LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 18-82.703 F-D
N° 3069
SM12
29 JANVIER 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 29 JANVIER 2020
M. T... C..., M. P... F..., M. X... H... ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 27 mars 2018, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 4 mai 2016, n° 15-80.231), a condamné le premier, pour abus de biens sociaux, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et à 20 000 euros d'amende, le deuxième pour tentative d'escroquerie à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 20000 euros d'amende, et le troisième pour recel et complicité de tentative d'escroquerie à dix mois d'emprisonnement avec sursis et 20000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Des mémoires ont été produits en demande et en défense ;
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan et de la SCP Spinosi et Sureau, avocats de M. T... C..., M. P... F..., M. X... H..., les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat Français, partie civile et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2019 où étaient présents M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,
La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
I - Sur le pourvoi de P... F... :
Vu l'article 606 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte d'un extrait des actes de l'état civil de la commune de Gradignan (33) que P... F... est décédé le [...] ; que dès lors, en application de l'article 6 du code de procédure pénale, l'action publique est éteinte à son égard ;
Et attendu que l'examen du pourvoi formé par l'intéressé contre l'arrêt de la cour d'appel, fixé à l'audience du 26 juin 2019, a été renvoyé à la date du 18 décembre 2019, pour permettre aux ayants droit de P... F... de se constituer, le cas échéant, pour reprise d'instance en ce qui concerne les intérêts civils ; qu'à la date fixée, aucun héritier du demandeur n'a déclaré reprendre l'instance ; qu'il convient par conséquent de constater l'extinction de l'action publique à l'égard de P... F..., et dire n'y avoir à statuer sur son pourvoi ;
II - Sur le pourvoi de M. C... :
Sur le premier et le troisième moyens de cassation ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 4° du code de commerce, 459, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abus de biens sociaux et l'a condamné en conséquence à une peine d'emprisonnement de 8 mois assortie du sursis et à une peine d'amende de 20 000 euros ;
" alors que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, le prévenu a exposé qu'en reprenant le fonds de commerce, la SARL [...] avait pris en charge le remboursement des emprunts contractés par la société ICDH pour financer l'acquisition initiale du fonds de commerce ; qu'en omettant cette circonstance et en ne recherchant pas si la SARL [...] n'avait pas en effet repris la dette de la société ICDH en contrepartie de l'acquisition du fonds de commerce, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision."
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société ICDH, gérée par M. C..., a acquis le 18 janvier 2006 le fonds de commerce de plomberie de M. E... Y..., pour 61 000 euros, cette acquisition étant financée par deux emprunts ; que ce fonds a par la suite été transféré au profit de la SARL [...], créée et immatriculée le 15 juin 2007, ayant également pour gérant et associé M. C..., puis racheté en mars 2009 par la société [...] ;
Attendu que pour déclarer M. C... coupable d'abus de biens sociaux pour avoir transféré sans contrepartie financière le fonds artisanal [...] de la société ICDH à la société [...], l'arrêt énonce
que le 15 juin 2007, lors de l'immatriculation au registre du commerce de Périgueux de la société [...], dont le gérant était M. C..., l'extrait K bis de cette société indiquait qu'il s'agissait d'une création, ce qui laisse penser qu'il n'y a pas eu d'achat de fonds de commerce ; que les juges ajoutent que sur la copie du bilan simplifié de la société [...], exercice clos au 31 décembre 2007, aucun montant ne figure en regard de l'intitulé immobilisations incorporelles, ce qui accrédite l'idée que la société est en effet une pure création, alors qu'en annexe aux statuts de ladite société, le gérant M. C... a reçu mandat de conclure pour le compte de la société divers actes, et notamment l'achat du fonds de commerce de chauffage plomberie sanitaire de la société ICDH ; que la cour d'appel en conclut que la société [...] a bénéficié du transfert gracieux du fonds [...] sans aucune contrepartie à la société ICDH ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et, en se déterminant par des motifs dont il résulte que le prévenu, qui gérait les deux sociétés, a transféré un actif de la société ICDH à la société [...], sans que la première ait reçu de contrepartie, a caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 130-1, 132-1 et 132-20 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. C... à une peine d'emprisonnement de 8 mois assortie du sursis et à une peine d'amende de 20 000 euros ;
" 1°) alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en prononçant à l'encontre de M. C... une peine d'emprisonnement avec sursis sans s'expliquer sur sa personnalité et sa situation personnelle, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
"2°) alors que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; qu'en prononçant une peine d'amende sans s'expliquer la situation personnelle de M. C... et sur le montant de ses ressources et de ses charges, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ;"
Attendu que pour condamner M. C... à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende, l'arrêt énonce, après avoir relevé que celui-ci a un casier judiciaire vierge, que cette peine prononcée par les premiers juges paraît correspondre à une sanction juste, adaptée, personnalisée, individualisée et nécessaire comme imposée par la loi, les peines prononcées à l'encontre des trois prévenus étant par ailleurs équilibrées entre elles ; que les juges retiennent qu'il convient d'ajouter une peine d'amende de 20 000 euros à l'encontre de M. C..., personnage qui a brassé beaucoup d'affaires, n'a pas hésité à confondre le patrimoine des sociétés dont il a eu la responsabilité avec son propre patrimoine, en tirant ainsi des revenus considérables, et qui a repris une activité d'expert immobilier ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par des énonciations relatives tant à la gravité des faits qu'à la personnalité du prévenu ainsi qu'à sa situation personnelle, et notamment sa situation professionnelle et ses revenus, la cour d'appel a justifié sa décision conformément aux exigences de l'article 132-19 du code pénal ;
Que dès lors le moyen est infondé ;
III - Sur le pourvoi de M. H... :
Sur le premier et le deuxième moyens de cassation ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 130-1, 132-1 et 132-20 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... H... à une peine d'emprisonnement de dix mois assortie du sursis et à une peine d'amende de 20 000 euros ;
"1°) alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en prononçant à l'encontre de M. H... une peine d'emprisonnement avec sursis sans s'expliquer sur sa personnalité, autre que son casier judiciaire, ni sur sa situation personnelle, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
"2°) alors que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; qu'en prononçant une peine d'amende sans s'expliquer sur la situation personnelle de M. H... et sur l'état actuel de ses ressources et de ses charges, autrement qu'en se référant aux anciens profits dégagés avant sa liquidation judiciaire, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision" ;
Attendu que pour condamner M. H... à dix mois d'emprisonnement avec sursis et à 20 000 euros d'amende, l'arrêt énonce que le prévenu est le seul à ne pas avoir de casier judiciaire vierge et, par ailleurs, apparaît comme ayant eu un rôle très important dans tout le volet du dossier relatif à la tentative d'escroquerie et aux délits connexes de complicité, d'abus de bien social et de recel, dans la mesure où c'est lui qui maîtrisait sans doute le mieux les aspects juridiques et fiscaux des dossiers "loi Malraux" ; que les juges ajoutent que la peine d'amende de 20 000 euros prononcée en première instance apparaît avoir justement tenu compte de la gravité des faits, de l'importance considérable des sommes en cause, mais aussi de la situation du prévenu qui, même s'il a aujourd'hui été placé en liquidation judiciaire, a eu un parcours professionnel l'ayant amené à dégager des profits considérables qui lui permettront de faire face à cette condamnation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs qui prennent en compte la personnalité et la situation personnelle du prévenu, ainsi que ses ressources et ses charges, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de P... F... :
CONSTATE l'extinction de l'action publique à l'égard de P... F... ;
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;
II - Sur les pourvois de MM. C... et H... :
Les REJETTE ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. H... devra payer à l'Etat français au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf janvier deux mille vingt.