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05/02/2020 | FRANCE | N°18-22569

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 février 2020, 18-22569


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 109 F-P+B

Pourvoi n° D 18-22.569

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2020
r>M. W... V..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° D 18-22.569 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2018 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 109 F-P+B

Pourvoi n° D 18-22.569

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2020

M. W... V..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° D 18-22.569 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2018 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. A... P..., domicilié [...],

2°/ à M. H... P...,

3°/ à Mme E... X..., épouse P...,

domiciliés tous deux [...],

4°/ à M. N... R..., domicilié [...],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. V..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. R..., et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 643-11 IV du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que tout créancier qui, invoquant une fraude commise à son égard, souhaite reprendre ses actions individuelles contre son débiteur après clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, doit y être autorisé par le tribunal de la procédure collective si celui-ci n'a pas donné cette autorisation lors de la clôture ; que le juge saisi d'une instance en cours au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce ne peut, en cas d'ouverture, pendant l'instance, d'une liquidation judiciaire contre le débiteur suivie d'une clôture pour insuffisance d'actif, condamner celui-ci au paiement d'une somme d'argent sans constater au préalable que le créancier a obtenu l'autorisation de reprendre ses actions individuelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant de l'existence de défauts sur un véhicule acheté à M. R... après une réparation effectuée par M. V..., M. H... P..., Mme X... épouse P... et M. A... P... (les consorts P...), ont, le 2 octobre 2014, assigné M. R... et M. V... devant un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à leur payer des dommages-intérêts ; que par un jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 29 mai 2015, M. V... a été mis en liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif, le 11 décembre 2015, sans que les consorts P... aient déclaré leur créance ;

Attendu que pour condamner M. V... à payer à M. et Mme P... la somme de 10 285,83 euros en réparation de leur préjudice, outre celle de 15,05 euros TTC par jour au titre des frais de gardiennage, l'arrêt, après avoir constaté que M. V... n'avait informé ni le tribunal, ni les autres parties de sa procédure collective, et qu'il n'avait pas avisé le liquidateur judiciaire de l'existence de l'instance en cours devant le tribunal de grande instance, retient qu'en dissimulant au liquidateur l'existence de ces créanciers potentiels, ce qui avait eu pour effet de priver ceux-ci de l'avertissement d'avoir à déclarer leurs créances, M. V... avait sciemment porté atteinte aux droits des consorts P... et que si l'article L. 643-11 IV du code de commerce dispose que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, il fait cependant exception à cette règle en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le tribunal de commerce de Mâcon avait, lors de la clôture de la liquidation judiciaire de M. V..., autorisé la reprise des actions individuelles de tout créancier, pour fraude à l'égard d'un ou de plusieurs d'entre eux, ou que M. et Mme P... avaient obtenu cette autorisation, postérieurement à la clôture et avant qu'elle ne statue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne M. V... à payer à M. et Mme P... la somme de 10 285,83 euros en réparation de leur préjudice, outre celle de 15,05 euros TTC par jour à compter du 1er janvier 2015 et jusqu'au jour du paiement des condamnations permettant la réparation du véhicule, au titre des frais de gardiennage, et en ce qu'il statue sur les dépens et condamne M. V... à payer à M. et Mme P... la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Met hors de cause, à sa demande, M. R... dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige ;

Condamne M. H... P..., Mme X..., épouse P..., et M. A... P... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. V....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. V... à payer aux époux P... la somme de 10 285,83 € en réparation de leur préjudice, outre celle de 15,05 € TTC par jour à compter du 1er janvier 2015 et jusqu'au jour du paiement des condamnations permettant la réparation du véhicule, au titre des frais de gardiennage ;

AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces versées aux débats que M. V... a été placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 29 mai 2015, et que cette procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 11 décembre 2015, soit pendant le cours de l'instance devant le tribunal de grande instance, et avant l'intervention de la décision de celui-ci ; QUE pourtant, M. V... n'a informé ni le tribunal, ni les autres parties de cette procédure collective, et il n'a pas avisé le liquidateur judiciaire de l'existence de l'instance en cours devant le tribunal de grande instance ; QU'en dissimulant au liquidateur l'existence de ces créanciers potentiels, ce qui a eu pour effet de priver ceux-ci de l'avertissement d'avoir à déclarer leurs créances, M. V... a sciemment porté atteinte aux droits des consorts P... et de M. R... ;

QUE l'article L. 643-11 IV du code de commerce dispose que si le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, il est cependant fait exception à cette règle en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers ; QU'ainsi, les consorts P... sont fondés à obtenir, sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, le paiement à titre de dommages et intérêts des sommes correspondant à la créance qu'ils auraient pu faire valoir dans le cadre de la procédure collective ;

1- ALORS QU'en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l'encontre du débiteur ; que le tribunal statue lors de la clôture de la procédure après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs, et qu'il peut statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes conditions ; qu'ainsi, seule la juridiction compétente pour statuer sur la clôture peut, après avoir entendu le liquidateur et les contrôleurs, autoriser la reprise des actions individuelles à l'encontre du débiteur ; que dès lors, la cour d'appel, qui n'était pas compétente pour statuer sur la procédure collective et qui statuait sans avoir entendu le liquidateur et les contrôleurs, ne pouvait autoriser la reprise d'une action en responsabilité contre le débiteur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 643-11 IV du code de commerce ;

2- ALORS QUE la reprise des actions ne peut être autorisée qu'en cas de fraude du débiteur ; que la bonne foi est présumée ; que la fraude ne peut résulter de la seule constatation de ce que le débiteur n'a pas informé ses créanciers de l'existence de la procédure collective, ni les organes de la procédure de l'existence de certains de ces créanciers ; qu'en jugeant néanmoins que M. V... avait sciemment dissimulé ces éléments, sans relever aucune circonstance révélant le caractère intentionnel de cette omission, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil et L. 643-11 IV du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. V... à payer aux époux P... la somme de 10 285,83 € en réparation de leur préjudice, outre celle de 15,05 € TTC par jour à compter du 1er janvier 2015 et jusqu'au jour du paiement des condamnations permettant la réparation du véhicule, au titre des frais de gardiennage ;

