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26/02/2020 | FRANCE | N°18-24966

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 février 2020, 18-24966


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 239 F-D

Pourvoi n° J 18-24.966

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2020

Le CHSCT magasins périmètre Nord, dont le siÃ

¨ge est [...] , a formé le pourvoi n° J 18-24.966 contre l'ordonnance rendue le 6 novembre 2018 par le président du tribunal de grande instance de P...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 239 F-D

Pourvoi n° J 18-24.966

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2020

Le CHSCT magasins périmètre Nord, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 18-24.966 contre l'ordonnance rendue le 6 novembre 2018 par le président du tribunal de grande instance de Paris, dans le litige l'opposant à la société La Halle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du CHSCT magasins périmètre Nord, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société La Halle, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Paris, 6 novembre 2018), rendue en la forme des référés, la représentation du personnel au sein de la société La Halle (la société) est assurée par quatre comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dont le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail magasins périmètre Nord (le CHSCT). Lors d'une réunion tenue le 27 mars 2018, le CHSCT a voté le recours à une expertise en application de l'article L. 4614-12, 1°, du code du travail.

2. La société a assigné le CHSCT devant le président du tribunal de grande instance de Paris en annulation de la délibération du 27 mars 2018.

Examen des moyens

Enoncé du premier moyen

3. Le CHSCT fait grief à l'ordonnance de déclarer recevable l'action de la société dirigée contre lui alors « qu' en retenant que l'assignation portant contestation de la délibération du 27 mars 2018 avait été signifiée à son destinataire, le CHSCT La Halle magasins périmètre Nord, le 5 avril 2018 quand le procès-verbal de signification mentionnait la date du 12 avril 2018, le président du tribunal de grande instance a dénaturé cet écrit en méconnaissance de l'article 1103 du code civil ».

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau et incompatible avec la thèse développée par le CHSCT à l'audience.

5. Cependant le grief de dénaturation de la date de l'assignation retenue par le président du tribunal de grande instance est né de la décision attaquée et n'est pas incompatible avec la thèse développée à l'audience.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien fondé du moyen

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

7. Pour décider que l'action de la société est recevable, l'ordonnance retient que l'assignation a été remise à son destinataire le 5 avril 2018 afin de contester le recours litigieux à expertise voté le 27 mars 2018, soit avant l'expiration du délai de 15 jours prévu à l'article L. 4614-13 du code du travail.

8. En statuant ainsi, alors que l'assignation avait été délivrée le 12 avril 2018, le juge du fond en a dénaturé les termes clairs et précis.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

9. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif critiqué par le deuxième et le troisième moyens.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 6 novembre 2018, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés ;

Remet, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en la forme des référés, autrement composé ;

Condamne la société La Halle aux dépens ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société La Halle à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 600 euros TTC ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le CHSCT magasins périmètre Nord

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR déclaré recevable l'action de la société La Halle dirigée contre le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail La Halle Magasins Périmètre Nord.

AUX MOTIFS QUE la délibération litigieuse du 27 mars 2018 a fait l'objet d'un recours contentieux par assignation en justice délivrée le 5 avril 2018 avec placet de cette assignation au greffe de la présente juridiction le 12 avril 2018 ; qu'à compter du 27 mars 2018, date du point de départ de ce délai de prescription, un délai inférieur à 15 jours était écoulé à la date du 5 avril 2018 de délivrance de cette assignation alors qu'un délai supérieur à 15 jours était écoulé à la date du 12 avril 2018 de placet de cette assignation au greffe de la présente juridiction ; [
] que le CHSCT ne peut se prévaloir de l'application des dispositions des articles 757 et 791 du code de procédure civile relatives à l'appui de son moyen d'irrecevabilité selon lequel seule la date du 12 avril 2018 de remise de l'assignation du 5 avril 2018 au greffe vaut saisine de la juridiction, ce qui conduirait de ce fait à la prescription du délai de contestation de quinze jours à compter de la date du 27 mars 2018 de formalisation de la délibération litigieuse ; [
] qu'il importe de constater en l'occurrence que l'assignation afférente à la présente instance a été remise à son destinataire le 5 avril 2018 afin de contester le recours litigieux à l'expertise voté le 27 mars 2018, soit avant l'expiration du délai précité de quinze jours résultant des dispositions de l'article L. 4614-13 du code du travail, peu important dès lors que le placet d'enrôlement de cette assignation auprès de la présente juridiction soit intervenu postérieurement à l'expiration de ce délai.

ALORS QUE en retenant que l'assignation portant contestation de la délibération du 27 mars 2018 avait été signifiée à son destinataire, le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord, le 5 avril 2018 quand le procès-verbal de signification mentionnait la date du 12 avril 2018, le président du tribunal de grande instance a dénaturé cet écrit en méconnaissance de l'article 1103 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR annulé la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail La Halle Magasins Périmètre Nord du 27 mars 2018 portant désignation d'un expert.

AUX MOTIFS QUE la société LA HALLE rappelle avoir conclu le 20 octobre 2017 une convention dénommée « La Halle aux Vêtements/Convention d'accompagnement prévention » avec la société SÉSAME ERGONOMIE, expert agréé par le Ministère du travail au titre de l'article L. 4614-12 du code du travail, après approbation de ce projet de convention par le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord le 12 octobre 2017 ; que cette convention du 20 octobre 2017 contient notamment les éléments suivants : des rappels du contexte économique instable de l'ensemble de ce groupe soumis à d'importantes pertes financières et à des programmes de cessions et des restructurations ainsi qu'à des enjeux de prévention des risques professionnels et des impacts sur la santé et la sécurité des salariés qui sont « (...) loin d'être maîtrisés » ; expression, parmi les objets des missions d'expertise, d'« (...) un besoin d'analyse et d'évaluation approfondis (...) » portant sur : « La présence de facteurs de risques graves : risques psychosociaux impactant la santé mentale et physique. » ; « Les risques d'exposition à l'amiante, non identifiés et non évalués par la direction. » ; « La mise en place de projets modifiant les conditions de travail et d'emploi (ex : ADD SHOES et réaménagement des magasins mixtes). » ; abandon mutuel, d'une part par la Direction de ses procédures de contestation des votes de recours à expertise, et d'autre part par le CHSCT susnommé des procédures en cours au titre de mesure d'expertise et de recours à des mesures d'expertise ; objectifs en conséquence visant notamment à : « Une évaluation globale des conditions de travail pour tous les magasins à partir d'une évaluation des risques psychosociaux et de leurs sources d'expositions dans l'entreprise » ; « Un accompagnement de la prévention de ¡'entreprise sur le volet amiante des magasins avec une étude particulièrement approfondie pour certains magasins (3 à définir) » ; « Une évaluation conditions de travail de différents projets mis en place dans l'entreprise en 2017 incluant le projet « add shoes » et le projet de réaménagement des magasins mixtes. » ; mise en place d'un comité de suivi dédié à cette convention, comprenant des représentants de la Direction et des fonctions supports, des représentants du personnel membres du CHSCT et d'autres personnes pouvant être invitées ponctuellement ; méthodologie à base d'analyses documentaires, d'entretiens et d'observations du travail, comprenant notamment comme principes directeurs les trois niveaux primaire, secondaire et tertiaire de prévention des risques professionnels conformes aux préconisations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'analyse ergonomique et de diagnostic (organisationnel, fonctionnel, managérial) dans des situations réelles de travail de référence ainsi que l'identification des risques psychosociaux et des règles de qualité de vie au travail ; engagement des travaux à partir du 1er novembre 2017 dans une perspective de réalisation sur 12 mois consécutifs (formation de sensibilisation en novembre 2017, réunions du comité de pilotage en novembre et décembre 2017, en juin 2018 et à partir de septembre 2018, diagnostic initial en novembre et décembre 2017, axe Risque psychosociaux / axe Amiante / axe Projets de janvier à juin 2018, axe Communication en décembre 2017, axe Baromètre QVT en juin et juillet 2018, commission de travail en juillet 2018) ; coût total de la mission à hauteur de 373.243 € TTC ; équipe pluridisciplinaire notamment composée d'ergonomes, de psychologues du travail, d'un sociologue des organisations et d'un docteur en biologie et en polluants du bâtiment ; que le rapport afférent à cette convention d'expertise du 20 octobre 2017, dont l'échéance annuelle d'achèvement est contractuellement prévue au plus tard pour le 31 octobre 2018, n'a toujours pas été déposé par l'expert désigné la société SÉSAME ERGONOMIE, aucune des parties au litige n'en déposant en tout cas une copie dans le cadre des échanges contradictoires de cette instance ; que suivant les termes de cette convention de recours à expert du 20 octobre 2017, le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord a émis le 12 octobre 2017 un vote favorable sur le principe et la teneur de cette convention moyennant l'engagement synallagmatique, d'une part de ce CHSCT d'annuler l'ensemble de ses délibérations portant recourt à un expert agréé sur l'ensemble des sujets faisant l'objet de cette mission, et d'autre part de la Direction de la société La Halle de se désister de l'ensemble de ses instances contentieuses en cours à l'encontre de ce même CHSCT ; qu'en dépit des objections qu'il oppose aujourd'hui dans le cadre de la présente instance, cette convention d'expertise libre du 20 octobre 2017 apparaît normalement opposable au CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord, dans la mesure où : les élus de cette instance représentative du personnel en ont indéniablement signé le principe d'approbation totale lors de la réunion précitée du 12 octobre 2017, ce qu'ils n'étaient nullement tenus de faire s'ils estimaient alors être insuffisamment informés sur les enjeux et les objectifs de ce projet de convention d'expertise temporairement alternative à toutes autres mesures ou que les documents préparatoires à cette réunion tels que préalablement remis lors de la convocation du 4 octobre 2017 étaient eux-mêmes insuffisants ; cette convention d'expertise conventionnelle du 20 octobre 2017 comporte bien l'évaluation des risques psychosociaux, dans les termes suivants : « une évaluation globale des conditions de travail pour tous les magasins à partir d'une évaluation des risques psychosociaux et de leurs sources d'expositions dans l'entreprise. » (Page 12) ; au moment du vote litigieux de la délibération du 27 mars 2018 de recours à une nouvelle expertise de risques psychosociaux, il appartenait pour le moins aux élus de ce CHSCT de dénoncer cette mesure d'expertise conventionnelle du 20 octobre 2017 qui était alors en pleine phase d'exécution et dont cette instance représentative du personnel était l'une des parties signataires (que ce soit pour des motifs de forme ou des motifs de fond) ou de préciser en tout cas en quoi le périmètre de cette expertise conventionnelle ne couvrait pas le périmètre de la nouvelle expertise sollicitée ou en quoi les éléments dénoncés constituaient des éléments nouveaux par rapport à ceux qui faisaient alors l'objet de ces investigations expertales conventionnelles. ; que force d'abord est de constater que la teneur de la délibération litigieuse du 27 mars 2018 ne vise des risques psychosociaux que dans des termes généraux, qui s'avèrent dès lors entièrement couverts par le périmètre de cette mission conventionnelle d'expertise du 20 octobre 2017 qui était alors en pleine phase d'exécution et dont l'exercice a été librement confié à un expert agréé par le Ministère du travail ; que le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord ne justifie dans ces conditions à cette date du 27 mars 2018 d'aucun élément nouveau et utile pour substituer une expertise imposée à une expertise libre alors en cours et qui est dans sa teneur rigoureusement du même type ; qu'affirmant à l'occasion de cette instance que le CHSCT n'aurait pas été associé à cette démarche conventionnelle, il lui aurait appartenu de dénoncer cette situation en temps réel entre la date du 20 octobre 2017 de la signature de cette convention et la date du 27 mars 2018 de vote de la délibération litigieuse ; que par ailleurs, l'existence même du risque psychosocial allégué n'apparaissant en tout état de cause pas contestable du fait de ce recours libre et conventionnel du 20 octobre 2017 à un expert agréé par le Ministère du travail, il y a lieu de considérer que le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord, dès lors qu'il s'est librement associé sur une période limitée de douze mois à ce processus conventionnel d'expertise dont le rapport n'a à ce jour pas été déposé et évalué par les partenaires sociaux, n'a pas épuisé ses pouvoirs propres d'inspection ou d'enquête ; qu'une demande d'expertise ne peut qu'être considérée comme prématurée lorsque le CHSCT n'a pas épuisé ses pouvoirs propres d'inspection ou d'enquête qui ne peuvent y suppléer ; que faute de lecture contradictoire de ce rapport d'expertise conventionnelle, le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord ne peut en tout cas unilatéralement affirmer que cette mission a été un échec ; qu'enfin la lecture du courrier adressé le 16 janvier 2018 par les services départementaux de l'Inspection du travail de l'Allier à la Direction de l'établissement La Halle Mode et Accessoires de Champagne-au-Mont-d'Or (Rhône) ne concerne qu'un établissement particulier, en l'occurrence le magasin La Halle Mode et Accessoires de Montluçon (Allier), ne fait que rappeler l'obligation de réunir le CHSCT pour avis sur un certain nombre de thématiques de travail (aération et assainissement des locaux, document unique d'évaluation des risques professionnels, ambiance thermique, gestion des flux monétaires en magasin, vidéosurveillance) et ne permet donc pas de ratifier la lecture qu'en fait le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord suivant laquelle il n'aurait pas été associé ou n'aurait été qu'insuffisamment associé au déroulement général de cette mesure d'expertise d'origine conventionnelle ; qu'en définitive, sauf motifs particuliers étrangers au champ d ' investigations de cette convention d'expertise et sous réserve du dépôt dans un délai raisonnable de ce rapport d'expertise conventionnelle, seule la période consécutive à la lecture et à l'évaluation de ce même rapport permettrait le cas échéant de déterminer s'il subsiste encore des éléments constitutifs de risques psychosociaux qui n'auraient pas été suffisamment ou correctement investigués ou identifiés ;

1° ALORS QUE une convention signée entre un employeur et un cabinet d'expertise à laquelle le CHSCT a donné son approbation prévoyant la tenue d'une expertise sur les risques psychosociaux ne saurait modifier les pouvoirs que le CHSCT tient de la loi et, par suite, faire obstacle à ce qu'il désigne une expertise dans les conditions prévues par l'article L. 4614-12 1° du code du travail ; qu'en déclarant que la convention conclue entre la société La Halle et la société Sésame Ergonomie le 20 octobre 2017 à laquelle le CHSCT aurait donné son approbation le 12 octobre 2017 portant désignation d'un expert en vue d'étudier notamment les risques psychosociaux dans l'établissement faisait obstacle à ce qu'il désigne ultérieurement un expert en cas de risque grave dans les conditions prévues par l'article L. 4614-12 1° du code du travail, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 2251-1, L. 4611-7, L. 4614-12 1° du code du travail, ensemble l'article 6 du code civil.

2° ALORS QUE, à tout le moins, l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1.500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique ; qu'en retenant qu'une convention portant désignation d'un expert avait été signée entre la société La Halle et la société Sésame Ergonomie et le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord pour un coût excédant 1.500 euros, sans constater que le CHSCT avait apposé sa signature sur cet écrit, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 1359 du code civil.

3° ALORS QUE, en tout état de cause, en déclarant que le CHSCT avait « signé le principe d'approbation totale lors de la réunion
du 12 octobre 2017 » de la convention signée le 20 octobre 2017 par la société La Halle et la société Sésame Ergonomie, quand le procès-verbal de cette réunion indiquait seulement que le CHSCT La Halle Magasins périmètre Nord avait validé « la mesure d'accompagnement », le président du tribunal de grande instance a dénaturé cet écrit en méconnaissance des exigences de l'article 1103 du code civil.

4° ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à leur défaut ; qu'en affirmant tout à la fois, d'un côté, que le CHSCT avait donné le 12 octobre 2017 son « approbation » sur un simple « projet de convention » et, de l'autre, que cette approbation portait sur sa version définitive, le président du tribunal de grande instance s'est contredit en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

5° ALORS QUE, en tout état de cause, le CHSCT faisait valoir que le point 7 de la convention signée le 20 octobre 2017 comportait une condition suspensive selon laquelle elle était « consentie sous réserve d'une décision favorable, prise de manière collégiale par les représentants du personnel au CHSCT des magasins du périmètre Nord et des représentants du personnel au CHSCT des magasins du périmètre Sud » (v. ses conclusions, p. 10, alinéa 6) ; qu'il justifiait que cette condition ne s'était pas réalisée dans la mesure où il n'avait fait que voter, lors de la réunion du 12 octobre 2017, en faveur de la « mesure d'accompagnement » et où le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Sud avait voté contre (ibid., p. 10, aliénas 2 et 7) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de motifs en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

6° ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l'établissement dans les conditions posées par l'article L. 4614-12 1° du code du travail ; que ne fait pas obstacle à l'exercice de cette prérogative la désignation pour le même risque, par le biais d'une convention tripartite signée entre l'employeur, l'expert et le CHSCT, d'un expert qui n'a pas rendu son rapport ; qu'en retenant que la mesure d'expertise en cours décidée par une convention signée le 20 octobre 2017 par la société La Halle et le cabinet Sésame Ergonomie à laquelle le CHSCT aurait donné son approbation le 12 octobre 2017 portant sur un risque psychosocial avait épuisé les pouvoirs d'investigation et d'enquête du CHSCT sur ce risque, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-12 1° du code du travail.

7° ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l'établissement dans les conditions posées par l'article L. 4614-12 1° du code du travail ; que l'exercice de cette prérogative n'est pas subordonnée au fait que le CHSCT n'ait pas dénoncé une expertise en cours décidée aux termes d'une convention signée entre l'employeur et l'expert dont il a approuvé le principe, qu'il n'ait pas précisé en quoi le périmètre de la nouvelle expertise était différent de celui de l'ancienne ou détaillé les éléments nouveaux justifiant le recours à une nouvelle expertise ; qu'en se basant sur de telles circonstances pour considérer que la mesure d'expertise conventionnelle du 20 octobre 2017 en cours empêchait le CHSCT de désigner un nouvel expert pour risque grave le 27 mars 2018, le tribunal de grande instance a ajouté à la loi des conditions qui n'y figuraient pas et partant a violé l'article L. 4614-12 1° du code du travail.

8° ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, est constaté dans l'établissement dans les conditions posées par l'article L. 4614-12 1° du code du travail ; que ne fait pas obstacle à l'exercice de cette prérogative la désignation pour le même risque, par le biais d'une convention signée entre l'employeur et l'expert dont le CHSCT a approuvé le principe, d'un expert qui n'a pas rendu son rapport ; qu'en s'abstenant de rechercher si le risque grave dénoncé par le CHSCT le 27 mars 2018 était à cette date identifié et actuel, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4614-12 1° du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rejeté la demande formée par le CHSCT La Halle Magasins Périmètre Nord tendant à la prise en charge par la société La Halle de ses frais de défense judiciaire et de déplacement de son conseil.

AUX MOTIFS QUE au moment du vote litigieux de la délibération du 27 mars 2018 de recours à une nouvelle expertise de risques psychosociaux, il appartenait pour le moins aux membres élus de ce CHSCT : soit de dénoncer concomitamment (ou d'avoir préalablement dénoncé par anticipation) cette mesure d'expertise conventionnelle du 20 octobre 2017 qui était alors en pleine phase d'exécution et dont cette instance représentative du personnel était l'une des parties signataires (que ce soit pour des motifs de forme ou des motifs de fond) ; soit de préciser, au terme d'un rapide rappel comparatif des périmètres respectifs et en termes notamment de périmètre commun, de problématiques déjà identifiées et de chefs de mission d'expertise d'ores et déjà couverts, en quoi les éléments dénoncés à l'occasion de ce nouveau voté de recours à expert constituaient des éléments distincts et nouveaux par rapport à ceux qui faisaient alors l'objet de ces investigations expertales conventionnelles en cours d'exécution ; qu'il importe dès lors d'en inférer que c'est effectivement par abus que la délibération litigieuse du 27 mars 2018 a été adoptée.

1° ALORS QUE la cassation sur le premier ou le deuxième moyen entraînera par voie de conséquence la cassation sur le troisième moyen qui critique l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la demande tendant à la condamnation de la société La Halle au paiement d'une somme au titre des frais de procédure et honoraires conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile.

2° ALORS QUE, subsidiairement, sauf abus, les frais et honoraires pour défendre en justice à l'action en contestation de l'expertise intentée par l'employeur sont supportés par ce dernier ; qu'ayant constaté qu'à la date de la délibération litigieuse du 27 mars 2018, le rapport de l'expert désigné le 20 octobre 2017 n'avait pas été rendu, que la convention signée par l'employeur faisait état de la « présence de facteurs de risques graves » et que l'existence même du risque psychosocial allégué n'apparaissait pas contestable, tout en retenant que le CHSCT avait commis un abus en désignant un expert en vue d'étudier un risque grave de cette nature, le président du tribunal de grande instance a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé les articles L. 4614-12 1° et L. 4614-13 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-24966
Date de la décision : 26/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 06 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 fév. 2020, pourvoi n°18-24966


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24966
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