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18/03/2020 | FRANCE | N°16-27825

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mars 2020, 16-27825


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 375 FP-P+B

Pourvoi n° A 16-27.825

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MARS 2020

Mme Y... J..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° A 16-27.825 contre l'a

rrêt rendu le 14 octobre 2016 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Praxair MRC, soci...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 375 FP-P+B

Pourvoi n° A 16-27.825

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MARS 2020

Mme Y... J..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° A 16-27.825 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2016 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Praxair MRC, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de Mme J..., de la SCP Gatineau-Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Praxair MRC, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, M. Maron, Mme Aubert-Monpeyssen, MM. Rinuy, Pion, Ricour, Pietton, Mme Cavrois, Mme Pécaut-Rivolier, conseillers, MM. David, Silhol, Mme Chamley-Coulet, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 octobre 2016), Mme J... a été engagée le 22 novembre 1999 par la société Material Research, devenue Praxair MRC, en qualité d'assistante commerciale à temps complet. En dernier lieu, elle exerçait en qualité de responsable CSD ("customer service department ") et avait réduit son temps de travail dans le cadre d'un congé parental d'éducation devant se terminer le 29 janvier 2011.

2. Elle a été licenciée pour motif économique le 6 décembre 2010 dans le cadre d'un licenciement collectif et a accepté un congé de reclassement de neuf mois. Elle a renoncé à compter du 1er janvier 2011 à la réduction de sa durée du travail et a quitté définitivement l'entreprise le 7 septembre 2011.

3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

4. Par arrêt du 11 juillet 2018, la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande accessoire de remboursement de ses allocations chômages, alors :

« 1°/ que l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 prévoit que l'entreprise, qui envisage un licenciement collectif d'ordre économique, doit rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en particulier dans le cadre des industries de métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi ; qu'en se bornant, pour juger que la société Praxair avait respecté son obligation conventionnelle de reclassement externe, à énoncer qu'elle justifiait avoir le 9 février 2010, lendemain de la première réunion du comité d'entreprise sur le plan de sauvegarde de l'emploi, saisi ladite commission en joignant à sa saisine un exemplaire du document fourni au comité d'entreprise et que, par lettre du 12 février suivant, l'UIMM Midi-Pyrénées l'avait informée des outils d'accompagnement dont elle disposait, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si eu égard à ce dernier courrier, la société Praxair avait loyalement recherché les possibilités de reclassement externe en informant la salariée de la possibilité de consulter les postes disponibles sur les deux sites internet national de la métallurgie et d'y déposer son curriculum vitae, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ;

2°/ que les mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi conformément aux dispositions de l'article L. 1233-62 du code du travail, sont indépendantes de l'obligation conventionnelle de reclassement externe qui pèse sur l'employeur en application de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ; qu'en déduisant le respect par la société Praxair de son obligation conventionnelle de reclassement externe, des seules dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant des mesures d'accompagnement, comme la mise en place d'un point relais emploi permanent, un congé de reclassement de 9 mois et une prime au retour à l'emploi rapide, la cour d'appel a violé l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, ayant constaté que la société avait saisi dès le 9 février 2010 la commission paritaire territoriale de l'emploi, conformément aux dispositions des articles 2 et 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 étendu, dans sa rédaction alors applicable, pour l'informer de son projet de plan de réorganisation et que l'Union des industries et métiers de la métallurgie avait indiqué le 12 février 2010 qu'elle apporterait son concours pour faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement serait finalement envisagé, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen soulevé d'office

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), l'article L. 3123-13 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article R. 1233-32 du même code :

9. Il résulte du premier de ces textes un principe d'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et féminins et la prohibition des discriminations directes ou indirectes fondées sur le sexe.

10. Aux termes du deuxième de ces textes, l'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ à la retraite du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis leur entrée dans l'entreprise.

11. Selon le dernier, pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis, le salarié bénéficie d'une rémunération mensuelle à la charge de l'employeur, dont le montant est au moins égal à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne soumis aux contributions mentionnées à l'article L. 5422-9 au titre des douze derniers mois précédant la notification du licenciement.

12. Par arrêt du 8 mai 2019 (CJUE, Praxair MRC ,C-486/18), la Cour de justice de l'Union européenne, saisie par la Cour de cassation d'une question préjudicielle (Soc., 11 juillet 2018, n° 16-27.825), a d'abord relevé que des prestations telles que l'indemnité de licenciement et l'allocation de congé reclassement devaient être qualifiées de « rémunérations » au sens de l'article 157 TFUE. Elle a ensuite dit pour droit que cet article devait être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation telle que celle au principal qui prévoit que, lorsqu'un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein est licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel, ce travailleur reçoit une indemnité de licenciement et une allocation de congé de reclassement déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite qu'il perçoit quand le licenciement intervient, dans la situation où un nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes choisissent de bénéficier d'un congé parental à temps partiel et lorsque la différence de traitement qui en résulte ne peut pas s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

13. Pour rejeter les demandes de la salariée en paiement de compléments d'indemnité de licenciement et d'allocation de congé reclassement calculés entièrement sur la base d'un travail à temps complet, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que l'article L. 3123-13 du code du travail prévoit que l'indemnité de licenciement du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise est calculée proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l'entreprise. Elle a ajouté qu'il n'existe pas de texte ou de jurisprudence autorisant le calcul de l'allocation de congé de reclassement due à la salariée sur la base de la rémunération afférente à un travail à temps complet.

14. Cependant, les articles L. 3123-13 et R. 1233-32 du code du travail prévoient une indemnité de licenciement et une allocation de congé de reclassement déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite perçue par le salarié, qui engagé par un contrat à durée indéterminée à temps complet, bénéficie d'un congé parental à temps partiel lorsque le licenciement intervient. Ces dispositions établissent une différence de traitement avec les salariés se trouvant en activité à temps complet au moment où ils sont licenciés. Dans la mesure où un nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes choisissent de bénéficier d'un congé parental à temps partiel, ces articles instaurent indirectement une différence de traitement entre les salariés féminins et masculins pour le calcul de ces droits à prestation résultant du licenciement qui n'est pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

15. Il en résulte que l'application de ces articles, contraires à l'article 157 du traité précité en ce qu'ils instaurent une discrimination indirecte fondée sur le sexe, doit être dans cette mesure écartée.

16. En application d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, arrêt du 8 avril 1976, Defrenne, C-43/75, points 10 à 15 ; arrêt du 28 septembre 1994, Avdel Système, C-408/92, points 15 à 17 ; CJUE, arrêt du 7 octobre 2019, Safeway, C-171/18, point 40), dès lors qu'une norme interne refusant l'octroi d'une prestation ou d'un avantage à un groupe de personnes est contraire au principe de l'égalité de traitement, le juge national doit immédiatement, de sa propre autorité, accorder cette prestation ou cet avantage au groupe ainsi défavorisé, sans attendre l'élimination de la contrariété par la voie législative.

17. En statuant comme elle l'a fait, sans calculer le montant de l'indemnité de licenciement et de l'allocation de congé de reclassement de la salariée entièrement sur la base de sa rémunération à temps complet, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme J... de sa demande de rappels d'indemnité de licenciement et d'allocation de congé de reclassement, l'arrêt rendu le 14 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Praxair MRC aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Praxair MRC et la condamne à payer à Mme J... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme J...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Madame J... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en nullité de son licenciement pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et, par voie de conséquence, en paiement de dommages et intérêts pour nullité de son licenciement ;