AUX MOTIFS QUE les consorts P... font grief à M. V... d'avoir manqué à l'obligation contractuelle de résultat dont il était tenu envers M. R... en ne procédant pas, comme il en avait été chargé par ce dernier, à la résolution du problème d'injection affectant le véhicule, ce qui engageait sa responsabilité délictuelle à leur encontre dès lors qu'ils avaient subi du fait de cette inexécution un dommage consistant en la nécessité de faire procéder à des travaux de remise en état, outre les préjudices résultant de l'immobilisation du véhicule, de son transfert d'un garage à un autre, de son entreposage, et de l'achat d'un véhicule de remplacement ; QU'il sera relevé que M. V... ne conteste pas la qualité pour agir de M. A... P..., lequel, en sa qualité d'utilisateur habituel du véhicule, a en tout état de cause pu subir certains des préjudices invoqués, notamment le trouble de jouissance ;

QUE l'appelant ne peut sérieusement soutenir n'avoir pas manqué à ses obligations au motif que le désordre ne se manifestait que lorsque le moteur était chaud, et qu'il ne lui avait pas été demandé de faire un essai du véhicule au long cours, dès lors qu'en sa qualité de professionnel chargé de remédier à un défaut signalé par l'allumage d'un voyant spécifique, il lui appartenait, non pas simplement de neutraliser le code défaut signalant le dysfonctionnement, mais de faire toutes les diligences nécessaires pour identifier l'origine de celui-ci et d'y mettre un terme ; QUE M. V... a donc incontestablement commis une faute contractuelle à l'égard de M. R..., dont il est résulté un préjudice pour les consorts P... en suite de l'achat du véhicule mal réparé ; QUE ce préjudice comprend le coût de la remise en état, chiffré conformément aux conclusions de l'expert judiciaire à 2 822,33 €, une facture JBK Autos Motos du 25 juin 2013 d'un montant de 41,20 € relative à l'essai du véhicule en vue de déterminer la cause du dysfonctionnement, et en une facture Opel Blois du 16 janvier 2015 d'un montant de 108 € relative au dépannage et au transfert du véhicule vers ce garage ; QU'il y a lieu d'y ajouter les frais de gardiennage du véhicule défaillant, arrêtés à 7 314,30 € au 31 décembre 2014 sur la base d'un montant journalier de 15,05€ conforme à l'évaluation de l'expert. Les consorts P... soutiennent qu'à compter du 1er janvier 2015, suite à une modification de tarif consécutive à l'entreposage de la voiture dans un autre garage, il y a lieu de mettre en compte des frais à hauteur de 75,60 € par jour ;

QUE toutefois, pour justifier de ce montant, qui est sans commune mesure avec le tarif antérieur comme lui étant cinq fois supérieur, ils produisent un courrier du garage Opel Blois du 16 janvier 2015 qui, s'il fait certes état d'un tarif de 75,60 € TTC au 1er janvier 2015, ne précise cependant pas s'il s'agit d'un tarif journalier ou hebdomadaire ; QUE par ailleurs, force est de constater qu'ils ne versent aucune facture ou décompte justifiant du paiement effectif de frais de gardiennage au tarif journalier de 75,60€ ; QU'il doit donc être mis en compte, à compter du 1er janvier 2015 et jusqu'au paiement des sommes permettant la remise du véhicule en état de circulation, des frais de gardiennage d'un montant de 15,05 € par jour ;

(
) QUE le dommage s'établit en définitive à 10 285,83 €, outre les frais de gardiennage de 15,05 € par jour à compter du 1er janvier 2015 ; que ce préjudice financier affecte les seuls propriétaires du véhicule, savoir les époux P..., et non leur fils, qui n'était que son utilisateur ; QUE M. V... sera en conséquence condamné à payer aux époux P... les sommes ainsi déterminées, la décision entreprise étant infirmée en ce sens ;

ALORS QUE le préjudice causé par l'achat d'un véhicule défectueux qui a été mal réparé est causé, au moins partiellement, par l'existence initiale du défaut et non pas exclusivement par le fait que la réparation n'y ait pas remédié ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait mettre intégralement à la charge de M. V... le préjudice causé aux consorts P... par l'achat d'un véhicule affecté d'un défaut d'injection qu'il n'était pas parvenu à réparer correctement ; qu'elle a ainsi violé l'article 1242 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-22569
Date de la décision : 05/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Clôture - Clôture pour insuffisance d'actif - Droit de poursuite individuelle - Conditions - Fraude du débiteur - Autorisation du tribunal de la procédure collective - Applications diverses - Juge saisi d'une instance en cours

Il résulte de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, que tout créancier qui, invoquant une fraude commise à son égard, souhaite reprendre ses actions individuelles contre son débiteur après clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, doit y être autorisé par le tribunal de la procédure collective si celui-ci n'a pas donné cette autorisation lors de la clôture. En conséquence, le juge saisi d'une instance en cours au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce ne peut, en cas d'ouverture, pendant l'instance, d'une liquidation judiciaire contre le débiteur suivie d'une clôture pour insuffisance d'actif, condamner celui-ci au paiement d'une somme d'argent sans constater au préalable que le créancier a obtenu l'autorisation de reprendre ses actions individuelles


Références :

article L. 643-11, IV, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008

article L. 622-21 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 28 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 fév. 2020, pourvoi n°18-22569, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.22569
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