LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 février 2020
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 251 FS-D
Pourvoi n° P 18-23.981
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2020
Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Montreuil de la société Sopra Steria Group, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 18-23.981 contre l'ordonnance en forme des référés rendue le 18 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Bobigny (chambre 9, section 3), dans le litige l'opposant à la société Sopra Steria Group, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du CHSCT de Montreuil de la société Sopra Steria Group, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Sopra Steria Group, et l'avis de M. Weissmann, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mme Chamley-Coulet, MM. Joly,Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, M. Weissmann, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Bobigny, 18 octobre 2018), statuant en la forme des référés, que dans la perspective de la mise à jour des dispositions relatives au traitement des données personnelles et d'actualisation de son règlement intérieur et de sa charte informatique, la société Sopra Steria Group (la société) a créé une instance temporaire de coordination (ITC) de ses vingt-trois comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ; que l'ITC a décidé de ne pas recourir à une expertise et que les documents soumis à avis seraient communiqués aux CHSCT pour faire connaître leurs remarques et demandes avant le 13 juillet 2018 ; que consulté le 6 juillet puis le 6 septembre 2018 sur le projet de modification de ces documents, le CHSCT de l'établissement de Montreuil de la société a décidé de recourir à une expertise par délibération du 6 septembre 2018 ; que la société a saisi le président du tribunal de grande instance en annulation de cette délibération ;
Attendu que le CHSCT fait grief à l'arrêt d'annuler la délibération alors, selon le moyen :
1°/ que l'instance temporaire de coordination des CHSCT n'ayant pas compétence pour connaître du projet de modification du règlement intérieur de l'entreprise quand bien même celui-ci emporterait un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, le CHSCT ne saurait être dépossédé de sa compétence au profit de l'organe coordinateur ; qu'en retenant que le CHSCT de Montreuil de la société Sopra Steria Group n'était pas compétent pour décider du recours à une expertise au motif inopérant que ce projet constituait un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 4612-8, L. 4612-12, L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail ;
2°/ que le CHSCT ne peut être dépossédé de sa compétence dans les matières où il est prévu une consultation spécifique de celui-ci ; que le CHSCT doit être consulté en cas de modification du règlement intérieur ; qu'en retenant que le CHSCT de Montreuil de la société Sopra Steria Group n'était pas compétent pour décider du recours à une expertise quand le projet litigieux portait notamment modification du règlement intérieur de l'entreprise, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 4612-8, L. 4612-12, L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail ;
3°/ en tout état de cause QUE les CHSCT sont compétents pour faire appel à un expert agréé en cas de projet important concernant plusieurs établissements lorsque l'instance temporaire de coordination préalablement consultée n'a pas décidé d'organiser une expertise unique ; qu'en retenant que le CHSCT de Montreuil n'était pas compétent pour décider du recours à une expertise quand il était constaté que l'instance temporaire de coordination n'avait pas décidé d'une expertise unique, le président du tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et violé les articles L. 4612-8, L. 4612-12, L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail ;
4°/ que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant, pour annuler la délibération, qu'il n'était pas établi que le projet de la société Sopra Steria Group constituait un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail quand, au soutien de sa demande d'annulation, l'employeur ne faisait pas valoir que le projet litigieux ne constituait pas un projet important, le président du tribunal de grande instance a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des articles L. 4612-81, L. 4612-12 et L. 4616-1 du code du travail, alors applicables, d'une part, que l'employeur, qui doit consulter les CHSCT sur un projet de règlement intérieur modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, projet important commun à plusieurs établissements, peut mettre en place une instance temporaire de coordination des CHSCT qui a pour mission de rendre un avis après avoir eu recours, le cas échéant, à une expertise unique, d'autre part, que même en l'absence d'expertise décidée par l'instance temporaire de coordination, les CHSCT des établissements concernés par le projet commun ne sont pas compétents pour décider le recours à une expertise sur cette même consultation ;
Et attendu que le président du tribunal de grande instance ayant relevé que le CHSCT indiquait implicitement mais nécessairement que le recours à expertise était motivé par un projet important au sens de l'article L. 4612-8-1 du code du travail, ouvrant la possibilité pour l'employeur de mettre en place une ITC habilitée à recourir à l'expertise et que l'ITC mise en place avait décidé de ne pas recourir à une expertise, le moyen, inopérant en sa dernière branche en ce qu'il porte sur un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sopra Steria group aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sopra Steria group ;
En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Sopra Steria group à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 600 euros TTC ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le CHSCT de Montreuil de la société Sopra Steria Group
Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR annulé la délibération en date du 6 septembre 2018 du CHSCT de Montreuil de la société Sopra Steria Group.
AUX MOTIFS QUE la délibération du CHSCT (pièce demandeur n° 3) indique qu'il y a lieu de recourir à une expertise car « les différents documents joints risquent d'impacter fortement les conditions de travail des salariés » ; que la société SOPRA STERIA GROUP tire à ce stade deux conclusions ; que, d'une part, elle indique que l'expertise ordonnée par le CHSCT concerne l'intégralité de l'entreprise et non pas le seul établissement de Montreuil, ce qui n'est pas possible selon elle ; que toutefois, la délibération du CHSCT de Montreuil ne précise pas, en réalité, que l'expertise concernerait l'ensemble de l'entreprise, ce dont il faut déduire que le CHSCT a eu l'intention d'ordonner une expertise pour le seul établissement de Montreuil, contrairement à ce qu'indique le demandeur ; que, d'autre part, la société SOPRA STERIA GROUP indique que le CHSCT a ordonné une expertise pour risque grave ; que toutefois, dans ses conclusions (page 5), le CHSCT de MONTREUIL indique qu' « il est bien évident que la désignation du cabinet SECAFI par le CHSCT de MONTREUIL est intervenue au titre de l'article L 4614-12, 2° (...) et en aucun cas au titre de l'article L 4614-12, 1°, dans le cadre du constat prétendu risque grave » ; que cependant, cette référence à l'article L 4614-12,2°, faite par le CHSCT de MONTREUIL, soulève deux difficultés ; qu'en premier lieu, cette position du CHSCT de MONTREUIL n'est pas cohérente avec l'argumentaire qu'il développe par ailleurs ; qu'en se référant à l'article L 4614-12, 2°, le défendeur indique implicitement mais nécessairement que le recours à l'expertise serait motivé par un « projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L 4612-8- 1 », .selon la formule de l'article L 4614-12, 2° ; qu'il renvoie donc, ainsi que cela résulte de cette formule, à l'hypothèse visée par l'article L 4612-8-1 ; qu'or, cet article L 4612-8-1 fait précisément partie des articles visés par l'article L 4616-1 et qui ouvre la possibilité de mettre en place une instance temporaire de coordination des CHSCT habilitée à recourir à l'expertise ; que pourtant, ainsi qu'il l'a été relevé précédemment, le CHSCT de MONTREUIL a contesté le fait que l'instance temporaire de coordination ait été en l'espèce compétente pour intervenir; qu'en second lieu, le CHSCT de MONTREUIL ne fournit pas la preuve que la mise à jour du règlement intérieur modifierait « les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail », selon les termes utilisés par l'article L 4614-12, 2° ; que le défendeur ne s'explique d'ailleurs aucunement à ce sujet, procédant par une simple affirmation générale, qui n'est étayée par aucun élément concret ; que la délibération du CHSCT précise même que l'expertise est ordonnée en raison des l'insuffisance des éléments d'information fournis par l'employeur et des interrogations qui demeurent, ce dont il y a lieu de déduire que le CHSCT n'a pas pu relever l'existence d'un impact réel du nouveau règlement intérieur sur les conditions de santé, de sécurité ou de travail ; que, par conséquent, il y a lieu de considérer que le CHSCT de MONTREUIL ne rapporte pas la preuve que les conditions d'un recours à l'expertise sont réunies ; que, dès lors, sa délibération du 6 septembre 2018 tendant à recourir à une expertise sera annulée.
1° ALORS QUE l'instance temporaire de coordination des CHSCT n'ayant pas compétence pour connaître du projet de modification du règlement intérieur de l'entreprise quand bien même celui-ci emporterait un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, le CHSCT ne saurait être dépossédé de sa compétence au profit de l'organe coordinateur ; qu'en retenant que le CHSCT de Montreuil de la société Sopra Steria Group n'était pas compétent pour décider du recours à une expertise au motif inopérant que ce projet constituait un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 4612-8, L. 4612-12, L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail.
2° ALORS subsidiairement QUE le CHSCT ne peut être dépossédé de sa compétence dans les matières où il est prévu une consultation spécifique de celui-ci ; que le CHSCT doit être consulté en cas de modification du règlement intérieur ; qu'en retenant que le CHSCT de Montreuil de la société Sopra Steria Group n'était pas compétent pour décider du recours à une expertise quand le projet litigieux portait notamment modification du règlement intérieur de l'entreprise, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 4612-8, L. 4612-12, L. 4614-12 et L. 4616-1 du code du travail.
3° ALORS en tout état de cause QUE les CHSCT sont compétents pour faire appel à un expert agréé en cas de projet important concernant plusieurs établissements lorsque l'instance temporaire de coordination préalablement consultée n'a pas décidé d'organiser une expertise unique ; qu'en retenant que le CHSCT de Montreuil n'était pas compétent pour décider du recours à une expertise quand il était constaté que l'instance temporaire de coordination n'avait pas décidé d'une expertise unique, le président du tribunal de grande instance n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et violé les articles L. 4612-8, L. 4612-12, L. 4614-12 et L. 616-1 du code du travail.
4° ALORS enfin QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant, pour annuler la délibération, qu'il n'était pas établi que le projet de la société Sopra Steria Group constituait un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail quand, au soutien de sa demande d'annulation, l'employeur ne faisait pas valoir que le projet litigieux ne constituait pas un projet important, le président du tribunal de grande instance a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.