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06/02/2020 | FRANCE | N°18-25460

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 06 février 2020, 18-25460


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 février 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 90 F-D

Pourvoi n° W 18-25.460

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2020

1°/ M. L... H...,

2°/ Mme U... R..., épouse H...,

dom

iciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° W 18-25.460 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerc...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 février 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 90 F-D

Pourvoi n° W 18-25.460

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2020

1°/ M. L... H...,

2°/ Mme U... R..., épouse H...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° W 18-25.460 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à M. B... Y..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme H..., de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. Y..., après débats en l'audience publique du 7 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 11 octobre 2018), que, par acte du 30 mars 2001, ayant pris effet le 1er mars précédent, M. Y... a donné à bail à M. et Mme H... plusieurs parcelles ; qu'une clause du contrat prévoyait que les terres seraient cultivées au titre des contraintes agro-environnementales et selon des méthodes agro-biologiques ; que, par déclaration du 23 mai 2016, M. Y... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et expulsion des preneurs ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme H... font grief à l'arrêt d'accueillir les demandes ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les manquements imputés aux preneurs, qui n'avaient jamais exécuté la clause les obligeant à respecter les règles de production biologique en vigueur, s'étaient poursuivis depuis la conclusion du bail et avaient perduré après son renouvellement aux mêmes conditions, la cour d'appel a, en visant le bail souscrit le 30 mars 2001, tacitement renouvelé le 1er mars 2010, prononcé la résiliation du bail en cours au jour de la demande de résiliation ;

Attendu, d'autre part, que les preneurs, qui ont conclu devant la cour d'appel au rejet de la demande de résiliation, n'ont tiré aucune conséquence de la distinction entre le bail initial et le bail issu de son renouvellement, de sorte que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme H... font le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu, à bon droit, sans procéder à une application rétroactive des dispositions de l'ordonnance du 13 juillet 2006, qu'il résulte de l'article L. 411-27 du code rural, dans sa rédaction applicable le 30 mars 2001, que le preneur s'expose à la résiliation s'il emploie la chose à un autre usage que celui auquel elle a été contractuellement destinée, de sorte qu'une clause prévoyant des méthodes de culture respectueuses de l'environnement n'est pas contraire à l'ordre public statutaire, et constaté que M. et Mme H..., en méconnaissance de la nature des terres expressément dédiées aux pratiques agro-biologiques, les avaient délibérément exploitées de façon « conventionnelle », la cour d'appel en a exactement déduit que ceux-ci avaient manqué à leurs obligations ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le fonds était affecté à la production biologique, retenu que sa bonne exploitation était compromise par l'application de méthodes polluantes, contraires au classement des terres, et caractérisé le préjudice subi par le bailleur du fait des sanctions administratives engendrées par la non-conformité de ses parcelles à l'opération de conversion à l'agriculture biologique dans laquelle elles avaient été déclarées en totalité, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, en a souverainement déduit que la résiliation devait être prononcée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme H... font le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu qu'aucun texte ne subordonne la résiliation fondée sur les manquements du preneur compromettant la bonne exploitation du fonds à la délivrance préalable d'une mise en demeure, de sorte que, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à celle que M. Y... avait signifiée, la cour d'appel, qui a constaté que les preneurs avaient méconnu leurs obligations et en caractérisé les conséquences, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme H... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme H... et les condamne à payer à M. Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme H...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a, infirmant le jugement du 1er septembre 2017 et statuant à nouveau, prononcé la résiliation du bail rural souscrit le 30 mars 2001 entre Monsieur Y... et Monsieur et Madame H..., puis ordonné l'expulsion de Monsieur et Madame H... des parcelles louées dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant pendant une durée de quatre mois ;

