La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/02/2020 | FRANCE | N°18-17885

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 février 2020, 18-17885


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 241 F-D

Pourvoi n° N 18-17.885

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2020

Mme P... Q..., domiciliée [...] , a formé le pour

voi n° N 18-17.885 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à la soc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 241 F-D

Pourvoi n° N 18-17.885

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2020

Mme P... Q..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° N 18-17.885 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Electricité de France (EDF), société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Menway Conseil, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en son établissement sis au [...] , anciennement dénommée Menway Talents,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme Q..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Menway Conseil, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Electricité de France, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 avril 2018), que le 14 mars 2015, Mme Q... a présenté sa candidature pour une offre d'emploi d'ingénieur chercheur en mécanique des fluides proposée par la société Electricité de France (EDF) par l'intermédiaire d'un cabinet de recrutement, la société Menway Talents devenue la société Menway Conseil (la société), et que sa candidature a été rejetée ; que le 23 juin 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale pour lui demander son intégration au sein d'EDF ;

Sur le second moyen, pris en ses deux dernières branches et le premier moyen pris en ses huitième et onzième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, pris en ses autres branches :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la procédure de recrutement mise en place par les sociétés Menway Talents et EDF était discriminatoire et nulle, en conséquence, de la débouter de ses demandes visant à ce que son intégration dans le poste d'ingénieur chercheur en mécanique des fluides soit ordonnée et que les sociétés soient condamnées solidairement à lui verser une certaine somme à titre de préjudice moral ainsi qu'aux dommages et intérêts correspondant aux salaires qui auraient dû être versés à compter du 20 mars 2015 alors, selon le moyen :

1°/ que la vérification par le juge du caractère objectif des justifications avancées par l'employeur suppose que soient connues avant le recrutement, les exigences requises pour le poste proposé ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que l'exigence d'un diplôme ou d'une expérience en recherche appliquée à l'industrie ainsi que des expériences significatives auprès de partenaires industriels tels que Areva, IRSN, CEA constituait un élément objectif étranger à toute discrimination légitimant le rejet de la candidature de Mme Q..., après avoir constaté que ces exigences n'avaient jamais été formulées dans l'offre d'emploi initiale mais avaient été ajoutées suite aux questions de Mme Q... sur les raisons du rejet de sa candidature, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

2°/ que dans ses écritures, Mme Q... avait démontré qu'alors que son profil correspondait parfaitement aux compétences exigées dans l'offre d'emploi initiale et l'offre validée par la société EDF, la société Menway talents n'avait eu de cesse, pour tenter de se justifier, d'ajouter des conditions ou exigences spécifiques qui ne figuraient pas dans l'offre d'emploi initiale, dont l'expérience en recherche appliquée à l'industrie ou auprès d'un partenaire industriel ; qu'en se bornant à affirmer de manière péremptoire, que l'exigence d'un profil recherche appliquée à l'industrie et d'expériences avec des partenaires industriels résultait du mandat donné par la société EDF et constituait une justification objective, sans rechercher les raisons de l'absence de transparence de l'offre initiale dans laquelle ne figurait aucunement les prétendues exigences déterminantes de la Société EDF et sans s'expliquer sur l'incohérence entre l'offre d'emploi validée par EDF avant la mise en ligne de l'offre initiale et le mandat confié par la société EDF pour occuper les mêmes postes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

3°/ que, dans ses écritures, Mme Q... avait démontré, sans être contestée, qu'il résultait expressément de son curriculum vitae régulièrement versé aux débats, qu'elle disposait d'une expérience en recherche appliquée à l'industrie et avait effectué des stages auprès de partenaires industriels dès lors qu'elle avait effectué son stage de DEA à l'Onera pour son diplôme de l'ENS Cachan et son post-doctorat avec Areva et qu'elle maitrisait parfaitement plusieurs codes de calcul ; qu'en affirmant, pour dire que le refus de l'embaucher était justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination, que Mme Q... ne justifiait d'aucun diplôme ou expérience en recherche appliquée à l'industrie cependant qu'une telle expérience ressortait expressément de son curriculum vitae, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

4°/ que, en affirmant, pour dire que le refus de l'embaucher était justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination, que Mme Q... ne justifiait d'aucun diplôme ou expérience en recherche appliquée à l'industrie cependant qu'une telle expérience ressortait expressément de son curriculum vitae, la cour d'appel, qui n'a pas examiné cette pièce déterminante du litige, a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que, en retenant que la recherche appliquée à l'industrie constituait l'élément objectif justifiant l'absence de discrimination à l'embauche, sans rechercher, ni préciser, si cette condition, qui ne figurait pas dans l'offre d'emploi initiale, ni dans l'offre d'emploi validée par la société EDF et avait été ajoutée suite aux demandes d'explications de Mme Q... puis indiquées dans le prétendu mandat mentionnant une date postérieure à l'émission de l'offre, constituait une exigence professionnelle déterminante pour occuper les postes proposés, et alors que la société EDF n'a jamais, à aucun moment, justifié que les contraintes exigées étaient impératives pour occuper les postes proposés, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

6°/ que, en entérinant purement et simplement, pour dire que le refus de candidature était justifié par des éléments objectifs, les éléments du mandat versé par la société Menway Talents relatifs à la recherche appliquée à l'industrie et aux expériences avec des partenaires industriels, alors que ce mandat faisait mention d'une date postérieure à l'émission de l'offre et ne correspondait pas à l'offre d'emploi validée par la société EDF avant sa mise en ligne, ni à l'offre d'emploi initiale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

7°/ que, en entérinant purement et simplement, pour dire que le refus de candidature était justifié par des éléments objectifs, les éléments du mandat versé par la société Menway Talents relatifs à la recherche appliquée à l'industrie et aux expériences avec des partenaires industriels, sans examiner l'offre d'emploi validée par la société EDF, puis l'offre d'emploi mise en ligne et ensuite le mandat non signé et mentionnant une date postérieure à la mise en ligne de l'offre et dont il résultait que les indications fournies dans l'offre d'emploi validée par la société EDF correspondaient à l'offre d'emploi mise en ligne mais ne comportaient aucune des exigences mentionnées dans le prétendu mandat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

8°/ que, dans ses écritures, Mme Q... avait soutenu et démontré que cette exigence de stages ou d'expériences avec des partenaires spécifiques et expressément nommés constituait une discrimination indirecte en raison de l'origine sociale dès lors que, peu important le parcours effectif, les compétences du candidat et le poste proposé, seuls les candidats disposant d'un réseau choisi auprès de l'entreprise EDF pouvaient être sélectionnés, créant ainsi une condition qui, neutre en apparence, défavorisait nécessairement les candidats provenant de milieux sociaux dans lesquels l'accès aux grandes entreprises est beaucoup plus difficile que pour ceux dont le milieu social leur offre un vaste réseau de relations ; qu'en entérinant le critère prétendument objectif tiré de la recherche appliquée à l'industrie avec une expérience avec les partenaires industriels d'EDF, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si cette exigence ne constituait pas une discrimination indirecte en raison de l'origine sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, ensemble l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales ;

9°/ que, en s'abstenant de répondre aux écritures précises et circonstanciées de Mme Q... sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que l'article L. 1134-1 du code du travail n'exige pas que les éléments justificatifs invoqués par l'employeur aient été portés à la connaissance du candidat à un emploi avant que le choix soit opéré ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a, par une décision motivée, constaté que la salariée ne fournissait aucun élément de fait laissant supposer une discrimination liée à son sexe, à son âge, à sa religion et à son milieu social ;