AUX MOTIFS QUE Mme J... soutient que le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par la société Praxair était insuffisant par rapport aux exigences légales alors qu'il comprend, conformément à l'article L. 1233-62 du code du travail (par référence à la numérotation de l'article) :
- des actions en vue du reclassement interne des salariés ont été annexées au plan des propositions de postes disponibles au 6 avril 2010 principalement en Europe et d'un poste en Asie ainsi qu'une référence au site internet du groupe Praxair ; que le plan a été validé par les élus et par la direction ; que s'il n'est pas possible de déterminer à quelle date exacte cette annexe a été ajoutée au plan, il n'en demeure pas moins que les mesures de reclassement interne ont bien été identifiées et discutées avec les membres du CE de sorte que la loi a été respectée à cet égard ; que la critique de Mme J... selon laquelle le plan de sauvegarde de l'emploi ne mentionne pas les conditions dans lesquelles ces postes sont réservés en priorité aux salariés licenciés n'est pas plus pertinente, l'employeur étant présumé de bonne foi quand le plan indique que ces postes sont disponibles et Mme J... n'en rapporte pas la preuve contraire ; que les mesures d'accompagnement de ces mutations ne peuvent être considérées comme dérisoires, s'agissant de la possibilité d'un voyage de reconnaissance, d'une période d'adaptation dans le nouveau poste avec possibilité de retour au plan de sauvegarde de l'emploi si le nouveau poste ne convient pas, de la mise en place d'un congé de déménagement, de la prise en charge des frais de double logement et du maintien du salaire pendant 3 à 6 mois en cas de baisse de la rémunération, du paiement d'une indemnité temporaire dégressive ;
- des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise à savoir la mise en place d'un point relais emploi permanent, un congé de reclassement de 9 mois, une prime au retour à l'emploi rapide,
- des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés avec le versement d'une somme de 15 000 € au bénéfice du créateur d'entreprise ou de la personne entreprenant l'exercice d'une autre profession non salariée ;
- des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents, à savoir une information sur le crédit d'heure du droit individuel à la formation, une aide à la formation d'un montant maximum de 7 000 € par salarié, la prise en charge de frais annexes à la formation ; que le plan prévoyait encore des compensations financières, notamment en terme d'indemnité de licenciement ; que la cour estime, comme le conseil de prud'hommes, que ce plan de sauvegarde de l'emploi comporte les mesures prévues par la loi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ; que ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés de sorte que la demande de nullité du licenciement pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi sera rejetée par confirmation du jugement entrepris ;

1°) ALORS QUE le plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises et concrètes pour faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement est envisagé ; qu'en se bornant, pour dire que le plan de sauvegarde de l'emploi comportait les mesures prévues par loi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre, à relever que des propositions de postes disponibles au 6 avril 2010 principalement en Europe et d'un poste en Asie ainsi qu'une référence au site internet du groupe Praxair, avaient été annexées au plan, sans constater ni l'indication précise du nombre et de la nature des postes disponibles, ni la manière concrète dont les mesures étaient organisées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61, L. 1233-62 et suivants du code du travail ;

2°) ALORS QUE la pertinence du plan de sauvegarde de l'emploi, pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre, doit être appréciée au regard des moyens financiers du groupe dont l'entreprise fait partie ; qu'en se bornant, pour considérer comme non dérisoires les mesures d'accompagnement de mutation, à énoncer qu'elles consistaient en une possibilité d'un voyage de reconnaissance, d'une période d'adaptation dans le nouveau poste avec possibilité de retour au plan de sauvegarde de l'emploi si le nouveau poste ne convenait pas, de la mise en place d'un congé de déménagement, de la prise en charge des frais de double logement et du maintien du salaire pendant 3 à 6 mois en cas de baisse de la rémunération, du paiement d'une indemnité temporaire dégressive, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si ces mesures d'accompagnement de mutations, comprises dans la plan de sauvegarde de de l'emploi, n'étaient pas dérisoires au regard des moyens financiers du groupe Praxair dont la société Praxair Mrc faisait partie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-61, L. 1233-62 et suivants du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Madame J... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande accessoire de remboursement de ses allocations chômage ;

AUX MOTIFS QUE Mme J... prétend encore que la société Praxair n'a pas respecté l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 qui prévoit notamment en cas de licenciement collectif d'ordre économique que l'entreprise doit rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en particulier dans le cadre des industries des métaux en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi et informer ladite commission conformément aux dispositions de l'article 2 dudit accord ; que la société Praxair justifie qu'elle a, le 9 février 2010, lendemain de la première réunion du comité d'entreprise sur le plan de sauvegarde de l'emploi, saisi ladite commission en joignant à sa saisine un exemplaire du document fourni au comité d'entreprise et que, par lettre du 12 février suivant, l'UIMM Midi Pyrénées a informé la société Praxair des outils d'accompagnement dont elle disposait ; qu'elle a ainsi respecté l'obligation conventionnelle qui lui était faite ; qu'il est renvoyé aux dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi, à savoir la mise en place d'un point relais emploi permanent, un congé de reclassement de 9 mois et une prime au retour à l'emploi rapide qui permettent d'établir que la société Praxair a respecté son obligation de recherche de reclassement externe, en sus des propositions de reclassement interne formulées à Mme J... ; que Mme J... sera en conséquence, par confirmation du jugement déféré, déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande accessoire de remboursement des allocations de chômage versées à l'appelante ;

