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12/03/2020 | FRANCE | N°19-10213

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 mars 2020, 19-10213


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mars 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 201 F-D

Pourvoi n° U 19-10.213

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2020

1°/ Mme F... H..., épouse C..., domiciliée [...] ,

2°/ M. K... C..., domicilié [...] ),

3°/ Mme G... C..., épouse R..., domiciliée [...] ,

ont formé le pourvoi n° U 19-10.213 contre l'arrêt rendu le 7...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mars 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 201 F-D

Pourvoi n° U 19-10.213

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2020

1°/ Mme F... H..., épouse C..., domiciliée [...] ,

2°/ M. K... C..., domicilié [...] ),

3°/ Mme G... C..., épouse R..., domiciliée [...] ,

ont formé le pourvoi n° U 19-10.213 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre civil, section 2), dans le litige les opposant :

1°/ à M. T... V..., domicilié [...] ,

2°/ à Mme X... P..., épouse V..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat des consorts C..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme V..., après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le premier moyen :

Vu l'article 2227 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 7 novembre 2018), que, par acte du 15 avril 2015, M. et Mme V..., propriétaires d'une maison, ont assigné les consorts C..., propriétaires voisins, en réalisation, sous astreinte, d'un pare-vue sur deux terrasses que ceux-ci avaient fait construire sur leur parcelle ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que l'action n'est pas prescrite dès lors que les travaux d'aménagement du garage en appartement sont postérieurs à la construction de la maison, elle-même achevée en 1980, et que ceux de la piscine datent de 1991 ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, la date précise à laquelle la construction d'une terrasse-balcon avait été achevée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il condamne les consorts C... à installer un pare-vue sur la totalité de la terrasse-balcon et en ce qu'il assortit cette condamnation d'une astreinte, l'arrêt rendu le 7 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. et Mme V... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme V... et les condamne à payer aux consorts C... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour les consorts C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement Mme F... H..., M. K... C... et Mme G... C... à installer à leurs frais un pare-vue sur la totalité de la terrasse-balcon et de la terrasse de la piscine, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant une durée d'un an à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification de la décision ;

Aux motifs que, « Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a considéré que la vue droite tombait sur le chemin communal, qu'il existait une vue oblique, que la distance de soixante centimètres "n'était pas contestée", qu'il y avait une vue depuis la terrasse de la piscine mais que le procès-verbal de bornage de 2010 établi pour l'avenir avait admis le mur comme limite de propriété et que la distance d'1,90 mètres avait été respectée. Ce faisant, le premier juge s'est contredit et a opéré une confusion entre les fondements juridiques des actions.

En l'état de la procédure pendante devant la cour, il n'y a pas lieu d'ordonner avant dire droit la production de l'original de l'acte administratif du 25 novembre 1976, d'autant que la question à trancher n'est pas celle de la propriété de la parcelle. De plus, si les intimés n'ont pas acquis la parcelle [...], c'est à la commune ou aux contribuables qu'il appartient d'agir.

La consultation du plan cadastral, des photographies IGN et Street view ainsi que du plan de bornage met en évidence que la situation du chemin de service est parfaitement étrangère au litige portant sur les vues puisque cette voie passe devant le fonds V... et se poursuit derrière le fonds C... qui sont contigus et alors que la vue alléguée se situe entre les deux fonds, précisément à l'endroit où ils sont contigus. Alors que les immeubles étaient en quinconce, la transformation d'un garage en appartement et la réalisation de la piscine des consorts C... en 1991 en fond de parcelle situe ces extensions le long de l'habitation des époux V.... Aucun permis de construire pour ces aménagements n'est produit et la conformité à un permis de construire, délivré sous réserve des droits des tiers, ne serait pas un obstacle à l'action, elle empêcherait seulement une demande de démolition.

La pente naturelle du terrain et le remblai pour réaliser la piscine ainsi que démontré par les photographies mettent en évidence l'existence d'une vue oblique depuis l'appartement et son balcon, se prolongeant par une vue droite parfois plongeante depuis toute la longueur de la terrasse de la piscine. En effet, les aménagements ont été réalisés le long de la limite séparant les deux fonds. Le mur de la piscine obture la vue d'une des pièces, qui donnait auparavant sur le talus et il surplombe successivement, le jardin, la terrasse, le toit et l'habitation des consorts V....

S'agissant de la vue oblique (entre le coin du bâtiment des consorts C... et le point A du plan de bornage), elle est à plus de soixante centimètres, elle donne sur le mur privatif des époux V.... En revanche, après cet angle, elle est droite à partir de l'angle du bâtiment jusqu'au fond de la parcelle. Les intimés ne peuvent de bonne foi soutenir que ce mur privatif constituait la limite de propriété avant le bornage et que le mur supportant la terrasse de la piscine se trouve à une distance supérieure à celle requise par l'article 678 du code civil, pour rendre licite la vue qu'ils ne contestent d'ailleurs pas avoir sur le fonds de leur voisin que leurs balcon et terrasse surplombent. En effet, la distance entre le mur des époux V... et celui de leur terrasse piscine est inférieure aux dix-neuf décimètres requis, nonobstant le bornage amiable intervenu ultérieurement et qui fixe "désormais" les limites entre les deux fonds.

Aucune prescription ne peut être opposée : si la construction de la maison a été achevée en 1980, les travaux d'aménagement du garage en appartement sont postérieurs et ceux de la piscine datent de 1991.

Le jugement doit donc être infirmé et les consorts C... déboutés de leurs demandes contraires y compris celles de constat. La demande formée par les époux V... d'installation d'un pare-vue concerne le fonds des consorts C... ; elle ne se limite pas aux points A et B du plan de bornage mais ne concerne pas le balcon de la construction d'origine. Le pare-vue doit être installé aux frais des consorts C... sur la totalité de la terrasse-balcon et de la terrasse de la piscine, à charge pour eux de choisir le matériau idoine.

La confusion entretenue par les intimés sur les limites de propriété, sur la présence du chemin, sur la réalisation des travaux postérieurement à la construction de la maison justifie d'assortir la décision d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant une durée d'un an qui commencera à courir à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification de la décision » ;

Alors que, d'une part, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, les consorts C... faisaient valoir, dans leurs écritures d'appel (conclusions, p. 7-8), que les travaux de la terrasse-balcon avaient été achevés le 19 août 1980, en même temps que ceux de la maison principale, de sorte que l'action introduite par les époux V... le 15 avril 2015 était prescrite pour avoir été engagée plus de 30 ans après l'achèvement de la terrasse-balcon ; qu'en se bornant à juger, pour écarter le moyen tiré de la prescription, que les travaux d'aménagement du garage en appartement sont postérieurs à 1980, sans rechercher à quelle date précise les travaux de la terrasse-balcon avaient été achevés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2227 du code civil ;

Alors que, d'autre part, l'article 678 du code civil, qui prescrit le respect de distances de vue, ne reçoit pas application toutes les fois où il est démontré l'absence de tout risque d'indiscrétion au regard de la configuration des lieux ; qu'en l'espèce, les consorts C... faisaient régulièrement valoir que la vue de la terrasse de la piscine portait uniquement sur le village, l'église et le toit de la propriété des époux V..., de sorte qu'il n'existait aucun risque d'indiscrétion qui aurait justifié le respect de distances (conclusions, pp. 8-9) ; qu'en ne procédant à aucune recherche sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 678 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement Mme F... H..., M. K... C... et Mme G... C... à installer à leurs frais un pare-vue sur la totalité de la terrasse-balcon et de la terrasse de la piscine, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant une durée d'un an à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification de la décision ;

Aux motifs que, « Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a considéré que la vue droite tombait sur le chemin communal, qu'il existait une vue oblique, que la distance de soixante centimètres "n'était pas contestée", qu'il y avait une vue depuis la terrasse de la piscine mais que le procèsverbal de bornage de 2010 établi pour l'avenir avait admis le mur comme limite de propriété et que la distance d'1,90 mètres avait été respectée. Ce faisant, le premier juge s'est contredit et a opéré une confusion entre les fondements juridiques des actions.

En l'état de la procédure pendante devant la cour, il n'y a pas lieu d'ordonner avant dire droit la production de l'original de l'acte administratif du 25 novembre 1976, d'autant que la question à trancher n'est pas celle de la propriété de la parcelle. De plus, si les intimés n'ont pas acquis la parcelle [...], c'est à la commune ou aux contribuables qu'il appartient d'agir.

La consultation du plan cadastral, des photographies IGN et Street view ainsi que du plan de bornage met en évidence que la situation du chemin de service est parfaitement étrangère au litige portant sur les vues puisque cette voie passe devant le fonds V... et se poursuit derrière le fonds C... qui sont contigus et alors que la vue alléguée se situe entre les deux fonds, précisément à l'endroit où ils sont contigus. Alors que les immeubles étaient en quinconce, la transformation d'un garage en appartement et la réalisation de la piscine des consorts C... en 1991 en fond de parcelle situe ces extensions le long de l'habitation des époux V.... Aucun permis de construire pour ces aménagements n'est produit et la conformité à un permis de construire, délivré sous réserve des droits des tiers, ne serait pas un obstacle à l'action, elle empêcherait seulement une demande de démolition.

La pente naturelle du terrain et le remblai pour réaliser la piscine ainsi que démontré par les photographies mettent en évidence l'existence d'une vue oblique depuis l'appartement et son balcon, se prolongeant par une vue droite parfois plongeante depuis toute la longueur de la terrasse de la piscine. En effet, les aménagements ont été réalisés le long de la limite séparant les deux fonds. Le mur de la piscine obture la vue d'une des pièces, qui donnait auparavant sur le talus et il surplombe successivement, le jardin, la terrasse, le toit et l'habitation des consorts V....

S'agissant de la vue oblique (entre le coin du bâtiment des consorts C... et le point A du plan de bornage), elle est à plus de soixante centimètres, elle donne sur le mur privatif des époux V.... En revanche, après cet angle, elle est droite à partir de l'angle du bâtiment jusqu'au fond de la parcelle. Les intimés ne peuvent de bonne foi soutenir que ce mur privatif constituait la limite de propriété avant le bornage et que le mur supportant la terrasse de la piscine se trouve à une distance supérieure à celle requise par l'article 678 du code civil, pour rendre licite la vue qu'ils ne contestent d'ailleurs pas avoir sur le fonds de leur voisin que leurs balcon et terrasse surplombent. En effet, la distance entre le mur des époux V... et celui de leur terrasse piscine est inférieure aux dix-neuf décimètres requis, nonobstant le bornage amiable intervenu ultérieurement et qui fixe "désormais" les limites entre les deux fonds.

Aucune prescription ne peut être opposée : si la construction de la maison a été achevée en 1980, les travaux d'aménagement du garage en appartement sont postérieurs et ceux de la piscine datent de 1991.

Le jugement doit donc être infirmé et les consorts C... déboutés de leurs demandes contraires y compris celles de constat. La demande formée par les époux V... d'installation d'un pare-vue concerne le fonds des consorts C... ; elle ne se limite pas aux points A et B du plan de bornage mais ne concerne pas le balcon de la construction d'origine. Le pare-vue doit être installé aux frais des consorts C... sur la totalité de la terrasse-balcon et de la terrasse de la piscine, à charge pour eux de choisir le matériau idoine.

La confusion entretenue par les intimés sur les limites de propriété, sur la présence du chemin, sur la réalisation des travaux postérieurement à la construction de la maison justifie d'assortir la décision d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant une durée d'un an qui commencera à courir à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la signification de la décision » ;

Alors que, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en censurant l'arrêt du chef du dispositif ayant condamné les consorts C... à installer un pare-vue, la Cour de cassation censurera nécessairement le chef du dispositif ayant assorti cette condamnation d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant une durée d'un an commençant à courir à l'expiration du délai de trois mois suivant la signification de la décision, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Alors que, subsidiairement, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision ; qu'une astreinte ne peut être prononcée qu'en cas de risque avéré d'inexécution ; qu'en l'espèce, pour justifier la condamnation des consorts C... à une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant une durée d'un an commençant à courir à l'expiration du délai de trois mois suivant la signification de la décision, la cour d'appel a retenu « la confusion entretenue par les intimés sur les limites de propriété, sur la présence du chemin [et] sur la réalisation des travaux postérieurement à la construction de la maison » (arrêt, p. 7) ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser le moindre risque d'inexécution de la part des consorts C..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-10213
Date de la décision : 12/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 07 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 mar. 2020, pourvoi n°19-10213


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10213
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