Attendu, enfin, qu'ayant retenu l'existence d'éléments de faits pris dans leur ensemble laissant supposer une discrimination à raison de son origine étrangère et de son nom de famille, la cour d'appel a constaté que la salariée ne justifiait d'aucun diplôme ou expérience en recherche appliquée à l'industrie et en a souverainement déduit que cette absence de diplôme ou d'expérience constituait un élément objectif étranger à toute discrimination et justifiant le rejet de sa candidature ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le rejet du premier moyen prive de portée la première branche du second moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Q....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme P... Q... de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la procédure de recrutement mise en place par les Sociétés MENWAY TALENTS et EDF était discriminatoire, donc nulle, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de ses demandes visant à ce que son intégration dans le poste d'ingénieur chercheur en mécanique des fluides soit ordonnée et que les Sociétés MENWAY TALENTS et EDF soient condamnées solidairement à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de préjudice moral ainsi qu'aux dommages et intérêts correspondant aux salaires qui auraient dû être versés à compter du 20 mars 2015 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Mme Q... soutient que son origine, son nom de famille, sa religion, son sexe, son âge et son milieu social ont été pris en compte pour refuser sa candidature, ce qui résulte, selon elle :
des circonstances de la procédure de recrutement, -de l'existence d'une discrimination à l'embauche, - de la reconnaissance par les plus hautes autorités de l'État, -et de sa situation. L'article L. 1132-1 du code du travail énonce qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap. Aux termes de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de cette disposition, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En l'espèce, il ressort uniquement du curriculum vitae de Mme Q... valant candidature un prénom et un nom d'origine étrangère. Aucun élément lié à son sexe, en l'absence de précision sur son état civil ainsi que sur sa situation de famille, à son âge, en l'absence de date de naissance ou d'âge expressément mentionné, à sa religion ainsi qu'à son milieu social, en l'absence de toute indication sur ces points, ne figure sur son curriculum vitae. Indépendamment des études générales qu'elle verse au débat sur la discrimination à l'embauche en France, Mme Q... établit, au travers des pièces qu'elle produit, les faits suivants : -elle disposait de compétences compatibles avec l'offre d'emploi litigieuse, -aucun entretien n'a été organisé avant refus de sa candidature, -au cours des échanges écrits qui ont eu lieu sur ce refus, des précisions lui ont été apportées sur les qualités requises, qui ne figuraient pas expressément sur l'offre d'emploi : réalisation d'un doctorat en contrat CIFRE et/ou de stages de fin d'études ou de première expérience significative auprès de partenaires industriels tels que Areva, IRSN, CEA, bonne connaissance et maîtrise de plusieurs codes de calcul tels que Code_Saturne et OpenFOAM, NEPTLTNE_CFD, Fluent, CFX, Star-CD, Star-CCM+ et HYS YS, les autres précisions apportées étant des exégèses de l'offre d'emploi et non des modifications du profil de poste comme le prétend l'appelante, -seules neuf candidatures sur les 614 reçues, dont 55 ont été considérées comme conformes, lui ont été communiquées. L'appelante fournit ainsi des éléments de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination à son encontre. Il ressort du mandat donné par la société EDF à la société Menway talents que devaient être recrutés les candidats :*ingénieurs et/ou doctorants, *jeunes diplômés et bénéficiant d'une expérience entre 1 et 3 ans en recherche appliquée à l'industrie, un poste étant à pourvoir sur la modélisation des incendies et combustion et deux postes étant à pourvoir sur CFD, vibration et thermodynamique, * prioritairement au profil ayant effectué un doctorat en contrat CIFRE et/ou ayant réalisé des stages de fin d'études ou une première expérience significative auprès de partenaires industriels tels que Areva, IRSN, CEA... et ayant une bonne connaissance et la maîtrise de plusieurs codes de calcul tels que CodejSaturne et OpenFOAM, NEPTUNE_CFD, Fluent, Star-CD, Star-CCM-f, HYSYS... * capables d'esprit d'équipe relationnel, d'adaptabilité, d'autonomie, de compétences rédactionnelles, d'une capacité à présenter/ défendre ses dossiers, du sens du service, de la qualité, du résultat, du respect des délais. Mme Q... ne justifie d'aucun diplôme ou expérience en recherche appliquée à l'industrie alors que les neuf candidatures produites au débat par les intimées, sur lesquelles six ont été rejetées et trois ont été retenues, font apparaître que cette condition était remplie. Ce seul défaut constitue un élément objectif et pertinent étranger à toute discrimination légitimant le rejet de sa candidature. Par ailleurs, sur les neuf curriculum vitae communiqués, trois candidats portaient un prénom et un nom d'origine étrangère, à consonance proche de celle des prénom et nom de Mme Q... : M. I... R..., Mme M... Y... et M. X... , soit deux hommes et une femme, le premier ayant été in fine recruté, étant relevé, surabondamment, que trois candidats sur les neuf étaient des femmes : Mmes M... Y..., U... V... et D... O..., la deuxième ayant été in fine recrutée, et que les trois candidats recrutés, soit Mme U... V..., MM. E... T... et I... R..., étaient âgés, respectivement, de 29, 23 et 30 ans. Enfin, les trois candidats recrutés remplissaient toutes les conditions requises par la société EDF, étant observé, en réponse aux contestations de Mme Q..., que ces trois candidats n'avaient pas besoin d'être universitaires, que leur profil expérimental n'était pas incompatible avec la compétence en modélisation mise en avant dans l'offre d'emploi, et que : - Mme U... V... maîtrisait au moins deux codes de calcul (NEPTUNE_CFD, Fluent), aucune exhaustivité n'étant attendue sur ce point, justifiait d'une spécialité (la combustion) lui permettant de pourvoir l'un des trois postes (sur la modélisation des incendies et combustion) et était jeune diplômée, avec une expérience professionnelle inférieure à trois ans comme attendu, - M. T... n'avait pas besoin d'être titulaire d'un doctorat, justifiait d'une première expérience significative au sein d'Areva, avait réalisé un stage de fin d'études au sein du CEA, maîtrisait au moins un code de calcul (Star-CCM-s-), aucune exhaustivité n'étant attendue sur ce point, et était jeune diplômé, sans expérience professionnelle, ce qui était conforme à l'offre, - M. R... n'avait pas besoin d'être docteur, justifiait d'une spécialité (la combustion) lui permettant de pourvoir l'un des trois postes (sur la modélisation des incendies et combustion), maîtrisait au moins deux codes de calcul (Code_Saturne et NEPTUNE_CFD), aucune exhaustivité n'étant attendue sur ce point, et justifiait d'expériences significatives auprès du CEA et de l'IRSN. Au regard de l'ensemble des éléments ainsi recueillis, et même si l'intégralité des candidatures n'a pas été communiquée, les intimées démontrent que la décision de rejet de la candidature de Mme Q... était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Aucune discrimination à l'embauche n'est donc retenue. C'est, en conséquence, à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes en découlant, Mme Q... étant, au surplus, déboutée de sa demande, nouvelle en cause d'appel, de condamnation dirigée contre la société EDF pour violation de l'engagement pris sous la forme d'accord, charte et tout autre document relatif à la responsabilité sociale du groupe pris en matière de lutte contre les discriminations, défense des droits de l'Homme et sécurité au travail en vigueur au sein de l'entreprise ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Le Conseil, après avoir entendu l'exposé des parties, analysé les éléments recueillis contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi, a prononcé le 17 novembre 2016 le jugement suivant : - vu les dispositions des articles 6 et 9 du Code de Procédure Civile, -vu les dispositions des articles L.1132-1 et L. 1134-1 du Code du Travail, -attendu que Madame Q... n'apporte aucun élément justifiant la discrimination dont elle s'estime être victime, - attendu que les défendeurs justifient par des éléments objectifs et pertinents que le rejet de la candidature de Madame Q... est exclusif de toute discrimination, - attendu que les dossiers de candidature transmis par le cabinet de recrutement MENWAY TALENTS démontrent l'inanité des griefs émis par Madame Q..., - attendu que le Conseil dit que les allégations de Madame Q..., selon lesquelles elle serait victime d'une discrimination, sont inopérantes, - attendu que le Conseil déboute Madame Q... de la totalité des prétentions ».

1) ALORS QUE la vérification par le juge du caractère objectif des justifications avancées par l'employeur suppose que soient connues avant le recrutement, les exigences requises pour le poste proposé ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que l'exigence d'un diplôme ou d'une expérience en recherche appliquée à l'industrie ainsi que des expériences significatives auprès de partenaires industriels tels que AREVA, IRSN, CEA constituait un élément objectif étranger à toute discrimination légitimant le rejet de la candidature de Mme Q..., après avoir constaté que ces exigences n'avaient jamais été formulées dans l'offre d'emploi initiale mais avaient été ajoutées suite aux questions de Mme Q... sur les raisons du rejet de sa candidature, la cour d'appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail ;

2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, dans ses écritures, Mme Q... avait démontré qu'alors que son profil correspondait parfaitement aux compétences exigées dans l'offre d'emploi initiale et l'offre validée par la Société EDF, la Société MENWAY TALENTS n'avait eu de cesse, pour tenter de se justifier, d'ajouter des conditions ou exigences spécifiques qui ne figuraient pas dans l'offre d'emploi initiale, dont l'expérience en recherche appliquée à l'industrie ou auprès d'un partenaire industriel ; qu'en se bornant à affirmer de manière péremptoire, que l'exigence d'un profil recherche appliquée à l'industrie et d'expériences avec des partenaires industriels résultait du mandat donné par la Société EDF et constituait une justification objective, sans rechercher les raisons de l'absence de transparence de l'offre initiale dans laquelle ne figurait aucunement les prétendues exigences déterminantes de la Société EDF et sans s'expliquer sur l'incohérence entre l'offre d'emploi validée par EDF avant la mise en ligne de l'offre initiale et le mandat confié par la Société EDF pour occuper les mêmes postes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail ;

3) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, dans ses écritures, Mme Q... avait démontré, sans être contestée, qu'il résultait expressément de son curriculum vitae régulièrement versé aux débats, qu'elle disposait d'une expérience en recherche appliquée à l'industrie et avait effectué des stages auprès de partenaires industriels dès lors qu'elle avait effectué son stage de DEA à l'ONERA pour son diplôme de l'ENS CACHAN et son post-doctorat avec AREVA et qu'elle maitrisait parfaitement plusieurs codes de calcul ; qu'en affirmant, pour dire que le refus de l'embaucher était justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination, que Mme Q... ne justifiait d'aucun diplôme ou expérience en recherche appliquée à l'industrie cependant qu'une telle expérience ressortait expressément de son curriculum vitae, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail ;

4) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en affirmant, pour dire que le refus de l'embaucher était justifié par un élément objectif étranger à toute discrimination, que Mme Q... ne justifiait d'aucun diplôme ou expérience en recherche appliquée à l'industrie cependant qu'une telle expérience ressortait expressément de son curriculum vitae, la cour d'appel, qui n'a pas examiné cette pièce déterminante du litige, a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

5) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en retenant que la recherche appliquée à l'industrie constituait l'élément objectif justifiant l'absence de discrimination à l'embauche, sans rechercher, ni préciser, si cette condition, qui ne figurait pas dans l'offre d'emploi initiale, ni dans l'offre d'emploi validée par la Société EDF et avait été ajoutée suite aux demandes d'explications de Mme Q... puis indiquées dans le prétendu mandat mentionnant une date postérieure à l'émission de l'offre, constituait une exigence professionnelle déterminante pour occuper les postes proposés, et alors que la Société EDF n'a jamais, à aucun moment, justifié que les contraintes exigées étaient impératives pour occuper les postes proposés, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail ;

6) ALORS AU SURPLUS QUE, en entérinant purement et simplement, pour dire que le refus de candidature était justifié par des éléments objectifs, les éléments du mandat versé par la Société MENWAY TALENTS relatifs à la recherche appliquée à l'industrie et aux expériences avec des partenaires industriels, alors que ce mandat faisait mention d'une date postérieure à l'émission de l'offre et ne correspondait pas à l'offre d'emploi validée par la Société EDF avant sa mise en ligne, ni à l'offre d'emploi initiale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail ;

7) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en entérinant purement et simplement, pour dire que le refus de candidature était justifié par des éléments objectifs, les éléments du mandat versé par la Société MENWAY TALENTS relatifs à la recherche appliquée à l'industrie et aux expériences avec des partenaires industriels, sans examiner l'offre d'emploi validée par la Société EDF, puis l'offre d'emploi mise en ligne et ensuite le mandat non signé et mentionnant une date postérieure à la mise en ligne de l'offre et dont il résultait que les indications fournies dans l'offre d'emploi validée par la Société EDF correspondaient à l'offre d'emploi mise en ligne mais ne comportaient aucune des exigences mentionnées dans le prétendu mandat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail ;

8) ALORS AU SURPUS QUE, en affirmant qu'il importait peu que l'intégralité des candidatures n'ait pas été communiquée et en entérinant la sélection de 9 curriculums vitae opérée unilatéralement et sans aucune justification par le cabinet de recrutement sur les 55 considérés comme conformes, la cour d'appel a derechef violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail ;

