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27/02/2020 | FRANCE | N°18-26239

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 27 février 2020, 18-26239


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 février 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 226 F-P+B+I

Pourvoi n° T 18-26.239

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2020

Mme I... B..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° T

18-26.239 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Ba...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 février 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 226 F-P+B+I

Pourvoi n° T 18-26.239

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2020

Mme I... B..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° T 18-26.239 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Banque Courtois, société anonyme, dont le siège est 33 rue de Rémusat, BP 40107, 31001 Toulouse cedex 6, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme B..., de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Banque Courtois, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre.

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 septembre 2018), Mme B... a sollicité le 12 mai 2017 le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour interjeter appel d'un jugement rendu par un tribunal d'instance dans un litige l'opposant à la société Banque Courtois (la banque), qui lui a été signifié le 17 mai 2017.

2. Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er juin 2017, un avocat ayant été désigné pour lui prêter son concours par une décision du bâtonnier du 9 juin 2017 qui a été portée à la connaissance de l'intéressée le 13 juin 2017.

3. Le bâtonnier a désigné successivement deux nouveaux avocats, les 10 juillet et 29 août 2017.

4. Le dernier avocat désigné a interjeté appel pour le compte de Mme B... le 25 septembre 2017.

Examen des moyens

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, quatrième et sixième branches

Enoncé du moyen

5. Mme B... fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable, alors :

« 1°/ que lorsqu'un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; qu'en cas de désignations successives d'auxiliaires de justice, au titre de l'aide juridictionnelle, le délai du recours, interrompu par la demande d'aide juridictionnelle, recommence à courir à compter de la dernière désignation ; qu'il résulte de la décision attaquée que le jugement de première instance a été signifié à Mme B... le 17 mai 2017, que l'aide juridictionnelle lui a été accordée par une décision datée du 1er juin 2017, et qu'après plusieurs désignations successives, un auxiliaire de justice a été désigné le 29 août 2017, une décision du bureau d'aide juridictionnelle portant changement d'avocat étant intervenue le 31 août, et qu'elle a interjeté appel, par la voie de ce conseil, le 25 septembre 2017, soit dans le délai d'un mois à compter de sa désignation ; qu'en considérant toutefois que l'appel de Mme B... était irrecevable comme tardif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique ;

2°/ que lorsqu'un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; qu'en cas de désignations successives d'auxiliaires de justice, au titre de l'aide juridictionnelle, la désignation prévue par ce texte ne vise pas exclusivement la désignation initiale ; qu'en considérant au contraire que le délai d'appel avait recommencé à courir à compter de la première désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle, en charge de défendre les intérêts de Mme B..., et que le délai d'appel était ainsi irrévocablement expiré le 10 juillet 2017, lors même qu'elle avait relevé que d'autres auxiliaires de justice avaient été désignés en lieu et place du premier, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique ;

3°/ qu'à supposer que les motifs des premiers juges aient été adoptés, lorsqu'un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; qu'en cas de désignations successives d'avocats, le délai d'appel interrompu par la demande d'aide juridictionnelle ne recommence à courir qu'à compter de la dernière désignation ; qu'il résulte de la décision attaquée que le jugement de première instance a été signifié à Mme B... le 17 mai 2017, que l'aide juridictionnelle lui a été accordée par une décision du 1er juin 2017, qu'après plusieurs désignations successives, un auxiliaire de justice a été désigné par une décision du 31 août 2017 et qu'elle a interjeté appel, par la voie de ce conseil, le 25 septembre 2017, soit dans le délai d'un mois à compter de sa désignation ; qu'en considérant toutefois, pour juger son appel irrecevable comme tardif, que la décision rectificative du 31 août 2017 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle avait désigné Me K... X... n'a pu avoir aucun effet interruptif dès lors que le délai d'appel était déjà écoulé, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique ;

