salarié en notifiant comme motif : 'votre refus réitéré d'appliquer votre nouvelle sectorisation' et 'un manquement à vos obligations contractuelles', soit une qualification personnelle disciplinaire ayant pour seul motif le refus de la modification du contrat de travail.
Il y a donc lieu de déclarer le licenciement de M. R... Q... comme étant sans cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « 1. Sur le caractère réel et sérieux du licenciement
M. Q... a été licencié pour le motif suivant :
« En conséquence, votre refus réitéré d'appliquer votre nouvelle sectorisation constitue un manquement grave à vos obligations contractuelles et nous place dans l'impossibilité de maintenir votre contrat de travail ».
La société Allergan France soutient que, M. Q..., étant soumis à une clause contractuelle de modification de secteur (article 3 du contrat de travail), il n'y a pas modification de son contrat de travail. Il n'y a donc pas nécessité de requérir son avis.
La clause mentionnée est rédigée ainsi :
« Article 3 – Secteur/mobilité
M. Q... est engagé initialement pour travailler sur le secteur couvrant les départements suivants : 22, 29, 35, 44, 49, 50, 53, 56.
Il est toutefois convenu que cette affectation commerciale pourra être modifiée en fonction notamment des nécessités de l'organisation convenue ou des résultats enregistrés sans que cela constitue une modification de sn contrat de travail.
Le refus de M. R... Q... d'accepter la modification de son secteur constituerait une inexécution fautive de son contrat. »
Selon l'article L. 2254-1 du code du travail, lorsque l'employeur est lié par les clauses d'un accord collectif de travail, elles s'appliquent aux contrats de travail conclu avec lui, sauf dispositions plus favorables.
Or, dans le cas présent, la convention collective de l'industrie pharmaceutique prévoit dans son article 31, 2, b) :
« Modification du contrat
a) (
)
b) En ce qui concerne le secteur géographique, constitue une modification essentielle du contrat de travail des salariés exerçant un métier de la promotion dans les conditions fixées à l'article 1er de l'avenant II de la présente convention collective, le changement de secteur géographique suivant :
- une modification du plus du tiers des professionnels de santé à rencontrés tels que réparties géographiquement selon les règles en vigueur dans l'entreprise sur le secteur antérieur ;
»
Il s'agit donc d'examiner comment cet article s'applique à la situation de M. Q... :
Au regard des pièces apportées par le demandeur, il ressort que le nombre de professionnels de santé rencontrés dans son ancien secteur étaient de 118, et ceux de son nouveau secteur de 71, soit une différence de 48. Ces chiffres ne sont pas contestés par l'employeur.
En appliquant la règle de trois suivante ((48x100)/118), la diminution du nombre de médecins à rencontrer s'élève alors à 40 %, soit plus du tiers.
La société s'oppose à ce calcul en prenant comme référence le nombre de professionnels de santé du nouveau secteur ; et non de l'ancien.
Cependant, compte tenu à la fois :
- de l'avis de l'inspectrice du travail :
Ainsi, Mme V... J..., inspectrice du travail chargée du suivi des PSE à Nanterre, par courriel en date du 2 février2015 adressé à Mme I... X..., Présidente des sociétés Allergan France et Allergan Industrie, recommande à la société de comprendre « la modification de plus d'un tiers des professionnels de secteur antérieur par la comparaison entre le secteur antérieur dans sa totalité et le nouveau secteur » ;
- de l'argumentation du demandeur qui démontre que le mode de calcul de la société Allergan France, appliqué par extrapolation à d'autres données, aboutit à des résultats dénués de sens ;
- du fait, enfin, que la convention collective ne précisant pas le champ du secteur modifié (ancien ou nouveau), il est dès lors nécessaire de comprendre l'article de la convention au sens large.
Dès lors, le conseil décide que l'article de la convention collective applicable à M. R... Q... s'applique dans une interprétation large, c'est-à-dire que la modification de plus d'un tiers des professionnels du secteur porte bien sur une comparaison entre le secteur antérieur dans sa totalité et le nouveau secteur.
Par conséquent, la société Allergan France aurait dû recueillir l'accord de M. R... Q... pour effectuer ce changement de secteur. A défaut d'accord du salarié, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Le conseil condamne la société Allergan France à verser 70 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;
1°) ALORS QU'est valable la clause de mobilité qui définit initialement les départements auxquels le salarié est affecté et réserve à l'employeur la possibilité de l'affecter dans d'autres départements du territoire français ; qu'en l'espèce, l'article 3 de l'avenant du 22 décembre 2010 à effet au 1er janvier 2011 au contrat de travail conclu entre la société Allergan France et le salarié stipulait que ce dernier exercerait sa fonction dans les départements 22, 29, 35, 44, 49, 50, 53, 56 et précisait que cette affectation commerciale pouvait entre modifiée en fonction des nécessités de l'organisation ou des résultats enregistrés ; qu'en affirmant que si cette clause n'était pas irrégulière en ce qu'elle définissait précisément une zone géographique de mobilité, elle devait néanmoins être déclarée réputée non écrite en ce qu'elle réservait à l'employeur une possibilité de modifier unilatéralement le lieu d'activité du salarié, sans limitation géographique, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code du travail, alors applicable, ensemble l'article 3 de l'avenant du 22 décembre 2010 ;
2°) ALORS QU'en application de l'article 31, 2°, b) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique, constitue une modification du contrat de travail le changement de secteur géographique entraînant une modification de plus du tiers des professionnels de santé à rencontrer tels que répartis géographiquement selon les règles en vigueur dans l'entreprise sur le secteur antérieur ; que pour déterminer si la modification du secteur géographique d'un salarié constitue une modification de son contrat de travail, il y a lieu de déterminer la proportion conservée de professionnels de santé à rencontrer de l'ancien secteur sur le nouveau, afin d'en déduire la proportion de la modification envisagée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'ancien secteur géographique de M. Q... comprenait 118 professionnels de santé, que son nouveau secteur impliquait la suppression de 65 professionnels de santé et l'adjonction de 18 nouveaux, c'est dire qu'il restait (118 – 65) 53 professionnels de santé de l'ancien secteur sur les (118– 65 + 18) 71 du nouveau secteur, soit un taux de (53/71x100) 74,65 %, de sorte que le changement sectoriel qui impliquait un taux de modification de (100-74,65) 25,35% ne constituait qu'un simple changement des conditions de travail ; qu'en disant que le taux de 55,08%, obtenu en divisant le nombre de professionnels non conservés sur le nouveau secteur par le nombre total de professionnels de l'ancien secteur (65/118) reflétait effectivement la proportion modifiée du secteur, pour en conclure que le changement de secteur constituait une modification du contrat de travail du salarié, la cour d'appel a violé l'article 31, 2°, b) de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique et l'article L. 1235-1 du code du travail, alors applicable.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Allergan France à payer à M. Q..., la somme de 70 000 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre de l'indemnité pour privation de son droit à formation longue, d'AVOIR confirmé pour le surplus le jugement entrepris, notamment en ce qu'il a condamné la SAS Allergan France à payer à M. Q... les sommes de 54 052 € au titre de la privation de son droit à indemnisation pendant la période de reclassement, de 228 879,17 € au titre de la privation de son droit à indemnité spéciale de licenciement, de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, d'AVOIR, statuant à nouveau, condamné la société SAS Allergan France à payer à M. Q..., les sommes de 90 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 6 000 € au titre de l'indemnité pour privation de son droit à formation longue, d'AVOIR fixé le salaire moyen de M. Q... à la somme de 9 002 €, d'AVOIR dit que ces sommes porteraient intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la décision du conseil de prud'hommes en date du 2 novembre 2016 pour les créances indemnitaires, et d'AVOIR condamné la société SAS Allergan France à payer à M. Q..., la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société SAS Allergan France aux entiers dépens d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « III) Sur les indemnités concernant le défaut de mise en oeuvre du PSE
Le salarié soutient que l'employeur a fraudé dans la mise en oeuvre du PSE, car il est écrit dans le chapitre VII, section 4 du plan que les salariés avaient la possibilité de refuser la modification proposée de leur contrat de travail.
De plus, il subirait un préjudice par la privation de son congé de reclassement, de son droit à formation longue et des aides au reclassement externe qui étaient prévus au plan.
Il subirait également un préjudice en ce qu'il n'a pas pu bénéficier de l'indemnité spéciale de licenciement inscrite au plan.
La société pour sa part, fait valoir que le PSE a été régulièrement appliqué à M. Q... comme à tous les autres collaborateurs et que la nouvelle sectorisation appliquée au salarié n'a aucun rapport avec le PSE.
Il ressort de la section 4 de la note transmise au comité d'entreprise concernant le Plan de Sauvegarde de l'Emploi que:
'A l'issue de la phase de départ volontaire, et après application des critères d'ordre des licenciements, la société appliquera des principes de positionnement pour proposer aux salariés relevant de la catégorie professionnelle 'visiteurs médicaux/ responsables régionaux' et 'encadrement et Développement régional des métiers de la promotion' les affectations qui permettront d'atteindre l'organisation cible.'
La note décrit ensuite deux étapes de positionnement avant d'indiquer:
'À l'issue des deux premières étapes, chaque salarié se verra envoyer:[...] un avenant au contrat de travail pour les salariés étant amenés à exercer leur activité sur un domaine thérapeutique différent et/ou sur un secteur dans le changement de sectorisation relève d'une modification substantielle du contrat de travail au regard de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.
Dans ce dernier cas, le salarié aura la possibilité d'accepter ou de refuser son avenant au contrat.
S'il refuse, le salarié, en l'absence d'opportunité de reclassement, pourra faire l'objet d'un licenciement pour motif économique et bénéficier des mesures du PSE.'
Le salarié était donc bien concerné par ce PSE, du fait de sa qualification de responsable régional. Il en avait d'ailleurs fait la demande expresse dans son courrier du 24 juin 2015 et aurait dû bénéficier des avantages y figurant.
En ce qui concerne la privation du droit à formation longue, le salarié fait valoir qu'il a perdu une chance de bénéficier d'un entretien d'évaluation et d'orientation par un conseiller du cabinet d'outplacement, de prestations d'accompagnement et si nécessaire d'un bilan de compétences et d'actions de formation ou de validation des acquis de l'expérience.
Selon l'employeur, M. Q... se prévaut d'un préjudice totalement hypothétique révélé par l'emploi du conditionnel.
Si M. Q... a effectivement retrouvé un emploi en octobre 2015, comme l'ont justement noté les premiers juges dans leur décision, la rémunération brute mensuelle de 2098 € est très en deçà de celle qu'il percevait au sein de la société SAS Allergan (9002 €).
Il y a donc lieu de considérer que le défaut d'application du PSE prévoyant différentes prestations allant de la formation à l'accompagnement a fait perdre une chance au salarié de retrouver un emploi avec une rémunération de même niveau. Le préjudice est caractérisé par la différence de revenu importante entre les deux emplois de M. Q....
En conséquence, l'employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 6 000 € au titre de la privation du droit à formation longue, par voie d'infirmation du jugement.
Sur la privation du droit à indemnisation pendant la période de reclassement Il ressort de l'article 6.1.5 'Rémunération', de la note transmise au comité d'entreprise concernant le Plan de Sauvegarde de l'Emploi que :
'L'indemnisation du salarié est prise en charge durant le congé de reclassement par l'employeur dans les conditions suivantes :
- Pendant la période du congé de reclassement coïncidant avec la durée du préavis : le salarié perçoit la rémunération qui lui est normalement due au titre de cette période, laquelle est soumise à l'ensemble des charges sociales.
- Pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis et dans la limite de 18 mois : le salarié perçoit une allocation dont le montant est fixé à 75 % de sa rémunération brute moyenne perçue au cours des 12 derniers mois précédant la date de notification du licenciement.'
M. Q... ayant perçu son salaire pendant son préavis de trois mois, il aurait donc dû percevoir pendant 15 mois, 75 % de son salaire brut mensuel de 9002 €. Il convient de défalquer le salaire brut mensuel perçu au titre de son nouvel emploi à compter du 5 octobre 2015, à hauteur de 2 098 €.
Le calcul est donc le suivant : 101 272 - 47 220 = 54 052 €
L'employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 54 052 € au titre de la privation du droit à indemnisation pendant la période de reclassement, par voie de confirmation du jugement.
Sur la privation du droit à l'indemnité spéciale de licenciement
Il ressort de l'article 7.1.1 'Indemnité spéciale de licenciement', de la note transmise au comité d'entreprise concernant le Plan de Sauvegarde de l'Emploi que:
Cette indemnité spéciale de licenciement a pour but de compenser le préjudice résultant de la perte d'emploi pour les salariés licenciés en application du présent plan.
Elle est composée de l'addition des deux indemnités suivantes :
- Une indemnité spéciale forfaitaire égale à 8 mois de salaire moyen mensuel brut sans condition d'ancienneté ;
- L'indemnité de licenciement revalorisée dans les conditions suivantes :
les salariés qui n'auront pu être reclassé en interne et qui se verront notifier leur licenciement pour motif économique voient leur indemnité de licenciement conventionnel portée à :
5 dixième de mois par année d'ancienneté pour les salariés justifiant de 1 an à moins de 5 ans d'ancienneté à la date de cessation de leur contrat de travail ;
6 dixième de mois par année d'ancienneté pour les salariés justifiant de 5 ans à moins de 10 ans d'ancienneté à la date de cessation de leur contrat de travail ;
9 dixième de mois par année d'ancienneté pour les salariés justifiant de plus de 10 ans d'ancienneté à la date de cessation de leur contrat de travail.
La date de cessation du contrat de travail est soit le terme du préavis en cas de refus du congé de reclassement, soit la fin du congé de reclassement en cas d'acceptation du congé de reclassement.'
M. Q... ayant été embauché le 16 août 2000, par un contrat qui a cessé le 21 novembre 2015, à l'issue du préavis, son ancienneté est de 15, 25 ans.
Il avait donc droit, dans le cadre du PSE, à la somme de 293 352,67 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.
Cependant, M. Q... a perçu une indemnité conventionnelle lors de son licenciement d'un montant de 64 473,50 €, non cumulable avec cette indemnité spéciale.
Il convient donc de la défalquer.
