La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/02/2020 | FRANCE | N°18-25503

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 27 février 2020, 18-25503


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 février 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 156 F-D

Pourvoi n° T 18-25.503

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2020

La société Fabricants indépendants, société à responsabil

ité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 18-25.503 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (1re cha...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 février 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 156 F-D

Pourvoi n° T 18-25.503

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2020

La société Fabricants indépendants, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 18-25.503 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2018 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. A... P..., domicilié [...] ,

2°/ à Mme E... F... , épouse H..., domiciliée [...] ,

3°/ à M. I... B...,

4°/ à Mme N... T..., épouse B...,

domiciliés tous deux [...],

5°/ à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) de Bretagne, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Fabricants indépendants, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. P... et Mme le F..., épouse H..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) de Bretagne, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 143-3 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que la société d'aménagement foncier et d'établissement rural offrant la revente d'un fonds acquis par elle doit motiver et publier sa décision de rétrocession ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 octobre 2018), que la société d'aménagement foncier et d'établissement rural de Bretagne (la Safer), bénéficiaire d'une promesse de vente de plusieurs terrains appartenant à Mme H..., a procédé à un appel à candidatures en vue de leur rétrocession ; que, par actes du 24 mai 2013, ont été réalisés la vente des parcelles par Mme H... au profit de M. P..., candidat retenu, et l'échange de ces mêmes parcelles au bénéfice de M. et Mme B... ; que, par acte du 15 juillet 2013, la décision de rétrocession a été notifiée aux candidats non retenus ; que la société à responsabilité limitée Fabricants indépendants (la société) a saisi le tribunal en annulation de cette décision et des actes subséquents ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt relève que la décision de la Safer mentionne le motif d'« agrandissement d'une exploitation agricole spécialisée en production laitière, disposant de parcelles à proximité et devant subir des emprises foncières liées au développement urbain du secteur. Cette rétrocession permettra également un échange parcellaire avec un autre exploitant agricole du secteur, ce qui mettra fin à des problèmes d'accès » et retient que cette motivation suffit à informer la société destinataire de la notification, dès lors que l'opération a permis à M. P..., par la voie de l'échange, d'acquérir les parcelles de M. et Mme B..., difficiles d'accès pour celui-ci et à proximité de l'exploitation P..., tandis que M. et Mme B... ont acquis les parcelles vendues par Mme H..., ce qui a résolu la difficulté d'accès à l'ensemble des terres composant leur exploitation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la motivation de la décision de rétrocession, qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat non retenu de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la Safer de Bretagne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la Safer de Bretagne, Mme H... et M. P... et condamne la Safer de Bretagne à payer à la société Fabricants indépendants la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Fabricants indépendants

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris qui avait débouté la société Fabricants indépendants de l'ensemble de ses demandes et l'avait condamnée aux dépens et à payer des sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et D'AVOIR condamné la société Fabricants indépendants aux dépens d'appel et à payer des sommes supplémentaires par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des dispositions de l'article L 141-1 du code rural et de la pêche maritime que les SAFER peuvent acquérir des biens ruraux, terres, exploitations agricoles ou forestières pour réaliser leurs missions de : - protéger des espaces agricoles, naturels et forestiers ; favoriser l'installation, le maintien et la consolidation d'exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une diversité des systèmes de production, notamment ceux permettant de combiner les performances économique, sociale et environnementale et ceux relevant de l'agriculture biologique au sens de l'article L 641-13 de ce code ; - concourir à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique ; - contribuer au développement durable des territoires ruraux, dans le cadre des objectifs définis à l'article L 111-2 de ce code ; - assurer la transparence du marché foncier rural ; qu'il résulte des dispositions de l'article R 143-1 I du même code que la SAFER doit notifier au candidat évincé la décision de rétrocession, comportant la motivation de l'opération ; que la SARL Fabricants indépendants soutient que le motif qui lui a été notifié est fallacieux dans la mesure où les parcelles ont été échangées le jour même avec un autre agriculteur, M. B..., candidat évincé, et que la rétrocession n'a eu pour objectif que de satisfaire des intérêts particuliers ; qu'en l'espèce, la SAFER a motivé comme suit l'attribution des parcelles à M. P... : « Agrandissement d'une exploitation agricole spécialisée en production laitière, disposant de parcelles à proximité et devant subir des emprises foncières liées au développement urbain du secteur. Cette rétrocession permettra également un échange parcellaire avec un autre exploitant agricole du secteur, ce qui mettra fin à des problèmes d'accès » ; que cette motivation permet à la SARL Fabricants indépendants de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales ; qu'il ressort de l'acte d'échange du 24 mai 2013 et des plans qui y sont annexés, que l'exploitation de la SARL Fabricants indépendants est en limite de propriété avec les parcelles vendues par Mme H..., celle de M. P... se situe à proximité tandis que celle de M. et Mme B... est morcelée ; que dans cette configuration, la décision de la SAFER a permis à M. P..., par la voie de l'échange, d'acquérir les parcelles de M. et Mme B..., difficiles d'accès pour celui-ci et à proximité de l'exploitation P..., tandis que M. et Mme B... ont acquis les parcelles vendues par Mme H..., ce qui a résolu la difficulté d'accès à l'ensemble des terres composant leur exploitation ; qu'ainsi la motivation de la décision de rétrocession est conforme aux objectifs fixés par l'article L 141-l du code rural, et la rétrocession n'est pas entachée de nullité ; que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la demande principale, sur le non respect des règles de publicité ; que l'article R 142-4 du code rural dispose que lorsque la société d'aménagement foncier et d'établissement rural a attribué un bien acquis à l'amiable, elle est tenue de faire procéder, au plus tard dans le mois suivant la signature de l'acte authentique, à l'affichage, pendant un délai de quinze jours, à la mairie de la commune de la situation de ce bien, d'un avis comportant la désignation sommaire du bien avec notamment la superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale, le nom et la qualité du cessionnaire ainsi que les conditions financières de l'opération ; que la société d'aménagement foncier et d'établissement rural informe les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix ; que l'affichage en mairie fait courir le délai de recours prévu à l'article L 143-14 du même code ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'acte authentique de vente des parcelles litigieuses a été signé le 24 mai 2013 et que l'affichage à la mairie de [...] n'a été effectif qu'à compter du 2 septembre 2013 ; que dès lors, il apparaît que la SAFER a manqué aux dispositions de l'article R 142-4 du code rural ; que le demandeur argue de ce manquement pour solliciter le prononcé de la nullité de l'acte de rétrocession, se fondant sur les dispositions de l'article L t 43-3 du code rural ; qu'il convient tout d'abord de rappeler que la nullité consiste en la disparition rétroactive d'un acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa formation ; que l'article L 143-3 du code rural dispose qu'à peine de nullité, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou à plusieurs des objectifs légaux, et le porter à la connaissance des intéressés ; qu'elle doit également motiver et publier la décision de rétrocession et annoncer, préalablement à toute rétrocession, son intention de mettre en vente les fonds acquis par préemption ou à l'amiable ; qu'il est de jurisprudence constante, au visa de l'article précité, que le manquement aux mesures de publicité préalable prévues par l'article R 142-3 du code rural est sanctionné par la nullité de la décision de rétrocession, sans qu'il soit nécessaire pour le demandeur de rapporter la preuve de l'existence d'un quelconque grief ; que néanmoins, il n'est pas pertinent de faire une analogie entre la sanction du non respect des obligations de publicité prévues par l'article R 142-3 et de celles prévues par l'article R 142-4 ; que d'une part, l'article R 142-4, contrairement à l'article R 142-3, prévoit expressément la nature de la sanction applicable au non respect des obligations de publicité qu'il édicte, à savoir la suspension du délai de forclusion du recours contre l'acte de rétrocession ; que d'autre part, les obligations prévues par l'article R 142-3 et R 142-4 interviennent à des stades différents de la formation de l'acte et ont des finalités distinctes ; que les formalités de l'article R 142-3 sont effectuées durant la formation de l'acte de rétrocession ; qu'elles ont pour objet d'informer les candidats potentiels de la rétrocession à venir, et sont donc des conditions sinequanone de la formation de l'acte ; que les mesures de publicité prévues par l'article R 142-4 interviennent postérieurement à la formation de l'acte et visent à permettre aux candidats évincés d'exercer un éventuel recours ; qu'or il est constant que la nullité sanctionne un manquement dans la formation l'acte, et non une irrégularité intervenue postérieurement à la formation ; que si la jurisprudence a pu déclarer nulles des décisions de rétrocession sur le fondement de l'article R 142-4, il apparaît à la lecture de ces décisions que cette sanction est justifiée par une insuffisance de motivation faisant obstacle à un contrôle effectif des conditions de formation de l'acte et plus précisément de la conformité du choix de la SAFER aux objectifs légaux ; que le retard dans la publication de la décision de rétrocession ne fait pas obstacle à un tel contrôle, d'autant plus qu'il suspend le délai de recours ; qu'en conséquence, le non respect du délai d'affichage par la SAFER n'est pas de nature à entraîner la nullité de la décision de rétrocession ;
que sur le non-respect des objectifs légaux, en application de l'article R 142-4 du code rural, la SAFER est tenue d'informer les candidats non retenus des motifs ayant déterminé son choix ; qu'il est de jurisprudence constante que la motivation fournie doit permettre de vérifier concrètement la conformité du choix opéré avec les objectifs définis par l'article L 141-l du code rural ; qu'il n'appartient cependant pas au tribunal d'aller plus loin en contrôlant le choix effectué entre les candidats réunissant les conditions légales pour être attributaires ; qu'en l'espèce, la SAFER a expliqué que l'attribution des parcelles a été motivée par un « agrandissement d‘une exploitation agricole spécialisée en production laitière, disposant de parcelles à proximité et devant subir des emprises foncières liées au développement urbain du secteur » et par « un échange parcellaire avec un autre exploitant agricole du secteur » permettant de mettre fin à des problèmes d'accès ; qu'or cette motivation permet de s'assurer que la décision de la SAFER est conforme aux objectifs légaux ; que d'une part, la décision de la SAFER a permis à M. P... d'acquérir de nouvelles parcelles, puis d'échanger ces mêmes parcelles contre d'autres d'une plus grande superficie, conformément à l'objectif d'agrandissement visé par l'article 141-1 I du code rural ; que d'autre part, l'échange de parcelles découlant de la décision de la SAFER a permis aux époux B... d'exploiter des terrains jusqu'alors non mis en valeur ; qu'il résulte de ce remaniement parcellaire un accroissement de la superficie « utile » de l'exploitation des époux B..., conformément à l'objectif d'agrandissement visé par l'article 141-l I du code rural ; que par conséquent, la décision de la SAFER est conforme aux objectifs fixés par l'article L 14 l-1 du code rural ; que le demandeur sera donc débouté de sa demande en nullité et de toutes se demandes afférentes.

1) ALORS QUE lorsque la société d'aménagement foncier et d'établissement rural a attribué un bien, elle doit informer les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix ; que cette motivation doit faire état de données concrètes permettant de vérifier la réalité de l'objectif allégué pour justifier le choix réalisé au regard des exigences légales ; qu'en l'espèce, dans la notification à la société Fabricants indépendants, candidat évincé à l'attribution des parcelles mises en vente par Mme H..., la SAFER de Bretagne avait motivé l'attribution à M. P... de ces parcelles, d'une part, par « l'agrandissement d'une exploitation agricole spécialisée en production laitière, disposant de parcelles à proximité et devant subir des emprises foncières liées au développement urbain du secteur », d'autre part, comme devant « permettre également un échange parcellaire avec un autre exploitant agricole du secteur, ce qui mettra fin à des problèmes d'accès » ; qu'aucune précision n'était apportée dans cette notification ni sur l'existence d'un agrandissement de l'exploitation de M. P..., ni sur les emprises foncières invoquées, ni sur l'échange parcellaire envisagé, ni sur l'identité du ou des bénéficiaires de cet échange, ni sur les problèmes d'accès à résoudre ; qu'en retenant néanmoins que la motivation de la notification de la décision de la SAFER de Bretagne à la société Fabricants indépendants, qui était pourtant dépourvue de toutes données concrètes, permettait de vérifier la réalité des objectifs poursuivis et répondait aux objectifs de la loi, la cour d'appel a violé les articles L 141-1, L 143-3, R 142-4 et R 143-11 du code rural et de la pêche maritime dans leur version applicable au litige ;

2) ALORS QUE le juge ne peut ajouter à la motivation de décision de la SAFER figurant dans la notification adressée au candidat évincé ; que dans la notification adressée à la société Fabricants indépendants, relative à l'attribution des parcelles mises en vente par Mme H... à M. P..., la SAFER de Bretagne s'était contentée de viser, outre l'agrandissement d'une exploitation agricole, la possibilité d'un échange parcellaire avec un autre exploitant agricole du secteur, dans le but de mettre fin à des problèmes d'accès ; qu'en se livrant, tout d'abord, à la description de la situation des parcelles concernées par l'échange parcellaire réalisé le même jour que l'acquisition par M. P... et en relevant, en particulier, que l'exploitation des époux B... est morcelée et en retenant, ensuite, tant par motifs propres qu'adoptés, que cet échange avait non seulement permis à M. P... d'acquérir les parcelles des époux B..., difficiles d'accès pour celui-ci et à proximité de son exploitation, mais aussi permis aux époux B... d'acquérir les parcelles vendues par Mme H..., ce qui aurait résolu la difficulté d'accès à l'ensemble des terres composant leur exploitation et d'accroître la superficie « utile » de cette exploitation, la cour d'appel a ajouté à la motivation de la décision de la SAFER contestée et violé les articles L 141-1, L 143-3, R 142-4 et R 143-11 du code rural et de la pêche maritime dans leur version applicable au litige ;

3) ALORS QU'en cas d'attribution de parcelles par la SAFER, l'objectif avancé dans la notification au candidat écarté pour motiver la décision doit être conforme à la réalité ; qu'en l'espèce, la décision de la SAFER Bretagne visait « l'agrandissement d'une exploitation agricole spécialisée en production laitière, disposant de parcelles à proximité et devant subir des emprises foncières liées au développement urbain du secteur » ; que cependant l'attribution à M. P... des trois parcelles mises en vente par Mme H... ne pouvait avoir réellement pour objectif l'agrandissement de l'exploitation de M. P... puisqu'il résulte des constatations mêmes de la cour d'appel (p.2, al.5) que ces parcelles ont été immédiatement échangées avec les parcelles des époux B... et qu'elles n'étaient donc pas destinées à être conservées par ce dernier ; qu'en déboutant néanmoins la société Fabricants indépendants, candidat évincé, de sa demande d'annulation de la décision de la SAFER, la cour d'appel a violé les articles L 141-1, L 143-3, R 142-4 et R 143-11 du code rural et de la pêche maritime dans leur version applicable au litige ;

4) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le juge ne saurait procéder par voie de simple affirmation ; qu'en retenant, par motif adopté, que la décision de la SAFER de Bretagne avait permis à M. P... d'échanger les parcelles mises en vente par Mme H... contre d'autres d'une plus grande superficie sans aucunement justifier en fait cette appréciation, la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS QU'il ressort des dispositions de l'article L 141-1 I, alinéa 2, du code rural et de la pêche maritime que les SAFER ont, notamment, pour mission d'améliorer les structures foncières par l'aménagement et le remaniement parcellaire et, en conséquence, de permettre l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations au moyen de regroupements et en évitant le morcellement des exploitations ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 10, al.8), la société Fabricants indépendants faisait valoir que les parcelles de M. P... étaient entourées par les siennes et qu'au lieu de favoriser le regroupement de parcelles sur un exploitant, l'attribution à M. P... par la SAFER de Bretagne des parcelles mises en vente par Mme H... avait favorisé l'enserrement de ces trois parcelles entre les siennes et maintenu le morcellement des parcelles ; que l'échange portant sur les parcelles de M. P... intervenu au profit des époux B... ne pouvait en rien modifier cette situation ; qu'en relevant qu'il ressortait de l'acte d'échange du 24 mai 2013 et des plans qui y sont annexés que l'exploitation de la société Fabricants indépendants est en limite de propriété avec les parcelles vendues par Mme H..., que celle de M. P... se situe à proximité tandis que celle des époux B... est morcelée, sans rechercher, bien qu'elle y ait été invitée par les écritures de l'exposante, si l'échange parcellaire prévu dans la notification par la SAFER et intervenu au profit des époux B... pouvait être considéré comme étant conforme aux objectifs légaux d'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations au moyen de regroupements et en évitant le morcellement des exploitations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 141-1, L 143-3, R 142-4 et R 143-11 du code rural et de la pêche maritime dans leur version applicable au litige ;

6) ALORS QUE la décision d'attribution prise par la SAFER doit être annulée pour détournement de pouvoir si, eu égard aux circonstances, il est établi qu'elle a eu en réalité pour objectif de satisfaire des intérêts particuliers ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que la décision de la SAFER de Bretagne de rétrocéder à M. P... les trois parcelles mises en vente par Mme H... avait en réalité pour objectif, d'une part, de permettre à ce dernier d'échanger ces parcelles entre agriculteurs afin d'acquérir les parcelles des époux B..., d'autre part, de permettre aux époux B... d'acquérir les parcelles de Mme H... ; qu'en décidant cependant que la motivation de la décision litigieuse, dont il résultait pourtant de ses constatations qu'elle avait pour objectif de satisfaire des intérêts particuliers, était conforme aux objectifs fixés par l'article L 141-1 du code rural et que la décision de la SAFER n'était pas entachée de nullité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L 141-1 et L 143-3 du code rural et de la pêche maritime dans leur version applicable au litige ;

7) ALORS QU'au surplus doit être annulée pour détournement de la procédure, l'attribution d'un bien par la SAFER qui permet in fine à un candidat, dont le dossier avait pourtant écarté, d'en devenir propriétaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que si, à la lecture de la motivation de la notification de l'attribution des trois parcelles mises en vente par Mme H... en faveur de M. P..., elle devait permettre l'agrandissement de l'exploitation agricole de l'attributaire ainsi qu'un échange parcellaire avec un autre exploitant agricole du secteur dans le but de mettre fin à des problèmes d'accès, les parcelles étaient finalement devenues, au moyen d'un échange, la propriété d'autres candidats évincés, les époux B... ; qu'en retenant néanmoins que l'attribution par la SAFER à M. P... des trois parcelles mises en vente par Mme H... n'était pas entachée de nullité, la cour d'appel a violé articles L 141-1 et L 143-3 du code rural et de la pêche maritime dans leur version applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-25503
Date de la décision : 27/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 02 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 27 fév. 2020, pourvoi n°18-25503


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Marlange et de La Burgade, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25503
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award