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11/03/2020 | FRANCE | N°18-17048

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mars 2020, 18-17048


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mars 2020

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 334 F-D

Pourvoi n° C 18-17.048

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

La société Le Créneau industriel, sociétÃ

© par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-17.048 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2018 par la cour d'appel de Ch...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mars 2020

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 334 F-D

Pourvoi n° C 18-17.048

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

La société Le Créneau industriel, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-17.048 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2018 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. O... H..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Le Créneau industriel, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. H..., après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique, qui est recevable, pris en sa première branche :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu que lorsqu'une autorisation administrative de licenciement a été accordée à l'employeur, le juge judiciaire, s'il est compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute, ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. H... a été engagé par la société le Créneau industriel en qualité de technicien automaticien à compter du 1er septembre 2003 et occupait en dernier lieu des fonctions de technicien automaticien avec délégation d'administration du réseau informatique, statut cadre ; qu'il a été élu délégué du personnel suppléant le 22 juin 2010 puis délégué titulaire le 1er juin 2011, et a été désigné en qualité de délégué syndical CGT le 21 juin 2011 ; que sur autorisation de licenciement du 30 octobre 2012 par l'inspecteur du travail, devenue définitive après le jugement du tribunal administratif du 27 juin 2014, il a été licencié pour faute grave par lettre du 6 novembre 2012 ; que le 5 novembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement ;

Attendu que pour faire droit à la demande du salarié, la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait qu'être constaté que le licenciement prononcé par la société était sans cause réelle et sérieuse et qu'en conséquence le salarié était fondé en ses demandes au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. H... sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Le Créneau industriel à verser au salarié les sommes de 10 258,80 euros bruts d'indemnité de préavis, 1 025,88 euros bruts au titre des congés payés afférents et 9 232,92 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 22 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. H... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Le Créneau industriel.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement prononcé par la société Le Créneau Industriel le 6 novembre 2012 à l'encontre de M. O... H... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société Le Créneau Industriel à payer à M. H... les sommes de 10.258,80 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents, 9.232,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement et 1.600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « la faute grave qui justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, est définie comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; Que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; Attendu qu'il convient de rappeler que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; Attendu qu'en l'espèce Monsieur H... a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2012 pour les motifs suivants : - avoir, par courriel du 21 juin 2012, alors qu'un déplacement et une mission auprès du client Pakistan Air Force avait été programmés depuis plusieurs semaines pour la période du 23 juillet au 3 août 2012, fait savoir à la société qu'il n'entendait pas exécuter cette mission, conditionnant son accord à l'acceptation de revendications salariales personnelles ; - après remise de son passeport le 6 juillet 2012 à la société pour que le voyage puisse être organisé, le salarié ne pas s'être présenté au départ le 23 juillet 2012 malgré les consignes claires données par la société ; - ce comportement qui constitue un manquement et une insubordination manifeste particulièrement graves et délibérés, a entraîné des conséquences lourdes pour la société qui a fait face à une perte de trésorerie d'un montant évalué à 101 000 €, ainsi qu'une remise en cause de son partenariat avec le client pour lequel plusieurs appels d'offres de machines sont en cours et qui réclame une garantie contractuelle de 50 000 euros ; Attendu que l'employeur qui ne s'est pas constitué dans le cadre de l'appel n'a communiqué aucune pièce ni conclusions ; Que le salarié qui conteste son licenciement prononcé pour faute grave , explique qu'il n'a jamais donné son accord pour ce déplacement en rappelant à son employeur qu'il l'a informé dès le mois de novembre 2010 qu'il n'était pas volontaire au regard de ce que les primes relatives à ses déplacements en Russie ne lui avaient pas été réglées et au regard de la faiblesse des primes qui lui ont été octroyées en 2010 (pièce 7) ; qu'il a encore rappelé à son employeur sa position par courriel du 21 juin 2012 auquel la société a répondu le 4 juillet 2012 (pièce 8), pour contester le solde des primes réclamées au titre du déplacement en Russie et pour affirmer qu'il avait perçu les mêmes augmentations de salaire que ses collègues mais qu'il a été tenu compte de ses absences dans son travail pour le paiement des primes exceptionnelles ; Attendu qu'il convient de constater que le licenciement du salarié élu en qualité de représentant du personnel a fait l'objet d'une autorisation administrative ; que cependant seul le juge judiciaire est compétent pour qualifier la faute retenue ; Attendu que Monsieur H... communique copie de l'article 11 de la convention collective de la métallurgie (ingénieurs et cadres) qui dispose que concernant le mode de transport en avion, celui-ci doit se faire sur demande de l'employeur et qu'il se fera uniquement avec l'accord de l'intéressé ; qu'il indique en outre qu'en 2012 le voyage au Pakistan présentait des risques importants puisque le gouvernement français déconseillait fortement le déplacement sur ce territoire (pièce 7), ce que l'employeur refusait de prendre en compte financièrement, et précise enfin que des collègues ont refusé ce voyage et n'ont fait l'objet d'aucune sanction ; Attendu que l'employeur fait état dans la lettre de licenciement d'un préjudice financier sans rapporter la preuve de l'existence de celui-ci, ce d'autant plus que le salarié démontre que la garantie contractuelle de 50 000 euros qu'il invoque était versée depuis janvier 2009 par la société et qu'elle est donc sans lien avec son refus; Attendu que la société était d'autre part bien informée depuis 2010 de ce que Monsieur H... n'était pas volontaire pour ce déplacement compte tenu de la dangerosité de celui-ci (confirmé par la pièce 15 du salarié) ; Attendu encore que deux autres salariés ont refusé ce déplacement et non pas été pour autant sanctionnés par l'employeur ; Attendu enfin que malgré ses dénégations l'employeur était bien informé dès le 4 juillet 2012 (pièce 13) du refus de Monsieur H... de se déplacer au Pakistan si aucune prime suffisante ne lui était versée ; et que l'intéressé qui était en congé du 6 au 21 juillet 2012 a confirmé à son retour de vacances à son employeur qui ne lui a fait aucune proposition financière qu'il n'entendait pas se rendre au Pakistan ; Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne peut qu'être constaté que le licenciement prononcé par la société LE CRENEAU INDUSTRIEL est sans cause réelle et sérieuse ; Qu'en conséquence Monsieur H... est fondé dans ses demandes formées au titre de l'indemnité de licenciement, et de l'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents ; Attendu que le salarié qui justifie de plus de neuf ans d'ancienneté percevait un salaire mensuel brut de 3 419,60 euros bruts qui sera retenu pour fixer à la somme de 10'258,80 euros bruts l'indemnité de préavis (trois mois par la convention collective applicable), outre 1 025,88 euros bruts au titre des congés payés afférents ; Que l'indemnité de licenciement telle que calculée par le salarié dans le respect des dispositions applicables, et dont le montant n'est pas contesté par l'employeur, sera fixée à la somme de 9 232,92 euros nets qu'il réclame » ;

1. ALORS QUE lorsqu'une autorisation administrative de licenciement a été accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que le licenciement de M. H... avait fait l'objet d'une autorisation administrative en date du 30 octobre 2012 et que le tribunal administratif de Grenoble a, par jugement définitif du 27 juin 2014, débouté M. H... de sa demande tendant à l'annulation de cette décision administrative ; qu'en procédant néanmoins à l'examen du caractère réel et sérieux du motif du licenciement de M. H... et en jugeant que le licenciement prononcé par la société Le Créneau Industriel était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée en matière administrative ;

2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE si le juge judiciaire peut, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement, se prononcer sur l'existence d'une faute grave pour statuer sur la demande du salarié en paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité de licenciement, il est lié par les motifs qui constituent le soutien nécessaire de la décision administrative ; que viole le principe de séparation des pouvoirs, le juge qui écarte l'existence d'une faute grave en remettant en cause le caractère fautif des faits que l'inspecteur du travail a dit constituer une faute d'une gravité suffisante ; qu'en retenant, pour dire que le licenciement de M. H... ne repose pas sur une faute grave, que M. H... indique qu'« en 2012 le déplacement au Pakistan présentait des risques importants », que « la société était bien informée depuis 2010 de ce que Monsieur H... n'était pas volontaire pour ce déplacement compte tenu de la dangerosité de celui-ci » et que « malgré ses dénégations l'employeur était bien informé dès le 4 juillet 2012 du refus de Monsieur H... de se déplacer au Pakistan si aucune prime suffisante ne lui était versée », cependant que l'inspecteur du travail avait relevé, pour dire que les faits reprochés à M. H... constituaient une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier le licenciement, que « M. H... n'a jamais évoqué auparavant un souci de sécurité pour sa personne, y compris dans son message électronique du 21 juillet 2012 », que « des mesures de sécurités étaient assurées par ce client pour l'hébergement et les différents déplacements, mesures portées à la connaissance des salariés potentiellement concernés par cette mission dès novembre 2010 », que l'employeur avait « revalorisé les primes de déplacement pour cette mission pakistanaise de 2000 euros par semaine » et que M. H... « a remis son passeport le 6 juillet 2012 à l'entreprise pour les formalités administratives à remplir pour son voyage », la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 8 fructidor an III, ensemble le principe de l'autorité de la chose jugée en matière administrative.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-17048
Date de la décision : 11/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 22 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 mar. 2020, pourvoi n°18-17048


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.17048
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