AUX MOTIFS QU' « en application des dispositions de l'article L. 411-27 ancien du code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 1999 antérieure à l'ordonnance du 13 juillet 2006, ainsi qu'il est dit à l'article 1706 du code civil, si le preneur n'exécute pas les clauses du bail et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail ; que le bail comporte en page 10, au titre des conditions spécifiques la clause suivante : "Les terres seront cultivées dans le cadre des contraintes agro-environnementales et selon des méthodes agro-biologiques" ; que cette clause vise, indépendamment de l'identité du bailleur et de la localisation des parcelles, lesquelles sont indifférentes à l'appréciation du manquement du preneur aux obligations du bail qu'il a souscrit, à maintenir des pratiques agro-écologiques préexistantes ; qu'en effet, le bailleur justifie par les pièces versées aux débats de son engagement dans la conversion de l'intégralité de la superficie de son exploitation en agriculture biologique depuis le 1er novembre 1998 et produit une attestation d'engagement mode de production biologique établie le 9 mars 2001 par l'organisme de contrôle Ecocert qui indique que M. Y... s'est engagé à respecter les règles de production biologique en vigueur ; que la clause insérée dans le contrat de bail s'inscrit dans une démarche de M. Y... de conversion de ses parcelles à l'agriculture biologique ; que M. et Mme H... ne contestent pas qu'ils exploitent les parcelles louées de façon conventionnelle, laquelle exclut la culture biologique ; que ce faisant, ils contreviennent à la clause du bail leur imposant le respect des contraintes agro-biologiques ; qu'il est constant qu'à la suite de la mise en demeure qui leur été délivrée le 15 mars 2016, qui reproduisait la clause invoquée, les preneurs n'ont pas modifié les modalités d'exploitation des parcelles ; que le non-respect par le preneur de clauses imposant des pratiques culturales préservant l'environnement est une cause de résiliation du contrat ; que cependant les dispositions de l'article L. 411-31-1-3° dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 juillet 2006 qui prévoient que la résiliation du bail est encourue si le preneur contrevient aux engagements de l'article L. 411-27 dans sa rédaction postérieure au bail sans qu'il soit nécessaire de caractériser la compromission de la bonne exploitation du fonds ou le préjudice subi par le bailleur ne sont pas applicables au bail rural souscrit le 30 mars 2001 ; qu'afin de justifier la résiliation du bail, le bailleur en conséquence doit rapporter la preuve du dommage qui en est résulté et de l'atteinte à la bonne exploitation du fonds ; qu'en l'espèce, la bonne exploitation du fonds est nécessairement compromise par l'application de méthodes de production plus polluantes que les méthodes agro-biologiques prévues par le bail ; qu'en outre, M. Y... justifie du préjudice financier qui en est résulté ; que l'appelant verse aux débats la décision prise par le Préfet du département de l'Orne le 31 mars 2003 qui constate que M. Y... n'a pas respecté les clauses du contrat de l'opération "conversion à l'agriculture biologique" signé le 1er octobre 1998 en l'absence de déclaration de surface en 2001 et 2002, que le contrat se trouve en conséquence résilié et que M. Y... doit restituer les sommes indûment perçues au titre des aides versées à ce titre, soit la somme de 4.378,80 euros ; que le manquement des preneurs à leur engagement prévu par le bail d'exploiter les parcelles affermées selon les méthodes de l'agriculture biologique justifie en conséquence de prononcer la résiliation du bail et l'expulsion de M. et Mme H... des parcelles louées dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant pendant une durée de quatre mois ; qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande de résiliation du bail » ;

ALORS QUE, premièrement, en cas de renouvellement tacite d'un bail rural, le bail renouvelé est distinct du bail originaire ; que le bail tacitement renouvelé ne peut être résilié que pour un manquement survenu au cours de la période couverte par le bail renouvelé et donc postérieur au renouvellement tacite ; qu'en faisant état de manquements survenus en 2016, à la suite d'une mise en demeure du 15 mars 2016, quand le bail originaire était venu à expiration le 28 février 2010 et que depuis le 1er mars 2010, les parties étaient liées par un contrat distinct, les juges du fond, en prononçant la résiliation du bail du 20 mars 2001, ont commis une erreur de droit et violé les articles L. 411-50 et L. 411-31 du Code rural et de la pêche maritime ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, les parties étant liées par un bail tacitement renouvelé, entré en vigueur le 1er mars 2010, les juges du fond ne pouvaient ordonner l'expulsion des fermiers que sur la base d'une résiliation visant le bail tacitement renouvelé ; qu'en ordonnant l'expulsion sur la base d'une résiliation concernant le bail originaire, les juges du fond ont commis une erreur de droit et violé les articles L. 411-50 et L. 411-31 du Code rural et de la pêche maritime.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

EN CE QU'il a, infirmant le jugement du 1er septembre 2017 et statuant à nouveau, prononcé la résiliation du bail rural souscrit le 30 mars 2001 entre Monsieur Y... et Monsieur et Madame H..., puis ordonné l'expulsion de Monsieur et Madame H... des parcelles louées dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant pendant une durée de quatre mois ;

AUX MOTIFS QU' « en application des dispositions de l'article L. 411-27 ancien du code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 1999 antérieure à l'ordonnance du 13 juillet 2006, ainsi qu'il est dit à l'article 1706 du code civil, si le preneur n'exécute pas les clauses du bail et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail ; que le bail comporte en page 10, au titre des conditions spécifiques la clause suivante : "Les terres seront cultivées dans le cadre des contraintes agro-environnementales et selon des méthodes agro-biologiques" ; que cette clause vise, indépendamment de l'identité du bailleur et de la localisation des parcelles, lesquelles sont indifférentes à l'appréciation du manquement du preneur aux obligations du bail qu'il a souscrit, à maintenir des pratiques agro-écologiques préexistantes ; qu'en effet, le bailleur justifie par les pièces versées aux débats de son engagement dans la conversion de l'intégralité de la superficie de son exploitation en agriculture biologique depuis le 1er novembre 1998 et produit une attestation d'engagement mode de production biologique établie le 9 mars 2001 par l'organisme de contrôle Ecocert qui indique que M. Y... s'est engagé à respecter les règles de production biologique en vigueur ; que la clause insérée dans le contrat de bail s'inscrit dans une démarche de M. Y... de conversion de ses parcelles à l'agriculture biologique ; que M. et Mme H... ne contestent pas qu'ils exploitent les parcelles louées de façon conventionnelle, laquelle exclut la culture biologique ; que ce faisant, ils contreviennent à la clause du bail leur imposant le respect des contraintes agro-biologiques ; qu'il est constant qu'à la suite de la mise en demeure qui leur été délivrée le 15 mars 2016, qui reproduisait la clause invoquée, les preneurs n'ont pas modifié les modalités d'exploitation des parcelles ; que le non-respect par le preneur de clauses imposant des pratiques culturales préservant l'environnement est une cause de résiliation du contrat ; que cependant les dispositions de l'article L. 411-31-1-3° dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 juillet 2006 qui prévoient que la résiliation du bail est encourue si le preneur contrevient aux engagements de l'article L. 411-27 dans sa rédaction postérieure au bail sans qu'il soit nécessaire de caractériser la compromission de la bonne exploitation du fonds ou le préjudice subi par le bailleur ne sont pas applicables au bail rural souscrit le 30 mars 2001 ; qu'afin de justifier la résiliation du bail, le bailleur en conséquence doit rapporter la preuve du dommage qui en est résulté et de l'atteinte à la bonne exploitation du fonds ; qu'en l'espèce, la bonne exploitation du fonds est nécessairement compromise par l'application de méthodes de production plus polluantes que les méthodes agro-biologiques prévues par le bail ; qu'en outre, M. Y... justifie du préjudice financier qui en est résulté ; que l'appelant verse aux débats la décision prise par le Préfet du département de l'Orne le 31 mars 2003 qui constate que M. Y... n'a pas respecté les clauses du contrat de l'opération "conversion à l'agriculture biologique" signé le 1er octobre 1998 en l'absence de déclaration de surface en 2001 et 2002, que le contrat se trouve en conséquence résilié et que M. Y... doit restituer les sommes indûment perçues au titre des aides versées à ce titre, soit la somme de 4.378,80 euros ; que le manquement des preneurs à leur engagement prévu par le bail d'exploiter les parcelles affermées selon les méthodes de l'agriculture biologique justifie en conséquence de prononcer la résiliation du bail et l'expulsion de M. et Mme H... des parcelles louées dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant pendant une durée de quatre mois ; qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande de résiliation du bail » ;

ALORS QUE, premièrement, en matière de baux ruraux, le principe est celui de la liberté du preneur dans le choix du mode d'exploitation ; que pour déterminer la licéité d'une clause figurant dans un bail, il faut se placer à sa date de conclusion ; qu'en s'abstenant de rechercher si, à la date du 30 mars 2001, le bailleur pouvait imposer des clauses environnementales, telles qu'elles figurent actuellement à l'article L.411-27 du Code rural et de la pêche maritime, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L.411-27 et L.411-29 du Code rural et de la pêche maritime ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en application de l'article L.411-31 du Code rural et de la pêche maritime, nonobstant toutes clauses contraires, le bailleur ne peut solliciter la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs qu'il vise ; qu'en s'abstenant de rechercher si ce texte n'excluait pas la résiliation, dès lors que le preneur, libre de son mode d'exploiter, pratiquait une agriculture conventionnelle insusceptible de compromettre la bonne exploitation du fond, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L.411-31 du Code rural et de la pêche maritime.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

EN CE QU'il a, infirmant le jugement du 1er septembre 2017 et statuant à nouveau, prononcé la résiliation du bail rural souscrit le 30 mars 2001 entre Monsieur Y... et Monsieur et Madame H..., puis ordonné l'expulsion de Monsieur et Madame H... des parcelles louées dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant pendant une durée de quatre mois ;

AUX MOTIFS QU' « en application des dispositions de l'article L. 411-27 ancien du code rural, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 1999 antérieure à l'ordonnance du 13 juillet 2006, ainsi qu'il est dit à l'article 1706 du code civil, si le preneur n'exécute pas les clauses du bail et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail ; que le bail comporte en page 10, au titre des conditions spécifiques la clause suivante : "Les terres seront cultivées dans le cadre des contraintes agro-environnementales et selon des méthodes agro-biologiques" ; que cette clause vise, indépendamment de l'identité du bailleur et de la localisation des parcelles, lesquelles sont indifférentes à l'appréciation du manquement du preneur aux obligations du bail qu'il a souscrit, à maintenir des pratiques agro-écologiques préexistantes ; qu'en effet, le bailleur justifie par les pièces versées aux débats de son engagement dans la conversion de l'intégralité de la superficie de son exploitation en agriculture biologique depuis le 1er novembre 1998 et produit une attestation d'engagement mode de production biologique établie le 9 mars 2001 par l'organisme de contrôle Ecocert qui indique que M. Y... s'est engagé à respecter les règles de production biologique en vigueur ; que la clause insérée dans le contrat de bail s'inscrit dans une démarche de M. Y... de conversion de ses parcelles à l'agriculture biologique ; que M. et Mme H... ne contestent pas qu'ils exploitent les parcelles louées de façon conventionnelle, laquelle exclut la culture biologique ; que ce faisant, ils contreviennent à la clause du bail leur imposant le respect des contraintes agro-biologiques ; qu'il est constant qu'à la suite de la mise en demeure qui leur été délivrée le 15 mars 2016, qui reproduisait la clause invoquée, les preneurs n'ont pas modifié les modalités d'exploitation des parcelles ; que le non-respect par le preneur de clauses imposant des pratiques culturales préservant l'environnement est une cause de résiliation du contrat ; que cependant les dispositions de l'article L. 411-31-1-3° dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 juillet 2006 qui prévoient que la résiliation du bail est encourue si le preneur contrevient aux engagements de l'article L. 411-27 dans sa rédaction postérieure au bail sans qu'il soit nécessaire de caractériser la compromission de la bonne exploitation du fonds ou le préjudice subi par le bailleur ne sont pas applicables au bail rural souscrit le 30 mars 2001 ; qu'afin de justifier la résiliation du bail, le bailleur en conséquence doit rapporter la preuve du dommage qui en est résulté et de l'atteinte à la bonne exploitation du fonds ; qu'en l'espèce, la bonne exploitation du fonds est nécessairement compromise par l'application de méthodes de production plus polluantes que les méthodes agro-biologiques prévues par le bail ; qu'en outre, M. Y... justifie du préjudice financier qui en est résulté ; que l'appelant verse aux débats la décision prise par le Préfet du département de l'Orne le 31 mars 2003 qui constate que M. Y... n'a pas respecté les clauses du contrat de l'opération "conversion à l'agriculture biologique" signé le 1er octobre 1998 en l'absence de déclaration de surface en 2001 et 2002, que le contrat se trouve en conséquence résilié et que M. Y... doit restituer les sommes indûment perçues au titre des aides versées à ce titre, soit la somme de 4.378,80 euros ; que le manquement des preneurs à leur engagement prévu par le bail d'exploiter les parcelles affermées selon les méthodes de l'agriculture biologique justifie en conséquence de prononcer la résiliation du bail et l'expulsion de M. et Mme H... des parcelles louées dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant pendant une durée de quatre mois ; qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande de résiliation du bail » ;

ALORS QUE, la résiliation d'un bail rural ne peut être prononcée qu'à raison des manquements établis à la date à laquelle la demande est introduite ; qu'une mise en demeure doit être assortie d'un délai suffisant pour que le destinataire modifie le cas échéant son comportement et se conforme à ses obligations ; que tenus de se placer à la date de la demande (23 mai 2016), les juges du fond ne pouvaient prononcer la résiliation du bail sans s'être interrogés, dès lors qu'ils se fondaient sur cette mise en demeure, sur le point de savoir si la mise en demeure du 15 mars 2016 ménageait un délai suffisant pour permettre aux preneurs, eu égard notamment aux contraintes des années culturales, de substituer une agriculture biologique à l'agriculture conventionnelle qui était pratiquée ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L.411-31 du Code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-25460
Date de la décision : 06/02/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 11 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 06 fév. 2020, pourvoi n°18-25460


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25460
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