Par conséquent, l'employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 228 879,17 € au titre de la privation du droit à indemnisation pendant la période de reclassement, par voie de confirmation du jugement
(
) Sur le salaire moyen :
Il convient de fixer le salaire moyen de M.Q... à la somme de 9002 € » ;
ALORS QUE seuls doivent être intégrés dans la base de calcul du salaire moyen, les éléments de rémunération correspondant à la période de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que les primes sur objectifs du 2ème trimestre 2014 (3 910 euros) et du 1er semestre 2014 (19 159 euros) ne se rattachaient pas à la période d'août 2014 à juillet 2015 et n'avaient pas à être prises en compte dans le calcul du salaire moyen des douze derniers mois, de sorte que le salaire moyen mensuel du salarié n'était pas de 9 002 euros mais de 7 351,13 euros (conclusions d'appel de l'exposante p.19 et productions n°7 et 8) ; qu'en fixant le salaire moyen mensuel du salarié à la somme de 9 002 euros, pour lui allouer les sommes de 228 879,17 euros au titre de la privation du droit à indemnité spéciale de licenciement et de 54 052 euros au titre de la privation du droit à indemnisation, sans à aucun moment s'expliquer sur le fait que certaines primes versées en août 2014 ne correspondaient pas aux douze derniers mois précédant le licenciement de M. Q..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1234-4 du code du travail alors applicable, et de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Allergan France à payer à M. Q..., la somme de 70 000 € au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre de l'indemnité pour privation de son droit à formation longue, d'AVOIR confirmé pour le surplus le jugement entrepris, notamment en ce qu'il a condamné la SAS Allergan France à payer à M. Q... les sommes de 54 052 € au titre de la privation de son droit à indemnisation pendant la période de reclassement, de 228 879,17 € au titre de la privation de son droit à indemnité spéciale de licenciement, de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, d'AVOIR, statuant à nouveau, condamné la société SAS Allergan France à payer à M. Q..., les sommes de 90 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 6 000 € au titre de l'indemnité pour privation de son droit à formation longue, d'AVOIR fixé le salaire moyen de M. Q... à la somme de 9 002 €, d'AVOIR dit que ces sommes porteraient intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la décision du conseil de prud'hommes en date du 2 novembre 2016 pour les créances indemnitaires, d'AVOIR débouté la société SAS Allergan France de sa demande reconventionnelle au titre de l'obligation d'exclusivité, d'AVOIR débouté les parties du surplus de leurs demandes, d'AVOIR condamné la société SAS Allergan France à payer à M. Q..., la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société SAS Allergan France aux entiers dépens d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « La SAS Allergan, par conclusions déposées au greffe le 9 mars 2017, régulièrement communiquées et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, (
)
M. Q..., par conclusions déposées au greffe le 15 avril 2017 régulièrement communiquées et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé (
)
II) Sur les conséquences financières du licenciement
Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est alloué au salarié ayant une ancienneté supérieure à deux ans et à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Selon l'employeur, l'indemnité de 162 036 € est totalement injustifiée dans son quantum puisque celui-ci a rapidement retrouvé un emploi en CDI et avait déjà des difficultés financières avant son licenciement.
Au soutien de ses prétentions, le salarié fait valoir qu'il a subi un préjudice important en raison de son licenciement car il disposait d'une ancienneté de plus de 15 ans et bien qu'ayant retrouvé un emploi, ne dispose dorénavant que d'un salaire bien moindre avec une différence d'environ 6000 € par mois, alors qu'il acquitte des échéances de 2600 € par mois pour des emprunts.
Il convient de prendre en compte pour évaluer le préjudice de M. Q... de son ancienneté de 15 ans au sein de l'entreprise, de son salaire avant et après son licenciement et de ses charges: au vu de ces éléments il convient de fixer à 90 000 € les dommages intérêts dus par l'employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, par voie d'infirmation du jugement.
III) Sur les indemnités concernant le défaut de mise en oeuvre du PSE
Le salarié soutient que l'employeur a fraudé dans la mise en oeuvre du PSE, car il est écrit dans le chapitre VII, section 4 du plan que les salariés avaient la possibilité de refuser la modification proposée de leur contrat de travail.
De plus, il subirait un préjudice par la privation de son congé de reclassement, de son droit à formation longue et des aides au reclassement externe qui étaient prévus au plan.
Il subirait également un préjudice en ce qu'il n'a pas pu bénéficier de l'indemnité spéciale de licenciement inscrite au plan.
La société pour sa part, fait valoir que le PSE a été régulièrement appliqué à M. Q... comme à tous les autres collaborateurs et que la nouvelle sectorisation appliquée au salarié n'a aucun rapport avec le PSE.
Il ressort de la section 4 de la note transmise au comité d'entreprise concernant le Plan de Sauvegarde de l'Emploi que:
'A l'issue de la phase de départ volontaire, et après application des critères d'ordre des licenciements, la société appliquera des principes de positionnement pour proposer aux salariés relevant de la catégorie professionnelle 'visiteurs médicaux/ responsables régionaux' et 'encadrement et Développement régional des métiers de la promotion' les affectations qui permettront d'atteindre l'organisation cible.'