1°) ALORS QUE l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 prévoit que l'entreprise, qui envisage un licenciement collectif d'ordre économique, doit rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, en particulier dans le cadre des industries de métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi ; qu'en se bornant, pour juger que la société Praxair avait respecté son obligation conventionnelle de reclassement externe, à énoncer qu'elle justifiait avoir le 9 février 2010, lendemain de la première réunion du comité d'entreprise sur le plan de sauvegarde de l'emploi, saisi ladite commission en joignant à sa saisine un exemplaire du document fourni au comité d'entreprise et que, par lettre du 12 février suivant, l'UIMM Midi Pyrénées l'avait informée des outils d'accompagnement dont elle disposait, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si eu égard à ce dernier courrier, la société Praxair avait loyalement recherché les possibilités de reclassement externe en informant la salariée de la possibilité de consulter les postes disponibles sur les deux sites internet national de la métallurgie et d'y déposer son curriculum vitae, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ;

2°) ALORS QUE les mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi conformément aux dispositions de l'article L. 1233-62 du code du travail, sont indépendantes de l'obligation conventionnelle de reclassement externe qui pèse sur l'employeur en application de l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987 ; qu'en déduisant le respect par la société Praxair de son obligation conventionnelle de reclassement externe, des seules dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant des mesures d'accompagnement, comme la mise en place d'un point relais emploi permanent, un congé de reclassement de 9 mois et une prime au retour à l'emploi rapide, la cour d'appel a violé l'article 28 de l'accord national sur l'emploi dans la métallurgie du 12 juin 1987.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Madame J... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement et d'allocation de congé de reclassement ;

AUX MOTIFS QUE le jugement entrepris sera confirmé par adoption de ses motifs en ce qu'il a rejeté la demande de complément d'indemnité de licenciement et d'allocation de reclassement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Mme J... fait valoir que selon une jurisprudence communautaire, lorsqu'un salarié en congé parental à temps partiel est licencié, l'indemnité de licenciement qui lui est due ne doit pas être déterminée sur la base d'un temps partiel ; que c'est pourtant ce que la société Praxair Mrc a fait en lui versant cette indemnité qui s'avère en conséquence insuffisante, laquelle devra lui verser un complément de 941,15 euros à ce titre ; que cependant que l'article L. 3123-13 du code du travail dispose que « l'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ à la retraite du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis leur entrée dans l'entreprise » ; qu'en droit français aucun autre texte légal ni aucun arrêt de la Cour de Cassation ne fixe des règles différentes à celles énoncées par cet article ; qu'en conséquence, il s'applique au calcul de l'indemnité de licenciement versée à Mme J... qui sera déboutée de cette demande ; que sur le rappel d'allocation de reclassement, Mme J... fait encore grief à la société Praxair Mrc de ne pas avoir retenu sa rémunération habituelle sur la base de son temps complet tel que prévu au contrat de travail pour le calcul de l'allocation de reclassement qui lui a été versée de mars à septembre 2011 et réclame, à ce titre, un complément d'allocation d'un montant de 1423,79 euros ; qu'elle se fonde à nouveau sur la même jurisprudence européenne évoquée à propos de l'indemnité de licenciement pour établir sa demande ; qu'il n'y a pas plus de texte légal ou jurisprudentiel français fixant des règles autorisant un tel calcul, Mme J... sera également déboutée de cette demande ;

1°) ALORS QU'en application de la clause 2 point 6 de l'accord-cadre sur le congé parental conclu le 14 décembre 1995, mis en oeuvre par la directive 96/34 du CE du Conseil le 3 juin 1996, l'indemnité de licenciement due à un salarié en congé parental à temps partiel, doit être déterminée sur la base de son contrat de travail à temps plein ; qu'en énonçant, pour débouter Mme J... de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement, qu'en droit français aucun autre texte légal que celui de l'article L. 3123-13 du code du travail, ni aucun arrêt de la Cour de Cassation ne fixait des règles différentes de celles énoncées par ce dernier article, la cour d'appel a violé la clause 2 point 6 de l'accord-cadre sur le congé parental conclu le 14 décembre 1995, mis en oeuvre par la directive 96/34 du CE du Conseil le 3 juin 1996 ;

2°) ALORS QUE de la même manière, qu'en énonçant, pour débouter Mme J... de sa demande en paiement d'un complément d'allocation de reclassement, qu'il n'y a pas de texte légal, ni de jurisprudence en droit français, fixant des règles autorisant le calcul de l'allocation de reclassement sur la base du temps plein prévu par le contrat de travail d'un salarié en congé parental à temps partiel lors de son licenciement, la cour d'appel a de nouveau violé la clause 2 point 6 de l'accord-cadre sur le congé parental conclu le 14 décembre 1995, mis en oeuvre par la directive 96/34 du CE du Conseil le 3 juin 1996.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

UNION EUROPEENNE - Travail - Salarié - Principe de non-discrimination - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Violation - Applications diverses - Salarié engagé à durée indéterminée et à temps plein licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel - Indemnité de licenciement déterminée au moins en partie sur la base de la rémunérationn réduite que le salarié perçoit quand le licenciement intervient - Portée

UNION EUROPEENNE - Travail - Salarié - Principe de non-discrimination - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Violation - Applications diverses - Salarié engagé à durée indéterminée et à temps plein licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel - Allocation de congé de reclassement déterminée au moins en partie sur la base de la rémunération réduite que le salarié perçoit quand le licenciement intervient - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Indemnités - Montant - Calcul - Modalités - Cas - Salarié engagé à durée indéterminée et à temps plein - Salarié licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Mesures d'accompagnement - Congé de reclassement - Indemnité - Montant - Calcul - Modalités - Cas - Salarié engagé à durée indéterminée et à temps plein - Salarié licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel

Saisie par la Cour de cassation d'une question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne, par arrêt du 8 mai 2019 (CJUE, arrêt du 8 mai 2019, Praxair MRC, C-486/18) a d'abord relevé que des prestations telles que l'indemnité de licenciement et l'allocation de congé reclassement devaient être qualifiées de « rémunérations » au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) . Elle a ensuite dit pour droit que cet article devait être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation telle que celle au principal qui prévoit que, lorsqu'un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein est licencié au moment où il bénéficie d'un congé parental à temps partiel, ce travailleur reçoit une indemnité de licenciement et une allocation de congé de reclassement déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite qu'il perçoit quand le licenciement intervient, dans la situation où un nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes choisissent de bénéficier d'un congé parental à temps partiel et lorsque la différence de traitement qui en résulte ne peut pas s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. Les articles L. 3123-13 et R. 1233-32 du code du travail prévoient une indemnité de licenciement et une allocation de congé de reclassement déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite perçue par le salarié, qui engagé par un contrat à durée indéterminée à temps complet, bénéficie d'un congé parental à temps partiel lorsque le licenciement intervient. Ces dispositions établissent une différence de traitement avec les salariés se trouvant en activité à temps complet au moment où ils sont licenciés. Dans la mesure où un nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes choisissent de bénéficier d'un congé parental à temps partiel, ces articles instaurent indirectement une différence de traitement entre les salariés féminins et masculins pour le calcul de ces droits à prestation résultant du licenciement qui n'est pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. Il en résulte que l'application de ces articles, contraires à l'article 157 du TFUE en ce qu'ils instaurent une discrimination indirecte fondée sur le sexe, doit être dans cette mesure écartée


Références :

article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

articles L. 3123-13 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et R. 1233-32 du même code

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse

Sur la caractérisation d'une discrimination indirecte fondée sur le sexe, à rapprocher : 2e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-16974, Bull. 2019, (rejet).Sur la caractérisation d'une discrimination indirecte fondée sur le sexe, cf :CJUE, arrêt du 17 juillet 2014, époux Leone, C-173/13.Sur l'application des articles L. 3123-13, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et R. 1233-32 du code du travail au regard de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, cf. :CJUE, arrêt du 8 mai 2019, Praxair MRC, C-486/18


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 18 mar. 2020, pourvoi n°16-27825, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 18/03/2020
Date de l'import : 21/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16-27825
Numéro NOR : JURITEXT000041795450 ?
Numéro d'affaire : 16-27825
Numéro de décision : 52000375
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2020-03-18;16.27825 ?
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