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12/03/2020 | FRANCE | N°19-10244

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 mars 2020, 19-10244


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mars 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 217 FS-D

Pourvoi n° C 19-10.244

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2020

La société Cap Immo, société à responsabilité limitée, dont le siè

ge est [...] , a formé le pourvoi n° C 19-10.244 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mars 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 217 FS-D

Pourvoi n° C 19-10.244

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2020

La société Cap Immo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 19-10.244 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Renault retail group, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de la société Cap Immo, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Renault retail group, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mme Dagneaux, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mmes Corbel, Collomp, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 octobre 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-22.665), la société Cap Immo, bailleresse, et la société Renault retail group (RRG), locataire, ont, conformément à l'article 6 de leur contrat de bail commercial du 29 mai 2000, désigné conjointement le cabinet Atisreal pour déterminer la valeur locative de marché à laquelle le loyer du bail renouvelé à compter du 2 mars 2009 devait être fixé.

2. La société RRG, soutenant que les conclusions du tiers désigné étaient entachées d'une erreur grossière, a assigné la société Cap Immo en annulation de ces conclusions et en fixation du loyer du bail renouvelé.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses quatre dernières branches
Enoncé du moyen

4. La société Cap Immo fait grief à l'arrêt d‘accueillir la demande de la locataire en fixation du loyer du bail renouvelé, alors :

« 1°/ que l'expert communément désigné par les parties pour fixer la valeur du loyer du bail renouvelé n'est tenu que par les stipulations contractuelles prévoyant son intervention et que sauf stipulation contraire, il est libre de déterminer les critères qu'il juge les plus opportuns pour calculer la valeur locative du bien ; qu'en l'espèce, l'article 6 du bail stipulait que « lorsque la présente sous-location parviendra à son terme, le loyer du bail renouvelé sera fixé à la valeur locative de marché définie à dire d'expert. A cet effet les parties se rencontreront pour désigner ensemble l'expert à cette fin » sans aucune précision sur la méthode d'évaluation ni aucune référence aux dispositions légales relatives à la fixation judiciaire du loyer renouvelé des baux commerciaux ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait considérer que l'expert avait commis une erreur grossière en utilisant, au moins partiellement, la méthode par le revenu pour évaluer le bien, au prétexte que ce choix n'entrait « pas dans le cadre des données du code de commerce sur les baux commerciaux qui énumèrent les éléments à prendre en considération, parmi lesquels ne figure pas la rentabilité de la valeur vénale », car, ce faisant, le juge a imposé le respect des critères de l'article L. 145-33 alinéa 2 du code de commerce, que les parties avaient pourtant conventionnellement exclus en décidant de s'en remettre à dire d'expert sans lui imposer de respecter les critères légaux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble, l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016, par refus d'application ;

2°/ que l'expert désigné en commun par les parties pour fixer la valeur du loyer du bail renouvelé n'est tenu que par les stipulations contractuelles ; qu'en l'espèce, l'article 6 du bail stipulait que « lorsque la présente sous-location parviendra à son terme, le loyer du bail renouvelé sera fixé à la valeur locative de marché définie à dire d'expert. A cet effet les parties se rencontreront pour désigner ensemble l'expert à cette fin » sans aucune référence aux critères d'évaluation énoncés par le second alinéa de l'article L. 145-33 du code de commerce relatif à la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé ; que dès lors, en considérant que l'expert était tenu par ces critères d'évaluation au motif qu'il avait précisé que sa mission s'inscrivait « dans le cadre de la détermination du montant du loyer révisé résultant de l'article 6 des baux en cours, en référence à l'article L. 145-33 du code de commerce », quand cette référence était inopérante et impropre à encadrer le pouvoir de l'expert en l'absence de toute référence à ce texte dans la convention prévoyant que le loyer du bail renouvelé serait fixé à dire d'expert ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 145-33 du code de commerce par fausse application, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016, par refus d'application ;

3°/ que la charte de l'expertise pose le principe que l'expert reste libre du choix des principes et des méthodes d'évaluation pour retenir celle qui lui apparaît la plus adaptée au bien qu'il évalue ce dont il résulte qu'aucun texte ne lui interdit de recourir à plusieurs méthodes distinctes pour évaluer différentes parties d'un bien immobilier complexe dès lors qu'il justifie son choix ; qu'en l'espèce, en retenant que, pour apprécier la valeur locative des places de parking excédant le nombre qui est habituellement rattaché à une construction, l'expert ne pouvait se référer qu'à la seule méthode par comparaison pour l'ensemble du bien et qu'il ne pouvait utiliser la méthode par le revenu, au prétexte qu'elle était condamnée par l'expert judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016, l'article 1592 du même code, ensemble, la Charte de l'expertise en évaluation immobilière dans sa version applicable à l'espèce ;

4°/ que la seule variation, fût-elle importante, entre les montants retenus par les diverses évaluations ne constitue pas en soi une erreur grossière, de nature à permettre d'écarter les conclusions du rapport de l'expert choisi et désigné par les parties qui avaient convenu de s'y soumettre ; que dès lors, en retenant, pour considérer que le rapport du cabinet Atisreal, communément désigné par les parties pour fixer le loyer, était entaché d'une erreur grossière justifiant la demande de fixation de la valeur locative par la voie judiciaire, que la valeur locative déterminée par le cabinet Atisreal était presque deux fois supérieure à celle proposée par le bailleur lors du congé avec offre de renouvellement, plus de trois fois supérieure à celle de l'expertise amiable CBRE et neuf fois supérieure à celle de M. O... et que la disparité très importante entre ces évaluations est de nature à mettre en évidence une erreur grossière commise par le cabinet Atisreal, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; ensemble l'article 1592 du même code. »

Réponse de la Cour

5. Si le tiers désigné par les parties pour procéder à l'évaluation du loyer d'un bail renouvelé est libre de retenir les critères qu'il juge opportuns suivant la méthode qui lui apparaît la plus adaptée et peut ainsi recourir à deux méthodes différentes selon les spécificités distinctes d'un ensemble immobilier, le cumul des résultats de deux méthodes d'évaluation d'un même bien constitue une erreur grossière.

6. En l'espèce, la cour d'appel a relevé que le cabinet Atisreal avait appliqué, pour la partie bâtie du bien, la méthode dite par comparaison avec des bâtiments similaires, dont le prix au mètre carré inclut le prix du terrain affecté au stationnement, et, pour la partie non bâtie du bien, la méthode dite par le revenu.

7. Ayant retenu que le résultat auquel avait abouti le tiers désigné ressortait de l'addition de l'évaluation des bâtiments, selon une méthode incluant les places de stationnement, et de celle de l'intégralité du terrain non bâti, ce qui avait eu pour conséquence une double valorisation des places de stationnement, la cour d'appel a pu en déduire qu'une telle opération révélait une erreur grossière, invalidant la détermination du prix.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cap Immo aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Cap Immo.

La société Cap Immo fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de fixation du loyer du bail renouvelé au 2 mai 2009 selon l'évaluation du cabinet Atisreal et d'avoir fixé le prix du bail renouvelé à compter du 2 mai 2009 à la somme annuelle de 32 500 € hors taxes et hors charges et condamné la société Cap Immo à payer des frais irrépétibles et les dépens.