La note décrit ensuite deux étapes de positionnement avant d'indiquer:
'À l'issue des deux premières étapes, chaque salarié se verra envoyer:[...] un avenant au contrat de travail pour les salariés étant amenés à exercer leur activité sur un domaine thérapeutique différent et/ou sur un secteur dans le changement de sectorisation relève d'une modification substantielle du contrat de travail au regard de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.
Dans ce dernier cas, le salarié aura la possibilité d'accepter ou de refuser son avenant au contrat.
S'il refuse, le salarié, en l'absence d'opportunité de reclassement, pourra faire l'objet d'un licenciement pour motif économique et bénéficier des mesures du PSE.'
Le salarié était donc bien concerné par ce PSE, du fait de sa qualification de responsable régional. Il en avait d'ailleurs fait la demande expresse dans son courrier du 24 juin 2015 et aurait dû bénéficier des avantages y figurant.
En ce qui concerne la privation du droit à formation longue, le salarié fait valoir qu'il a perdu une chance de bénéficier d'un entretien d'évaluation et d'orientation par un conseiller du cabinet d'outplacement, de prestations d'accompagnement et si nécessaire d'un bilan de compétences et d'actions de formation ou de validation des acquis de l'expérience.
Selon l'employeur, M. Q... se prévaut d'un préjudice totalement hypothétique révélé par l'emploi du conditionnel.
Si M. Q... a effectivement retrouvé un emploi en octobre 2015, comme l'ont justement noté les premiers juges dans leur décision, la rémunération brute mensuelle de 2098 € est très en deçà de celle qu'il percevait au sein de la société SAS Allergan (9002 €).
Il y a donc lieu de considérer que le défaut d'application du PSE prévoyant différentes prestations allant de la formation à l'accompagnement a fait perdre une chance au salarié de retrouver un emploi avec une rémunération de même niveau. Le préjudice est caractérisé par la différence de revenu importante entre les deux emplois de M. Q....
En conséquence, l'employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 6 000 € au titre de la privation du droit à formation longue, par voie d'infirmation du jugement.
Sur la privation du droit à indemnisation pendant la période de reclassement Il ressort de l'article 6.1.5 'Rémunération', de la note transmise au comité d'entreprise concernant le Plan de Sauvegarde de l'Emploi que :
'L'indemnisation du salarié est prise en charge durant le congé de reclassement par l'employeur dans les conditions suivantes :
- Pendant la période du congé de reclassement coïncidant avec la durée du préavis : le salarié perçoit la rémunération qui lui est normalement due au titre de cette période, laquelle est soumise à l'ensemble des charges sociales.
- Pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis et dans la limite de 18 mois : le salarié perçoit une allocation dont le montant est fixé à 75 % de sa rémunération brute moyenne perçue au cours des 12 derniers mois précédant la date de notification du licenciement.'
M. Q... ayant perçu son salaire pendant son préavis de trois mois, il aurait donc dû percevoir pendant 15 mois, 75 % de son salaire brut mensuel de 9002 €. Il convient de défalquer le salaire brut mensuel perçu au titre de son nouvel emploi à compter du 5 octobre 2015, à hauteur de 2 098 €.
Le calcul est donc le suivant : 101 272 - 47 220 = 54 052 €
L'employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 54 052 € au titre de la privation du droit à indemnisation pendant la période de reclassement, par voie de confirmation du jugement.
Sur la privation du droit à l'indemnité spéciale de licenciement
Il ressort de l'article 7.1.1 'Indemnité spéciale de licenciement', de la note transmise au comité d'entreprise concernant le Plan de Sauvegarde de l'Emploi que:
Cette indemnité spéciale de licenciement a pour but de compenser le préjudice résultant de la perte d'emploi pour les salariés licenciés en application du présent plan.
Elle est composée de l'addition des deux indemnités suivantes :
- Une indemnité spéciale forfaitaire égale à 8 mois de salaire moyen mensuel brut sans condition d'ancienneté ;
- L'indemnité de licenciement revalorisée dans les conditions suivantes :
les salariés qui n'auront pu être reclassé en interne et qui se verront notifier leur licenciement pour motif économique voient leur indemnité de licenciement conventionnel portée à :
5 dixième de mois par année d'ancienneté pour les salariés justifiant de 1 an à moins de 5 ans d'ancienneté à la date de cessation de leur contrat de travail ;
6 dixième de mois par année d'ancienneté pour les salariés justifiant de 5 ans à moins de 10 ans d'ancienneté à la date de cessation de leur contrat de travail ;
9 dixième de mois par année d'ancienneté pour les salariés justifiant de plus de 10 ans d'ancienneté à la date de cessation de leur contrat de travail.
La date de cessation du contrat de travail est soit le terme du préavis en cas de refus du congé de reclassement, soit la fin du congé de reclassement en cas d'acceptation du congé de reclassement.'
M. Q... ayant été embauché le 16 août 2000, par un contrat qui a cessé le 21 novembre 2015, à l'issue du préavis, son ancienneté est de 15, 25 ans.
Il avait donc droit, dans le cadre du PSE, à la somme de 293 352,67 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.
Cependant, M. Q... a perçu une indemnité conventionnelle lors de son licenciement d'un montant de 64 473,50 €, non cumulable avec cette indemnité spéciale.
Il convient donc de la défalquer.
Par conséquent, l'employeur sera condamné à verser au salarié la somme de 228 879,17 € au titre de la privation du droit à indemnisation pendant la période de reclassement, par voie de confirmation du jugement.
IV) Sur la demande au titre du préjudice moral distinct
Le salarié soutient que le comportement déloyal de l'employeur lui a causé un préjudice moral distinct, notamment en ce qu'il a toujours refusé de transmettre la moindre information sur sa manière d'interpréter l'article 31 de la convention collective applicable.
L'employeur fait valoir que le licenciement n'a été suivi d'aucune condition vexatoire desquelles le salarié pourrait se prévaloir.
Or, d'une part, le fait de ne pas avoir reçu application du PSE ne peut pas être considéré comme constitutif de circonstances vexatoires.
D'autre part, le salarié ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de ceux précédemment évoqués.
En conséquence de quoi, le salarié sera débouté de cette demande par voie de confirmation du jugement.
(
)
Sur le salaire moyen :
Il convient de fixer le salaire moyen de M. Q... à la somme de 9002 €.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. Q... les frais non compris dans les dépens. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
Enfin, l'employeur sera condamné aux entiers dépens de première instance, par voie de confirmation du jugement, et d'appel » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « La section 4 du PSE organise les modalités de changement de secteur géographique.
Elle précise ainsi :
« A l'issue des deux premières étapes (départs volontaires), chaque salarié se verra envoyer :
Ou un avenant au contrat de travail pour les salariés étant amenés à exercer leur activité sur un domaine d'activité différent et/ou sur un secteur dont le changement de sectorisation relève d'une modification substantielle du contrat de travail au regard de la Convention Collective Nationale de l'Industrie Pharmaceutique.
Dans ce dernier cas, le salarié aura la possibilité d'accepter ou de refuser son avenant au contrat. S'il refuse, le salarié, en l'absence d'opportunités de reclassement, pourra faire l'objet de mesures du PSE. »
Or, M. Q..., s'est bien vu proposer un avenant à son contrat de travail engendrant un changement de sectorisation relevant d'une modification substantielle de son contrat de travail.
En raison de l'interprétation restrictive de l'article de la convention collective par l'employeur, M. Q... n'a pas bénéficié des mesures du PSE.
Par conséquent, et compte tenu de la situation professionnelle de M. Q... qui a retrouvé un emploi immédiatement, le conseil décide que M. Q... a été privé de son droit à indemnisation pendant la période de reclassement pour un montant de 54 052 euros, et de l'indemnité spéciale de licenciement d'un montant de 228 879,17 euros » ;
1°) ALORS QUE la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt ayant dit que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse entraînera l'annulation des chefs du dispositif ayant condamné l'employeur à payer au salarié diverses sommes au titre de la privation de son droit à indemnisation pendant la période de reclassement, au titre de la privation de son droit à indemnité spéciale de licenciement et au titre de l'indemnité pour privation de son droit à formation longue, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les juges doivent caractériser la fraude ; qu'en l'espèce, le salarié prétendait que l'employeur avait volontairement fait échec aux mesures prévues au plan de sauvegarde de l'emploi en prétextant des modifications de secteurs géographiques fantaisistes qui n'étaient autres que des modifications du contrat de travail envisagées par le PSE ; que l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que le plan de sauvegarde de l'emploi, initié en 2014, avait été régulièrement appliqué à M. Q... puisque conformément à la section 4 relative au positionnement des salariés du terrain dans la nouvelle organisation cible du chapitre VII relatif au plan de sauvegarde de l'emploi, la société avait déjà procédé à l'affectation du salarié au sein de l'organisation cible, par application des principes de positionnement, en avril 2015, et que le changement de sectorisation litigieux, mis en place en juillet 2015, avait été décidé, non pas dans le cadre de la nouvelle organisation cible prévue par le plan, mais afin de maximiser le lancement du médicament Ozurdex, qui connaissait un fort potentiel de croissance, et d'être en mesure de répondre aux attentes des patients en augmentant le nombre de responsables régionaux rétines, de sorte que la nouvelle sectorisation résultait de la création de trois nouveaux postes (conclusions d'appel de l'exposante p.16 à 18 ; productions n°9 à 13) ; que pour dire que le salarié aurait dû bénéficier des avantages du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel s'est bornée à rappeler les termes de la section 4 de la note transmise au comité d'entreprise concernant le plan de sauvegarde de l'emploi, selon laquelle à l'issue de la phase de départ volontaire, l'employeur devait appliquer des principes de positionnement pour proposer aux salariés, relevant notamment de la catégorie professionnelle des responsables régionaux, les affectations permettant d'atteindre l'organisation cible et que si la proposition ainsi faite relevait d'une modification du contrat de travail, le salarié qui l'avait refusée, devait bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, et à affirmer qu'en raison de sa qualification de responsable régional, le salarié, qui en avait fait la demande le 24 juin 2015, était concerné par le plan ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le changement de secteur opéré en juillet 2015 correspondait à l'organisation cible prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi et que l'employeur avait faussement invoqué le lancement d'un médicament à forte croissance afin que le salarié ne bénéficie pas de ce plan, i.e. sans caractériser l'existence d'une fraude commise par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et du principe selon lequel « la fraude corrompt tout » ;
