LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 janvier 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 51 F-D
Pourvoi n° N 19-10.621
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2020
La société d'Architecture A Criado, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 19-10.621 contre le jugement rendu le 17 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Toulon (1re chambre), dans le litige l'opposant à la société Vertex, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société d'Architecture A Criado, de la SCP Boulloche, avocat de la société Vertex, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de commerce de Toulon, 17 septembre 2018), rendu en dernier ressort, que la société Vertex, chargée d'effectuer des études techniques pour la société d'architecture A. Criado (la société Criado), chargée de la conception d'un programme immobilier de logements d'habitation, l'a assignée en paiement de solde ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner la société Criado à payer les sommes initialement prévues au contrat, le jugement retient que la société Vertex demande le règlement des sommes dues soit 3 708,80 euros au titre de la convention d'honoraires régulièrement signée et que la société Criado n'apporte pas de preuves probantes de ses allégations ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Criado qui soutenait que la société Vertex s'était abstenue d'exécuter plusieurs des missions confiées à elle aux termes de la convention d'honoraires du 1er janvier 2007, ni analyser les éléments de preuve soumis à son appréciation et notamment un tableau repris par l'expert judiciaire, recensant les missions demeurées non exécutées par la société Vertex avec les honoraires correspondants, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner la société Criado à payer des dommages-intérêts pour résistance abusive, le jugement retient que la société Vertex demande la somme de 2 000 euros à ce titre ;
Qu'en statuant ainsi, sans donner de motifs à sa décision, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon, le 17 septembre 2018.
Renvoie devant le tribunal de commerce de Toulon, autrement composé ;
Condamne la société Vertex aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société d'Architecture A Criado
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la société d'Architecture A. Criado à payer les sommes initialement prévues au contrat pour un montant de 3.708,80 € ;
AUX MOTIFS QU'une convention d'honoraires avait été conclue entre les parties en date du 1er janvier 2007 pour la réalisation d'études techniques pour un programme immobilier comportant 41 logements et ce pour un montant de 23.439,21 € ; que le montant réglé par la Sarl société d'architecture A. Criado a été de 19.730,41 € règlement effectué en deux chèques le 3 aout et le 11 octobre 2007, soit un différentiel de 3.708,80 € ; que la Sarl société d'architecture A. Criado explique cette retenue financière par une piètre qualité d'exécution des prestations de la Sarl Vertex ; que le Tribunal a confié une mission d'expertise à M. C... I... par jugement du 6 janvier 2011 et que le rapport rendu le 9 mars 2016 considère qu'une retenue de 1.650,48 € serait acceptable ; que le maître d'ouvrage, la société Eiffage qui avait contracté à l'origine avec la Sarl Vertex a accepté la convention entre la Sarl Vertex et la Sarl société d'architecture A. Criado et n'a effectué aucune retenue de paiement ; que sur la recevabilité des demandes, la Sarl société d'architecture A. Criado soutient que les informations de la Sarl Vertex lui ont été transmises tardivement ; que la solution de gaines proposée par la Sarl Vertex est inadaptée ; que le système de VMC n'est pas conforme aux prescriptions de l'architecte des « Bâtiments de France » ; que la Sarl société d'architecture A. Criado soutient aussi que la Sarl Vertex devait remplir un tableau de décomposition des prestations poste par poste ; que la Sarl société d'architecture A. Criado soutient qu'il a été obligé de sous-traiter des postes avec d'autre bureaux d'études ; que cependant le Tribunal notera que la pièce 54 « facture BET e » n'indique pas clairement le lieu des travaux litigieux « [...] », mais la « [...] » ; que ladite pièce fait état de 18 logements alors que le projet et la convention porte sur 41 logements ; que l'expert dans son rapport indique qu'il n'y a pas de non-conformité aux documents contractuels ou de défaut de conception avérés ; que le système réfuté par la Sarl société d'architecture A. Criado a eu l'approbation de la société Eiffage et de l'architecte « Bâtiments de France » ; que la convention d'honoraires (pièce3) n'indique pas la nécessité de remplir un tableau sur le coût des différents postes ; qu'il est surprenant que au vu de la liste des griefs énoncés entre la Sarl société d'architecture A. Criado et la Sarl Vertex la retenue n'ait été que de 3.708,80 € ; que la Sarl Vertex demande le règlement des sommes dues soit 3.708,80 € au titre de la convention d'honoraires régulièrement signée ; que la Sarl société d'architecture A. Criado n'amène pas de preuves probantes de ses allégations ;
1) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, devant le tribunal, la société d'architecture A. Criado faisait valoir que la société Vertex s'était purement et simplement abstenue d'exécuter plusieurs des missions qui lui avaient été confiées aux termes de la convention d'honoraires du 1er janvier 2007, ce qui justifiait qu'une retenue soit appliquée à la facture qu'elle lui avait adressée le 25 mai 2007 (concl., p. 4 § 5, p. 6 § 13 et p. 7 § 7) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen des conclusions de la société d'architecture A. Criado, pourtant déterminant pour apprécier le bien-fondé de la retenue pratiquée par cette dernière, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE les juges du fond ont l'obligation de se prononcer sur l'ensemble des pièces versées aux débats ; que devant le tribunal, la société d'architecture A. Criado faisait valoir que la société Vertex s'était purement et simplement abstenue d'exécuter plusieurs des missions qui lui avaient été confiées aux termes de la convention d'honoraires du 1er janvier 2007, ce qui justifiait qu'une retenue soit appliquée à la facture de la société Vertex ; qu'au soutien de ses prétentions, la société d'architecture A. Criado produisait un tableau recensant les missions demeurées non exécutées par la société Vertex ainsi que les honoraires correspondants (pièce n° 60) ; que le contenu de ce tableau était par ailleurs repris par l'expert judiciaire, dans son rapport du 9 mars 2016, pour établir le compte entre les parties (rapport, p. 9) ; qu'en condamnant la société d'architecture A. Criado à verser à la société Vertex les sommes initialement prévues au contrat pour un montant de 3.708,80 €, sans analyser, ne serait-ce que sommairement, les éléments de preuve soumis à son appréciation, le tribunal a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la société d'architecture A. Criado versait aux débats, en pièce n° 51, la convention d'honoraires conclue avec la société Vertex, datée du 1er janvier 2007, qui prévoyait en son article 4 que la société Vertex devait décomposer ses honoraires forfaitaires non seulement pour chaque bâtiment du projet de construction, mais également pour chaque phase ou mission à réaliser (prod.) ; qu'en affirmant, pour écarter tout manquement de la société Vertex à ses obligations contractuelles, que « la convention d'honoraires n'indique pas la nécessité de remplir un tableau sur le coût des différents postes » (arrêt, p. 4 § 8), le tribunal, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la convention d'honoraires susvisée, a violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la société d'Architecture A. Criado à payer à la société Vertex la somme de 2.000,00 € au titre de la résistance abusive ;
AUX MOTIFS QUE la société Vertex demande au titre de la résistance abusive la somme de 2.000,00 € ;
1) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant à relever, pour condamner la société d'Architecture A. Criado pour résistance abusive, que « la société Vertex demande au titre de la résistance abusive la somme de 2.000,00 € » (arrêt, p. 4, § 12), sans donner aucune motivation à sa décision, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la résistance à une action en justice ne peut dégénérer en abus qu'en présence de circonstances particulières qu'il appartient aux juges du fond de spécifier ; qu'en jugeant que la société d'Architecture A. Criado a fait preuve d'une résistance abusive aux demandes formulées par la partie adverse sans caractériser la moindre faute ou résistance malicieuse de sa part, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 devenu 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile.