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05/03/2020 | FRANCE | N°18-26137

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 mars 2020, 18-26137


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mars 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 288 F-P+B+I

Pourvoi n° H 18-26.137

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020

M. I... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 18-26.137 contre

l'arrêt rendu le 18 octobre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (10e chambre), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victime...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mars 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 288 F-P+B+I

Pourvoi n° H 18-26.137

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020

M. I... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 18-26.137 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (10e chambre), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. S..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre.

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 octobre 2018), que par requête du 21 avril 2015, M. S... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions afin d'obtenir la réparation de ses préjudices consécutifs à des blessures subies à l'occasion de ses fonctions de policier alors qu'il poursuivait un cyclomoteur dont le conducteur n'avait pas observé l'arrêt imposé par un feu rouge fixe ;

Attendu que M. S... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que chacun des éléments, en l'absence duquel le dommage ne serait pas survenu, est la cause du dommage ; qu'en énonçant qu'il « ne peut être légitimement soutenu que [le conducteur du scooter] a occasionné des blessures à M. S... par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou l'a délibérément exposé à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et ce dans la mesure où les violations qu'il a commises au code de la route et le refus d'obtempérer ne sont pas en lien direct et certain avec ces blessures qui sont la seule conséquence de la chute purement accidentelle de M. S... qui reconnaît d'ailleurs avoir glissé avant de tomber », cependant qu'en l'absence des infractions commises par le conducteur du scooter, soit le refus d'obtempérer et le dédit de fuite, le dommage subi par M. S... ne serait pas survenu, ce dont il résultait que ces infractions matérielles étaient bien la cause du dommage, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 706-3 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'un événement est la cause d'un autre lorsqu'on peut prévoir, en se fondant sur le déroulement habituel des faits tel que l'expérience le relève, qu'il suit un autre ; qu'en énonçant qu'il « ne peut être légitimement soutenu que [le conducteur du scooter] a occasionné des blessures à M. S... par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou l'a délibérément exposé à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et ce dans la mesure où les violations qu'il a commises au code de la route et le refus d'obtempérer ne sont pas en lien direct et certain avec ces blessures qui sont la seule conséquence de la chute purement accidentelle de M. S... qui reconnaît d'ailleurs avoir glissé avant de tomber », cependant que le refus d'obtempérer et la fuite du conducteur du scooter étaient, parmi les antécédents de l'accident, le « fait adéquat » qui avait causé le dommage, la cour d'appel a encore violé, par refus d'application, l'article 706-3 du code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les blessures subies étaient la conséquence de la chute purement accidentelle de M. S... au cours de sa tentative d'interpellation du conducteur du scooter qui s'enfuyait, la cour d'appel a pu en déduire qu'il n'existait pas de lien de causalité direct et certain entre ces blessures et le refus d'obtempérer et que le préjudice subi ne résultait donc pas de faits présentant le caractère matériel d'une infraction ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. S... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. S...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté les demandes de Monsieur I... S... ;

AUX MOTIFS PROPRES Qu'en vertu de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits, volontaires ou non, présentant le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne notamment lorsqu'elles ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égal ou supérieur à un mois ; que Monsieur S... ne peut être indemnisé de son dommage par le FGTI que si les conditions d'indemnisation prévues par les dispositions précitées sont remplies et, en premier lieu, s'il est établi qu'il a été victime de faits présentant le caractère matériel d'une infraction ; qu'en l'espèce, Monsieur S... a déclaré lors de l'enquête de police qu'étant en patrouille avec des collègues ils avaient constaté que le conducteur d'un scooter avait franchi un feu au rouge, qu'ils l'avaient poursuivi en voiture, l'avaient arrêté, puis ne plus se souvenir de ce qui s'était passé par la suite si ce n'est qu'il avait été relevé par un collègue qui lui avait dit qu'il était tombé et avait perdu connaissance ; que la déclaration de main courante effectuée par une collègue de la victime mentionne « refus d'obtempérer par le conducteur d'un scooter
alors qu'il vient de brûler le feu rouge devant notre véhicule, disons prendre en charge ledit scooter, le conducteur du scooter fait alors mine de s'arrêter, mettons pied à terre mais le conducteur du scooter redémarre alors et prend la fuite ; il est intercepté par un équipage BAC suite à notre diffusion radio ; entre le refus et l'interception disons que le gardien S... a glissé et a chuté au sol et que sa tête a violemment frappé le sol
» ; que, s'il n'est pas contesté que Monsieur S... a chuté lors de sa tentative pour interpeller le conducteur du scooter qui s'enfuyait il ne peut être légitimement soutenu que ce dernier a occasionné des blessures à Monsieur S... par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou l'a délibérément exposé à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et ce dans la mesure où les violations qu'il a commises au code de la route et le refus d'obtempérer ne sont pas en lien direct et certain avec ces blessures qui sont la seule conséquence de la chute purement accidentelle de Monsieur S... qui reconnaît d'ailleurs avoir glissé avant de tomber ; qu'il n'est donc pas établi que le préjudice subi par Monsieur S... résulte de faits présentant le caractère matériel d'une infraction et le jugement doit être confirmé ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE, pour bénéficier des dispositions des articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale, le requérant doit rapporter la preuve qu'il a été victime de faits volontaires ou non présentant le caractère matériel d'une infraction ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments de la procédure pénale que le 24 février 2014, Monsieur S... se trouvait en patrouille avec deux autres collègues fonctionnaires de police de la BST sud, dans le cadre de ses fonctions ; qu'alors qu'ils se trouvaient à l'arrêt à un feu rouge, ils ont constaté qu'un scooter le franchissait devant eux ; qu'ils ont alors démarré après avoir mis le gyrophare et avertisseur sonore et l'ont immobilisé un peu plus loin après qu'il ait refusé de s'arrêter ; que Monsieur S... indique ne plus avoir de souvenirs à compter de cet instant, se rappelant seulement s'être relevé du sol, alors que son collègue, Monsieur M..., lui a indiqué qu'il était tombé et qu'il avait perdu connaissance ; qu'il ressort des déclarations faites par les gardiens de la paix, P... K... et N... M..., présents lors des faits aux côtés de Monsieur S..., qu'après avoir immobilisé une première fois l'individu en scooter, celui-ci a repris la fuite, avant d'être intercepté par un équipage de la BAC ; qu'il en résulte encore que I... S..., qui se trouvait à l'arrière du véhicule, en est descendu aux fins de tenter d'interpeller l'individu et que, dans sa course à pied derrière le scooter, celui-ci a glissé, chuté au sol, sa tête frappant violemment le sol ; qu'ainsi, c'est à la suite d'un refus d'obtempérer que Monsieur S... a tenté de rattraper l'individu, et que celui-ci a, dans sa propre course, glissé et chuté, se causant les blessures aujourd'hui invoquée ; qu'en conséquence, si ce refus d'obtempérer est le fait générateur de la course entreprise par Monsieur S..., il n'existe pas de lien causal direct entre celui-ci et la chute du requérant, qui apparaît comme accidentelle, au vu des déclarations concordantes des fonctionnaires de police ; qu'il s'agit donc manifestement d'un accident du travail (lequel a d'ailleurs été déclaré en accident de service), dont l'indemnisation ne saurait relever de la présente Commission ; qu'en conséquence, les demandes de Monsieur S... seront rejetées ;

ALORS, D'UNE PART, QUE chacun des éléments, en l'absence duquel le dommage ne serait pas survenu, est la cause du dommage ; qu'en énonçant qu'il « ne peut être légitimement soutenu que [le conducteur du scooter] a occasionné des blessures à Monsieur S... par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou l'a délibérément exposé à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et ce dans la mesure où les violations qu'il a commises au code de la route et le refus d'obtempérer ne sont pas en lien direct et certain avec ces blessures qui sont la seule conséquence de la chute purement accidentelle de Monsieur S... qui reconnaît d'ailleurs avoir glissé avant de tomber », cependant qu'en l'absence des infractions commises par le conducteur du scooter, soit le refus d'obtempérer et le dédit de fuite, le dommage subi par Monsieur S... ne serait pas survenu, ce dont il résultait que ces infractions matérielles étaient bien la cause du dommage, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE qu'un événement est la cause d'un autre lorsqu'on peut prévoir, en se fondant sur le déroulement habituel des faits tel que l'expérience le relève, qu'il suit un autre ; qu'en énonçant qu'il « ne peut être légitimement soutenu que [le conducteur du scooter] a occasionné des blessures à Monsieur S... par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou l'a délibérément exposé à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et ce dans la mesure où les violations qu'il a commises au code de la route et le refus d'obtempérer ne sont pas en lien direct et certain avec ces blessures qui sont la seule conséquence de la chute purement accidentelle de Monsieur S... qui reconnaît d'ailleurs avoir glissé avant de tomber », cependant que le refus d'obtempérer et la fuite du conducteur du scooter étaient, parmi les antécédents de l'accident, le « fait adéquat » qui avait causé le dommage, la Cour d'appel a encore violé, par refus d'application, l'article 706-3 du Code de procédure pénale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-26137
Date de la décision : 05/03/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Infraction - Lien de causalité avec le préjudice subi par la victime - Caractérisation - Défaut - Cas

Ayant relevé que les blessures subies par un policier étaient la conséquence de sa chute purement accidentelle au cours de la tentative d'interpellation du conducteur d'un scooter qui s'enfuyait, une cour d'appel a pu en déduire qu'il n'existait pas de lien de causalité direct et certain entre ces blessures et le refus d'obtempérer et que le préjudice subi ne résultait donc pas de faits présentant le caractère matériel d'une infraction, au sens de l'article 706-3 du code de procédure pénale


Références :

article 706-3 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 mar. 2020, pourvoi n°18-26137, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26137
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