LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 février 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 181 F-D
Pourvoi n° H 19-10.892
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2020
La société Assumarisk, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 19-10.892 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 2e chambre, section A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. S... R...,
2°/ à Mme U... E..., épouse R...,
tous deux domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Assumarisk, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme R..., et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 22 novembre 2018), M. et Mme R..., propriétaires d'une maison, ont confié à la société Nepp la construction d'une piscine et ont émis des réserves lors de la réception des travaux.
2. Le 25 février 2014, ils ont assigné notamment la société Assurisk group, devenue Assumarisk, recherchée en qualité d'assureur de la société Nepp, en indemnisation des travaux de reprise des désordres.
Examen des moyens
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Assumarisk fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement l'ayant condamnée à payer la somme de 9 845 euros à M. et Mme R..., alors que « les juges du fond ne peuvent laisser subsister une incertitude quant au fondement juridique de la condamnation qu'ils prononcent ; qu'en ayant jugé que les époux R... étaient » fondés sinon au visa de l'article L. 124-3 du code des assurances et en tout cas sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil « à obtenir la condamnation de la société Assumarisk, simple intermédiaire d'assurance, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 12 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 12 du code de procédure civile ;
4. Pour condamner la société Assumarisk à payer à M. et Mme R... la somme de 9 485 euros, l'arrêt énonce que l'attestation d'assurance sur la base de laquelle la société Assurisk group a été assignée par les maîtres de l'ouvrage précise qu'elle ne constitue qu'une présomption de garantie et qu'elle ne peut engager la société Assurisk group et les compagnies d'assurance au-delà des clauses et conditions du contrat précité auquel elle se réfère, ce qui tend à démontrer que la société Assurisk group a eu un rôle excédant celui de courtier d'assurance qu'elle prétend être. L'arrêt ajoute que par cette attestation établie à son en-tête, qu'elle a signée et qui la désigne en qualité d'assureur dans le tableau des garanties, et par une direction du procès qui a consisté essentiellement en première instance à contester la responsabilité de la société Nepp, la société Assurisk group devenue société Assumarisk a créé de façon fautive une situation dont l'ambiguïté a induit en erreur M. et Mme R... lesquels sont fondés sinon au visa de l'article L. 124-3 du code des assurances et en tout cas sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, à mettre en cause sa responsabilité et à lui réclamer à titre de dommages-intérêts, le montant des travaux de reprise des désordres imputables à la société Nepp.
5. En statuant ainsi, par des motifs qui laissent incertain le fondement juridique de la condamnation qu'elle a prononcée et qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Assumarisk à payer à M. et Mme R... la somme de 9 845 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne M. et Mme R... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Assumarisk
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement qui avait condamné la société Assumarisk, simple intermédiaire d'assurance, à payer la somme de 9 845 € à M. et Mme R..., au titre des désordres affectant la construction d'une piscine qui avait été confiée à l'assurée ;
AUX MOTIFS QUE Sur la garantie de la société Assurisk Group devenue la société Assumarisk : La société Assumarisk se présente comme un intermédiaire d'assurance ne pouvant assumer les obligations d'un assureur. Mais la lecture des conclusions qu'elle a fait signifier avant l'audience du 25 mars 2015 qui s'est tenue devant le tribunal d'instance de Nîmes, permet de considérer que la société Assurisk Group avait pris la direction du procès puisqu'elle a contesté à titre principal la responsabilité de la société NNEP tant au visa des articles 1792-3 que 1147 du code civil et qu'elle a, à titre subsidiaire, sollicité une mesure d'expertise qui a été confiée par le jugement avant-dire droit à M. T... W..., la société Assurisk Group faisant d'ailleurs l'avance des frais d'expertise. L'attestation d'assurance sur la base de laquelle la société Assurisk Group a été assignée par les maîtres de l'ouvrage a été établie à son en-tête et signée par son représentant. De plus, le tableau des garanties qui inclut la garantie des dommages intermédiaires, la fait apparaître en qualité d'assureur au côté de la société ACE. Enfin, l'attestation d'assurance précise qu'elle ne constitue qu'une présomption de garantie et qu'elle ne peut engager la société Assurisk Group et les compagnies d'assurances au-delà des clauses et conditions du contrat précité auquel elle se réfère, ce qui tend à démontrer que la société Assurisk Group a eu un rôle excédant celui de courtier d'assurance qu'elle prétend être. C'est par une analyse que la cour ne peut qu'adopter que le premier juge a considéré que M. et Mme R... pouvaient légitimement croire que la société NNEP était assurée par la société Assurisk Group qui n'a invoqué réellement sa qualité de courtier ou d'intermédiaire que dans le cadre des opérations d'expertise. La société Assurisk Group devenue la société Assumarisk n'a, à aucun moment, fait intervenir l'une ou l'autre des compagnies d'assurances mentionnées par elle. Par l'attestation d'assurance établie à son en-tête, qu'elle a signée et qui la désigne en qualité d'assureur dans le tableau des garanties, par une direction du procès qui a consisté essentiellement en première instance à contester la responsabilité de la société NNEP, la société Assurisk Group devenue société Assumarisk, a créé de façon fautive, une situation dont l'ambiguïté a induit en erreur M. et Mme R... lesquels sont fondés sinon au visa de l' article L.124-3 du code des assurances et en tout cas sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, à mettre en cause sa responsabilité et à lui réclamer à titre de dommages et intérêts, le montant des travaux de reprise des désordres imputables à la société NNEP. Sur la responsabilité de la société NNEP : Il ressort du rapport d'expertise déposé par M. W... que la pose des carreaux de la plage de la piscine est contraire aux règles de l'art car la dalle béton qui sert de support ne présente pas de pente pour l'évacuation de l'eau, qu'aucun drainage n'a été prévu, que l'épaisseur du mortier de pose est inférieure au minimum requis, ce qui provoque une perte d'adhérence des carreaux, un délitement des joints en ciment, un décollement des carreaux. Le pré-rapport d'expertise avait retenu avec réserve un devis évaluant les travaux de reprise à la somme de 21 000 € HT. La société NNEP a commis à l'évidence de nombreuses fautes d'exécution qui engagent sa responsabilité contractuelle. Le rapport définitif a évalué à la somme de 1650 €, les travaux immédiats à mettre en oeuvre tout en soulignant que l'évolution des désordres était inéluctable compte tenu du nombre de non-conformités. Dans l'évaluation du dommage, le tribunal d'instance s'est référé au devis d'un montant de 9845 € TTC produit par M. et Mme R..., devis du 23 juin 2016 correspondant au remplacement des dalles décollées et non à la réfection de la totalité de la terrasse. La société Assumarisk a acquitté le montant de la condamnation.
