LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 janvier 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 65 F-D
Pourvoi n° T 18-23.778
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2020
La société [...], société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° T 18-23.778 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2017 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Y... P..., domiciliée [...] ,
2°/ à la société Barbier automobiles, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Clara automobiles La Rochelle, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , ayant un établissement [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société [...], de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Barbier automobiles, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Donne acte à la société [...] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Clara automobiles La Rochelle ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1648 du code civil, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 7 mars 2014, Mme P... (l'acquéreur) a acquis de la société Barbier automobiles (le vendeur) un véhicule d'occasion de marque Peugeot, mis en circulation le 28 mai 2010 par la société [...] (le fabricant) ; qu'à la suite d'une panne, l'acquéreur, alléguant l'existence d'un vice caché, a assigné le vendeur et le fabricant en référé aux fins d'expertise, par actes des 9 et 10 février 2016 ; que le vendeur a, suivant conclusions signifiées le 26 mai 2016, conclu au rejet des demandes de Mme P... et appelé le fabricant en garantie ;
Attendu que, pour dire recevable l'appel en garantie formé par le vendeur contre le fabricant, l'arrêt retient que ce dernier ne peut alléguer d'une prescription sur le fondement des règles mises en oeuvre pour l'action directe de la victime du vice caché, les demandes formées par le vendeur intermédiaire relevant de l'action récursoire contre le précédent vendeur ou fournisseur, et qu'en cette hypothèse, le point de départ du délai de cette action est constitué par la date de l'assignation lui ayant été délivrée au fond ; qu'il relève que, dès lors que l'action de l'acquéreur a été engagée début 2016, l'action en garantie du vendeur contre le fabricant formée par conclusions du 26 mai 2016 n'était pas prescrite ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ du délai de la prescription extinctive prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce courait à compter de la vente initiale, intervenue le 28 mai 2010, de sorte que l'action récursoire du vendeur intermédiaire contre le fabricant, formée par conclusions signifiées le 26 mai 2016, était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes précités ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit recevable la demande en garantie formée par la société Barbier automobiles à l'égard de la société [...], l'arrêt rendu le 23 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne Mme P... et la société [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société [...]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit recevables les demandes de la société Barbier Automobiles présentées à titre subsidiaire tendant à être garantie par la société [...] ;
AUX MOTIFS QUE la société Peugeot Automobiles oppose à la société Barbier la prescription de son action récursoire à son encontre ; que la société Barbier Automobiles a sollicité pour la première fois la condamnation de la société [...] aux termes de conclusions signifiées le 26 mai 2016 ; que la société [...] ne peut alléguer d'une prescription sur le fondement des règles mises en oeuvre pour l'action directe de la victime du vice puisque les demandes présentées par la société BARBIER AUTOMOBILES relèvent de l'action récursoire contre le précédent vendeur ou fournisseur ; qu'en effet dans ce cas, le point de départ du délai d'action est constitué par la date de l'assignation au fond lui ayant été délivrée (Civ. I, 4 janvier 1979, Bull. civ. I n° 8, Com 15 décembre 1986, Bull. civ. IV n° 240, Civ. III, 20 octobre. 2004, n° Pourvoi 02-21576) ; que dès lors que l'action de Mme P... a été engagée début 2016, le recours de la société Barbier Automobiles contre la société [...] par demandes formulées par conclusions du 26/05/2016 n'est pas prescrite ; qu'en conséquence, la société [...] participera aux opérations d'expertise en tant que de besoin au regard du recours récursoire de la société Barbier Automobiles ;
ALORS QUE si l'action en garantie des vices cachés peut être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, elle est toutefois enfermée dans le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce qui court à compter de la vente initiale ; qu'en conséquence, l'action fondée sur la garantie des vices cachés engagée par le vendeur intermédiaire contre le fabricant plus de cinq ans après la vente initiale doit être jugée irrecevable ; qu'en l'espèce, il était constant que le véhicule Peugeot 3008 acquis par Mme P... auprès de la société Barbier Automobiles le 7 mars 2014 avait été mis en circulation par la société [...] le 28 juin 2010 ; qu'il était pareillement constant qu'assignée en garantie des vices cachés par Mme P... au début de l'année 2016, la société Barbier Automobiles avait elle-même exercé une action récursoire à l'encontre de la société Peugeot automobiles par conclusions signifiées le 26 mai 2016, soit plus de cinq ans après la vente initiale ; qu'en jugeant cependant, pour la déclarer recevable, que le point de départ du délai de l'action récursoire exercée par la société Barbier Automobiles était constitué par la date d'assignation lui ayant été délivrée par Mme P..., la cour d'appel qui n'a pas constaté que l'action récursoire de la société Barbier Automobiles avait bien été engagée dans le délai de 5 ans de la vente initiale, a violé l'article 1648 du code civil, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce.