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11/03/2020 | FRANCE | N°18-19124

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 mars 2020, 18-19124


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mars 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 195 F-D

Pourvoi n° J 18-19.124

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 MARS 2020

1°/ l

a société MMA IARD, société anonyme,

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,

toutes deux ayant leur siège [...] ,

3°/ la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mars 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 195 F-D

Pourvoi n° J 18-19.124

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 MARS 2020

1°/ la société MMA IARD, société anonyme,

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme,

toutes deux ayant leur siège [...] ,

3°/ la société Ethimo patrimoine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° J 18-19.124 contre l'arrêt rendu le 3 mai 2018 par la cour d'appel de Versailles (12e Chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. P... J... ,

2°/ à Mme C... U..., épouse J... ,

tous deux domiciliés [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat des sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Ethimo patrimoine, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. et Mme J... , et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mai 2018), en 2008 et 2009, M. et Mme J... ont apporté à des sociétés en participation, dans le cadre d'un programme de défiscalisation conçu par la société Dom-Tom défiscalisation qui leur avait été recommandé par la société Quatuor patrimoine, conseiller en gestion de patrimoine, des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation dans des départements d'outre-mer et leur location à des sociétés d'exploitation, puis ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt du fait de ces investissements.

2. L'administration fiscale ayant remis en cause ces réductions d'impôt, M. et Mme J... , estimant que la société Quatuor patrimoine, aux droits de laquelle est venue la société Ethimo patrimoine, avait manqué à ses obligations d'information et de conseil, l'ont assignée, ainsi que son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), en réparation de préjudices correspondant aux suppléments d'impôt sur le revenu et aux intérêts de retard et majorations mis à leur charge.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner solidairement la société Ethimo patrimoine et les sociétés MMA à payer à M. et Mme J... la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral

4. Les motifs critiqués par le moyen n'étant pas le soutien du chef de dispositif prononçant cette condamnation, ce moyen est inopérant.

Mais sur ce moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner solidairement la société Ethimo patrimoine et les sociétés MMA payer à M. et Mme J... la somme de 93 179 euros

Enoncé du moyen

5. La société Ethimo patrimoine et les sociétés MMA font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. et Mme J... la somme de 93 179 euros en réparation de leur préjudice fiscal alors « que le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf lorsqu'il est établi que, dûment informé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre ; que, pour condamner la société Ethimo patrimoine, au titre d'un manquement à son obligation d'information et de conseil, in solidum avec les sociétés MMA et MMA assurances mutuelles, à verser à M. et Mme J... la somme de 93 179 euros, équivalente au montant des redressements fiscaux, la cour d'appel a énoncé que le manquement à l'information à laquelle la société Ethimo était tenue est à l'origine directe et certaine de la rectification fiscale qui en est résultée pour M. et Mme J... ; qu'en statuant ainsi, cependant que le paiement de l'impôt mis à la charge du contribuable ne constituait pas à lui seul un préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ».

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. M. et Mme J... soulèvent l'irrecevabilité du moyen en raison de sa nouveauté.

7. Cependant, la société Ethimo patrimoine et les sociétés MMA ayant fait valoir dans leurs conclusions que le principal d'un impôt mis à la charge d'un contribuable ne constitue pas un préjudice, sauf si celui-ci démontre qu'il aurait pu bénéficier d'une solution alternative, ce qui n'est pas le cas de M. et Mme J... , le moyen, qui n'est donc pas nouveau, est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ce texte que le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf lorsqu'il est établi que, dûment informé ou dûment conseillé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.

9. Pour condamner la société Ethimo patrimoine et les sociétés MMA à payer à M. et Mme J... des sommes correspondant au montant des suppléments d'impôt sur le revenu et des intérêts et majorations de retard mis à leur charge, après avoir retenu que la société Ethimo patrimoine avait manqué à son obligation d'information et de conseil, l'arrêt retient que ce manquement est à l'origine directe et certaine de la rectification fiscale qui en est résultée pour M. et Mme J... .

10. En statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions, M. et Mme J... se bornaient à soutenir que, dûment conseillés, ils auraient renoncé à l'opération, sans alléguer qu'ils auraient disposé d'une solution alternative leur permettant d'échapper au paiement de l'impôt supplémentaire mis à leur charge à la suite de la rectification fiscale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement les sociétés Ethimo patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. et Mme J... la somme de 93 179 euros au titre du préjudice fiscal et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. et Mme J... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme J... et les condamne à payer aux sociétés Ethimo patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et la société Ethimo patrimoine

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR condamné solidairement la société Ethimo patrimoine et les sociétés MMA et MMA assurances mutuelles à payer à M. et Mme J... les sommes de 93 179 euros au titre du préjudice fiscal et 1 000 euros au titre du préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE « il se déduit des faits et des motifs retenus ci-dessus que, avant même que le concours des époux J... ait été sollicité pour leur apport, et que la première année de leur déclarations sur leurs revenus, le bénéfice de la réduction de l'impôt leur soit acquis en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts, la première des conditions que la loi garantissait pour la réduction fiscale était irrévocablement exclue tandis que la société Ethimo devait l'évaluer, de sorte que le manquement à l'information à laquelle la société Ethimo était tenue est à l'origine directe et certaine de la rectification fiscale qui en est résultée pour les époux J... ; que le jugement sera en conséquence infirmé et la société Ethimo condamnée à payer aux époux J... la somme de 93 179 euros transigée avec l'administration fiscale » ;

1°/ ALORS, d'une part, QUE le paiement de l'impôt mis à la charge d'un contribuable à la suite d'une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf lorsqu'il est établi que, dûment informé, il n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre ; que, pour condamner la société Ethimo patrimoine, au titre d'un manquement à son obligation d'information et de conseil, in solidum avec les sociétés MMA et MMA assurances mutuelles, à verser aux époux J... la somme de 93 179 euros, équivalente au montant des redressements fiscaux, la cour d'appel a énoncé que le manquement à l'information à laquelle la société Ethimo était tenue est à l'origine directe et certaine de la rectification fiscale qui en est résultée pour les époux J... ; qu'en statuant ainsi, cependant que le paiement de l'impôt mis à la charge du contribuable ne constituait pas à lui seul un préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ALORS, d'autre part, QUE les intérêts de retard réclamés par l'administration fiscale en cas de redressement ne constituent un préjudice réparable qu'à hauteur de ce qui ne relève pas de l'avantage financier procuré par la conservation, dans le patrimoine du contribuable, du montant dont il était redevable, jusqu'à son recouvrement par l'administration fiscale ; qu'en l'espèce, en condamnant la société Ethimo patrimoine, au titre d'un manquement à son obligation d'information et de conseil relativement à la condition de mise en location du matériel, in solidum avec les sociétés MMA et MMA assurances mutuelles, à verser aux époux J... une somme incluant des intérêts de retard à hauteur de 3 971 euros, sans rechercher si, en conservant dans leur patrimoine la part de l'impôt sur le revenu à tort déduite, ils n'en avaient pas retiré un avantage financier de nature à venir en compensation avec les intérêts de retard réclamés par l'administration fiscale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

3°/ ALORS, encore et en toute hypothèse, QUE le préjudice né du manquement du conseiller en investissement à son obligation d'information et de conseil s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter ; que, pour condamner la société Ethimo patrimoine, au titre d'un manquement à son obligation d'information et de conseil, in solidum avec les sociétés MMA et MMA assurances mutuelles, à verser aux époux J... la somme de 93 179 euros, équivalente au montant des redressements fiscaux, la cour d'appel a énoncé que le manquement à l'information à laquelle la société Ethimo était tenue est à l'origine directe et certaine de la rectification fiscale qui en est résultée pour les époux J... ; qu'en statuant ainsi, cependant que le manquement de la société Ethimo patrimoine à son obligation d'information et de conseil était seulement à l'origine d'une perte de chance de ne pas souscrire l'investissement, dont la réparation devait être mesurée à la chance perdue et ne pouvait être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, la cour d'appel a encore violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE, dès lors que la réunion des conditions requises pour bénéficier de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, s'apprécie au 31 décembre de l'année de l'investissement considéré, le manquement du conseiller en investissements financiers tenant à ce qu'au jour où il présentait l'opération de défiscalisation à son client, il ne l'a pas informé de ce que ces conditions n'étaient pas réunies, ne peut être à l'origine, dans la mesure où il ne peut être exclu qu'elles le deviennent au 31 décembre suivant, que d'une perte de chance de ne pas avoir renoncé à souscrire à cette opération de défiscalisation ; qu'en condamnant la société Ethimo patrimoine, au titre d'un manquement à son obligation d'information et de conseil, solidairement avec les sociétés MMA et MMA assurances mutuelles, à verser aux époux J... une somme équivalente au montant des redressements fiscaux, cependant qu'avant même que ces derniers souscrivent à l'opération de défiscalisation proposée par la société DOM-TOM défiscalisation, la condition de la réduction d'impôt tenant à la détention du matériel et à sa mise en location était irrévocablement exclue, de sorte qu'ils n'avaient subi qu'une perte de chance, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et 199 undecies B du code général des impôts dans leur rédaction alors applicable.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR débouté les sociétés MMA et MMA assurances mutuelles de leur demande d'application de la franchise ;

AUX MOTIFS QUE « pour prétendre à l'application au sinistre d'une franchise de 15 000 euros, les assureurs se limitent aux termes de leur conclusions à invoquer les articles L. 121-1 et L. 112-6 du code des assurances sans exposer celles des stipulations de la police d'assurance communiquées sous le numéro de pièce 3 qui seraient applicables au dommage, de sorte que la cour n'est pas en mesure de discuter si les définitions contractuelles intègrent ou non au fait dommageable, le partage de la valeur de l'investissement selon la répartition des parts sociales détenues dans la SEP et dérogent ou non à la détermination de la franchise par sinistre d'après le montant de l'opération fiscale ; qu'en l'état de simples affirmations que la cour n'est pas tenue de discuter, cette prétention, qui n'avait pas été tranchée par les premiers juges, sera rejetée » ;

ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, les sociétés MMA et MMA assurances mutuelles invoquaient, dans leurs conclusions d'appel, la stipulation du contrat d'assurance de responsabilité civile mettant à la charge de l'assuré pour compte une franchise d'un montant de 15 000 euros, laquelle figurait en page 7 de ce contrat ; qu'en énonçant que les sociétés MMA et MMA assurances mutuelles n'exposaient pas les stipulations du contrat d'assurance applicables à ce titre, la cour d'appel a dénaturé leurs conclusions d'appel en violation du principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis, ensemble de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-19124
Date de la décision : 11/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 mar. 2020, pourvoi n°18-19124


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.19124
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