LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 février 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 177 F-D
Pourvoi n° F 18-25.377
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2020
La société Isolmondego, société anonyme, dont le siège est [...] (Portugal), a formé le pourvoi n° F 18-25.377 contre l'arrêt rendu le 14 septembre 2016 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Axa Portugal companhia de seguros, dont le siège est [...] ), défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Isolmondego, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa Portugal companhia de seguros, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 septembre 2016), que le 20 février 2009, la société Smurfit kappa cellulose du pin (la société Smurfit) a confié à la société Prevel la vérification d'une chaudière industrielle impliquant la démolition d'une sole en béton, cette opération entraînant l'arrêt momentané de la production ; que la société Prevel a sous-traité la prestation à la société Isolmondego ; que le 13 mars 2009, la société Smurfit a fait constater des impacts sur les canalisations découvertes après démolition de la sole et a fait procéder au remplacement des tubes détériorés ; qu'après la réalisation d'expertises ordonnées en référé, la société Smurfit a assigné la société Prevel et son assureur devant le tribunal de commerce aux fins notamment d'obtenir l'indemnisation de son préjudice résultant des détériorations constatées ; que la société Prevel a appelé en cause la société Isolmondego et l'assureur de celle-ci, la société Axa Portugal companhia de seguros ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société Isolmondego fait grief à l'arrêt de condamner l'assureur de responsabilité civile exploitation (la société Axa Portugal companhia de seguros) d'un sous-traitant (la société Isolmondego) à le garantir du seul préjudice invoqué par le maître de l'ouvrage (la société Smurfit) à l'exclusion du préjudice d'exploitation, alors, selon le moyen, que la clause d'exclusion de garantie dans un contrat d'assurance doit être formelle et limitée, ce qui n'est pas le cas lorsqu'elle donne matière à interprétation ; qu'en l'espèce, pour exclure la garantie de l'assureur du sous-traitant au titre des pertes d'exploitation alléguées par le maître de l'ouvrage, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que cette exclusion se déduisait expressément d'une clause pourtant dépourvue de référence expresse aux pertes d'exploitation et se bornant à viser des « pertes indirectes de quelque nature que ce (fût), manque à gagner et paralysies » : qu'en statuant ainsi par interprétation de cette clause, d'où se déduisait son absence de caractère formel et limité, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la clause selon laquelle sont exclues « les pertes indirectes de quelque nature que ce soit, manque à gagner et paralysies » définit expressément ce qui relève du préjudice de pertes d'exploitation, la cour d'appel, qui ne s'est livrée à aucune interprétation de la clause d'exclusion, en a exactement déduit qu'elle était formelle et limitée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Isolmondego aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Isolmondego et la condamne à payer à la société Axa Portugal companhia de seguros la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Isolmondego
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir condamné l'assureur de responsabilité civile exploitation (la société Axa Portugal Companhia de Seguros) d'un sous-traitant (la société Isolmondego, l'exposante) à le garantir du chef du seul préjudice matériel invoqué par le maître de l'ouvrage (la société Smurfit Kappa Cellulose du Pin), à l'exclusion du préjudice d'exploitation ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'étendue de la garantie d'Axa Portugal, la garantie des dommages matériels devait être admise ; qu'en revanche, au titre des pertes d'exploitation, il convenait de revenir à une clause d'exclusion cette fois parfaitement formelle et limitée et qui n'entrait en contradiction avec aucune des autres clauses du contrat, selon laquelle étaient exclus « les pertes indirectes de quelque nature que ce fût, manque à gagner et paralysies » ; que cette stipulation définissait expressément ce qui relevait d'un préjudice d'exploitation, de sorte que la garantie d'Axa Portugal devait être limitée aux dommages matériels sous réserve de la franchise contractuelle stipulée à 10% du montant de l'indemnisation ; que, s'agissant du préjudice immatériel subi, les désordres avaient emporté un retard et donc une impossibilité de production pendant un certain temps ; que la faute dans l'exécution du contrat avait été directement à l'origine du retard ; que le préjudice qui en découlait de manière directe et certaine était la perte de bénéfice liée à ces heures sans production (arrêt attaqué, p. 11, 4ème et 7ème alinéas, et p. 12, 1er alinéa) ;
ALORS QUE la clause d'exclusion de garantie dans un contrat d'assurance doit être formelle et limitée, ce qui n'est pas le cas lorsqu'elle donne matière à interprétation ; qu'en l'espèce, pour exclure la garantie de l'assureur du sous-traitant au titre des pertes d'exploitation alléguées par le maître de l'ouvrage, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que cette exclusion se déduisait expressément d'une clause pourtant dépourvue de référence expresse aux pertes d'exploitation et se bornant à viser des « pertes indirectes de quelque nature que ce (fût), manque à gagner et paralysies » : qu'en statuant ainsi par interprétation de cette clause, d'où se déduisait son absence de caractère formel et limité, la cour d'appel a violé l'article L 113-1 du code des assurances ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, dans le doute, la convention s'interprète contre son rédacteur et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, s'agissant notamment d'une clause d'exclusion de garantie opposée par un assureur à son assuré ; qu'en l'espèce, pour exclure toute garantie de l'assureur du sous-traitant au titre des pertes d'exploitation, l'arrêt infirmatif attaqué a fait application d'une clause excluant la garantie des pertes « indirectes de quelque nature que ce (fût), manque à gagner et paralysies » ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant par ailleurs que la faute contractuelle retenue avait été « directement » à l'origine du préjudice immatériel afférent aux pertes de production alléguées, lesquelles en « découl(aient) de manière directe », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1134 et 1162 anciens du code civil.