4°/ que, subsidiairement, la force majeure empêchant une partie de respecter le délai d'appel suspend ce dernier ; qu'en excluant toute force majeure, en se fondant sur l'absence de droit de l'avocat, initialement désigné au titre de l'aide juridictionnelle, de refuser d'exercer la mission qui lui a été confiée par son bâtonnier, avant qu'il soit déchargé de sa mission, énonçant à cet égard qu'il n'était justifié d'aucun cas de force majeure de nature à expliquer pour quelle raison l'avocat initialement désigné n'avait pas relevé appel, à titre conservatoire, sans rechercher si son refus de former appel au nom de Mme B... ne constituait pas un événement extérieur, imprévisible et insurmontable faisant obstacle à ce que Mme B... forme son appel dans les formes légales dans le délai prévu par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 538 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des dispositions de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle étant mis en mesure, sauf cas de force majeure, d'être effectivement assisté par l'avocat qui est initialement désigné pour lui prêter son concours, la désignation ultérieure d'un nouvel avocat est sans incidence sur les conditions d'exercice du recours pour lequel l'aide juridictionnelle a été accordée.

7. Ayant constaté que Mme B..., admise à l'aide juridictionnelle totale pour former un appel, s'était vu désigner un premier avocat par le bâtonnier et qu'aucune circonstance revêtant les caractères de la force majeure n'avait empêché ce conseil d'interjeter appel, la cour d'appel en a exactement déduit que peu importaient les désignations successives de nouveaux avocats.

8. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

Mais sur le moyen unique, pris en ses troisième et cinquième branches

Enoncé du moyen

9. Mme B... fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable, alors :

« 1°/ que, subsidiairement, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; que la date de cette désignation doit s'entendre comme celle de la notification de celle-ci au justiciable ; qu'en jugeant l'appel irrecevable, en prenant comme point de départ du délai d'appel, non pas la notification à Mme B... de la décision d'aide juridictionnelle portant désignation de Me Y..., mais de la date de cette désignation elle-même, soit le 9 juin 2017, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique ;

2°/ que, subsidiairement, à supposer que les motifs des premiers juges aient été adoptés, et s'il était considéré qu'en cas de désignations successives d'avocats, le délai d'appel recommençait à courir à compter de chaque désignation, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; qu'en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le jugement de première instance a été signifié à Mme B... le 17 mai 2017, que l'aide juridictionnelle lui a été accordée par une décision datée du 1er juin 2017, qu'après plusieurs désignations successives, un auxiliaire de justice a été désigné le 29 août 2017, une décision du bureau d'aide juridictionnelle portant changement d'avocat étant intervenue le 31 août, et qu'elle a interjeté appel, par la voie de ce conseil, le 25 septembre 2017 ; qu'en considérant qu'à la date de la décision rectificative du 31 août 2017, le délai d'appel était expiré, en prenant comme point de départ la date de la décision ayant admis Mme B... à l'aide juridictionnelle, et non pas la date de la notification à partie de la désignation de son conseil, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016 :

10. Il résulte de ces textes que le délai d'exercice du recours pour lequel l'aide juridictionnelle a été accordée ne court qu'à compter de la date à laquelle la désignation initiale, par le bâtonnier, de l'avocat chargé de prêter son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a été portée à la connaissance de celui-ci par une notification permettant d'attester la date de réception.

11. Pour déclarer irrecevable l'appel de Mme B..., l'arrêt retient que le délai d'appel, qui a commencé à courir le 9 juin 2017, date de la première désignation d'un avocat par le bâtonnier, était expiré le 10 juillet 2017 lorsque l'appel a été formé.

12. En statuant ainsi, tout en constatant que cette première désignation avait été portée à la connaissance de Mme B... le 13 juin 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Banque Courtois aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque Courtois et la condamne à payer à Mme B... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour Mme B...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué

D'AVOIR confirmé l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 16 mai 2018 déclarant irrecevable l'appel interjeté le 25 septembre 2017 par Mme I... B... contre le jugement du tribunal d'instance de Bordeaux en date du 18 avril 2017,

AUX MOTIFS QUE « la chronologie des événements relatifs à la procédure opposant Mme B... à la banque Courtois est la suivante : jugement du tribunal d'instance de Bordeaux : 18 avril 2017, signification de la décision : 17 mai 2017, demande d'aide juridictionnelle par Mme B... : 12 mai 2017, décision accordant à Mme B... l'aide juridictionnelle totale : 1er juin 2017, désignation par le bâtonnier de maître Y... : 9 juin 2017, notification de cette désignation à Mme B... : 13 juin 2017, « désistement » de Q... Y... : 19 juin 2017, désignation par le bâtonnier de Maître G... : 10 juillet 2017, courriel de Maître G... à Mme B..., l'informant avoir demandé au bâtonnier d'être déchargée du dossier : 3 août 2017, désignation par le bâtonnier de Maître X... : 29 août 2017, appel formé par Maître X... : 25 septembre 2017 ; il résulte de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 que lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; en application de cette disposition légale, le délai d'appel du jugement du 18 avril 2017 a commencé à courir à compter de la désignation de Maître Y... par le bâtonnier, c'est-à-dire le 9 juin 2017, date portée par l'ordre des avocats sur la décision d'aide juridictionnelle (cf pièce 10 de Mme B...) et aucune circonstance, pas même la renonciation par cet avocat à sa mission n'empêchait ce conseil d'interjeter appel entre le 10 juin 2017, lendemain de sa désignation, et le 10 juillet 2017, date de son remplacement et dernier jour du délai d'appel ; en effet, lorsque la représentation est obligatoire, comme en l'espèce, s'agissant d'une procédure d'appel d'un jugement de tribunal d'instance, l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle ne peut, de son propre chef, renoncer à son mandat de représentation, puisqu'il reste tenu de prêter son concours tant qu'il ne justifie pas avoir été valablement déchargé de sa mission par le bâtonnier et il doit ainsi, jusqu'à son remplacement, exercer la plénitude de sa fonction en accomplissant en temps utile toutes les diligences nécessaires à la défense des intérêts de son client ; dès lors, aucun événement extérieur, imprévisible et insurmontable n'a fait obstacle à la formalisation d'un recours au nom de Mme B..., valablement représentée par un avocat durant le délai d'appel, de sorte que l'appel interjeté le 25 septembre 2017 était hors délai et qu'il convient de confirmer la décision du conseiller de la mise en état le déclarant irrecevable » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'« en l'espèce, il est constant, même si la décision initiale n'est pas produite, qu'à la suite de la demande déposée devant lui le 12 mai 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a, par décision en date du 1er juin 2017, accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B..., dans le cadre de l'appel formé contre le jugement du tribunal d'instance de Bordeaux en date du 18 avril 2017 en lui désignant un avocat pour prêter son concours ; le délai d'appel d'un mois a commencé à courir à compter du 1er juin 2017 et s'est achevé le 3 juillet 2017 (le 1er juillet 2017 étant un samedi, jour non ouvré) ; il n'est justifié d'aucun cas de force majeure de nature à expliquer pour quelle raison l'avocat initialement désigné n'a pas relevé appel, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, afin de préserver les droits de Mme B... ; par décision rectificative en date du 31 août 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a certes désigné Maître K... X... dans le cadre d'un changement d'avocat. Pour autant, cette décision n'a pu avoir aucun effet interruptif dès lors que le délai d'appel était déjà écoulé. Il convient dès lors de déclarer tardif et irrecevable l'appel formé par Mme B... selon déclaration du 25 septembre 2017 » ;

1°) ALORS QUE lorsqu'un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ;
qu'en cas de désignations successives d'auxiliaires de justice, au titre de l'aide juridictionnelle, le délai du recours, interrompu par la demande d'aide juridictionnelle, recommence à courir à compter de la dernière désignation ; qu'il résulte de la décision attaquée que le jugement de première instance a été signifié à Mme B... le 17 mai 2017, que l'aide juridictionnelle lui a été accordée par une décision datée du 1er juin 2017, et qu'après plusieurs désignations successives, un auxiliaire de justice a été désigné le 29 août 2017, une décision du bureau d'aide juridictionnelle portant changement d'avocat étant intervenue le 31 août, et qu'elle a interjeté appel, par la voie de ce conseil, le 25 septembre 2017, soit dans le délai d'un mois à compter de sa désignation ; qu'en considérant toutefois que l'appel de Mme B... était irrecevable comme tardif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique ;