AUX MOTIFS PROPRES QU'il convient de relever que le rapport Atisreal fait expressément référence à l'article L.145-33 du code de commerce ainsi qu'à la Charte de l'expertise en évaluation immobilière, indiquant notamment en préambule que ses conclusions se réfèrent aux notions de valeur vénale et de valeur locative « dans le respect de la Charte », dont il reprend par ailleurs explicitement les clauses s'agissant tant du calcul de la SHON (surface hors oeuvre nette) que de la SHOB ainsi que la définition des différentes valeurs ( la valeur vénale et la valeur locative notamment) et les méthodes d'évaluation qui selon la Charte sont au nombre de quatre : - les méthodes par comparaison directe (ou méthodes par le marché) qui consistent à comparer le bien à des transactions effectuées sur des biens équivalents en nature et en localisation ; - les méthodes par le revenu, qui consistent à capitaliser ou actualiser un revenu annuel pour parvenir à une valeur vénale (plutôt destiné au marché des investisseurs) ; - les méthodes par le coût de remplacement qui consistent à reconstituer le prix de revient du bien (peu utilisées en matière de valeurs de marché, concernant surtout les biens immobiliers très spécialisés) ; - les méthodes dites professionnelles qui s'appliquent à des catégories de biens immobiliers spécifiques ou de type monovalent (cinémas hôpitaux etc) ; que cette méthode est reprise dans le rapport Atisreal sous la dénomination « méthode par le foncier » à laquelle elle est assimilable selon la Charte, qui s'applique dans le cas où la valeur vénale d'un bien est essentiellement fonction des possibilités de récupération du terrain ; qu'aux termes de cette Charte, à laquelle le cabinet Atisreal a ainsi clairement entendu se conformer, l'évaluation de la valeur locative (qui correspond au loyer de marché qui doit pouvoir être obtenu d'un bien immobilier aux clauses et conditions usuelles des baux pour une catégorie de biens et dans une région donnée) peut être réalisée par la méthode par comparaison directe ou par la méthode par le revenu ; que le paramètre de base le plus couramment retenu pour les expertises en valeur vénale, en valeur d'utilité ou en valeur locative de marché est la SUB (surface utile brute, égale à la SHON déduction faite des éléments structuraux et les circulations verticales), la Charte précisant par ailleurs que les aires de stationnement des véhicules ne sont pas comprises dans la SHON, qu'elles soient ou non destinées à faire l'objet d'une gestion de caractère commercial ; que comme les autres professionnels, notamment l'expert judiciaire, le cabinet Atisreal a déroulé son rapport en ayant recours à la méthode par comparaison, ce qui l'a conduit à une estimation de la valeur locative des bâtiments sensiblement identique à celle des autres experts ; qu'en revanche, la valorisation du terrain excédentaire, sur la base de 20 euros HT/HC par mètre carré pour une surface de 3 700 m², appliquée par le cabinet Atisreal sans aucune explication ni référence pour l'expliquer, ne s'inscrit pas dans le cadre de la méthode par comparaison mais semble plutôt reposer sur la méthode par le revenu, condamnée par l'expert V... qui relève que cette méthode, qui permet de déterminer la valeur vénale d'un bien, n'entre pas dans le cadre des données du code de commerce sur les baux commerciaux qui énumèrent les éléments à prendre en considération, parmi lesquels ne figure pas la rentabilité de la valeur vénale ; que surtout, ainsi que le souligne l'expert, estimer la valeur locative en appliquant aux parties bâties des prix au m² issus de comparaisons qui incorporent toutes la valeur des terrains, et y ajouter en sus la pleine valeur locative du terrain considéré séparément, fait double emploi, et revient à cumuler deux méthodes d'évaluation par nature alternatives, ce qui est contraire à tous les principes en la matière et aboutit à un résultat incohérent ; que cette application combinée de deux méthodes distinctes est confirmée par le courrier adressé le 19 janvier 2016 à la société Cap Immo par M. L..., le rédacteur du rapport, qui écrit notamment que « c'est à l'expert d'apprécier les spécificités propres à tout bien et d'adapter son évaluation en fonction des cas particuliers lorsqu'ils existent, et qu'il a analysé la valeur locative par une méthode permettant de déterminer celle-ci « à rebours » à partir de la valeur vénale de terrains commerciaux » ; qu'il se déduit de ces circonstances que l'évaluation du cabinet Atisreal est affectée d'une erreur grossière qui justifie qu'elle soit écartée ; que le jugement qui a débouté la société Cap Immo de sa demande de fixation du prix du bail renouvelé à la somme de 90.000 euros sera donc confirmé ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE dans la décision avant dire droit du 05 juin 2012, qui ne peut être qualifiée de jugement mixte à défaut d'un chef de dispositif tranchant définitivement le point litigieux concernant la valeur de l'expertise du cabinet Atisreal, le tribunal, dans sa motivation, a toutefois énoncé la valeur locative évaluée par ce cabinet est de près de deux fois supérieure à celle initialement proposée par le bailleur lors du congé de renouvellement et trois fois supérieure à celle d'une expertise amiable réalisée par un expert à la demande du preneur de sorte que le tribunal a retenu que la disparité importante entre les évaluations est de nature à remettre en cause l'évaluation litigieuse et justifie d'ordonner une expertise judiciaire (
) ; que par ailleurs, il ne peut être reproché au tribunal d'avoir tenu compte d'une expertise amiable, non contradictoire, alors même que le tribunal n'a pas fixé la valeur locative au vu de l'évaluation contenue dans cette expertise, nous a ordonné une expertise judiciaire présentant toutes les garanties au regard du principe de la contradiction et non remise en cause sur ce point par le bailleur (
) ; que le tribunal fait siennes les énonciations suffisamment circonstanciées et les réponses de l'expert aux objectifs du bailleur, à défaut d'éléments objectifs de nature à les remettre en cause, et fixe la valeur du loyer renouvelé à la date du 02 mai 2009 à la somme annuelle de 35 200 € hors-taxes et hors-charges, en retenant l'ensemble des éléments énoncés dans le rapport de l'expert, prix au mètre carré et surfaces utiles, à l'exception du prix au mètre carré des bureaux du bâtiment principal qu'il convient de fixer à la valeur locative au mètre carré de 200 €, au lieu et place des 130 € retenus par l'expert, pour tenir compte de l'intérêt pour le preneur de ces mêmes bureaux et de la surface du terrain ;

1°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, le rapport d'expertise établi par M. L..., du cabinet Atisreal mentionne que le terrain donné à bail par la sté Cap Immo à la sté RRG est d'une superficie de 4 191 m², et comporte, d'une part, des bâtiments ayant une surface utile de 291 m², situés sur une partie intégrée de la parcelle d'environ 600 m² qui inclut des places de parking, et qui ont été évalués à 16 245 €, et, d'autre part, des voiries et parking non intégrés, retenus pour une surface de 3 700 m², et évalués à 74 000 €, ce que confirme le courrier de cet expert en date du 18 janvier 2016 qui précisait qu'il avait, d'une part, évalué les bâtiments en incluant, comme cela est habituellement fait, les places de parkings normalement attachées aux constructions, et d'autre part, évalué les terrains correspondants aux places de parking surnuméraires, ce dont il résultait clairement que l'expert avait évalué séparément et en utilisant des méthodes alternatives les deux parties du terrain ; que dès lors en retenant, pour considérer que l'expert a commis une erreur grossière, qu'il a estimé la valeur locative en ajoutant à la valeur des parties bâties, qui inclut déjà la valeur des emplacements de parking, la pleine valeur locative de ces mêmes emplacements, faisant ainsi « double emploi » et cumulant « deux méthodes d'évaluation par nature alternatives », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de l'expert, en violation du principe susvisé ;

2°) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'application combinée de deux méthodes d'évaluation par l'expert M. L..., de la sté Atisreal, désigné par les parties pour procéder à l'évaluation, constituait une erreur grossière, la cour d'appel a énoncé que celui-ci avait écrit notamment, dans son courrier du 18 janvier 2019 que « c'est à l'expert d'apprécier les spécificités propres à tout bien et d'adapter son évaluation en fonction des cas particuliers lorsqu'ils existent, et qu'il a analysé la valeur locative par une méthode permettant de déterminer celle-ci « à rebours » à partir de la valeur vénale de terrains commerciaux », ce qui constituait une citation tronquée de ce courrier, occultant l'ensemble des justifications fournies par l'expert au regard du caractère particulier du site à évaluer, puisque l'expert énonçait clairement dans ledit courrier, d'une part, que « c'est à l'expert d'apprécier les spécificités propres à tout bien et d'adapter son évaluation en fonction des cas particuliers lorsqu'ils existent » (p. 2,§ 3) et, d'autre part, qu'au regard des spécificités du terrain loué par la sté RRG, qui disposait d'un nombre de places de parking hors norme au regard des superficies construites et « afin de pallier à la rareté des références directes à des loyers de terrains commerciaux, souvent intégrés dans la valeur locative pour les immeubles commerciaux d'un nombre normal de places et non surnuméraire, nous avons analysé la valeur locative par une méthode permettant de déterminer celle-ci à rebours à partir de la valeur vénale de terrains commerciaux et d'une rentabilité usuelle de l'ordre de 8 à 10% comme nous l'indiquons dans notre étude de marchés » (p. 3, § 3) ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

3°) ALORS, en outre, QUE l'expert communément désigné par les parties pour fixer la valeur du loyer du bail renouvelé n'est tenu que par les stipulations contractuelles prévoyant son intervention et que, sauf stipulation contraire, il est libre de déterminer les critères qu'il juge les plus opportuns pour calculer la valeur locative du bien ; qu'en l'espèce, l'article 6 du bail stipulait que « lorsque la présente sous-location parviendra à son terme, le loyer du bail renouvelé sera fixé à la valeur locative de marché définie à dire d'expert. A cet effet les parties se rencontreront pour désigner ensemble l'expert à cette fin » sans aucune autre précision sur la méthode d'évaluation ni aucune référence aux dispositions légales relatives à la fixation judiciaire du loyer renouvelé des baux commerciaux ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait considérer que l'expert avait commis une erreur grossière en utilisant, au moins partiellement, la méthode par le revenu pour évaluer le bien, au prétexte que ce choix n'entrait « pas dans le cadre des données du code de commerce sur les baux commerciaux qui énumèrent les éléments à prendre en considération, parmi lesquels ne figure pas la rentabilité de la valeur vénale », car, ce faisant, le juge a imposé le respect des critères de l'article L. 145-33 alinéa 2 du code de commerce, que les parties avaient pourtant conventionnellement exclus en décidant de s'en remettre à dire d'expert sans lui imposer de respecter les critères légaux ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016, par refus d'application ;

4°) ALORS, en tout état de cause, QUE l'expert communément désigné par les parties pour fixer la valeur du loyer du bail renouvelé n'est tenu que par les stipulations contractuelles ; qu'en l'espèce, l'article 6 du bail stipulait que « lorsque la présente sous-location parviendra à son terme, le loyer du bail renouvelé sera fixé à la valeur locative de marché définie à dire d'expert. A cet effet les parties se rencontreront pour désigner ensemble l'expert à cette fin » sans aucune référence aux critères d'évaluation énoncés par le second alinéa de l'article L. 145-33 du code de commerce relatif à la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé ; que dès lors, en considérant que l'expert était tenu par ces critères d'évaluation au seul motif qu'il avait précisé que sa mission s'inscrivait « dans le cadre de la détermination du montant du loyer révisé résultant de l'article 6 des baux en cours, en référence à l'article L. 145-33 du code de commerce », quand cette référence était inopérante et impropre à encadrer le pouvoir de l'expert en l'absence de toute référence à ce texte dans la convention prévoyant que le loyer du bail renouvelé serait fixé à dire d'expert ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 145-33 du code de commerce par fausse application, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016, par refus d'application ;

5°) ALORS, en tout état de cause, QUE la charte de l'expertise pose le principe que l'expert reste libre du choix des principes et des méthodes d'évaluation pour retenir celle qui lui apparait la plus adaptée au bien qu'il évalue ce dont il résulte qu'aucun texte ne lui interdit de recourir à plusieurs méthodes distinctes pour évaluer différentes parties d'un bien immobilier complexe dès lors qu'il justifie son choix ; qu'en l'espèce, en retenant que, pour apprécier la valeur locative des places de parking excédant le nombre qui est habituellement rattaché à une construction, l'expert ne pouvait se référer qu'à la seule méthode par comparaison pour l'ensemble du bien et qu'il ne pouvait utiliser la méthode par le revenu, au prétexte qu'elle était condamnée par l'expert judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016, l'article 1592 du même code, ensemble la Charte de l'expertise en évaluation immobilière dans sa version applicable à l'espèce ;

6°) ALORS, enfin, QUE la seule variation, fût-elle importante, entre les montants retenus par les diverses évaluations ne constitue pas en soi une erreur grossière, de nature à permettre d'écarter les conclusions du rapport de l'expert choisi et désigné par les parties qui avaient convenu de s'y soumettre ; que dès lors, en retenant, pour considérer que le rapport du cabinet Atisreal, communément désigné par les parties pour fixer le loyer, était entaché d'une erreur grossière justifiant la demande de fixation de la valeur locative par la voie judiciaire, que la valeur locative déterminée par le cabinet Atisreal était presque deux fois supérieure à celle proposée par le bailleur lors du congé avec offre de renouvellement, plus de trois fois supérieure à celle de l'expertise amiable CBRE et neuf fois supérieure à celle de M. O... et que la disparité très importante entre ces évaluations est de nature à mettre en évidence une erreur grossière commise par le cabinet X..., la cour d'appel a violé 'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; ensemble l'article 1592 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-10244
Date de la décision : 12/03/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 23 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 mar. 2020, pourvoi n°19-10244


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10244
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