9) ALORS A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE QUE, dans ses écritures, Mme Q... avait soutenu et démontré que cette exigence de stages ou d'expériences avec des partenaires spécifiques et expressément nommés constituait une discrimination indirecte en raison de l'origine sociale dès lors que, peu important le parcours effectif, les compétences du candidat et le poste proposé, seuls les candidats disposant d'un réseau choisi auprès de l'entreprise EDF pouvaient être sélectionnés, créant ainsi une condition qui, neutre en apparence, défavorisait nécessairement les candidats provenant de milieux sociaux dans lesquels l'accès aux grandes entreprises est beaucoup plus difficile que pour ceux dont le milieu social leur offre un vaste réseau de relations ; qu'en entérinant le critère prétendument objectif tiré de la recherche appliquée à l'industrie avec une expérience avec les partenaires industriels d'EDF, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si cette exigence ne constituait pas une discrimination indirecte en raison de l'origine sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail, ensemble l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales;

10) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en s'abstenant de répondre aux écritures précises et circonstanciées de Mme Q... sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

11) ALORS ENFIN QUE, en affirmant qu'il ressortait uniquement du curriculum vitae de Mme Q... un prénom et un nom d'origine étrangère et qu'il n'y avait aucun élément lié à son sexe, son âge ou son milieu social, cependant que dans ledit curriculum vitae Mme Q... avait indiqué son prénom, la date d'obtention de son DEA puis de son doctorat et le nombre d'années d'expériences professionnelles postérieures, sa langue maternelle, à savoir l'arabe, le lieu de réalisation de l'essentiel de ses études, en l'occurrence le Maroc jusqu'en 2001 ainsi que son adresse précise, autant d'éléments donnant des indications sur son sexe, son âge, ainsi que sur son milieu social, la cour d'appel, qui a dénaturé cette pièce déterminante du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme P... Q... de sa demande visant à ce qu'il soit dit et jugé que la Société EDF avait manqué à ses propres engagements conventionnels et unilatéraux de lutte contre la discrimination, en conséquence de l'AVOIR déboutée de sa demande visant à ce que la Société EDF soit condamnée à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'engagement pris sous la forme d'accord, charte et tout autre document relatif à la responsabilité sociale du groupe EDF pris en matière de responsabilité sociale des entreprises;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « (
) Au regard de l'ensemble des éléments ainsi recueillis, et même si l'intégralité des candidatures n'a pas été communiquée, les intimées démontrent que la décision de rejet de la candidature de Mme Q... était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Aucune discrimination à l'embauche n'est donc retenue. C'est, en conséquence, à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes en découlant, Mme Q... étant, au surplus, déboutée de sa demande, nouvelle en cause d'appel, de condamnation dirigée contre la société EDF pour violation de l'engagement pris sous la forme d'accord, charte et tout autre document relatif à la responsabilité sociale du groupe pris en matière de lutte contre les discriminations, défense des droits de l'Homme et sécurité au travail en vigueur au sein de l'entreprise ».

1) ALORS QUE, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir du chef du premier moyen emportera, par voie conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté Mme Q... de sa demande visant à ce qu'il soit dit et jugé que la Société EDF avait manqué à ses propres engagements conventionnels et unilatéraux de lutte contre la discrimination ;

2) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE, en application des dispositions de l'article L.1121-1 du code du travail, le contrat de travail doit être négocié, formé et exécuté de bonne foi ; qu'en déboutant Mme Q... de sa demande visant à ce que la Société EDF soit condamnée au titre de la violation de ses engagements en matière de lutte contre la discriminations, après avoir pourtant constaté que celle-ci avait refusé, en toute mauvaise foi, et en contradiction avec ses propres engagements, la transmission de tout élément qui aurait permis de caractériser ou justifier la discrimination constatée à l'embauche, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

3) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE, en déboutant Mme Q... de sa demande visant à ce que la Société EDF soit condamnée au titre de la violation de ses engagements en matière de lutte contre les discriminations, après avoir pourtant constaté que celle-ci avait refusé, en contradiction avec ses propres engagements, la transmission de tout élément qui aurait permis de caractériser ou justifier la discrimination constatée à l'embauche, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations dont il résultait que la Société EDF avait commis une faute engageant sa responsabilité civile, a violé l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 dudit code.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-17885
Date de la décision : 26/02/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 fév. 2020, pourvoi n°18-17885


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.17885
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award