La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/02/2020 | FRANCE | N°18-19979

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 février 2020, 18-19979


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 152 F-D

Pourvoi n° P 18-19.979

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 FÉVRIER 2020

1°/ M. S... C...,

2°/ Mme R... J..., épouse C...,

dom

iciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° P 18-19.979 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2018 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre civile), dans le li...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 152 F-D

Pourvoi n° P 18-19.979

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 FÉVRIER 2020

1°/ M. S... C...,

2°/ Mme R... J..., épouse C...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° P 18-19.979 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2018 par la cour d'appel de Nancy (2e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Crédit immobilier de France développement, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Banque patrimoine et immobilier, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. et Mme C..., de la SCP Gaschignard, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 mars 2018), par actes notariés des 24 novembre et 28 décembre 2006, la société Banque patrimoine et immobilier, aux droits de laquelle vient la société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme C... (les emprunteurs) trois prêts destinés à financer l'acquisition d'appartements en l'état futur d'achèvement.

2. Après avoir prononcé la déchéance du terme, la banque a assigné les emprunteurs en paiement des prêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la banque, alors « que l'intérêt à agir doit être légitime, ce qui n'est pas le cas lorsque l'action opère un détournement du droit d'agir ; qu'en se bornant, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée par les emprunteurs du défaut d'intérêt à agir de la banque, à leur opposer la jurisprudence de la Cour de cassation suivant laquelle la titularité d'un acte notarié n'est pas en soi de nature à priver un créancier de son intérêt à agir à fin de condamnation de son débiteur en paiement de la créance constatée dans cet acte notarié ainsi que le fait que l'abus du droit d'agir en justice n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de l'action, sans rechercher si le détournement du droit d'agir invoqué par les emprunteurs, qui soutenaient que ce cas de figure avait été réservé par la Cour de cassation, n'était pas de nature à priver de sa légitimité l'intérêt à agir de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'abus du droit d'agir n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de l'action, mais par une amende civile, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

5. En rappelant ce principe pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du prétendu détournement du droit d'agir de la banque, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'exception de nullité des contrats de prêt et de les condamner à payer diverses sommes à la banque, alors :

« 1°/ que les emprunteurs faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que « si par exceptionnel la Cour venait à déclarer la demande de la banque recevable et rejeter la demande de sursis à statuer », ils sollicitaient alors « que la nullité des contrats de prêts soit constatée », demande subsidiaire qu'ils reformulaient dans le dispositif de leurs conclusions d'appel ; qu'en retenant que les emprunteurs se prévalaient de la nullité des contrats de prêt par voie d'exception, quand il ressortait au contraire des termes clairs et précis de leurs conclusions qu'ils demandaient la nullité de ces contrats à titre reconventionnel, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la déchéance des intérêts, qui sanctionne le non-respect par le prêteur des règles encadrant le formalisme de l'offre de crédit immobilier, ne prive par l'emprunteur de la possibilité de demander la nullité du contrat de prêt sur le fondement des vices du consentement ; qu'en retenant que les emprunteurs ne pouvaient de toute façon se prévaloir de la nullité des contrats de prêt à raison de la méconnaissance des prescriptions des articles L. 312-7 et L. 132-10 du code de la consommation, la violation de ces dispositions étant sanctionnée non par la nullité du contrat de prêt mais par la déchéance du droit aux intérêts, motifs impropres à justifier le rejet du moyen tiré par les emprunteurs de ce que la violation de ces dispositions avait eu pour effet de vicier leur consentement, la cour d'appel a violé l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. Dans leurs conclusions d'appel, les emprunteurs demandaient de juger nuls les contrats de prêts, avant de solliciter, « par conséquent », le rejet des prétentions de la banque.

8. Il s'ensuit que la cour d'appel n'a pas dénaturé ces conclusions en retenant que les emprunteurs opposaient à la banque une exception de nullité des prêts.

9. Le moyen, qui s'attaque en sa seconde branche à des motifs surabondants, n'est donc pas fondé en sa première.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. et Mme C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Les époux C... font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté leurs moyens tirés de l'absence d'intérêt à agir de la société Banque Patrimoine Immobilier et déclaré recevable l'action en paiement de cette dernière ;

AUX MOTIFS QUE sur l'intérêt de la Sa Banque patrimoine et immobilier à agir en paiement sur le fondement des offres de prêt sous seing privé acceptées par M. et Mme C... au regard des titres exécutoires dont elle est titulaire, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que « l'acte notarié, bien que constituant un titre exécutoire, ne revêt pas les attributs d'un jugement et qu'aucune disposition légale ne fait obstacle à ce qu'un créancier dispose de deux titres exécutoires pour la même créance de sorte que la titularité d'un acte notarié n'est pas en soi de nature à priver la banque de son intérêt à agir aux fins de condamnation de son débiteur au paiement de la créance constatée dans cet acte » ; que la Cour de cassation a ainsi censuré dans des affaires similaires, au visa des articles 31 du code de procédure civile qui dispose notamment que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, et 4 du code civil qui interdit le déni de justice, les décisions de cours d' appel ayant déclaré les demandes de la banque irrecevables aux motifs que le caractère exécutoire de l'acte authentique a pour conséquence de rendre inutile l'obtention par le créancier condamnant les emprunteurs à lui rembourser sa créance et que c'est uniquement dans le cas où cette créance n'est pas liquide que le créancier peut intenter une action en liquidation devant la juridiction statuant au fond et non dans le seul but de se prémunir contre des contestations éventuelles sur la validité du titre qui n'étaient d'ailleurs pas nées à la date de l'introduction de l'instance ; que M. et Mme C..., faisant valoir que les arrêts de la Cour de cassation, de par leur formulation négative, comportent une réserve en ce qu'ils laissent entendre que dans certaines circonstances particulières, les prétentions du créancier pourraient ne pas être recevables du fait qu'il est porteur d'un acte notarié, soutiennent à cet égard que le recours à la voie judiciaire par la Sa Banque patrimoine et immobilier constitue un détournement de procédure et donc un abus de droit, excluant qu'elle puisse se prévaloir de la jurisprudence de la Cour de cassation dont elle fait état ; que cependant, la sanction de l'abus du droit d'agir n'est pas l'irrecevabilité des demandes mais la condamnation du plaideur à une amende civile, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ; que le jugement sera donc infirmé sur ce point ;

ALORS QUE l'intérêt à agir doit être légitime, ce qui n'est pas le cas lorsque l'action opère un détournement du droit d'agir ; qu'en se bornant, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée par les époux C... du défaut d'intérêt à agir de la société Banque patrimoine et immobilier, à leur opposer la jurisprudence de la Cour de cassation suivant laquelle la titularité d'un acte notarié n'est pas en soi de nature à priver un créancier de son intérêt à agir à fin de condamnation de son débiteur en paiement de la créance constatée dans cet acte notarié ainsi que le fait que l'abus du droit d'agir en justice n'est pas sanctionné par l'irrecevabilité de l'action, sans rechercher si le détournement du droit d'agir invoqué par les emprunteurs, qui soutenaient que ce cas de figure avait été réservé par la Cour de cassation, n'était pas de nature à priver de sa légitimité l'intérêt à agir de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'exception de nullité des contrats de prêt et d'avoir condamné les époux C... à verser diverses sommes à la banque ;

AUX MOTIFS QUE M. et Mme C..., pour conclure au rejet des demandes de la Sa Banque patrimoine et immobilier, lui opposent la nullité des contrats de prêt ; qu'ils soutiennent qu'ils n'ont eu aucun contact, de quelque manière que ce soit, avec la Sa Banque patrimoine et immobilier, qu'ils n'ont pas rempli de demande de prêt, n'ont pas réceptionné les offres de prêt dont ils n'ont pas eu connaissance et ne les ont pas signées, la société Apollonia, qui se comportait, avec l'entier aval de la banque et en toute illégalité, en véritable « intermédiaire en opérations de banque », ayant procédé elle-même à la réception des offres de prêt, à leur envoi et à leur signature ; que cependant, ainsi que le rappelle l'appelante, l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas été exécuté ; qu'or, en l'espèce, il n'est pas contesté que la Banque patrimoine et immobilier a versé les fonds empruntés et que M. et Mme C..., qui ont pris possession des biens au financement desquels ils étaient affectés et les ont donnés à bail, ont commencé à rembourser les prêts litigieux dont ils ont réglé plusieurs mensualités ; que cette exécution volontaire et non équivoque des contrats vaut ratification tacite des engagements souscrits ; qu'il sera par ailleurs observé que la méconnaissance des prescriptions des articles L. 312-7 et L. 132-10 du code de la consommation est sanctionnée non par la nullité du contrat mais par la déchéance du droit aux intérêts ;

1°) ALORS QUE les époux C... faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel (p. 32, al. 4) que « si par exceptionnel la Cour venait à déclarer la demande de la BPI recevable et rejeter la demande de sursis à statuer », ils sollicitaient alors « que la nullité des contrats de prêts soit constatée », demande subsidiaire qu'ils reformulaient dans le dispositif de leurs conclusions d'appel (p. 56) ; qu'en retenant que les époux C... se prévalaient de la nullité des contrats de prêt par voie d'exception, quand il ressortait au contraire des termes clairs et précis de leurs conclusions qu'ils demandaient la nullité de ces contrats à titre reconventionnel, la cour d'appel a dénaturé ces conclusions et violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile.

2°) ALORS QUE la déchéance des intérêts, qui sanctionne le nonrespect par le prêteur des règles encadrant le formalisme de l'offre de crédit immobilier, ne prive par l'emprunteur de la possibilité de demander la nullité du contrat de prêt sur le fondement des vices du consentement ; qu'en retenant que les époux C... ne pouvaient de toute façon se prévaloir de la nullité des contrats de prêt à raison de la méconnaissance des prescriptions des articles L. 312-7 et L. 132-10 du code de la consommation, la violation de ces dispositions étant sanctionnée non par la nullité du contrat de prêt mais par la déchéance du droit aux intérêts, motifs impropres à justifier le rejet du moyen tiré par les époux C... de ce que la violation de ces dispositions avaient eu pour effet de vicier leur consentement, la cour d'appel a violé l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-19979
Date de la décision : 26/02/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 29 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 fév. 2020, pourvoi n°18-19979


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.19979
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award