3°) ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les termes du litige tels qu'ils sont définis par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel reprises oralement à l'audience (arrêt p.3), aucune des parties n'avait invoqué la perte de chance du salarié de retrouver un emploi avec une rémunération de même niveau que celle qu'il percevait au sein de la société Allergan France, faute d'avoir bénéficié d'une formation longue prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi ; que le salarié se bornait à affirmer avoir été privé du droit de bénéficier d'une formation longue et invoquait, à tout le moins, la perte de chance de bénéficier d'une telle formation (conclusions d'appel adverses p.27 et 28) ; que l'employeur soutenait, quant à lui, que le préjudice invoqué par le salarié ne présentait qu'un caractère éventuel (conclusions d'appel de l'exposante p.20) ; qu'en retenant que l'employeur avait privé le salarié de la possibilité de retrouver un emploi avec une rémunération de même niveau que celle qu'il percevait au sein de la société Allergan France, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel reprises oralement à l'audience (arrêt p.3), aucune des parties n'avait invoqué la perte de chance du salarié de retrouver un emploi avec une rémunération de même niveau que celle qu'il percevait au sein de la société Allergan France, faute d'avoir bénéficié d'une formation longue prévue par le PSE ; que le salarié se bornait à affirmer avoir été privé du droit de bénéficier d'une formation longue et invoquait, à tout le moins, la perte de chance de bénéficier d'une telle formation (conclusions d'appel adverses p.27 et 28) ; que l'employeur soutenait, quant à lui, que le préjudice invoqué par le salarié ne présentait qu'un caractère éventuel (conclusions d'appel de l'exposante p.20) ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de la perte de chance du salarié de retrouver un emploi avec une rémunération de même niveau que celle qu'il percevait au sein de la société Allergan France, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE la réparation de la perte d'une chance de percevoir un avantage suppose de constater qu'au jour de la faute commise par l'employeur, le salarié bénéficiait d'une chance réelle et sérieuse de se voir octroyer ledit avantage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer que si le salarié avait retrouvé un emploi en octobre 2015, il percevait une rémunération très inférieure à celle qu'il percevait au sein de la société Allergan France et que le défaut d'application du PSE lui avait fait perdre une chance de retrouver un emploi avec une rémunération de même niveau, pour lui octroyer la somme de 6 000 euros de dommages et intérêt ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une chance réelle et sérieuse pour le salarié de retrouver une emploi avec une rémunération de même niveau que celle qu'il percevait auparavant, s'il avait bénéficié des prestations prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi allant de la formation à l'accompagnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
6°) ALORS QUE la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré la chance perdue si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que les sommes réclamées par le salarié au titre d'une privation de son droit à la formation longue, d'une prétendue privation de son droit à indemnisation pendant la période de reclassement ou encore au titre d'une prétendue privation de son droit à indemnisation des frais liés au reclassement étaient hypothétiques (conclusions d'appel de l'exposante p.19 in fine et p. 20) ; que la section 4 de la note transmise au comité d'entreprise concernant le plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait in fine que « le salarié aura la possibilité d'accepter ou de refuser son avenant au contrat. S'il refuse, le salarié, en l'absence d'opportunités de reclassement, pourra faire l'objet d'un licenciement pour motif économique et bénéficier des mesures du PSE » ; que la cour d'appel qui a attribué au salarié l'intégralité des sommes qu'il aurait perçues s'il avait bénéficié des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, quand il lui appartenait de déterminer la probabilité pour le salarié de bénéficier de ces mesures, i.e. de déterminer la chance perdue, a violé l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
7°) ALORS QUE la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt ayant fixé le salaire moyen mensuel du salarié à la somme de 9 002 euros entraînera l'annulation des chefs du dispositif ayant condamné l'employeur à payer au salarié diverses sommes au titre de la privation de son droit à indemnisation pendant la période de reclassement, et au titre de la privation de son droit à indemnité spéciale de licenciement, en application de l'article 624 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté les demandes de l'employeur et en ce qu'il l'a condamné à payer au salarié la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, d'AVOIR débouté la société SAS Allergan France de sa demande reconventionnelle au titre de l'obligation d'exclusivité, d'AVOIR débouté l'employeur de ses demandes, d'AVOIR condamné la société SAS Allergan France à payer à M. Q..., la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné la société SAS Allergan France aux entiers dépens d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Le salarié a été dispensé d'exécuter son préavis de 3 mois et son contrat de travail prenait fin le 21 novembre 2015.
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M. Q... ayant perçu son salaire pendant son préavis de trois mois.
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Sur la demande reconventionnelle au titre de l'obligation d'exclusivité
En droit, le salarié dispensé d'exécuter le préavis a la faculté d'entrer pendant la durée de ce préavis au service d'une autre entreprise, fût-elle concurrente, car il n'est plus tenu par une obligation de loyauté envers son employeur.
En conséquence, l'employeur doit verser le salaire correspondant à cette période, même si le salarié travaille pour d'autres pendant ce laps de temps.
En cas de faute simple, grave ou lourde commise par le salarié dispensé de son préavis, l'indemnité compensatrice lui reste acquise, dès lors que cette dispense résulte de l'employeur.
En l'espèce, la société demande à titre reconventionnel une indemnité car M. Q... a commencé à travailler le 5octobre 2015, alors qu'il était encore sous contrat, en préavis dispensé, pour effectuer une activité similaire à celle exercée dans la société Allergan.
Selon le salarié, la société doit être déboutée de sa demande au titre de l'indemnité pour violation de l'obligation d'exclusivité en ce qu'il a été dispensé de l'exécution de son préavis par la société, il avait donc parfaitement le droit de se faire embaucher par un autre employeur.
La clause du contrat prévoit : 'Monsieur R... Q... consacrera les soins les plus diligents à l'accomplissement des différentes missions lui incombant en application du présent contrat.
En raison de la nature de ses fonctions, Monsieur R... Q... s'engage à n'avoir aucune autre activité professionnelle, soit pour son propre compte, soit pour le compte d'une autre entreprise, sauf autorisation préalable expresse de la part de la direction.'
A la différence d'une clause de non concurrence, cette clause d'exclusivité interdit au salarié de travailler dans tout secteur d'activité durant le contrat de travail, sauf accord exprès de l'employeur. Elle est une formulation écrite de l'obligation générale de loyauté.
Or le salarié dispensé de son préavis est libéré de son obligation de loyauté, sans quoi il ne pourrait pas travailler pour un autre employeur, concurrent ou non.
Il s'ensuit qu'à défaut de clause de non concurrence rémunérée, M. Q... était libre de travailler dans une autre entreprise et d'y exercer une activité même concurrente à celle précédemment effectuée au service de la société Allergan France.
En conséquence de quoi, l'employeur sera débouté de cette demande reconventionnelle par voie de confirmation du jugement » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la demande reconventionnelle d'indemnité pour violation de l'obligation d'exclusivité
Au regard des pièces apportées par les parties, et de la cause d'exclusivité de M. Q..., il apparaît bien que M. Q... ait violé son obligation contractuelle.
Néanmoins, la société n'évalue pas le préjudice résultant de cette violation.
Par conséquent, le conseil invite les parties à mieux de pourvoir et déboute la société Allergan France de sa demande » ;
1°) ALORS QUE la dispense d'exécution du préavis assortie de son paiement, ne dispense pas le salarié de l'obligation contractuelle d'exclusivité qu'il a acceptée lui interdisant de travailler pour le compte d'un autre employeur ; qu'en l'espèce, l'avenant du 22 décembre 2010 à effet au 1er janvier 2011 au contrat de travail du salarié prévoyait, en son article 11, qu' « en raison de la nature de ses fonctions, M. R... Q... s'engage à n'avoir aucune autre activité professionnelle, soit pour son propre compte, soit pour le compte d'une autre entreprise, sauf autorisation préalable expresse de la part de la Direction » ; qu'il était constant qu'aux termes de sa lettre de licenciement, le salarié avait été dispensé d'exécuter son préavis de trois mois, qui lui avait été intégralement réglé (arrêt p.2 et p.10 ; conclusions d'appel de l'exposante p.6, 15 et 21 et conclusions d'appel adverses p.28 §3 et p.10 §2), ce dont il s'évinçait que le salarié demeurait tenu de respecter l'obligation contractuelle d'exclusivité stipulée dans son contrat de travail pendant toute la durée du préavis ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L 1234-4 du code du travail et 1134 du code civil, alors applicable ;
2°) ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions (p. 21), oralement soutenues (p. 3), l'employeur avait évalué le préjudice qu'il avait subi en raison du non-respect par le salarié de son obligation d'exclusivité pendant le préavis qu'il avait été dispensé d'effectuer et pour lequel il avait été rémunéré, à la somme de 20 000 euros ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que l'employeur n'évaluait pas le préjudice résultant de la violation par le salarié de l'obligation d'exclusivité, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.