LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 février 2020
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 115 F-D
Pourvoi n° U 18-15.062
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2020
La société Quinta communications, devenue la société Bleufontaine, société anonyme, dont le siège est [...] ,
Intervenant volontaire : M. F... B..., domicilié [...] , agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Bleufontaine,
ont formé le pourvoi n° U 18-15.062 contre l'arrêt RG n° 16/09048 rendu le 20 février 2018 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige les opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet, [...],
2°/ à M. C... T... , domicilié [...] , pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Les Auditoriums de Joinville,
3°/ à M. P... O..., domicilié [...] ,
4°/ à M. U... N..., domicilié [...] ,
5°/ à M. Q... G..., domicilié [...] ,
6°/ à Mme W... A..., domiciliée [...] ,
7°/ à M. S... Z..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Bleufontaine et de M. B..., ès qualités, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de Mme A..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. T... , ès qualités, et l'avis écrit de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Donne acte à M. B... de ce qu'il intervient volontairement en qualité d'administrateur judiciaire de la société Quinta communications, devenue la société Bleufontaine ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 février 2018, RG n° 16/09048), que le groupe Quinta industries était notamment constitué de la société Quinta industries, qui avait pour actionnaire la société Quinta communications et détenait une partie du capital de la société [...], laquelle détenait elle-même la société Les Auditoriums de Joinville (la société ADJ) ; que cette dernière a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 1er décembre 2011 et 16 février 2012, M. T... étant nommé en qualité de liquidateur ; qu'un arrêt du 18 juillet 2013, devenu irrévocable, a reporté la date de cessation des paiements au 30 juin 2011 ; que le liquidateur a notamment assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif la société Quinta communications, M. O... et M. G... ; que la société Quinta communications, devenue la société Bleufontaine, a été mise en redressement judiciaire le 14 novembre 2018, M. B... étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire ;
Attendu que la société Quinta communications fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de la somme de 1 000 000 euros et, solidairement avec M. G..., celle de 5 000 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif alors, selon le moyen :
1°/ que le respect du principe constitutionnel de nécessité des peines, dont découle la règle de l'application immédiate de la loi pénale plus douce, commande que, lorsque le juge civil est amené à prononcer une sanction ayant le caractère d'une punition telle que la condamnation pécuniaire à contribuer à tout ou partie de l'insuffisance d'actif prévue par l'article L. 651-2, alinéa premier du code de commerce, la loi nouvelle moins sévère reçoive application aux procédures collectives en cours, de sorte que les dispositions nouvelles dudit texte issues de la loi du 9 décembre 2016 qui disposent que « en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée » sont applicables à la présente procédure ; que la cour d'appel se devait de rechercher si le retard dans la déclaration de cessation des paiements n'était pas dû à une simple négligence de la société Quinta communications ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
2°/ qu'en toute hypothèse, les dispositions nouvelles de l'article L. 651-2, alinéa premier du code de commerce, issues de la loi du 9 décembre 2016, sont d'application immédiate ; que la cour d'appel se devait donc de rechercher si le retard dans la déclaration de cessation des paiements n'était pas dû à une simple négligence de la société Quinta communications ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
3°/ que la condamnation de la société Quinta communications à contribuer à l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes, la cassation encourue à raison de l'une d'elle entraîne la cassation de l'arrêt de ce chef ; que la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Mais attendu qu'en l'absence de disposition contraire prévue par elle, la loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif, qui n'a pas le caractère d'une punition, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours ; que l'arrêt, rendu dans le cadre d'une instance en responsabilité pour insuffisance d'actif en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi précitée, relève, d'abord, que la date de cessation des paiements de la société débitrice a été fixée au 30 juin 2011, qu'il appartenait donc aux dirigeants de procéder à la déclaration de cessation des paiements avant le 15 août 2011, cependant que cette déclaration n'est intervenue que le 29 novembre 2011 ; qu'il retient, ensuite, que cette faute, qui a contribué à l'insuffisance d'actif de la société débitrice, est établie à l'égard de la société Quinta communications, en sa qualité de dirigeant de fait, et de M. O..., en sa qualité de dirigeant de droit ; qu'il retient encore, par des motifs non critiqués relatifs à la mesure d'interdiction de gérer prononcée contre M. O..., lequel cumulait les qualités de dirigeant de droit de la société débitrice, de dirigeant de droit de la société Quinta communications et de représentant permanent de celle-ci au sein de la société débitrice, que la cessation des paiements n'a pas été déclarée dans le délai légal de quarante-cinq jours, que cette absence de déclaration ne peut qu'avoir été commise sciemment pour permettre à la société Quinta communications de réduire son exposition financière, et que le courriel d'un avocat, du 15 septembre 2011, adressé notamment à M. O... et indiquant la liste des informations et documents nécessaires à la préparation d'une déclaration de cessation des paiements, démontre sa connaissance de l'état de cessation des paiements de la société débitrice ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, qui font ressortir que l'absence de déclaration de la cessation des paiements par les dirigeants de la société débitrice ne procédait pas d'une simple négligence, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de retenir cette faute de gestion à l'égard de la société Quinta communications et de condamner celle-ci au titre de l'insuffisance d'actif ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Quinta communications, devenue la société Bleufontaine, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Bleufontaine et M. B..., ès qualités
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société QUINTA COMMUNICATIONS à payer à Maître T... , ès-qualités, la somme de 1.000.000 € et de l'avoir condamnée solidairement avec M. G... à payer au liquidateur judiciaire 5.000 € ;
AUX MOTIFS QUE sur la déclaration tardive de cessation des paiements, Me T... expose que la société ADJ, qui n'a pas bénéficié d'une mesure de conciliation, eruegistre depuis 2007 un chiffre d'aft'aires en baisse continuelle, des pertes d'exploitation cunrulées de 4,600.000 € et que les capitaux propres sont négatifs depuis plus de cinq ans ; que le retard apporté au dépôt de la déclaration de cessation des paicments a contribué à augmenter I'insuffisance d'actif de 785 000 € en ce que Ies pertes du l'URSSAF, dc la société Lionsbridge, de la société Audiens ont augrïenté sur les deux derniers trimestre 2011 ; que cettc faute de gestiorr est irnputable à tous les dirigeants de droit et de fait ; que ce retard a permis à la société Quinta conrrnunications dc conclure Ie protocole du 30 scptctnbre 201i par lequel la société ADJ a vu s'éteindre sa créance à I'encontre cle ceilc-ci; que l'échéancier du 2 août 2011, qui avait été accordé sous différentes conditions qui n'ont pas été respectées, n'est jamais entré en vigueur ; qn'il ne peut s'agir d'une simple négligence ; enfin que cette faute est imputable à la société Quinta communicatiotrs, à MM. N... et O... ainsi qu'aux administratcurs: que la société Quinta communications rappcllc que l'état de cessation de paienent cle la société ADJ ayant étê déclaré le 28 octobre 2011, seule l'éventuelle aggravation du passif cntre le 15 août 2011 et Ie 28 octobre 2011 doit êtrc prise en compte or le liquidateur, à qui incombe la charge de la preuve, n'apporte aucune preuve de I'aggravation du passif durant cette pér:iode; qu'elle précise qu'en juillct 2011 tous les intervenant y cornpris extérieurs croyaient encore en une possibilité de redressement en raison du plan de numérisation prévu par l'Etat; que les mesures de conciliation englobaient toutes les sociétés du groupe ; entïn, qu'un moratoire était cn cours jusqu'à sa dénonciation intervenue le 8 novembre 2011; que la date de cessation des paierrents a été fixée de manière définitive au 30 juin 2011, qu'il appartenait donc aux dirigeants de procéder à la déclaration clc Ia cessation des paietnents avant le I5 avril 2011; que la déclaration de cessation des paienrents est intervenue le 29 novembre 2011; que cette faufe a contribué à I'insuffisance d'actif en ce que durant cctte période le passif a augmenté de la manièrc snivante :- Ia TVA des mois d'octobre et novembre 20ll d'un nrontant de 256 498 € n'a pas été payée, - I'Urssaf a déclaré uno créauce de 55 463 € au titre de cotisations impayées en octobre ct novembrc 2011, - Audiens a déclaré une créance de 60 I58 € au titre des cotisations dues du 1''. octobre 2011 au 30 novernbre 201 l, - le bailleur a déclaré des loyers impayés à hauteur de 214 377,35 € pour la même période; qu'elle est établie à l'encontre de la société Quinta communications, en sa qualité de dirigeant de fait, et de M. O..., en sa qualité de dirigeant de droit, sans qu'il soit bcsoin de recherchcr à ce stade si I'omission a été faite sciemment ou non;
1- ALORS QUE le respect du principe constitutionnel de nécessité des peines, dont découle la règle de l'application immédiate de la loi pénale plus douce, commande que, lorsque le juge civil est amené à prononcer une sanction ayant le caractère d'une punition telle que la condamnation pécuniaire à contribuer à tout ou partie de l'insuffisance d'actif prévue par l'article L. 651-2, alinéa premier du code de commerce, la loi nouvelle moins sévère reçoive application aux procédures collectives en cours, de sorte que les dispositions nouvelles dudit texte issues de la loi du 9 décembre 2016 qui disposent que « en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée » sont applicables à la présente procédure ; que la cour d'appel se devait de rechercher si le retard dans la déclaration de cessation des paiements n'était pas dû à une simple négligence de la société Quinta Communications ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
2- ALORS QU'en toute hypothèse, les dispositions nouvelles de l'article L. 651-2, alinéa premier du code de commerce, issues de la loi du 9 décembre 2016, sont d'application immédiate ; que la cour d'appel se devait donc de rechercher si le retard dans la déclaration de cessation des paiements n'était pas dû à une simple négligence de la société Quinta Communications ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
ET AUX MOTIFS QUE le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société QUINTA COMMUNICATIONS à payer à Maître T... , ès-qualités, la somme de 1.000.000 € et que le représentant permanent, M. G..., sera condamné solidairement avec la personne morale qu'il représente à payer au liquidateur judiciaire la somme de 5.000 € ;
ALORS QUE la condamnation de la société Quinta Communications à contribuer à l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes, la cassation encourue à raison de l'une d'elle entraîne la cassation de l'arrêt de ce chef ; que la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce.