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22/01/2020 | FRANCE | N°18-21210

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 janvier 2020, 18-21210


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 54 F-D

Pourvoi n° B 18-21.210

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2020

M. H... G..., domicilié [...] , exerçant sous l'enseigne Sono d'Ary

, a formé le pourvoi n° B 18-21.210 contre l'arrêt rendu le 28 février 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 54 F-D

Pourvoi n° B 18-21.210

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2020

M. H... G..., domicilié [...] , exerçant sous l'enseigne Sono d'Ary, a formé le pourvoi n° B 18-21.210 contre l'arrêt rendu le 28 février 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à M. O... C..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. G..., de Me Occhipinti, avocat de M. C..., après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 février 2018), M. C..., exerçant sous l'enseigne Sonic animations, a fait appel pour l'animation d'événements à M. G..., qui exploite sous l'enseigne Sono d'Ary une activité de location de matériel de sonorisation et d'éclairage.

2. Soutenant que M. C... demeurait débiteur d'une somme afférente à une prestation réalisée en mai 2015 et avait, courant juillet et août 2015, annulé tardivement diverses prestations, M. G... l'a assigné en paiement de factures et en indemnisation.

Examen de la recevabilité du pourvoi

3. La recevabilité du pourvoi est contestée en défense.

4. Aux termes de l'article 612 du code de procédure civile, le délai de pourvoi en cassation est de deux mois, sauf disposition contraire.

5. Le délai ne court qu'à compter de la signification régulière de la décision.

6. L'arrêt a été signifié à M. G... le 5 avril 2018, à une adresse différente de celle figurant dans le jugement ainsi que dans l'arrêt, et la simple mention de son nom sur une boîte aux lettres n'est pas de nature, en l'absence d'autre diligence, à établir la réalité du domicile du destinataire, de sorte que le délai n'a pas couru.

7. Le pourvoi déposé le 10 août 2018 est donc recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. M. G... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, « que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour faire droit à l'appel de M. C... et réformer le jugement entrepris l'ayant condamné à payer à M. G... la somme de 4 980 euros au titre du paiement de prestations annulées en méconnaissance du délai de prévenance, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de production du contrat passé entre les deux parties au sujet d'une prestation non payée ; qu'en statuant ainsi, quand ces pièces avaient été produites en première instance et que l'omission de ces pièces en cause d'appel n'avait pas fait l'objet d'un débat contradictoire, la cour d'appel a méconnu l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16, alinéa 1er, du code de procédure civile :

9. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

10. Pour rejeter la demande de M. G... en paiement de ses prestations, l'arrêt retient que, si l'existence des contrats n'est pas contestée, leur absence de production ne permet pas de vérifier l'existence d'une clause de prévenance, alors que leur production incombait à celui-ci, demandeur initial n'ayant pas conclu au fond devant la cour d'appel ni déposé de pièces.

11. En statuant ainsi, alors que ces pièces avaient été produites en première instance par M. G... et figuraient sur le bordereau de ses conclusions devant le conseiller de la mise en état, et que leur omission au fond en cause d'appel n'avait pas fait l'objet d'un débat contradictoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. G....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris sur la condamnation de M. C... à payer à M. G... la somme de 4 980 euros plus intérêts au taux légal à compter du 24 août 2015, d'avoir dit n'y avoir lieu de condamner M. C... au paiement de la somme de 4 980 euros avec intérêts en faveur de M. G... au titre de paiement d'une prestation exécutée et de prestations annulées, d'avoir condamné M. G... à payer à M. C... une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de l'avoir condamné aux entiers dépens de première instance d'appel ;

Aux motifs que le tribunal a condamné M. C... pour une prestation exécutée le 15 mai 2015 mais non payée et pour sept prestations prévues par la suite non réalisées mais annulées sans respect du délai contractuel ; que s'agissant de la prestation réalisée le 15 mai 2015, il résulte des échanges de messages avec Mme J... U..., cliente de Sonic Animations ayant commandé la prestation pour un mariage, intervenue les 20 et 21 mai 2015, que la prestation confiée à M. G... ne s'est pas passée de manière satisfaisante, que ce soit au niveau de la musique passée ou au niveau des éclairages prévus ; que les doléances de Mme U... sont corroborées par les déclarations de M. Q... K... qui a assuré la prestation avec M. G... le 15 mai 2015, le litige financier l'opposant à M. G... ne pouvant expliquer son attestation car elle correspond aux doléances de la cliente ; que M. C... était donc en droit de refuser de payer la prestation prévue alléguée de 540 euros à M. G... en application de l'exception d'inexécution ; qu'à ce jour, en l'absence de production du contrat passé entre les deux parties au sujet de cette prestation, ce qui ne permet pas à la cour d'apprécier l'importance de l'inexécution par rapport à la prestation prévue, il n'y a pas lieu à condamnation de M. C... au paiement de la somme de 540 euros à ce titre ; que s'agissant des huit prestations suivantes, pour lesquelles le tribunal a condamné M. C... à paiement malgré leur inexécution, au motif qu'elles ont été annulées le matin-même et en tout cas sans respect du délai contractuel, l'existence de ces contrats n'est pas contestée, mais en l'absence de production des contrats, l'existence d'une clause de prévenance ne peut être vérifiée par la cour, alors que la production des contrats incombe à M. G..., demandeur initial, non comparant, n'ayant pas conclu au fond devant la cour et n'ayant pas déposé de pièces ; que par ailleurs, il n'est pas établi que M. C... ait annulé les contrats conclus le matin-même du jour prévu de réalisation des prestations, et qu'il résulte de l'échange de messages intervenu entre M. G... et M. C... le 27 juin 2015 que cette affirmation est fausse pour les contrats devant être exécutés après le 27 juin 2015 jusqu'au 8 août 2015 car M. C... y indiquait à M. G... qu'il annulait tous les contrats signés entre eux pour des dates à venir, suite au désaccord les opposant concernant la prestation du 15 mai 2015 ; que s'agissant des prestations prévues pour le 20 juin et le 27 juin 2005, il résulte de l'échange du 2 juin 2015 que les parties étaient en désaccord sur le paiement de la prestation du 15 mai 2015 que M. C... refusait de payer à M. G... et que ce dernier l'informait qu'il allait saisir un huissier, que le 17 juin 2015 que M. C... a renouvelé son refus de payer la prestation du 15 mai 2015 exécutée de manière non satisfaisante selon lui car il avait dû rembourser partie de la somme payée à la cliente, et qu'il ressort de l'échange de messages du 27 juin 2015 que M. C... contestait avoir annulé la prestation du 20 juin 2015 le matin dudit 20 juin ; que le litige né de la prestation du 15 mai 2015, dont il est certain qu'il était né le 2 juin 2005, crédibilise la thèse de M. C... affirmant que M. G... ne s'est pas présenté le 20 juin 2015 pour réaliser la prestation prévue, et que M. G..., qui reconnaît ne pas s'être présenté le 20 juin 2015 puisqu'il réclamait paiement de cette prestation devant le tribunal pour défaut de respect du délai de prévenance, ne prouve pas que son absence est due à une annulation venant de M. C... ; qu'enfin, la mauvaise exécution de la prestation prévue le 15 mai 2015 et l'absence de M. G... à la prestation du 20 juin 2015 autorisaient M. C... à rompre les contrats prévus aux périodes suivantes, cette rupture n'étant pas abusive ; que pour l'ensemble de ces motifs, il n'y pas lieu de condamner M. C... à payer la prestation exécutée du 15 mai 2015 et les huit prestations prévues et non exécutées entre le 20 juin 2015 et le 9 août 2015 ; que le jugement sera donc infirmé sur la condamnation de M. C... à paiement des prestations en cause pour 4 980 euros ;

Alors 1°) que constituent des conclusions au sens des articles 908 et 909 dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 et au sens de l'article dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 toutes celles remises au greffe de la cour d'appel et notifiées dans les délais prévus par ces deux premiers textes, qui déterminent l'objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l'instance ; qu'en l'espèce, par conclusions du 28 novembre 2016, M. C..., appelant, a conclu à l'annulation du jugement entrepris en raison de la nullité de l'assignation et, subsidiairement, à l'infirmation du jugement l'ayant condamné au paiement de la somme de 4 980 euros à M. G... et à la confirmation du jugement ayant débouté ce dernier de ses demandes de dommages et intérêts ; que dans ses conclusions régulièrement déposées le 10 janvier 2017 devant le conseiller de la mise en état, et auxquelles était annexé un bordereau de communication de pièces visant les contrats inexécutés, M. G..., intimé, a conclu au rejet de l'ensemble des prétentions de l'appelant ; qu'en retenant que M. G... n'avait pas conclu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

Alors 2°) et en tout état de cause, qu'une cour d'appel ne peut statuer sur le fond alors qu'une partie, qui n'a conclu que devant le conseiller de la mise en état sur un incident porté devant lui, n'a reçu aucune injonction de conclure au fond ; qu'en l'espèce, M. G..., qui avait conclu devant le conseiller de la mise en état le 10 janvier 2017 tant sur le fond que sur l'incident soulevé par M. C... tiré de la nullité du jugement en raison de la nullité de l'acte introductif d'instance, sur laquelle le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 12 avril 2017, s'était déclaré incompétent et avait renvoyé la contestation devant la cour d'appel, n'a pas été invité à conclure à nouveau devant la cour d'appel ; qu'en retenant que M. G... n'avait pas conclu et en statuant néanmoins sur le fond du litige, la cour d'appel a méconnu l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour faire droit à l'appel de M. C... et réformer le jugement entrepris l'ayant condamné à payer à M. G... la somme de 4 980 euros au titre du paiement de prestations annulées en méconnaissance du délai de prévenance, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de production du contrat passé entre les deux parties au sujet d'une prestation non payée ; qu'en statuant ainsi, quand ces pièces avaient été produites en première instance et que l'omission de ces pièces en cause d'appel n'avait pas fait l'objet d'un débat contradictoire, la cour d'appel a méconnu l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors 4°), en tout état de cause, que l'exception d'inexécution suppose une inexécution d'une gravité suffisante ; qu'en l'espèce, pour infirmer le jugement ayant condamné M. C... à payer à M. G... la somme de 4 980 euros au titre des prestations annulées en méconnaissance du délai de prévenance conclu entre les parties, la cour d'appel a retenu qu'elle ne pouvait apprécier l'importance de l'inexécution par rapport à la prestation prévue, et que M. C... avait refusé de payer la prestation du 15 mai 2015 dès lors qu'il avait dû rembourser à la cliente une partie de la somme que cette dernière avait payée ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'inexécution invoquée était d'une gravité suffisante pour justifier le non-paiement de l'intégralité du prix de la prestation à M G..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Alors 5°) que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour imputer à M. G... l'inexécution de ses obligations contractuelles justifiant la mise en oeuvre d'une exception d'inexécution, M. C... produisait un échange de courriels des 20 et 21 mai 2015 avec sa cliente, Mme U..., insatisfaite d'une prestation confiée à M. G... accomplie le 15 mai 2015 ; qu'il résultait de cet échange que M. C... avait indiqué à Mme U..., le 21 mai 2015, avoir lui-même mis un terme à sa collaboration avec M. G... ; qu'en retenant qu'il résultait de ce même échange que la prestation du 15 mai 2015 confiée à M. G... ne s'était pas passée de manière satisfaisante et que ce litige crédibilisait la thèse de M. C... selon laquelle M. G... ne s'était pas présenté le 20 juin 2015 et ne prouvait pas que son absence aurait été due à une annulation venant de M. C..., la cour d'appel, qui s'est expressément fondée sur le courriel du 21 mai 2015 dont il ressortait que M. C... avait lui-même cessé de travailler dès cette date avec M. G..., l'a dénaturé et a ainsi méconnu le principe susvisé ;

Alors 6°) que l'inexécution d'une convention peut être justifiée, si le cocontractant n'a lui-même pas satisfait à une obligation contractuelle, même découlant d'une convention distincte, dès lors que l'exécution de cette dernière est liée à celle de la première ; qu'en se bornant à affirmer que la mauvaise exécution de la prestation prévue le 15 mai 2015 et l'absence de M. G... à la prestation du 20 juin 2015 autorisaient M. C... à rompre des contrats distincts relatifs à d'autres prestations devant être effectuées ultérieurement par M. G..., et que cette rupture n'était pas abusive, sans caractériser l'existence d'un quelconque lien entre ces conventions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-21210
Date de la décision : 22/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 28 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 jan. 2020, pourvoi n°18-21210


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21210
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