Dans le cadre de leur appel incident, M. et Mme R... font valoir que l'expert judiciaire a envisagé l'évolution des désordres, ce qui justifie la condamnation de la société Assumarisk à leur payer la somme de 25 000 € tant pour les travaux de reprise que pour le préjudice causé par les agissements de la société Assumarisk, puisqu'ils sont confrontés à une procédure d'appel alors que le litige aurait pu être réglé dès le mois d'octobre 2013. M. et Mme R... qui ne peuvent faire grief à la société Assumarisk d'exercer les voies de recours qui lui sont ouvertes et qui ne démontrent pas que les désordres se soient aggravés depuis l'établissement du devis du 23 juin 2016, doivent être déboutés de leur appel incident ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'attestation d'assurance produite par les demandeurs, garantissait la responsabilité contractuelle de la société NNEP au titre des travaux notamment de piscine et dallage ; que cette attestation était rédigée à en-tête du groupe Assurisk ; que l'intermédiaire y certifiait que l'assurée était titulaire d'un contrat d'assurance garantissant son activité de constructeur de piscine ; que le tableau des garantie mentionnait le groupe Assurisk ; qu'indépendamment de la théorie du mandat apparent qui ne trouvait pas à s'appliquer en l'espèce, puisque la société Assuriskgroup n'avait pas été engagée par un mandataire agissant avec l'apparence d'un mandat ou dépassant le mandat existant, les époux R... pouvaient légitimement croire que la société NNEP était assurée par la société Assuriskgroup ; qu'en outre, jusqu'à la communication de ses dernières conclusions, la compagnie Assuriskgroup n'avait invoqué aucune exclusion ou refus de garantie liée au contrat lui-même et s'était présentée comme l'assureur de la société NNEP pendant les opérations d'expertise ; qu'elle n'avait invoqué sa qualité d'agence de souscription qu'après dépôt du rapport d'expertise de sorte que, par négligence, elle avait entretenu les époux R... dans la fausse croyance qu'ils agissaient judiciairement contre l'assureur de la société NNEP par ailleurs en liquidation judiciaire ; que la société Assuriskgroup devait donc mobiliser sa garantie à l'égard des époux R... ;
1° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent laisser subsister une incertitude quant au fondement juridique de la condamnation qu'ils prononcent ; qu'en ayant jugé que les époux R... étaient « fondés sinon au visa de l'article L. 124-3 du code des assurances et en tout cas sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil » à obtenir la condamnation de la société Assumarisk, simple intermédiaire d'assurance, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 12 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent soulever d'office un moyen, sans inviter les parties à s'en expliquer au préalable ; qu'en ayant condamné la société Assumarisk pour avoir pris la direction du procès de la société NNEP en première instance, quand ce moyen n'avait été soulevé par aucune des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe du contradictoire ;
3° ALORS QUE le simple fait qu'un courtier a contesté la responsabilité de l'assuré et a avancé les frais d'expertise ne suffit pas à caractériser qu'il a pris la direction du procès intenté par un tiers à l'assuré, dès lors surtout que ce dernier était représenté par son propre avocat ; qu'en ayant jugé que la société Assumarisk avait pris la direction du procès intenté à la société NNEP, la cour d'appel a violé l'article L. 113-17 du code des assurances ;
4° ALORS QUE l'apparence d'assureur qu'a pu emprunter un simple intermédiaire ne peut se résoudre en le paiement des travaux de réparation dont l'assureur véritable était le garant ; qu'en ayant jugé que l'apparence de qualité d'assureur qu'avait empruntée la société Assumarisk, justifiait que le coût des travaux de réparation de la piscine (découlant des manquements aux règles de l'art imputables à la société NNEP et dont seul l'assureur véritable était le garant) soit mis à la charge de l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil.