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29/01/2020 | FRANCE | N°19-82942

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 janvier 2020, 19-82942


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 19-82.942 F-D

N° 3071

SM12
29 JANVIER 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JANVIER 2020

M. Y... I... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, statuant sur renvoi après cassation (Crim. 23 novembre 2016, n°

15-87.814), en date du 3 avril 2019 qui, pour complicité du délit de favoritisme, l'a condamné à 6 000 euros d'amende.

Un m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° X 19-82.942 F-D

N° 3071

SM12
29 JANVIER 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JANVIER 2020

M. Y... I... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, statuant sur renvoi après cassation (Crim. 23 novembre 2016, n° 15-87.814), en date du 3 avril 2019 qui, pour complicité du délit de favoritisme, l'a condamné à 6 000 euros d'amende.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. Y... I..., et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2019 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2.A la suite d'un signalement, le procureur de la République a diligenté une enquête préliminaire sur les pratiques de l'office public HLM (OPHCAN) de Narbonne en matière de passation des marchés publics.

3.Les investigations ont confirmé qu'entre 2007 et le 31 décembre 2009, de nombreux travaux d'entretien et divers contrats d'assurance ou d'entretien avaient été conclus avec des prestataires en l'absence de toute procédure de mise en concurrence, fusse sous la forme de marché à procédure adaptée.

4.L'enquête a également révélé que le marché de maîtrise d'oeuvre pour la construction de la "Résidence le Hameau des Roches Grises" avait été conclu sous la forme d'un marché à procédure adapté alors que, eu égard aux montants en jeu, il aurait dû prendre forme d'un marché avec appel d'offre.

5.Il est par ailleurs apparu qu'en amont de la passation de ce marché, M. Y... H..., président de l'OPHCAN, a communiqué avec M. N... K..., architecte, qu'il avait personnellement choisi pour conduire cette opération et qui a finalement été désigné pour ce faire.

6.M. I..., directeur général de l'OPHCAN depuis 2008 après avoir occupé les fonctions d'adjoint, et à ce titre ordonnateur des recettes et des dépenses, a expliqué que M. H... avait, notamment, insisté pour que l'opération "Résidence le Hameau des Roches Grises" soit confiée à M. K....

7.Au total, le montant des marchés conclus irrégulièrement était chiffré à 1 114 293 euros pour 2007 et à 768 233 euros pour 2009.

8.A l'issue des investigations, plusieurs personnes, dont MM. H..., K... et I..., ont été citées devant le tribunal correctionnel.

9. M. I..., qui exerçait les fonctions de directeur général de l'OPHCAN depuis 2008 a été cité pour avoir à Narbonne, d'une part, entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2008, étant représentant, administrateur ou agent d'un établissement public, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l' égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié, en l'espèce pour avoir en qualité de directeur général de l'Office Public de l'Habitat passé des travaux et commandes hors marchés publics à hauteur de 770 000 euros, d'autre part, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2009, été complice du délit de favoritisme commis par M.H... en l'aidant ou en l'assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation, en l'espèce en passant de manière illégale un marché de maîtrise d'oeuvre dans le cadre de la construction de la "résidence du Hameau des Roches Grises" par la procédure de marché public à procédure adaptée, alors que son montant excédait le seuil légal.

10. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de l'ensemble des faits et l'a condamné à 3000 euros d'amende par jugement du 16 juin 2014.

11.Sur appel du prévenu et du ministère public, la cour d'appel de Montpellier a relaxé M. I... du chef de favoritisme mais l'a déclaré coupable de complicité de ce délit, s'agissant du marché de la Résidence du Hameau des Roches Grises, et condamné à ce titre à une amende de 6 000 euros.

12.Cette décision a été cassée par un arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2016 qui a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Toulouse.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen est pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 432-14, 432-17 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale.

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué "en ce qu'il a déclaré M. I... coupable de complicité de favoritisme entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2009 et l'a condamné à une amende de 6 000 euros".

"1°) alors que ne peut être déclaré coupable de complicité celui qui a facilité un délit, non par un fait positif, mais par une simple inaction ou abstention ; qu'en énonçant, pour déclarer M. I... coupable de complicité de délit de favoritisme, qu'il n'avait mis aucune procédure de contrôle lui permettant de s'assurer du respect de la législation, qu'il n'avait émis aucune note de service ni établi de délégation de signature, la cour d'appel s'est bornée à relevé des abstentions, et non des actes positifs, de sorte qu'elle ne pouvait retenir la complicité et a ainsi méconnu les textes susvisés ;

"2°) alors que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant, d'une part, que M. I... n'avait établi aucune délégation de signature, de sorte que personne n'avait le pouvoir de signer en son nom des documents, d'autre part, que l'acte d'engagement de M. K... avait été signé par Mme F... pendant le congé maladie de M. I... « par ordre » ce qui imposait qu'il ait existé une délégation de signature, fût-elle temporaire, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et a méconnu les textes susvisés ;

"3°) alors que ne peut être déclaré coupable de complicité celui qui a facilité un délit, non par un fait positif, mais par une simple inaction ou abstention ; qu'en se bornant à relever la déposition de Mme F... qui avait déclaré « qu'on avait dû » lui dire que l'architecte M. K... avait été retenu, sans relever l'existence d'un ordre qui aurait effectivement été donné par M. I..., durant son congé maladie, à Mme F..., de signer l'acte d'engagement litigieux, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"4°) alors que, subsidiairement, la complicité par aide et assistance prévue par l'alinéa 1er de l'article 121-7 du code pénal n'est punissable que si cette aide a été apportée sciemment à l'auteur principal dans les faits qui ont facilité la préparation ou la consommation de l'infraction ; qu'en se bornant à énoncer que la signature de l'acte d'engagement par Mme F... établissait la culpabilité de M. I... directeur général qui disposait seul du pouvoir d'engager l'Office, la cour d'appel n'a pas relevé que M. I... aurait agi avec l'intention de participer au délit de favoritisme commis par M. H... et a ainsi méconnu les textes susvisés".

Réponse de la cour

15. Pour déclarer M. I... coupable du délit de complicité de favoritisme, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article 432-14 du code pénal et souligné que le complice, comme l'auteur, de ce délit, ne peut autrement qu'en invoquant l'erreur de droit, se prévaloir d'une ignorance des dispositions réglementant les marchés publics pour justifier de son comportement, relève que le prévenu ne saurait, surtout à son niveau de responsabilité, arguer de son ignorance de la nécessité de passer un marché public pour le contrat de maîtrise d'oeuvre de l'opération de construction de la "Résidence le Hameau des Roches grises", compte tenu du montant des honoraires à verser à l'architecte largement supérieur au seuil de déclenchement de la procédure complète.

16. Les juges ajoutent que c'est vainement que M. I... excipe des mauvaises relations qu'il entretenait avec M. H... et qui, selon lui, l'auraient empêché de procurer à ce dernier une aide volontaire dans la perpétration du délit dont celui-ci s'est rendu coupable, alors que le mobile de l'aide et de l'assistance est indifférent dès lors qu'est établie l'existence d'un tel acte fourni en connaissance de cause.

17. Ils constatent ensuite que, depuis sa prise de fonction, d'abord en qualité de directeur-adjoint, puis de directeur, et enfin, à partir du 1er septembre 2008, de directeur général, le prévenu a perpétué les habitudes de travail héritées de son prédécesseur, consistant à gérer l'Office hors toute règle des marchés publics, sauf pour les très importantes opérations de construction ou de réfection.

18. Ils concluent que, contrairement à ce qu'a fait son successeur dès son arrivée, M. I..., alors qu'il en avait juridiquement les moyens, n'a mis en place aucune procédure de contrôle lui permettant de s'assurer du strict respect de la procédure en vigueur, et n'a émis, depuis le 1er septembre 2008, aucune note de service ou établi aucune délégation de signature, de sorte que l'ensemble des décisions prises, tant par lui-même directement par l'apposition de sa signature, que, pendant ses absences, l'ensemble des actes rédigés et approuvés pour l'OPHCAN, l'ont été sous son nom et sous sa responsabilité directe.

19. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a, sans contradiction, justifié sa décision.

20. En effet, le prévenu, qui avait la qualité d'ordonnateur des recettes et des dépenses de l'office public HLM, était soumis à l'obligation qui en découle de prévenir et réparer les irrégularités susceptibles de survenir, notamment, dans le cadre de la passation des marchés publics.

21. Le moyen, qui critique des motifs surabondants, doit donc être écarté.

22. L'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf janvier deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-82942
Date de la décision : 29/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 03 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jan. 2020, pourvoi n°19-82942


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Colin-Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.82942
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