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11/03/2020 | FRANCE | N°19-11309

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 mars 2020, 19-11309


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mars 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 208 F-D

Pourvoi n° K 19-11.309

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MARS 2020

La société BRED Banque populaire, société coopérative de banque popu

laire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.309 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mars 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 208 F-D

Pourvoi n° K 19-11.309

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MARS 2020

La société BRED Banque populaire, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.309 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. M... B..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société BRED Banque populaire, de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. B..., après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 novembre 2018), suivant offre acceptée le 23 août 2007, Mme J... et M. B... ont souscrit auprès de la société BRED Banque populaire (la banque) un prêt immobilier. Par lettres du 21 août 2012, la banque a prononcé la déchéance du terme du crédit, en raison d'impayés. Les échéances ont ensuite été régulièrement honorées jusqu'au mois de février 2014 par Mme J.... Par requête du 7 août 2014, M. B... a sollicité la suspension de l'exécution du contrat de prêt pendant une durée de deux ans. Le 14 décembre 2015, la banque l'a assigné en paiement du solde du prêt. Il a, alors, soulevé la prescription de l'action de la banque.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La banque fait grief à l'arrêt de juger que son action en paiement est irrecevable comme prescrite, alors « que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que la demande de délai de grâce formulée par le débiteur s'analyse comme une reconnaissance de l'obligation, peu important qu'il prenne à cette occasion de nouveaux engagements à l'égard de son créancier ; qu'à l'effet exclure l'interruption de la prescription, la cour d'appel a retenu que la requête en délais de grâce déposée par M. B..., qui ne contenait aucun engagement de sa part, ne permettait pas de caractériser l'existence d'une reconnaissance de dette M. B... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2240 du code civil :

3. Selon ce texte, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

4. Pour déclarer prescrite l'action engagée par la banque, l'arrêt retient que ni les versements postérieurs à la déchéance du terme ni la requête aux fins de délai de grâce déposée par M. B..., ne contenant aucun engagement de sa part, ne suffisent à caractériser l'existence d'une reconnaissance de dette.

5. En statuant ainsi, alors que la demande de délai de grâce avait pour objet d'obtenir des délais pour payer les sommes dues en exécution du prêt, dont il se reconnaissait coemprunteur solidaire, et qu'elle valait reconnaissance par celui-ci de l'existence de la dette, interruptive de la prescription, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;

Condamne M. B... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société BRED Banque populaire.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR jugé que l'action en paiement engagée par la BRED BANQUE POPULAIRE était irrecevable comme prescrite ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « Attendu qu'aux termes de l'article L 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels ; que par lettre du 21 août 2012, la BRED BANQUE POPULAIRE s'est, conformément aux conditions générales, prévalue de la déchéance du terme et a rendu immédiatement exigible l'intégralité des sommes dues en principal, frais et accessoires ; que sans apporter aucun élément de nature à appuyer ses propos, la BRED BANQUE POPULAIRE prétend avoir renoncé à la déchéance du terme prononcée par lettre du 21 août 2012 ; qu'elle estime notamment que les versements intervenus postérieurement à la déchéance du terme sous-entendent que M. B... aurait entendu reprendre une exécution normale du crédit et que la banque aurait ainsi renoncé à la déchéance du terme ; que la BRED BANQUE POPULAIRE ne prouve donc pas avoir renoncé de façon certaine et non équivoque à la déchéance du terme ; qu'en s'appuyant par ailleurs sur les versements intervenus postérieurement à la déchéance du terme, elle argue d'une régularisation ayant interrompu la prescription alors qu'aucune régularisation ne peut jouer lorsque le prêteur s'est, conformément aux stipulations contractuelles, prévalu de la déchéance du terme avant les paiements effectués par l'emprunteur, cette déchéance du terme ayant immédiatement rendu exigible la dette correspondant à la totalité des sommes dues ; qu'enfin ni les versements intervenus postérieurement à la déchéance du terme, ni la requête en délais de grâce déposée par M. B... près le tribunal d'instance de Saint-Martin et ne contenant aucun engagement de sa part, ne suffisent à caractériser l'existence d'une reconnaissance de dette ; qu'il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription est nécessairement intervenu au plus tard le 21 août 2012 de sorte que l'action en paiement engagée par assignation délivrée le 14 décembre 2015 n'a pas été formée dans les deux ans de l'événement qui lui a donné naissance » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « que l'article L 137-2 du code de la consommation dispose en matière de crédits immobiliers que : « L'action des professionnels, pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans » ; que le point de départ de prescription se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée ; que le contrat liant les parties contient une clause DEFAILLANCE ET EXIGIBILITE DES SOMMES DUES, quant aux conditions du prêt immobilier souscrit par le couple J... B..., qui stipule que : « La totalité des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt deviendra de plein droit immédiatement exigible sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable [...] d'une manière générale ,en cas d'inexécution de l'un des engagements contractés par l'emprunteur » ; que le 11 août 2012, la BRED BANQUE POPULAIRE a adressé un courrier à Monsieur B... en ces termes : « Nous constatons que votre compte présente 3 échéances impayées de 745,68€, 475,85 C et 482, 04 C , soit un montant total de 1 433, 57 €. Aux termes du contrat de prêt, le non-paiement d'une échéance nous ouvre la possibilité d'exiger le remboursement Immédiat de la totalité des sommes restant dues. Afin d'éviter une telle situation, nous vous invitons à régler sous huitaine les échéances en retard » (LR avec AR du 12 août 2012) ; que Monsieur B... n'ayant pas régularisé ses impayées, la BRED BANQUE POPULAIRE s'est prévalue de la déchéance du terme conformément aux stipulations contractuelles en adressant aux deux emprunteurs une lettre RAR en date du 1" août 2012, reçue le 22 août 2012 ; qu'il s'ensuit que les deux courriers recommandés du 22 août 2012 constituent le point de départ du délai de la prescription biennale étant précisé que l'assignation délivrée par la BRU) BANQUE POPULAIRE a été signifiée le 15 décembre 2015 , de sorte que l'action en paiement engagée est prescrite » ; que la BRED BANQUE POPULAIRE s'oppose à la prescription en invoquant deux motifs : -la renonciation à se prévaloir de la déchéance du terme ; - l'existence d'un acte interruptif de prescription ; mais attendu que premièrement, la renonciation à la déchéance du terme ne se présume pas, elle doit être certaine et non équivoque ; que les prélèvements effectués par un établissement financier postérieurement à la déchéance du terme mettant fin au contrat de crédit et qui ont vocation à réduire sa créance ne caractérisent pas la renonciation de ce dernier à s'en prévaloir ; Que le versement de diverses sommes versées postérieurement entre les mains de la Banque en règlement d'un prêt, n'induit pas que la Banque soit revenue sera Banque ; qu'en l'espèce, la BRED BANQUE POPULAIRE se dispense de faire état de la lettre initiale de déchéance , et de raisonner qu'à compter de la nouvelle déchéance du 15 niai 2014, fondée sur les derniers incidents la précédant ; qu'ainsi, la BRED n'a pas formalisé de manière non équivoque sa volonté de renoncer du terme prononcée le 22 août 2012 , ce qu'elle ne conteste pas vraiment d'ailleurs dans ses dernières écritures ; qu'ensuite deuxièmement , la BRED considère que la requête du 8 août 2014 déposée près le tribunal d'instance de SAINT MARTIN par Monsieur B..., et l'ordonnance en date du 12 septembre 2014,accordant des défais de grâce ont interrompu la prescription acquise le 21 août 2012 , en permettant d'exercer son action jusqu'au 7 août 2016, mais la lecture de la requête invoquée suffit à déduire que Monsieur B... n'a pas exprimée sa volonté d'interrompre ou renoncer à la prescription en cours, mas qu'il a émis des réserves sur le montant des sommes réclamées suite à une cession en cours de ses parts sur l'ensemble des biens immobiliers communs ; qu'en outre, la demande de délais de paiement de Monsieur B... était motivée par le fait de « permettre à Madame J... de rester protéger par l'ordonnance du 14 avril 2014 et de conserver son bien que je cède sans intérêt et condition j , étant précisé que la requête ne contenait pas d'engagement à reprendre le remboursement des échéances à l'issue du délai de suspension ; que de plus Monsieur B... n'a pas davantage renoncé à la prescription acquise par la communication en cours de procédure de la requête et l'ordonnance ; qu'au regard de ces éléments, l'action en paiement présentée par la BRED BANQUE POPULAIRE à l'encontre de Monsieur M... B... se heurte à une fin de non-recevoir tirée de la prescription » ;

ALORS QUE, premièrement, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que la demande de délai de grâce formulée par le débiteur s'analyse comme une reconnaissance de l'obligation, peu important qu'il prenne à cette occasion de nouveaux engagements à l'égard de son créancier ; qu'à l'effet exclure l'interruption de la prescription, la cour d'appel a retenu que la requête en délais de grâce déposée par M. B..., qui ne contenait aucun engagement de sa part, ne permettait pas de caractériser l'existence d'une reconnaissance de dette M. B... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause ;

ALORS QUE, deuxièmement, la reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne un effet interruptif pour la totalité de la créance ; qu'en opposant, par motifs réputés adoptés, que M. B... avait émis des réserves sur le montant de la dette, pour exclure que sa demande de délais de grâce puisse être regardée comme une reconnaissance des droits de la banque interruptive de la prescription, les juges du fond se sont fondés sur un motif inopérant et ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 2240 du code civil, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation, applicable à la cause ;

ALORS QUE, troisièmement, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que la reconnaissance par l'emprunteur des droits de la banque peut intervenir après la déchéance du terme, notamment à raison du paiement partiel de la dette ; qu'en décidant, pour déclarer l'action prescrite, que les versements intervenus postérieurement à la déchéance du terme ne permettaient pas de caractériser l'existence d'une reconnaissance de dette, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation, dans sa version alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-11309
Date de la décision : 11/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 12 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 mar. 2020, pourvoi n°19-11309


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11309
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