2°) ALORS QUE lorsqu'un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; qu'en cas de désignations successives d'auxiliaires de justice, au titre de l'aide juridictionnelle, la désignation prévue par ce texte ne vise pas exclusivement la désignation initiale ; qu'en considérant au contraire que le délai d'appel avait recommencé à courir à compter de la première désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle, en charge de défendre les intérêts de Mme B..., et que le délai d'appel était ainsi irrévocablement expiré le 10 juillet 2017, lors même qu'elle avait relevé que d'autres auxiliaires de justice avaient été désignés en lieu et place du premier, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; que la date de cette désignation doit s'entendre comme celle de la notification de celle-ci au justiciable ; qu'en jugeant l'appel irrecevable, en prenant comme point de départ du délai d'appel, non pas la notification à Mme B... de la décision d'aide juridictionnelle portant désignation de Me Y..., mais de la date de cette désignation elle-même, soit le 9 juin 2017, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique ;

4°) ALORS QUE, à supposer que les motifs des premiers juges aient été adoptés, lorsqu'un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; qu'en cas de désignations successives d'avocats, le délai d'appel interrompu par la demande d'aide juridictionnelle ne recommence à courir qu'à compter de la dernière désignation ; qu'il résulte de la décision attaquée que le jugement de première instance a été signifié à Mme B... le 17 mai 2017, que l'aide juridictionnelle lui a été accordée par une décision du 1er juin 2017, qu'après plusieurs désignations successives, un auxiliaire de justice a été désigné par une décision du 31 août 2017 et qu'elle a interjeté appel, par la voie de ce conseil, le 25 septembre 2017, soit dans le délai d'un mois à compter de sa désignation ; qu'en considérant toutefois, pour juger son appel irrecevable comme tardif, que la décision rectificative du 31 août 2017 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle avait désigné Me K... X... n'a pu avoir aucun effet interruptif dès lors que le délai d'appel était déjà écoulé, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique ;

5°) ALORS QUE, subsidiairement, à supposer que les motifs des premiers juges aient été adoptés, et s'il était considéré qu'en cas de désignations successives d'avocats, le délai d'appel recommençait à courir à compter de chaque désignation, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions d'appel, le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive que la décision d'aide juridictionnelle elle-même, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ; qu'en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le jugement de première instance a été signifié à Mme B... le 17 mai 2017, que l'aide juridictionnelle lui a été accordée par une décision datée du 1er juin 2017, qu'après plusieurs désignations successives, un auxiliaire de justice a été désigné le 29 août 2017, une décision du bureau d'aide juridictionnelle portant changement d'avocat étant intervenue le 31 août, et qu'elle a interjeté appel, par la voie de ce conseil, le 25 septembre 2017 ; qu'en considérant qu'à la date de la décision rectificative du 31 août 2017, le délai d'appel était expiré, en prenant comme point de départ la date de la décision ayant admis Mme B... à l'aide juridictionnelle, et non pas la date de la notification à partie de la désignation de son conseil, la cour d'appel a violé l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 relative à l'aide juridique ;

6°) ALORS QUE, subsidiairement, la force majeure empêchant une partie de respecter le délai d'appel suspend ce dernier ; qu'en excluant toute force majeure, en se fondant sur l'absence de droit de l'avocat, initialement désigné au titre de l'aide juridictionnelle, de refuser d'exercer la mission qui lui a été confiée par son bâtonnier, avant qu'il soit déchargé de sa mission, énonçant à cet égard qu'il n'était justifié d'aucun cas de force majeure de nature à expliquer pour quelle raison l'avocat initialement désigné n'avait pas relevé appel, à titre conservatoire, sans rechercher si son refus de former appel au nom de Mme B... ne constituait pas un événement extérieur, imprévisible et insurmontable faisant obstacle à ce que Mme B... forme son appel dans les formes légales dans le délai prévu par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 538 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-26239
Date de la décision : 27/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

AIDE JURIDICTIONNELLE - Effets - Report du point de départ du délai d'action - Date de réception de la notification de la désignation d'un auxiliaire de justice - Désignation ultérieure d'un nouvel avocat - Absence d'influence

En l'état de la rédaction de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, telle qu'issue du décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016, le délai d'exercice du recours pour lequel l'aide juridictionnelle totale a été accordée, court à compter de la date à laquelle la désignation de l'avocat désigné pour prêter son concours est portée à la connaissance du bénéficiaire par une notification permettant d'attester la date de réception, peu important qu'un nouvel avocat soit ultérieurement désigné


Références :

Article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 21 septembre 2018

A rapprocher :CE, 6 juin 2018, n° 413511, mentionné dans les tables du recueil Lebon


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 27 fév. 2020, pourvoi n°18-26239, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26239
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