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26/02/2020 | FRANCE | N°18-24697

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 février 2020, 18-24697


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 237 F-D

Pourvoi n° S 18-24.697

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2020

La société Bricq, société par action

s simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 18-24.697 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 237 F-D

Pourvoi n° S 18-24.697

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2020

La société Bricq, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 18-24.697 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme K... L..., domiciliée [...] ,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Mme L... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses aux pourvois principal et incident invoquent, chacune, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Bricq, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme L..., après débats en l'audience publique du 22 janvier 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 septembre 2018), Mme L..., salariée de la société Bricq depuis 1974, occupe des fonctions d'ouvrière polyvalente et est titulaire d'un mandat de représentant du personnel depuis 2002. Elle a été reconnue travailleur handicapé en 2010 et déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise par le médecin du travail en 2014.

2. Le 1er août 2014, Mme L... a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement. L'inspecteur du travail ayant autorisé le licenciement, le 7 octobre 2014, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 4 novembre 2014. L'autorisation de licenciement a été annulée par le ministre du travail le 3 avril 2015.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à la cour d'appel de le condamner à payer à la salariée une somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul alors :

« 1°/ qu'en déduisant ainsi le caractère injustifié de la rupture du contrat de travail de l'annulation de l'autorisation de licenciement, quand la salariée ne pouvait prétendre qu'au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 2422-1 du code du travail, la cour d'appel - qui n'a pas recherché si l'inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement invoquées dans la lettre de licenciement, sur lesquelles la décision du ministre n'avait pas statué, justifiaient le licenciement - a violé les articles L. 1235-1, L. 1235-3, L. 2411-1, L. 2411-5, L. 2411-8 et L. 2422-4 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs ;

2°/ subsidiairement, qu'aux termes de l'article L. 2422-1 du code du travail, lorsque le ministre compétent annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail, le salarié concerné qui ne sollicite pas sa réintégration n'a droit qu'au paiement d'une indemnité égale à la totalité du préjudice subi, tant matériel que moral, au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d'annulation ; que, pour condamner la société Bricq à payer à Mme L... la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, la cour d'appel a retenu que « Mme L... qui ne sollicite pas sa réintégration peut prétendre à des dommages-intérêts pour licenciement nul dont le montant sera fixé à la somme de 40 000 euros compte tenu de son âge (née en 1956), de son ancienneté dans l'entreprise (40 ans) et de ses facultés de réinsertion professionnelle » ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser le préjudice qui serait résulté de la violation du statut protecteur de la salarié. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2422-4 du code du travail :

4. Pour dire le licenciement de la salariée nul et condamner l'employeur à lui verser à ce titre une certaine somme, la cour d'appel retient que le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail ayant autorisé le licenciement en raison de l'absence de convocation régulière par l'employeur du comité d'entreprise appelé à donner son avis sur le projet de licenciement et qu'ainsi, l'employeur ayant méconnu les dispositions d'ordre public de l'article L. 2421-3 du code du travail relatives à la réunion du comité d'entreprise, le licenciement de la salariée est nul pour violation du statut protecteur.

5. En statuant ainsi, alors que le salarié, qui a été licencié en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, d'une part, à l'indemnisation de son préjudice depuis le licenciement et jusqu'à l'expiration du délai de deux mois qui suit la notification de la décision annulant l'autorisation de licenciement, d'autre part, au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, et enfin au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais ne peut prétendre de ce seul fait à l'annulation du licenciement, la cour d'appel a violé le texte précité.

Et sur le moyen unique du pourvoi de la salariée

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir constater que son refus des postes de reclassement proposés par l'employeur n'était pas abusif et à condamner la société Bricq au paiement de certaines sommes alors :

« 1°/ que le refus par le salarié du reclassement proposé n'est abusif que s'il s'agit d'un refus sans motif légitime d'un poste approprié aux nouvelles capacités et comparable à l'emploi précédemment occupé ; que lorsque l'offre d'un poste de reclassement emporte modification du contrat de travail, que le salarié n'est pas obligé d'accepter, le refus du salarié n'est pas abusif ; qu'en l'espèce, en jugeant abusif le refus de Mme L... des trois postes administratifs (agent administratif, coursier, agent d'accueil), tandis que ces postes n'étaient manifestement pas comparables avec l'ancien poste d'ouvrière polyvalente occupé par Mme L... depuis trente ans et que ces postes emportaient une modification de ses responsabilités constitutives d'une modification de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail ;

2°/ que le refus du salarié de reprendre son travail sur un poste incompatible avec les préconisations du médecin du travail ne constitue pas une faute ; qu'en l'espèce, en jugeant abusif le refus de Mme L... des postes de tisseuse et de contrôleur visuel, tandis que le médecin du travail avait émis des restrictions très précises dans son avis d'inaptitude avant d'exclure expressément tout reclassement sur des postes de production, et ce aux motifs inopérants tirés des promesses d'aménagement faites par l'employeur et de l'avis favorable du comité d'entreprise, sans constater que le médecin du travail avait validé les postes proposés, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-10 dans sa rédaction applicable en la cause, et L. 1226-14 du code du travail :

7. Pour dire abusif le refus par la salariée des postes de reclassement qui lui étaient proposés par l'employeur, la cour d'appel relève que trois des postes proposés consistaient en des postes administratifs comportant des attributions comme par exemple l'accueil et l'orientation des visiteurs ou la distribution du courrier, n'exigeant pas pour une salariée connaissant bien le fonctionnement de l'entreprise de formation qualifiante mais une simple période d'adaptation et d'accompagnement prévue dans l'offre de reclassement, et que deux autres postes, de tisseuse et de contrôleur visuel, répondaient aux compétences de la salariée et avaient été aménagés suivant les préconisations du médecin du travail.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces offres emportaient modification du contrat de travail de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de la salariée nul et condamne l'employeur au paiement d'une somme de 40 000 euros à ce titre, et en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes tendant à constater que son refus des postes de reclassement n'était pas abusif, et à condamner l'employeur au paiement de certaines sommes à ce titre, l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Bricq

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Bricq à payer à Mme L... la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

AUX MOTIFS QUE, sur la demande de nullité du licenciement : Mme L... soutient que le licenciement est nul car au moment de l'engagement de la procédure de licenciement, le 1er août 2014, elle bénéficiait toujours de la protection en sa qualité d'ancien membre du comité d'entreprise et de déléguée du personnel ce jusqu'au 22 octobre 2014 puisque le 22 avril 2014 se tenait une réunion du comité d'entreprise à laquelle elle avait été convoquée en qualité de membre du comité d'entreprise ; qu'elle fait valoir, par ailleurs, que tous les membres du comité d'entreprise n'ont pas été convoqués et n'ont pu assister à la réunion du 10 septembre 2014 afin de donner leur avis sur son licenciement puisque 4 seulement étaient présents ou convoqués alors qu'il y avait 6 représentants du personnel et qu'ainsi M. E... et M. F... n'avaient pas été convoqués. Elle ajoute qu'elle ne pouvait pas être licenciée dans la mesure où l'employeur ne disposait pas d'une autorisation de licenciement valable, l'autorisation de licenciement ayant été en outre annulée et la demande d'autorisation de licenciement rejetée par la direction générale du travail auprès du ministère ; que l'employeur objecte que la période de protection de la salariée expirait le 17 octobre 2014 et non le 22 puisque le second tour des élections était intervenu le 17 avril 2014, même si la pratique veut que les anciens élus soient présents à la première réunion de la délégation unique du personnel. Rappelant que le point de départ de la protection de 6 mois est la date de fin de mandat matérialisée par l'élection intervenue selon les dispositions de l'article L. 2411-5 du code du travail, il estime que la date à prendre en considération concernant le licenciement de la salariée est la lettre de convocation à l'entretien préalable du 21 octobre 2014 car la première procédure avait avorté en raison des demandes de précisions sur le poste de contrôle qualité en visuel au tissage, le refus de ce poste n'ayant pris forme que le 1er octobre 2014 ; que, concernant la procédure relative à l'avis des délégués du personnel, l'employeur soutient qu'elle est exempte d'irrégularité, car : - il a régularisé la situation dès lors que des propositions ont été faites après la réunion du 22 mai 2014 et que d'ailleurs en cas de propositions successives, la cour de cassation n'exige pas que la consultation des délégués du personnel intervienne avant la première offre de reclassement ; - le 22 mai 2014, chacun des délégués du personnel présents a donné son avis et la secrétaire absente, Mme C... a donné son avis ultérieurement, se ralliant à la position des autres délégués du personnel ; - l'ensemble de membres titulaires a été interrogé ; - la mention sur le procès-verbal de réunion qu'il s'agit d'une réunion extraordinaire du comité d'entreprise est une erreur de plume, et d'ailleurs c'est en qualité de délégués du personnel que la délégation unique a été convoquée et non en qualité de membres du comité ; qu'aux termes de l'article L. 2411-8 du code du travail, le licenciement d'un membre élu d'un comité entreprise, titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que l'ancien membre élu du comité d'entreprise ainsi que l'ancien représentant syndical qui, désigné depuis deux ans, n'est pas reconduit dans ses fonctions lors du renouvellement du comité bénéficient également de cette protection pendant les six premiers mois suivant l'expiration de leur mandat ou la disparition de l'institution ; que la date à retenir pour l'appréciation du bénéfice de la protection est celle de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable. Le point de départ de cette protection de 6 mois est la date de fin mandat, c'est à dire du deuxième tour des élections ; qu'en application de l'article L 2421-3, le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise est soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement ; qu'en l'espèce, le deuxième tour des élections est intervenu le 17 avril 2014 de sorte que Mme L... bénéficiait du statut protecteur jusqu'au 17 octobre 2014 ; que le fait que Mme L... ait été invitée à participer à une réunion du comité d'entreprise du 22 avril 2014 pour transmettre des informations utiles aux représentants du personnel nouvellement élus est sans incidence sur le point de départ de la protection ; que Mme L... a, par un courrier du 1er août 2014, été convoquée à un premier entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 26 août ; qu'à cette date, la salariée bénéficiait donc du statut protecteur. L'employeur en a tenu compte puisqu'il a réuni le 10 septembre 2014 certains membres du comité d'entreprise pour recueillir leur avis sur le projet de licenciement ; que, contrairement à ce qui est soutenu par l'employeur, la réunion des délégués du personnel qu'il a organisée le 22 mai 2014 n'entre pas dans le cadre de la procédure relative au statut protecteur ; qu'il s'agit, en effet, de la consultation prévue à l'article L 1226-10 du code du travail relative à l'avis des délégués du personnel sur les propositions de reclassement d'un salarié déclaré inapte, quelque soit son statut, pour une maladie d'origine professionnelle ; que, de même, l'employeur ne peut valablement soutenir que la convocation de la salariée, en date du 21 octobre 2014, à un deuxième entretien préalable fixé au 30 octobre au motif qu'à l'issue du premier entretien, il est apparu nécessaire d'explorer d'autres possibilités de reclassement de Mme L..., constitue le point de départ de l'engagement de la procédure de licenciement ; que, cette nouvelle convocation est sans effet sur la validité de celle du 1er août 2014 qui constitue la date à retenir pour l'appréciation du bénéfice de la protection au regard de la procédure de licenciement dès lors que l'entretien préalable a eu lieu le 26 août ; qu'il découle de ce qui précède que Mme L... bénéficiait du statut protecteur au moment où la procédure de licenciement a été engagée à son encontre ; qu'il convient, dès lors, de vérifier si les conditions du licenciement de Mme L... en tant que salariée protégée a été respectée ; que, par décision du 3 avril 2015 le ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail ayant autorisé le licenciement de Mme L... car la réunion du comité d'entreprise du 10 septembre 2014 sans que tous ses membres aient été convoqués affectait la procédure de licenciement d'un vice substantiel s'opposant à la délivrance de l'autorisation de licenciement ; que les motifs énoncés dans cette décision d'annulation de l'autorisation de licenciement s'imposent au juge judiciaire en vertu du principe de séparation des pouvoirs ; qu'il s'ensuit que l'employeur ayant méconnu les dispositions d'ordre public de l'article L. 2421-3 du code du travail relatives à la réunion du comité d'entreprise appelé à statuer sur le licenciement d'un salarié protégé, le licenciement de Mme L... est nul pour violation du statut protecteur ; que le jugement déféré sera, en conséquence, réformé de ce chef ; que, sur les conséquences du licenciement : Mme L... qui ne sollicite pas sa réintégration peut prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement nul dont le montant sera fixé à la somme de 40.000 euros compte tenu de son âge (née en 1956), de son ancienneté dans l'entreprise (40 ans) et de ses facultés de réinsertion professionnelle ;

1°) ALORS QUE l'annulation de l'autorisation de licenciement donne uniquement droit au salarié au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 2422-1 du code du travail ; que, seule la décision du juge administratif se prononçant sur les faits invoqués par l'employeur et retenant que ces faits, soit ne sont pas établis, soit ne justifient pas la mesure de licenciement, s'oppose à ce que le juge judiciaire, appréciant les mêmes faits, décide qu'ils constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ou une cause de nullité de celui-ci ; que, pour dire le licenciement nul, la cour d'appel a relevé que le ministre du travail avait, par décision du 3 avril 2015, annulé l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspecteur du travail en raison d'un vice affectant la procédure de consultation du comité d'entreprise appelé à statuer sur le licenciement d'un de ses membres et retenu que les motifs de cette décision s'imposaient au juge judiciaire ; qu'en déduisant ainsi le caractère injustifié de la rupture du contrat de travail de l'annulation de l'autorisation de licenciement, quand la salariée ne pouvait prétendre qu'au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 2422-1 du code du travail, la cour d'appel - qui n'a pas recherché si l'inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement invoquées dans la lettre de licenciement, sur lesquelles la décision du ministre n'avait pas statué, justifiaient le licenciement - a violé les articles L. 1235-1, L. 1235-3, L. 2411-1, L. 2411-5, L. 2411-8 et L. 2422-4 du code du travail dans leur rédaction alors applicable, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs ;

2°) ET ALORS, subsidiairement, QU'aux termes de l'article L. 2422-1 du code du travail, lorsque le ministre compétent annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail, le salarié concerné qui ne sollicite pas sa réintégration n'a droit qu'au paiement d'une indemnité égale à la totalité du préjudice subi, tant matériel que moral, au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d'annulation ; que, pour condamner la société Bricq à payer à Mme L... la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, la cour d'appel a retenu que « Mme L... qui ne sollicite pas sa réintégration peut prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement nul dont le montant sera fixé à la somme de 40.000 euros compte tenu de son âge (née en 1956), de son ancienneté dans l'entreprise (40 ans) et de ses facultés de réinsertion professionnelle » ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser le préjudice qui serait résulté de la violation du statut protecteur de la salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-4 du code du travail.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme L...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme L... de ses demandes tendant à voir constater que son refus des postes de reclassement proposés par l'employeur n'était pas abusif, et condamner la société Bricq au paiement des sommes de 21 179, 61 € net à titre d'indemnité complémentaire de licenciement, de 5 124 € bruts (3 mois de salaire) à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 521,40 € au titre des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme L... sollicite, en outre, le versement de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L 1226-14 du code du travail. Ce texte dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9. Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif. Est abusif le refus du salarié sans motif légitime d'un poste approprié à ses capacités et comparables à l'emploi précédemment occupé. En l'espèce, l'employeur n'a pas versé à Mme L... ces indemnités au motif que celle-ci a refusé sans motif légitime les postes de reclassement qui lui ont été proposés. En l'espèce, 6 postes de reclassement ont été proposés à Mme L.... S'agissant du poste de planification de la production en Espagne, le refus de la salariée motivé par l'éloignement géographique et le manque de compétences linguistiques est légitime. En ce qui concerne les 3 postes administratifs (agent administratif, agent coursier, agent d'accueil), le refus opposé par la salariée au motif qu'elle n'avait pas les compétences suffisantes n'apparaît pas légitime dés lors d'une part, que le médecin du travail avait validé ces postes et d'autre part, que ceux-ci comportaient des attributions comme par exemple l'accueil et l'orientation des visiteurs ou la distribution du courrier, n'exigeant pas pour une salariée connaissant bien le fonctionnement de l'entreprise de formation qualifiante mais une simple période d'adaptation et d'accompagnement prévue dans l'offre de reclassement. De même, est abusif le refus des poste de tisseuse et de contrôleur visuel qui répondaient aux compétences de la salariée et qui avaient été aménagés suivie les préconisations du médecin du travail (pas de manipulation du produit) et sur lesquels le comité d'entreprise avait émis un avis favorable. L'employeur, compte tenu de ces refus abusifs, n'a pas, à bon droit versé les indemnités prévues à l'article L 1226-14. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. L... de ses demandes en paiement des dites indemnités.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE Sur les refus des postes de reclassement : Attendu que l'article L-1226-10 du code du travail précise les conditions dans lesquelles un poste de reclassement peut être proposé, Attendu en l'espèce que Madame L... a refusé les différents postes qui lui étaient proposés en arguant de motifs médicaux, ou de motifs liés à son manque de formation ou à sa crainte de voir se dégrader ses relations avec ses collègues, Attendu en l'espèce que d'une part, le médecin du travail avait émis un avis favorable aux postes proposés, que la SAS Bricq a accompagné ses propositions de formations et que d'autre part, Madame L... n'apporte pas la preuve de la réalité des motifs qu'elle allègue quant à une éventuelle dégradation de ses relations avec ses collègues, Attendu en conséquence que les refus de Madame L... sont dépourvus de motifs légitimes, Attendu qu'il y a donc lieu de débouter Madame L... de ses demandes relatives à l'indemnité spéciale de licenciement, à l'indemnité de préavis et à l'indemnité de congés payés correspondante.

1°) ALORS QUE le refus par le salarié du reclassement proposé n'est abusif que s'il s'agit d'un refus sans motif légitime d'un poste approprié aux nouvelles capacités et comparable à l'emploi précédemment occupé ; que lorsque l'offre d'un poste de reclassement emporte modification du contrat de travail, que le salarié n'est pas obligé d'accepter, le refus du salarié n'est pas abusif ; qu'en l'espèce, en jugeant abusif le refus de Mme L... des trois postes administratifs (agent administratif, coursier, agent d'accueil), tandis que ces postes n'étaient manifestement pas comparables avec l'ancien poste d'ouvrière polyvalente occupé par Mme L... depuis 30 ans et que ces postes emportaient une modification de ses responsabilités constitutives d'une modification de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail ;

2°) ALORS QUE le refus du salarié de reprendre son travail sur un poste incompatible avec les préconisations du médecin du travail ne constitue pas une faute ; qu'en l'espèce, en jugeant abusif le refus de Mme L... des postes de tisseuse et de contrôleur visuel, tandis que le médecin du travail avait émis des restrictions très précises dans son avis d'inaptitude (cf. conclusions d'appel de la salariée p. 7) avant d'exclure expressément tout reclassement sur des postes de production (cf. conclusions d'appel de la salariée p. 19), et ce aux motifs inopérants tirés des promesses d'aménagement faites par l'employeur et de l'avis favorable du comité d'entreprise, sans constater que le médecin du travail avait validé les postes proposés, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-24697
Date de la décision : 26/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 20 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 fév. 2020, pourvoi n°18-24697


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24697
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